Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2336/2014

ATA/639/2014 du 19.08.2014 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2336/2014-FPUBL ATA/639/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 août 2014

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

CHEFFE DE LA POLICE



EN FAIT

1) Le 31 juillet 2012, Monsieur B______, de nationalité géorgienne, a été appréhendé et mis en salle d’audition par la police de la sécurité internationale, à l’aéroport.

Suite à cette intervention, les caporaux C______, D______ainsi que les appointés E______et F______ont adressé une note interne, datée du 4 août 2012, à l’attention du capitaine G______, chef de l’unité « Aéroport ». Le jour de son interpellation, la personne interpellée s’était tapée volontairement la tête à plusieurs reprises contre les murs de la salle d’audition avant que les représentants des forces de l’ordre aient pu intervenir. Lors de l’intervention dans la salle d’audition pour tenter de le calmer, Monsieur A______, sergent major, avait donné plusieurs gifles à l’individu en question pour une raison indéterminée.

2) Le 23 avril 2013, le capitaine H______, a transmis au major I______, chef de la police de la sécurité internationale (ci-après : PSI), le rapport précité. Ces faits, qui lui avaient été relatés par l’appointé E______, s’étaient déroulés alors que l’unité aéroport était dirigée par le capitaine G______, et non par lui-même.

3) Le 23 septembre 2013, le capitaine G______ a transmis une note de service à la cheffe de la police, à laquelle était annexée la note du 4 août 2012. À l’époque, il s’était entretenu avec M. A______ dont la position était totalement contradictoire à celle des dénonciateurs en ce qui concernait les gifles. Il n’avait pas jugé utile de donner suite à l’affaire en question. Il faisait suivre le dossier maintenant car il avait appris que ce genre de situation devait être dénoncé. Il proposait soit qu’une procédure disciplinaire soit ouverte, soit que le dossier soit transmis à l’inspection générale des services pour enquête.

Selon le timbre humide figurant au dos de cette note, elle a été reçue par le secrétariat de la cheffe de la police le 25 septembre 2013.

4) Le 15 octobre 2013, la cheffe de la police a transmis le dossier au service juridique de la police en indiquant qu’il y avait lieu de dénoncer l’affaire au Procureur général.

5) Le 2 décembre 2013, la cheffe de la police a adressé au Procureur général une dénonciation relatant les faits précités.

6) À la demande du Procureur général, l’inspection générale des services a procédé à une enquête, et dressé un rapport, lequel a été transmis à la cheffe de la police le 3 mars 2014.

En substance, trois des dénonciateurs avaient confirmé avoir vu M. A______ gifler M. B______, et l’avait dénoncé pour se couvrir dans l’hypothèse où ce dernier porterait plainte. De son côté, M. A______ contestait avoir eu un contact physique avec la personne interpellée.

M. B______ avait été détenu dix jours à la prison de Champ-Dollon puis remis aux autorités vaudoises, lesquelles l’avaient incarcéré aux établissements de la Plaine de l’Orbe avant de le refouler en Géorgie le 2 octobre 2012. Il n’avait pas déposé plainte et n’avait plus été signalé en Suisse.

7) Le 8 avril 2014, la cheffe de la police a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de M. A______ et de l’entendre personnellement.

8) Le 15 mai 2014, la cheffe de la police a convoqué M. A______ afin de l’entendre, le 4 juin 2014.

9) Par télécopie du 2 juin 2014, le conseil de M. A______ a demandé le report de l’audition.

10) Le 9 juillet 2014, la cheffe de la police a convoqué l’intéressé, assisté de son avocat, pour les entendre, le 27 août 2014.

11) Le 18 juillet 2014, M. A______, agissant par la plume de son conseil, a demandé à la cheffe de la police de constater que la procédure disciplinaire était prescrite et d’annuler l’audition du 27 août 2014.

12) Le 30 juillet 2014, la cheffe de la police a maintenu l’audition de son mandant au 27 août 2014. Elle n’avait eu connaissance des faits reprochés à M. A______ qu’à réception de la note du 23 septembre 2013, soit le 25 septembre 2013.

13) Le 11 août 2014, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre « la décision du 30 juillet 2014 de la cheffe de la police », concluant à ce que cette dernière soit annulée et à ce que la prescription de l’action disciplinaire soit constatée. Une indemnité équitable pour les frais indispensables au recours devait lui être allouée.

Le même jour, l’intéressé a informé la cheffe de la police du dépôt du recours, sollicitant, compte tenu de l’effet suspensif, l’annulation de l’audition fixée au 27 août 2014.

14) Le 12 août 2014, la chambre administrative a transmis le recours à la cheffe de la police, pour information, l’invitant à faire parvenir son dossier par retour du courrier.

15) Le 15 août 2014, la cheffe de la police a transmis l’intégralité du dossier à la chambre administrative. Elle a de plus sollicité le retrait de l’effet suspensif lié au recours.

Cette requête a été transmise, pour information, au recourant.

EN DROIT

1) Interjeté devant l'autorité compétente et dans le délai de dix jours prescrit par l'art. 62 al. 1 let b. de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le recours est recevable sous ces deux aspects (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Selon l'art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes peuvent faire l’objet d’un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

Cette disposition légale a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

Pour qu’une procédure soit « longue et coûteuse », il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels. Tel peut être le cas lorsqu'il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l'audition de très nombreux témoins, ou encore l'envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (arrêt du Tribunal fédéral 5A_844/2013 du 10 janvier 2014 et la jurisprudence citée ; Bernard CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, ad art. 93 LTF n. 31 p. 1078). Dans l’appréciation à faire, seule la procédure probatoire entre en considération, à l'exception de l'étude des questions de fond par les parties, de la rédaction d'écritures, de la préparation de plaidoiries ou encore du temps nécessaire pour que le tribunal statue à nouveau (cf. arrêts 4A_632/2012 du 21 février 2013 consid. 2.2 ; 4A_210/2010 du 1er octobre 2010 consid. 3.3.1, non publié in ATF 136 III 502).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/98/2014 du 18 février 2014 consid. 3 ; ATA/715/2013 du 29 octobre 2013 consid. 3 ; ATA/65/2012 du 31 janvier 2012 ; ATA/365/2010 du 1er octobre 2010 consid. 3b).

3) En l’espèce, le recourant ne soutient pas, à juste titre, que la décision litigieuse pourrait lui causer un préjudice irréparable au sens de la première phrase de l'art. 57 let. c LPA.

Au surplus, l’instruction que va devoir mener la cheffe de la police ne peut être qualifiée de longue et coûteuse : il s’agira d’entendre le recourant et, le cas échéant, quatre témoins, étant précisé que l’audition de M. B______, cas échéant au moyen d’une commission rogatoire, apparaît d’ores et déjà vaine et inenvisageable.

4) Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable, sans instruction (art. 72 LPA). Le prononcé du présent arrêt rend la demande de retrait de l’effet suspensif sans objet.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 11 août 2014 par Monsieur A______ contre la décision de la cheffe de la police du 30 juillet 2014 ;

met à la charge Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant, ainsi qu'à la cheffe de la police.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :