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DAAJ/135/2024 du 28.11.2024 sur AJC/5001/2024 ( AJC ) , ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/2389/2024 DAAJ/135/2024 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU JEUDI 28 NOVEMBRE 2024 |
Statuant sur le recours déposé par :
Monsieur A______, domicilié ______ [GE],
contre la décision du 17 septembre 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. Par jugement JTPI/4884/2023 du 25 avril 2023, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment attribué à C______, épouse de A______ (ci-après : le recourant), la garde exclusive des trois enfants mineurs du couple, fixé un droit de visite en faveur du recourant, condamné celui-ci à verser en mains de son épouse les allocations pour enfants perçues de son employeur à compter du 21 décembre 2021 et dit que les montants manquants pour assurer l'entretien convenable des enfants se monteraient respectivement à 400 fr. mois, puis à 600 fr. par mois dès le 23 novembre 2023.
Dans cette décision, il a été retenu que les charges du recourant totalisaient 5'284 fr. (recte : 5'337 fr.) environ, incluant 1'200 fr. de montant de base OP, 3'900 fr. de loyer, 53 fr. de garantie de loyer, 113 fr. 80 de frais de chauffage, 70 fr. de frais de transport. Déduction faite des allocations pour enfants, le revenu du recourant s'élevait à 5'306 fr. 85 par mois. Ainsi, son disponible mensuel était de 22 fr. (recte : déficit de 30 fr. environ).
b. Le 16 septembre 2024, le recourant a sollicité l'assistance juridique pour sa défense à la procédure de divorce initiée par son épouse (cause C/1______/2024), cette dernière étant représentée par Me D______, avocat.
c. A l'appui de sa requête, il a notamment fourni des documents relatifs à sa situation financière. Il résulte notamment des fiches de salaire produites que le recourant, qui est fonctionnaire international, perçoit un salaire mensuel net de 7'780 fr., primes d'assurance-maladie pour lui-même et les enfants déduites. Le salaire précité inclut des allocations pour quatre enfants à charge, lesquelles totalisent 2'204 fr. par mois.
Le recourant a par ailleurs exposé qu'il vivait avec sa mère, née en 1952, et son fils majeur, né en 1999, dont il a indiqué qu'il poursuivait des études. Aucun revenu n’a été indiqué pour les précités. Le recourant a allégué qu'il prenait en charge 500 fr. de frais mensuels pour sa mère.
Concernant les frais de chauffage de son logement, le recourant a indiqué un montant mensuel de 170 fr. Le seul document qu'il a fourni à cet égard est une facture relative à des frais de maintenance du chauffage, d'un montant de 476 fr. 90 pour la période de janvier à avril 2024.
d. D'après les informations figurant au dossier de première instance, le fils majeur du recourant vit avec lui.
B. Par décision du 17 septembre 2024, notifiée le 7 octobre 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête précitée. En substance, elle a retenu que le recourant ne remplissait pas la condition d'indigence, ses revenus dépassant de 2'819 fr. le minimum vital élargi en vigueur à Genève. Le recourant disposait en effet de ressources mensuelles totales de 7'780 fr. Les charges mensuelles admissibles du recourant s'élevaient à 4'962 fr., comprenant la moitié du loyer, soit 1'950 fr., vu la colocation avec sa mère, 1'290 fr. de pensions alimentaires (recte : d'allocations pour enfants à reverser à la mère des enfants), 150 fr. de remboursement au SCARPA, 40 fr. de frais de chauffage mensualisés, 212 fr. de frais SIG, 70 fr. d'abonnement TPG et 1'000 fr. d'entretien personnel, le montant de base OP ayant été réduit au vu de la communauté de vie familiale, plus une majoration de 25% de ce dernier montant. Même en tenant compte de la totalité des frais de loyer dans le budget du recourant, son disponible mensuel s'élevait encore à 868 fr., ce qui était suffisant pour couvrir les frais de la procédure de divorce et les honoraires d'un avocat, au besoin par mensualités.
C. a. Recours est formé contre cette décision, par acte déposé le 14 octobre 2024 au greffe universel du Pouvoir judiciaire. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la procédure de divorce susvisée, avec suite de frais et dépens.
Le recourant produit des pièces nouvelles et invoque de nombreux faits non portés à la connaissance de l'autorité de première instance.
b. La vice-présidence du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidence soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.
Par conséquent, les allégués de faits dont le recourant n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.
3. 3.1. L'octroi de l'assistance juridique est notamment subordonné à la condition que le requérant soit dans l'indigence (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a CPC).
Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assurer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 128 I 225 consid. 2.5.1).
L'indigence s'apprécie en fonction de l'ensemble des ressources du recourant, dont ses revenus, sa fortune et ses charges, tous les éléments pertinents étant pris en considération (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 120 Ia 179 consid. 3a). La situation économique existant au moment du dépôt de la requête est déterminante (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.1).
Il incombe au requérant d'indiquer de manière complète et d'établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ; ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2015 du 30 novembre 2015 consid. 5).
Seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 précité consid. 4.1). Les dettes anciennes, pour lesquelles le débiteur ne verse plus rien, n'entrent pas en ligne de compte (ATF 135 I 221 consid. 5.1).
Le minimum d'existence du droit des poursuites n'est pas déterminant à lui seul pour établir l'indigence au sens des règles sur l'assistance judiciaire. L'autorité compétente peut certes partir du minimum vital du droit des poursuites, mais elle doit tenir compte de manière suffisante des données individuelles du cas d'espèce (ATF 141 III 369 consid. 4.1; ATF 124 I 1 consid. 2a).
La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la satisfaction des besoins personnels doit être comparée aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est requise. Celle-ci n'est pas accordée lorsque le solde disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1;
135 I 221 consid. 5.1).
3.2. En l'espèce, déduction faite des allocations pour enfants (2'204 fr.), le revenu mensuel du recourant s'élève à 5'576 fr. par mois. Une partie desdites allocations, soit 1'290 fr., est reversée à l'épouse du recourant, qui a la garde des trois enfants mineurs des époux. Le solde des allocations est vraisemblablement affecté au paiement des charges du fils majeur du recourant, qui vit sous son toit.
En ce qui concerne les charges du recourant, aucun élément concret ne permet de retenir que sa mère, âgée de 72 ans, participe aux frais du ménage. Faute d'instruction sur ce point, il ne peut être retenu que celle-ci paie la moitié du loyer et une partie des dépenses mensuelles du ménage. Par conséquent, l'intégralité des frais de loyer et de la base mensuelle d'entretien sera prise en compte dans le budget du recourant.
Dans sa requête d'assistance juridique, le précité a allégué un montant mensuel de 170 fr. de frais de chauffage. Le seul document qu'il a fourni à cet égard est une facture relative à des frais de maintenance du chauffage, d'un montant de 476 fr. 90 pour la période de janvier à avril 2024. C'est à tort que l'autorité de première instance a divisé ce montant par douze pour retenir un montant de 40 fr. par mois, puisque la facture précitée se rapporte à une période de quatre mois. Ainsi, un montant de 119 fr. doit être pris en compte à ce titre dans le budget du recourant, ce qui est proche du montant de 114 fr. retenu dans le cadre de la décision rendue sur mesures protectrices de l'union conjugale en avril 2023.
Les charges mensuelles admissibles du recourant s'élèvent dès lors à 5'951 fr., ce qui inclut 3'900 fr. de loyer, 150 fr. de remboursement au SCARPA, 119 fr. de frais de chauffage, 212 fr. de frais SIG, 70 fr. d'abonnement TPG et 1'200 fr. d'entretien de base OP, ainsi qu'une majoration de 25% de ce dernier montant.
Le budget du recourant est donc déficitaire (comme cela était déjà le cas lorsque le jugement de mesures protectrices a été rendu).
Compte tenu de ce qui précède, c'est à tort que la vice-présidence du Tribunal civil a considéré que la condition d'indigence n'était pas remplie. Partant, la décision querellée sera annulée.
Dans la mesure où la cause pour laquelle l'aide étatique est requise est une procédure de divorce de première instance, la question des chances de succès ne se pose pas. Pour le surplus, l'épouse du recourant étant représentée par un avocat pour ladite procédure, l'égalité des armes commande que le recourant le soit également (art. 118 al. 1 let. c CPC).
Les conditions posées par l'art. 117 CPC étant remplies, le recourant sera mis au bénéfice de l'assistance juridique pour sa défense à la procédure de divorce initiée par son épouse, cause C/1______/2024, avec effet au 16 septembre 2024, date du dépôt de la demande d'assistance juridique.
Me B______, avocat, sera désigné pour représenter les intérêts du recourant.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 14 octobre 2024 par A______ contre la décision rendue le 17 septembre 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2389/2024.
Au fond :
Annule la décision entreprise et, cela fait :
Met A______ au bénéfice de l'assistance juridique, avec effet au 16 septembre 2024, pour sa défense à la procédure de divorce initiée par son épouse, cause C/1______/2024.
Commet à cette fin Me B______, avocat.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Notifie une copie de la présente décision à Me B______.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.