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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/596/2012

ATA/607/2012 du 11.09.2012 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/596/2012-FPUBL ATA/607/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 septembre 2012

 

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Daniel Kinzer, avocat

contre

LA CHEFFE DE LA POLICE


EN FAIT

Monsieur X______, né en 1987, est inspecteur de la police judiciaire depuis le ______ 2009.

Le 8 avril 2011, M. X______ a circulé au guidon de son motocycle en dépassant de 37 km/h, marge de sécurité déduite, la vitesse maximale autorisée, soit 80 km/h.

Le Ministère public de l'arrondissement de la Côte, dans le canton de Vaud, a prononcé une ordonnance pénale reconnaissant l’intéressé coupable d'une violation grave des règles de la circulation routière et le condamnant à seize jours-amende avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de CHF 400.-. Il a mis à sa charge CHF 200.- de frais.

L'office cantonal des automobiles et de la navigation du canton de Genève (ci-après : OCAN) lui a retiré son permis de conduire pour une durée de trois mois par décision du 16 mai 2011.

Non contestées, ces décisions sont devenues définitives et exécutoires.

Le 18 mai 2011, M. X______ a adressé une note de service au chef de la police judiciaire, l'informant des événements mentionnés ci-dessus.

Il avait décidé de commencer à exécuter sa période de retrait de permis de conduire de manière anticipée, soit le jour-même, car il disposait d'un bloc de jours de vacances, de congé spécial, d'heures rendues, de liberté et de repos du 9 juin au 18 juillet 2011. Il récupérerait son permis de conduire le 18 août 2011, soit à la veille du début du « pool de nuit » auquel il était astreint. Il travaillerait dès lors trente-huit jours, sans possibilité de conduire de véhicule, ce qui, selon son chef de groupe et selon l'état-major de la brigade, n'aurait pas d'incidence sur la marche du service. Il regrettait son infraction, sans chercher à en minimiser les conséquences, et avait pris conscience d'avoir commis une erreur, qui ne se reproduirait pas.

Le 14 juin 2011, le chef de la police judiciaire a adressé à M. X______ une « mesure organisationnelle », qui serait versée à son dossier personnel. Du fait de ce prononcé, aucune sanction disciplinaire ne serait prise à son encontre.

M. X______ a reçu copie de ce document et en a pris connaissance le 25 juillet 2011, selon la mention figurant en pied-de-page.

Par décision du 1er septembre 2011, la cheffe de la police a décidé de révoquer la mesure organisationnelle prononcée le 14 juin 2011 par le chef de la police judiciaire, d'ordonner l'ouverture d'une enquête disciplinaire et d'entendre personnellement M. X______ dans ce cadre.

Le chef de la police adjoint avait été informé de la procédure le 29 juillet 2011. Le comportement de M. X______ était susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire.

Cette décision, communiquée à M. X______, ne mentionnait pas de voie ni de délai de recours.

Le 15 décembre 2011, M. X______ a été entendu par Madame la cheffe de la police.

Il avait pris conscience de la gravité des faits et avait compris la raison de l'ouverture d'une procédure disciplinaire. Il avait suivi un cours de conduite et pris toutes les mesures pour minimiser l'impact du retrait de permis sur le fonctionnement du service.

Au terme de son audition, un délai de dix jours lui a été accordé afin qu'il puisse, le cas échéant, se déterminer.

Par décision du 20 janvier 2012, Madame la Cheffe de la police a infligé un blâme à M. X______. Les faits survenu le 8 avril 2011 étaient établis et admis par l'intéressé. La faute revêtait une certaine gravité, sans qu'elle n'ait toutefois eu de conséquences concrètes. M. X______ semblait avoir saisi la portée de son acte et pris les mesures pour ne plus commettre d’autres excès de vitesse et il avait louablement minimisé l'impact de son comportement sur l'institution et sur ses collègues.

Cette décision, mentionnant les voies de droit, a été remise à M. X______ le 24 janvier 2012.

Par acte du 23 février 2012, M. X______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre la décision incidente du 1er septembre 2011 et contre celle du 20 janvier 2012 lui infligeant un blâme.

La décision incidente avait été « absorbée » par la décision finale et devait être attaquée avec elle.

Les conditions nécessaires à la révocation de la décision du 14 juin 2011 n'étaient pas remplies. La mesure organisationnelle avait un caractère disciplinaire et le principe ne bis in idem s'opposait à ce que deux sanctions soient prononcées pour la même infraction.

De plus, le blâme qui lui avait été infligé violait le principe de la proportionnalité au vu des mesures qu’il avait prises ainsi que des sanctions pénales et administratives qui lui avaient déjà été infligées.

Le 26 mars 2012, Madame la cheffe de la police a conclu à ce que le recours soit déclaré irrecevable en tant qu'il visait la décision du 1er septembre 2011 et rejeté en ce qu'il concernait le prononcé du blâme.

Ni le prononcé, ni la révocation d'une mesure organisationnelle n'étaient sujets à recours. La cheffe de la police n'avait pas reconsidéré une décision qu'elle avait prise mais bien révoqué une décision erronée d'un chef de service que celui-ci ne pouvait prendre, selon l'ordre de service pertinent, sans validation préalable.

Selon sa pratique, elle infligeait une sanction disciplinaire lorsqu’un policier avait commis une violation grave des règles de la circulation routière entraînant un retrait de permis obligatoire.

Il n'était pas contesté que M. X______ avait eu « un comportement de repentir louable ». Malgré cela, une sanction disciplinaire minimale, soit un blâme, s’imposait au vu de la gravité de la faute commise.

Dans le délai qui lui avait été accordé pour exercer son droit à la réplique, M. X______ a maintenu ses conclusions antérieures.

La mesure organisationnelle, de la compétence du chef de service, avait un caractère disciplinaire.

Quatre de ses collègues s'étaient vu retirer leur permis de conduire et n'avaient pas été sanctionnés disciplinairement. Ils requérait leur audition dans l’hypothèse où l’autorité intimée le contesterait.

Le 16 avril 2012, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours contre la décision du 20 janvier 2012, soit contre le blâme, est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La recevabilité du recours, en ce qu’il conclut à l’annulation de révocation de la mesure organisationnelle litigieuse, doit ensuite être examinée.

a. Selon l’art 36 al. 1 de la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05), les inspecteurs de la police judiciaire peuvent se voir infliger, à titre de sanction disciplinaire et suivant la gravité du cas, un blâme, des services hors tour, une réduction de traitement pour une durée déterminée, une dégradation ou être révoqués. Le chef de la police est compétent pour prononcer le blâme et les services hors tour (al. 2).

Avant le prononcé d’un blâme, l'intéressé doit être entendu par le chef de la police et invité à se déterminer sur les faits qui lui sont reprochés. Il peut se faire assister d'un représentant de son association professionnelle (art. 37 al. 1 LPol).

b. D’une part, les art. 13 et 14 du règlement d'application de la loi sur la police du 25 juin 2008 (RPol - F 1 05.01), qui en constituent le chapitre VI, traitent de la mesure organisationnelle. Cette dernière peut être prise par le chef de service en vue d’améliorer le fonctionnement de son service, et tout manquement d’un fonctionnaire de police à ses devoirs peut en faire l’objet (art. 13 al. 1 et al. 2 RPol). Une telle mesure ne peut constituer un antécédent dans le cadre d'une procédure disciplinaire et n'est pas sujette à recours (art. 13 al. 3 RPol).

Elle prend la forme d’une annotation au dossier de la personne concernée, la procédure étant au surplus régie par les ordres de service (art. 14 RPol).

D’autre part, selon les art. 15 et 16 RPol, les manquements d’un fonctionnaire de la police à ses devoirs peuvent faire l’objet d’une sanction disciplinaire, dont la procédure est réglée par la loi et les ordres de service.

c. L’ordre de Service DERS I 2.04 du 19 septembre 2008 (ci-après : l’ordre de service), intitulé « mesures organisationnelles à l’encontre des policiers et du personnel doté d’un pouvoir d’autorité », définit cette mesure comme étant un outil de gestion du personnel à disposition des chefs de service pour améliorer le fonctionnement d’un service.

Lorsqu’un manquement est commis, le cas doit être signalé au chef de service, qui le transmet au chef de la police. S’il s’agit d’une infraction pénale, soit un délit ou crime, l’officier de police de service doit être immédiatement avisé, ce dernier devant transmettre l’information à brève échéance au chef de la police, étant précisé que le cumul entre une procédure pénale et une mesure organisationnelle est possible.

La procédure définie par l’ordre de service peut se résumer ainsi :

le collaborateur et sa hiérarchie ont un entretien et remplissent un formulaire ;

le collaborateur dispose de dix jours pour émettre des observations ;

la mesure projetée est soumise au chef de la police adjoint pour aval ;

à réception du préavis positif, la mesure organisationnelle est prononcée puis notifiée par le chef de service.

Il ressort de ce qui précède qu’une mesure organisationnelle n’a pas, en soi, un caractère disciplinaire. En application du principe du parallélisme des formes, qui consiste à soumettre la révision d'un acte à la même procédure que son adoption, la révocation d’une telle mesure ne peut faire l’objet d’un recours.

Partant, le recours est irrecevable sur ce point.

Le recourant ne conteste pas avoir enfreint ses devoirs de service et a répété à réitérées reprises ne pas minimiser son acte. Il soutient qu’en application du principe de la proportionnalité, aucune sanction ne devait lui être infligée.

a. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (Arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2 ; 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doivent être appropriés au genre et à la gravité de la violation reprochée à l’intéressé et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. A cet égard, l’autorité - qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation - doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de l’institution et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121) afin qu’elle soit de nature à éviter une récidive et à amener le fautif à adopter à l’avenir un comportement conforme à ses devoirs professionnels (G. BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in Revue Jurassienne de Jurisprudence 1998, p. 55, et les références citées).

b. Le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à contrôler l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/192/2012 du 3 avril 2012 ; ATA/142/2011 du 8 mars 2011 ; ATA/395/2004 du 18 mai 2004 ; ATA/102/2002 du 19 février 2002).

En infligeant au recourant la sanction disciplinaire la moins grave, soit un blâme, l’autorité intimée a tenu compte, sans abuser ou excéder son pouvoir d’appréciation, de l’ensemble des circonstances. Le recourant a gravement violé les règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 ch. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), commettant un délit selon la définition de l’art. 10 ch. 2 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). L’autorité intimée à tenu compte de son absence d’antécédent, des mesures qu’il a prises pour limiter les conséquences de son acte sur le fonctionnement de son service et du cours de conduite auquel il s’est astreint, admettant qu’il avait pris conscience de la gravité de son acte.

En conséquence, ce grief sera rejeté.

Selon le recourant, la sanction violerait le principe de l’égalité de traitement. Quatre de ses collègues, cités nommément, n’avaient pas été sanctionnés disciplinairement entre 2002 et 2007 ou 2008, après que leurs permis de conduire avaient été retirés.

a. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125 ; V. MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 260 ss).

b. Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de la disposition précitée lorsque la loi est correctement appliquée à son cas alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 115 Ia 93 ; 113 Ib 313). Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée, d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés (A. AUER, L’égalité dans l’illégalité, ZBl 1978, pp. 280 et ss 290 et ss).

En l’espèce, les infractions routières commises par des collègues du recourant et citées par ce dernier datent de quatre ans au minimum. Les explications de l’autorité intimée concernant sa pratique actuelle permettent d’admettre que, même si par hypothèse un policier avait échappé à une sanction disciplinaire après avoir commis une infraction grave en matière de circulation routière, M. X______ ne peut s’en prévaloir, au vu des principes rappelés ci-dessus.

L’autorité n’a ainsi pas violé le principe de l’égalité de traitement.

 

 

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de M. X______, qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 23 février 2012 par Monsieur X______ contre la décision de la cheffe de la police du 20 janvier 2012 ;

met à la charge de Monsieur X______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Kinzer, avocat du recourant, ainsi qu'à la cheffe de la police.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, MM. Dumartheray et Verniory, juges, M. Bonard, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Dentella Giauque

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :