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Décisions | Chambre civile

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C/19675/2020

ACJC/608/2025 du 08.05.2025 sur JTPI/9199/2024 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.163
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19675/2020 ACJC/608/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 8 MAI 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 juillet 2024, représenté par Me Franco FOGLIA, avocat, Swiss Lawyers Group Foglia, ______,

et

1) B______ SA, sise ______, intimée, et

2) C______/D______ SÀRL, sise ______, autre intimée,

toutes deux représentées par Me Olivier BRUNISHOLZ, avocat, B&B Avocats, Cours des Bastions 5, 1205 Genève.


 

EN FAIT

A. Par jugement JTPI/9199/2024 du 25 juillet 2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a condamné A______ à verser à B______ SA et C______/D______ SÀRL, conjointement et solidairement, la somme de 55'000 fr. (chiffre 1 du dispositif).

Le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 6'260 fr., les a mis à la charge de A______ à hauteur de 5'000 fr. et à la charge de B______ SA et C______/D______ SÀRL à hauteur de 1'260 fr. en laissant provisoirement la part de frais de A______ à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance juridique (ch. 2), condamné A______ à verser à ses parties adverses, conjointement et solidairement, la somme de 8'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 13 septembre 2024 à la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Cela fait, il conclut à ce que B______ SA et C______/D______ SÀRL soient déboutées de l'intégralité de leurs conclusions en paiement prises à son encontre et, subsidiairement, à ce qu'il soit condamné à leur verser la somme de 5'000 fr.

b. Dans leur réponse commune, B______ SA et C______/D______ SÀRL concluent à ce que A______ soit débouté de toutes les conclusions de son appel.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué et se sont encore déterminées les 3 et 13 février 2025, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis de la Cour du 5 mars 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______ était associé-gérant et propriétaire des sociétés C______/E______ SÀRL et C______/D______ SÀRL.

La première société déployait une activité de fiduciaire, de conseils et de services dans les domaines de l'économie, du commerce et de l'administration de sociétés, ainsi que dans la prise de participations dans d'autres sociétés. Elle a été radiée en ______ 2016.

La seconde a pour but la prestation de services en relation avec la mise à disposition de locaux professionnels équipés et la domiciliation de sociétés, ainsi que toutes activités y relatives.

A______ était également propriétaire et seul administrateur de F______ SA, radiée le ______ 2020, qui était active dans les domaines de l'organisation d'entreprises, du management, ainsi que dans toutes activités et prestations de services commerciales et économiques.

b. Par contrat du 1er septembre 2015, A______ a vendu à B______ SA (anciennement G______ SA) l'ensemble des parts sociales de
C______/E______ SÀRL, ainsi que de C______/D______ SÀRL, dont il était propriétaire, contre paiement d'un montant de 946'518 fr.

H______ est l'administrateur de B______ SA.

c. Le même jour, 1er septembre 2015, une convention de non-concurrence a été signée entre B______ SA, C______/E______ SÀRL et C______/D______ SÀRL, d'une part, et A______, d'autre part.

Cette convention contient la clause de non-concurrence suivante (art. 1):

"A______ s'interdit, directement ou indirectement, pour son compte personnel ou pour le compte d'autrui, personnellement ou par personne (physique ou morale) interposée, à titre lucratif ou gratuit le droit de procéder à l'un ou l'autre des actes suivants:

- créer, exploiter ou faire valoir un commerce identique ou similaire à celui exercé par les sociétés C______/E______ SÀRL et C______/D______ SÀRL (détenues par la société G______ SA) à savoir des activités de fiduciaire, de conseils et de services dans les domaines de la fiscalité, de la comptabilité, de la gestion, de l'établissement de salaires, de la mise à disposition de locaux et de bureaux;

- exercer toute activité professionnelle quelle qu'elle soit dans les domaines d'activité susmentionnés, à l'exception de celles découlant des obligations de A______, prévues dans le contrat de consultant, le contrat d'apporteur d'affaires et le contrat de mandat spécialement conclus ce même jour avec les sociétés G______ SA, C______/E______ SÀRL et C______/D______ SÀRL dans le cadre de l'acquisition des parts sociales des deux secondes par la première;

- s'intéresser directement ou indirectement dans l'exploitation d'un commerce identique ou similaire à celui exercé par les sociétés C______/E______ SÀRL et C______/D______ SÀRL et prendre une participation ou être intéressé sous quelque forme que ce soit (propriétaire, associé, actionnaire, prêteur, investisseur, administrateur, mandataire, etc.) dans une personne morale quelle qu'en soit la forme, exerçant une activité identique ou similaire à celles exercées par les sociétés C______/E______ SÀRL et C______/D______ SÀRL, à savoir des activités de fiduciaire, de conseils et de services dans les domaines de la fiscalité, de la comptabilité, de la gestion, de l'établissement de salaires, de la mise à disposition de locaux et de bureaux.

Cet engagement est pris pour une durée de cinq (5) années consécutives à compter de la date de transfert de propriété telle que définie à l'article 3 du contrat de cession de parts sociales.

La présente clause est applicable dans tous les cantons de suisse romande.

En cas de violation de la présente clause, A______ sera redevable envers les sociétés G______ SA, C______/E______ SÀRL et C______/D______ SÀRL, d'une peine conventionnelle fixée forfaitairement à CHF 50'000.-.

Cette somme sera due pour chaque infraction constatée, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure d'avoir à cesser l'activité interdite. Tout éventuel dommage supplémentaire est réservé.

Le paiement de la peine conventionnelle ne libérera pas A______ de ses obligations de non-concurrence.

En plus de la peine conventionnelle et d'éventuels dommages supplémentaires causés aux trois sociétés, celles-ci se réservent le droit d'exiger la cessation de toute violation de la présente convention par toutes les voies de droit utiles."

d. En parallèle du contrat de cession et de la clause de non-concurrence, les parties ont conclu divers contrats, qui n'ont pas été versés à la procédure.

H______ a expliqué lors de son audition par le Tribunal que les parties avaient conclu un contrat de mandat, qui prévoyait que A______ continuerait à accompagner les sociétés pendant une période d'environ six mois; un contrat de consultant, qui fixait la rémunération de A______ pour le cas où il serait appelé à intervenir sur certains dossiers; un contrat d'apporteur d'affaires, qui fixait sa rémunération pour le cas où il apporterait des clients.

e. Les parties ont continué à collaborer après la signature de ces conventions. Leurs relations se sont cependant détériorées à partir de l'été 2016, après l'établissement des comptes 2015 des sociétés rachetées par B______ SA, en raison du fait que ces comptes avaient montré des résultats inférieurs aux attentes de la société acquéreuse.

f. En 2018, B______ SA a alors décidé de mettre fin aux relations avec A______ et a résilié les contrats de mandat, de consultant et d'apporteur d'affaires. La convention de non-concurrence est, quant à elle, "demeurée maintenue et effective entre les parties".

D. B______ SA reproche à A______ d'avoir violé la clause de non-concurrence, entre 2017 et 2018, en ayant offert à son insu ses services à deux de ses clients, à savoir I______ SA et J______ SÀRL.


 

De l'activité de A______ pour I______ SA

a. I______ SA était cliente de B______ SA et de C______/E______ SÀRL. A teneur des factures produites, ces dernières s'occupaient de la gestion administrative et comptable de la société, ainsi que de la gestion de ses créanciers. I______ SA a été radiée en ______ 2019. K______ en était le seul administrateur.

b. Entre janvier 2017 et janvier 2018, A______ et K______ ont échangé des messages électroniques de nature professionnelle.

c. Il ressort de ces messages, notamment d'échanges de courriels intervenus en juin 2017 ainsi qu'entre novembre 2017 et janvier 2018, que la société F______ SA, qui appartenait à A______ (cf. consid. C.a ci-dessus), et I______ SA avaient conclu un contrat de mandat en janvier 2017, en exécution duquel F______ SA encaissait des sommes et effectuait des paiements pour le compte de I______ SA. Selon des courriels de K______ des 8 décembre 2017 et 15 janvier 2018, ces sommes représentaient plusieurs centaines de milliers d'euros.

d. En outre, dans un email du 16 novembre 2017, K______ demandait à A______ de clôturer les comptes 2016 de I______ SA, de trouver un nouvel administrateur et de faire le point sur la situation de la société vis-à-vis de l'Office des poursuites.

e. Dans un message du 15 janvier 2018, A______ a demandé à K______ de lui indiquer la somme que F______ SA pourrait conserver à titre d'honoraires sur une prochaine opération. Il précisait ce qui suit: "Je te rappelle également que, selon nos entretiens, l'aide consentie par F______ SA devait être tout à fait provisoire. [Or] cela dure maintenant depuis janvier 2017", tout en se plaignant du "nombre accru d'écritures qu'il faut désormais passer".

f. Dans des messages des 8 décembre 2017 et 15 janvier 2018, K______ mentionnait des sommes que F______ SA pouvait conserver pour elle-même. Le premier courriel fait état d'un montant de 38'425 Euros que F______ SA conservait au titre de "delta global au profit de F______ SA", alors que le second message mentionnait une "somme devant revenir à F______ SA concernant cette opération […] correspondant au mandat signé entre F______ SA et I______ SA en janvier 2017". Ce message du 15 janvier 2018 indiquait par ailleurs ce qui suit: "[…] étant donné les montants significatifs déjà encaissés par F______ SA sur l'année 2017 (plusieurs dizaines de milliers d'euros) […]".

g. Entendu par le Tribunal, A______ a reconnu qu'il avait voulu rendre service à K______ et sa société I______ SA. Selon ses explications, K______, incarcéré en France, lui avait demandé de maintenir le service de I______ SA pendant que lui-même ne pouvait le faire, requête à laquelle il avait donné suite. Il avait ainsi encaissé le chiffre d'affaires de I______ SA et payé ses créanciers. Il n'avait cependant pas tenu la comptabilité de I______ SA pour l'année 2016, contrairement à ce que soutenaient ses parties adverses. K______ lui avait promis une rémunération pour son activité, mais il n'avait pas été payé.

Il a précisé qu'il n'avait pas cherché à cacher son activité pour I______ SA à B______ SA. Il avait pensé bien faire en œuvrant pour que I______ SA puisse continuer à vivre et rester cliente de B______ SA. Selon lui, il n'avait pas besoin d'informer quiconque. Le "coup de main" qu'il donnait à K______ ne concernait personne.

De l'activité de A______ pour J______ SÀRL

h. J______ SÀRL était cliente de B______ SA et C______/E______ SÀRL, notamment pour la gestion comptable et fiscale courante. Selon son administrateur, entendu devant le Tribunal, A______ se chargeait de la tenue de la comptabilité. Il ne se souvenait cependant plus sous quelle société il agissait pour ce faire.

i. A une date indéterminée en 2017, J______ SÀRL et ses deux associés gérants, L______ et M______, ont signé une convention destinée à régler un différend existant entre eux et à finaliser la liquidation de la société.

Cette convention mentionnait que J______ SÀRL était débitrice de plusieurs factures, totalisant une somme de 27'670 fr. 40 (dont notamment 3'861 fr. correspondant à deux factures émises par B______ SA et 20 fr. dus au titre de la taxe professionnelle communale).

j. A______ a reçu le montant de 13'835 fr. 20 de la part de L______ le 19 juillet 2017, ainsi que le même montant de M______, sur le compte de F______ SA.

Il ressort du dossier que F______ SA a versé le montant de 20 fr. relatif à la taxe professionnelle communale depuis son compte bancaire le 25 juillet 2017 et que A______ a retiré en espèces du compte de F______ SA, le même jour, un montant de 3'860 fr., qui a servi à régler, par bulletins de versement à la poste, les deux factures de B______ SA.

k. Entendue en qualité de témoin, N______, employée de B______ SA, a déclaré que M______ avait contacté B______ SA en novembre 2018 pour demander où en était la liquidation de J______ SÀRL.

l. A______ a reconnu qu'au moment de la liquidation de J______ SÀRL, il avait "donné un coup de main" à M______ pour terminer la liquidation de la société. Il a précisé qu'il n'avait pas été rémunéré pour cela. Il avait bien reçu un montant total de 27'670 fr. 40 sur le compte de F______ SA et avait utilisé cette somme pour payer les créanciers de la société. Il n'avait pas pris l'argent pour lui.

E. a. Par acte du 1er octobre 2020, déclaré non concilié et introduit le 24 mars 2021 par-devant le Tribunal, B______ SA et C______/D______ SÀRL ont formé une demande en paiement à l'encontre de A______, concluant, principalement, à ce que ce dernier soit condamné à leur verser 100'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2015, subsidiairement les sommes de 50'000 fr. avec suite d'intérêts dès le 11 janvier 2017 et de 50'000 fr. avec suite d'intérêts dès le 19 juillet 2017.

Elles ont exposé, en substance, que A______ avait violé la clause de non-concurrence à deux reprises, en fournissant pour son propre compte, au travers de F______ SA, des services à la société I______ SA et à la société J______ SÀRL contre rémunération, notamment en établissant la comptabilité de la première pour l'année 2016 et en s'occupant de la liquidation de la seconde.

Devant le Tribunal, H______ a déclaré qu'après le départ de A______, le chiffre d'affaires de B______ SA et C______/D______ SÀRL avait chuté. Alors qu'il était de 750'000 fr. pour 90 clients en 2014, il n'était plus que de 296'000 fr. pour 54 clients en 2018. H______ a précisé qu'il ne savait pas ce qu'il s'était passé et n'avait pas de preuve de ce que A______ avait fait, à part s'agissant des dossiers I______ SA et J______ SÀRL.

b. A______ s'est opposé à cette demande, concluant au déboutement de ses parties adverses.

Il a exposé, en substance, avoir rencontré de graves problèmes de santé dès 2015. Il avait initialement présenté des symptômes de burn-out et de dépression. Dès l'été 2020, son état de santé s'était détérioré et il avait été hospitalisé en psychiatrie. Les médecins lui avaient ensuite diagnostiqué une tumeur au cerveau, pour laquelle il avait été opéré le 14 mai 2021.

En raison de ce qui précède, il n'était pas capable de discernement et ce dès le début de ses relations avec ses parties adverses. Il ne pouvait ainsi pas être tenu pour responsable des actes que celles-ci lui reprochaient.

Entendu par le Tribunal, il a ajouté qu'il ne savait pas où les clients qui avaient quitté B______ SA et C______/D______ SÀRL étaient allés, mais il n'avait pas lui-même, ni sa société, continué à s'occuper d'eux, ce qu'il aurait été incapable de faire vu son état de santé.

c. Le Tribunal a entendu plusieurs témoins, y compris les médecins traitants de A______, sur l'état de santé de celui-ci, dont il n'est pas nécessaire de reproduire les déclarations dans la mesure où la capacité de discernement de l'intéressé n'est plus remise en cause en appel.

Pour le surplus, les déclarations des témoins ont été reprises, dans toute la mesure utile, dans la partie en FAIT ci-dessus.

d. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 2 novembre 2023, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions. A______ a ajouté une conclusion subsidiaire en réduction de la peine conventionnelle à un montant total de 5'000 fr. au plus.

La cause a ensuite été gardée à juger.

F. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu, en premier lieu, que la clause de non-concurrence était valable dès lors que les limitations imposées trouvaient une assise et une justification dans le contexte de la vente des sociétés par A______ à B______ SA et de la poursuite de la relation commerciale entre les parties, sans consacrer un engagement excessif.

Il a ensuite considéré que A______ avait violé l'interdiction de faire concurrence à deux reprises. D'une part, il avait procédé contre rémunération, par l'intermédiaire de sa société F______ SA, à des actes de gestion en faveur de I______ SA en encaissant des sommes et en procédant à des paiements pour le compte de celle-ci et en s'occupant de la comptabilité pour l'année 2016. D'autre part, il était intervenu dans les opérations de liquidation de la société J______ SÀRL dans le cadre de laquelle il avait été chargé de recevoir des fonds et de régler des factures, ce qui constituait également une activité de gestion prohibée par la clause de non-concurrence.

Le Tribunal a nié une quelconque incapacité de discernement de A______ en lien avec les actes qui lui étaient reprochés. S'il avait certes souffert de graves problèmes de santé et avait été opéré le 14 mai 2021 pour l'exérèse d'un méningiome, il avait continué à travailler sans manifester de trouble particulier en 2017 et 2018 et aucun élément n'indiquait une incapacité de discernement.

Enfin, sur la question d'une éventuelle réduction de la peine conventionnelle, le Tribunal a considéré qu'aucune réduction n'était justifiée pour l'activité fournie au bénéfice de I______ SA en raison du fait que l'activité de A______ avait été conséquente, s'étendant sur une longue période (début 2017 à début 2018) et sur de nombreuses transactions, et avait privé B______ SA d'offrir elle-même ses services et d'être rémunérée à cette fin. En revanche, s'agissant de l'activité fournie au bénéfice de J______ SÀRL, il convenait de réduire le montant de 50'000 fr. convenu par les parties, dans la mesure où il paraissait excessif au regard des actes commis qui paraissaient ponctuels, de faible ampleur, limités dans le temps et non rémunérés. Faisant usage de son pouvoir d'appréciation, le Tribunal a réduit le montant de la peine conventionnelle à 5'000 fr. concernant cette violation.


 

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.2 L'appel est recevable pour avoir été interjeté, en temps utile et selon la forme prévue par la loi (art. 145 al. 1 let. b et 311 CPC), contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) rendue dans une cause patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

1.3 La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

Elle contrôle en particulier librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 5.2.3.2).

2. Devant la Cour, la validité de la clause de non-concurrence, de même que sa teneur et son étendue, ne sont ni contestées ni discutées par les parties. La capacité de discernement de l'appelant n'est également plus remise en cause. En définitive, seule demeure litigieuse la question de savoir si les actes accomplis par l'appelant au profit de I______ SA et J______ SÀRL transgressent la clause de non-concurrence signée le 1er septembre 2015 entre les parties.

3. L'appelant conteste avoir enfreint la clause de non-concurrence. Invoquant une constatation inexacte des faits, il conteste toute activité de gestion pour le compte de I______ SA et J______ SÀRL alléguant que son activité s'est limitée à un simple mandat d'encaissement sans aucune autonomie ni marge de manœuvre, ce qui n'allait pas à l'encontre de la clause de non-concurrence.

3.1.1 En vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties sont en principe libres, dans les limites des dispositions impératives de la loi, de s'obliger, notamment en s'interdisant certains comportements (art. 19 al. 1 CO).

Elles peuvent convenir d'une clause de non-concurrence, laquelle est soumise à la limite générale de l'art. 27 al. 2 CC relatif à l'interdiction de tout engagement excessif, à l'instar de toute prohibition de concurrence conclue hors contrat de travail (ATF 124 III 495 consid. 2a; 51 II 220; Cotti, Das vertragliche Konkurrenzverbot, thèse Fribourg 2001, p. 48 ss, sp. p. 50).

Lorsque le créancier ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable (art. 97 al. 1 CO).

En vertu de l'art. 160 al. 1 CO, lorsqu'une peine (la peine conventionnelle) a été stipulée en vue de l'inexécution ou de l'exécution imparfaite du contrat, le créancier ne peut, sauf convention contraire, demander que l'exécution de la peine convenue.

Les parties fixent librement la peine conventionnelle (art. 163 al. 1 CO), ainsi que le comportement qu'elle est destinée à empêcher (Mooser, in Commentaire romand CO I, 2021, n. 4a ad art. 160 CO).

La peine est encourue même si le créancier n’a éprouvé aucun dommage (art. 161 al. 1 CO).

La peine conventionnelle est ainsi utile à un double titre au créancier. D’une part, elle facilite la liquidation et la réparation de l’inexécution ou de l’exécution défectueuse, puisque le montant de la peine équivaut à des dommages-intérêts et que le créancier n’a pas à prouver son dommage et, d'autre part, elle est un moyen de pression sur le débiteur, qui s’expose à devoir payer une somme parfois élevée s’il n’adopte pas un comportement déterminé (Mooser, op.cit., n. 2 ad art. 160 CO).

3.1.2 Pour déterminer l'objet et le contenu d'un contrat, le juge doit rechercher en premier lieu la réelle et commune intention des parties conformément à l'art. 18 al. 1 CO, c'est-à-dire leur volonté subjective, le cas échéant, empiriquement sur la base d'indices.

En second lieu, subsidiairement, si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, il doit rechercher leur volonté objective, selon le principe de la confiance. Il doit déterminer le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (art. 1 al. 1 CO en relation avec l'art. 2 al. 1 CC). (ATF 144 III 93, consid 5.2.3).

3.2 En l'espèce, la clause de non-concurrence conclue entre les parties prévoit précisément les activités interdites, dont notamment des activités de fiduciaire, de conseils et de services dans les domaines de la fiscalité, de la comptabilité, de la gestion et de la mise à disposition de locaux et de bureaux.

L'appelant ne conteste pas avoir procédé à des actes pour le compte de I______ SA et J______ SÀRL.

Concernant I______ SA, l'appelant a déclaré, lors de l'audience du 1er juin 2022, qu'il avait agi à la demande de l'ancien administrateur afin de "maintenir le service de la société". Il a admis avoir perçu le chiffre d'affaires de celle-ci et avoir procédé au règlement de ses dettes auprès des différents créanciers. Il n'est pas contesté que cette activité a duré près d'un an et a porté sur des sommes de plusieurs centaines de milliers d'euros. Ce faisant, l'appelant a géré le patrimoine de I______ SA et lui a fourni un accompagnement administratif et financier, ce qui relève déjà d'une activité de fiduciaire et de gestion telle que prohibée par la clause de non-concurrence. Le fait qu'il n'avait aucune autonomie - ce qui est au demeurant contesté - n'est à cet égard pas déterminant.

En outre, il ressort des courriels échangés qu'il était également chargé - indépendamment de l'activité contestée en lien avec la comptabilité 2016 - de trouver un nouvel administrateur et de régler la situation auprès des différents créanciers et de l'Office des poursuites. Son activité dépassait ainsi le cadre d'un simple mandat d'encaissement, sans aucune autonomie, comme il le prétend.

Il s'ensuit que l'appelant a procédé à des actes qui relèvent, à tout le moins, de la gestion administrative courante de I______ SA et de la gestion de ses créanciers. Or, ces tâches étaient clairement comprises dans le mandat confié aux intimées, comme cela ressort de leurs factures envoyées à I______ SA, de sorte qu'une concurrence directe leur a ainsi été faite. Par son comportement, l'appelant a ainsi déployé une activité similaire à celle des intimées, prohibée par la clause de non-concurrence.

C'est en vain que l'appelant tente de minimiser son implication. En effet, la nature professionnelle des messages échangés avec l'administrateur de I______ SA, l'usage de sa société F______ SA, la conclusion d'un contrat de mandat entre cette société et I______ SA pour l'activité déployée et le fait de réclamer des honoraires, sont des éléments incompatibles avec une aide ponctuelle ou un "coup de main", tel qu'il le soutient.

S'agissant des honoraires en particulier, il ressort du courriel du 8 décembre 2017 de l'administrateur de I______ SA que le montant perçu par F______ SA à ce titre s'était élevé à 38'425 Euros pour la période de juillet à novembre 2017. Le même administrateur a réaffirmé, au début de l'année 2018, que F______ SA avait perçu des "montants significatifs" en 2017, à savoir "plusieurs dizaines de milliers d'euros", sans compter la demande d'honoraires complémentaires formée le 15 janvier 2018 par l'appelant. Bien que ce dernier n'ait pas confirmé par écrit le montant des honoraires perçus, aucun élément ne permet de remettre en cause le décompte effectué par I______ SA ni le montant précité. L'appelant se borne à contester toute rémunération, sans toutefois fournir le moindre élément susceptible de corroborer ses propos ou de mettre en doute ceux de l'administrateur de I______ SA. L'ampleur de l'activité et la rémunération conséquente y relative tendent ainsi davantage à corroborer une activité concurrente qu'un simple "coup de main".

Au vu des éléments qui précèdent, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que l'appelant avait exercé une activité concurrente interdite en faveur de I______ SA.

Concernant J______ SÀRL, il est établi que l'appelant est intervenu lors de la liquidation de celle-ci afin d'exécuter la convention conclue entre les associés gérants. Dans ce cadre, il a reçu des sommes d'argent de la part de chaque associé et a réglé les factures en cours.

Quoi qu'en dise l'appelant, son intervention a participé aux opérations de liquidation de la société, ce qui constitue un acte de gestion. Par ailleurs, le témoin N______ a confirmé que la gérante de J______ SÀRL avait contacté B______ SA pour demander où en était la liquidation de J______ SÀRL, ce qui démontre bien que, dans l'esprit de cette dernière, c'était B______ SA qui était en charge de la liquidation. Là encore, l'appelant s'est livré à une activité similaire à celle des intimées et prohibée par la clause de non-concurrence.

La violation, à deux reprises, de la clause de non-concurrence ne peut qu'être constatée. L'appel s'avère donc infondé sur ce point.

4. L'appelant conclut, subsidiairement, à ce que la peine conventionnelle soit réduite au montant total de 5'000 fr. Il reproche au Tribunal d'avoir mal apprécié les circonstances d'espèce. En outre, à titre de fait nouveau, il allègue qu'en raison des opérations effectuées pour le compte de I______ SA, il avait été mis en prévention pour blanchiment d'argent par le Ministère public, sur dénonciation de B______ SA, ce qui démontrerait, selon lui, que cette dernière n'aurait jamais eu l'intention d'offrir ses services pour l'activité qui lui est reprochée puisqu'elle avait elle-même dénoncé ces faits comme étant illicites.

4.1 Selon l'art. 163 al. 1 CO, les parties fixent librement le montant de la peine. Cependant, la peine stipulée ne peut être exigée lorsqu’elle a pour but de sanctionner une obligation illicite ou immorale, ni, sauf convention contraire, lorsque l’exécution de l’obligation est devenue impossible par l’effet d’une circonstance dont le débiteur n’est pas responsable (al. 2).

Le juge doit réduire les peines qu’il estime excessives (art. 163 al. 3 CO).

Dans l'application de l'art. 163 al. 3 CO et donc dans l'usage de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC) de la réduction des peines conventionnelles excessives, le juge doit observer une certaine réserve. Une intervention du juge dans le contrat ne se justifie que si le montant de la peine fixé est si élevé qu'il dépasse toute mesure raisonnable, au point de n'être plus compatible avec le droit et l'équité. Pour juger du caractère excessif de la peine conventionnelle, il ne faut pas raisonner abstraitement, mais, au contraire, prendre en considération toutes les circonstances concrètes de l'espèce. Il y a ainsi lieu de tenir compte notamment de la nature et de la durée du contrat, de la gravité de la faute et de la violation contractuelle, de la situation économique des parties, singulièrement de celle du débiteur (ATF 133 III 201 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_468/2016 du 6 février 2017 consid. 6.1; 4A_268/2016 du 14 décembre 2016, consid. 5.1).

4.2 En l'espèce, la clause de non-concurrence prévoit une peine conventionnelle de 50'000 fr. pour chaque infraction constatée.

Le Tribunal, après examen de la gravité de la faute, de la durée et de l'ampleur des infractions, ainsi que de la rémunération perçue en ce qui concerne l'activité effectuée au profit de I______ SA, a maintenu le montant de la peine à 50'000 fr. s'agissant de la violation relative à l'activité fournie au profit de cette dernière et réduit, en revanche, à 5'000 fr. la peine concernant l'activité déployée au profit de J______ SÀRL.

Ce raisonnement est exempt de toute critique.

Comme cela ressort du considérant qui précède, les actes commis par l'appelant s'inscrivaient dans le cadre de l'activité de gestion administrative et financière confiée aux intimées et pour laquelle elles facturaient leurs prestations. C'est donc à juste titre que le Tribunal a retenu que l'appelant avait empêché les intimées d'offrir leurs services et d'être rémunérées en conséquence. Le fait qu'elles aient continué à déployer et facturer une certaine activité pour le compte de I______ SA n'y change rien et ne fait pas obstacle au gain manqué relatif à l'activité déployée par l'appelant. Partant, l'argument de l'appelant selon lequel I______ SA et J______ SÀRL étaient restées clientes des intimées, ce qui leur avait causé un préjudice moindre, tombe à faux puisqu'une partie de leurs affaires a été soustraite aux intimées. Aussi, le fait que l'appelant aurait été mis en prévention de blanchiment demeure sans conséquence. D'une part, cette allégation - contestée - ne repose sur aucune pièce versée à la procédure, de sorte qu'elle ne peut être tenue pour établie. D'autre part, on ignore sur quelles transactions ou sur quels actes reposent lesdites suspicions de blanchiment, si bien que l'on ne peut tirer de conséquences de la procédure pénale alléguée.

L'appelant ne conteste pas que l'activité déployée pour le compte de I______ SA s'est étendue sur une période d'une année environ et portait sur de nombreuses transactions de plusieurs centaines de milliers d'euros.

Par ailleurs, l'appelant connaissait parfaitement l'étendue des mandats confiés par I______ SA et J______ SÀRL aux intimées puisqu'elles étaient déjà clientes de C______/E______ SÀRL lorsqu'il en était administrateur, avant la vente de cette société à B______ SA. De plus, au moment du rachat de cette société, les parties avaient expressément conclu plusieurs contrats afin de prévoir la rémunération pour toute activité que déploierait l'appelant pour le compte de clients des intimées, dont un contrat de consultant, qui fixait la rémunération due pour le cas où l'appelant serait appelé à intervenir sur certains dossiers. Partant, l'appelant ne pouvait ignorer que les tâches confiées par I______ SA et J______ SÀRL devaient revenir aux intimées.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, son état de santé ne permet pas de réduire la gravité de sa faute. En effet, le Tribunal a retenu à cet égard que s'il avait certes connu des problèmes de santé et une certaine fatigue à partir de 2015, il avait continué à travailler sans manifester de troubles particuliers et sans établir une quelconque incapacité de discernement au moment des faits reprochés, ce qui n'a fait l'objet d'aucune critique motivée en appel.

Enfin, il doit être tenu pour établi que l'appelant a perçu, au travers de sa société F______ SA, des honoraires de plus 38'000 euros, sans compter sa demande d'honoraires complémentaires, privant ainsi les intimées de cette source de revenus.

Compte tenu de ces éléments, le montant de 50'000 fr. pour l'activité déployée au profit de I______ SA ne parait pas excessif, étant ici rappelé que le juge ne doit intervenir qu'avec réserve. Il en va de même du montant, déjà fortement réduit, de 5'000 fr. pour les activités déployées au profit de J______ SÀRL.

L'appel s'avère ainsi infondé sur ce point également.

5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 5'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Celui-ci plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ces frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi (art. 122 et 123 CPC; art. 19 RAJ – E 2 05.04).

L'appelant sera condamné aux dépens de ses parties adverses, lesquels seront arrêtés à 4'000 fr., TVA et débours compris (art. 84, 85 al. 1, et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 septembre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/9199/2024 rendu le 25 juillet 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19675/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi.

Condamne A______ à verser 4'000 fr. à B______ SA et C______/D______ SÀRL, prises solidairement, à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Stéphanie MUSY, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.