Décisions | Chambre civile
ACJC/91/2025 du 21.01.2025 sur OTPI/507/2024 ( SDF ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/21385/2023 ACJC/91/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 21 JANVIER 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié c/o Monsieur B______, ______ [GE], appelant d'une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 août 2024, représenté par Me Yaël HAYAT, avocate, Hayat & Meier, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3504, 1211 Genève 3,
et
Madame C______, intimée, représentée par Me Vincent SPIRA, avocat, SPIRA + ASSOCIES, rue De-Candolle 28, 1205 Genève.
A. Par ordonnance du 15 août 2024, reçue par les parties le 28 août 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre de la procédure de divorce de A______ et C______, a notamment attribué à cette dernière l’autorité parentale exclusive sur l’enfant D______, né le ______ 2020 (chiffre 1 du dispositif) ainsi que la garde de ce dernier (ch. 2), instauré une curatelle de surveillance du droit de visite, le curateur étant notamment chargé d'œuvrer pour concrétiser une reprise des contacts entre A______ et son fils (ch. 3), condamné A______ à verser en mains de C______, dès le 1er juin 2024, une contribution à l’entretien de l’enfant de 460 fr. par mois, allocations familiales non comprises (ch. 6) ainsi qu'une contribution de 2'400 fr. pour l'entretien de son épouse (ch. 8) et réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (ch. 9).
B. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 30 août 2024, A______ a formé appel de cette ordonnance. Il a conclu à ce que la Cour de justice annule les chiffres 1 et 8 de son dispositif, maintienne l'autorité parentale conjointe sur l'enfant et le condamne à verser une contribution de 530 fr. 30 par mois dès le 1er juin 2024 pour l'entretien de son épouse, avec suite de frais et dépens.
Il a déposé des pièces nouvelles.
b. C______ a conclu à ce que la Cour confirme l'ordonnance entreprise, avec suite de frais judiciaires et dépens.
c. Le 25 octobre 2024, A______ a déposé une réplique spontanée, persistant dans ses conclusions.
d. Les parties ont été avisées le 21 novembre 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. C______, née le ______ 1988, de nationalité kosovare, et A______, né le ______ 1986, originaire de E______ (GE), se sont mariés le ______ 2018 à E______ (GE).
Un enfant, D______, est né de cette union le ______ 2020.
b.a Par ordonnance du 2 juin 2023, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la mise en détention provisoire de A______, pour avoir, le 30 mai 2023, tenté de tuer son épouse au moyen d’un couteau de cuisine dont la lame mesurait une dizaine de centimètres, en lui assénant plusieurs coups de couteau sur le haut de son corps, la blessant au niveau du thorax, du dos et de la main gauche, et pour avoir également agressé son fils qui présentait une ecchymose bleutée sur la joue droite.
C______ expose à cet égard que son époux, après l’avoir agressée, s’en est également pris à leur fils en le projetant de manière à le faire chuter lourdement sur le sol.
b.b Le 8 septembre 2023, le Ministère public a ordonné la mise en liberté de A______ avec un certain nombre de mesures de substitution, parmi lesquelles l’interdiction de prendre contact avec son épouse ou avec son fils.
L'interdiction de contact entre A______ et son fils a été levée par ordonnance du 31 mai 2024 du Ministère public. Celui-ci a relevé, s’agissant de l’existence d’un risque de récidive, que, depuis sa mise en liberté, A______ avait respecté scrupuleusement l’ensemble des mesures de substitution auxquelles il avait été soumis, qu’il s’était manifestement stabilisé et qu’une future expertise psychiatrique devrait permettre d’établir son statut psychiatrique au moment des faits, une éventuelle diminution de sa responsabilité et le cas échéant, les éventuelles mesures à préconiser dans le futur.
c. Parallèlement, C______ a déposé, le 18 octobre 2023, une demande unilatérale de divorce, fondée sur l’art. 115 CC, assortie d’une requête de mesures provisionnelles. Sur mesures provisionnelles, elle a conclu, sur les points encore litigieux à ce stade, à ce que le Tribunal, lui attribue l’autorité parentale exclusive sur D______, condamne son époux à verser une contribution mensuelle de 675 fr. pour D______ dès le 1er juin 2023 et une contribution de 2'450 fr. pour elle-même.
d. Par ordonnance du 11 décembre 2023, le Tribunal, statuant sur mesures superprovisionnelles, a notamment attribué la garde de D______ à sa mère et suspendu le droit aux relations personnelles entre A______ et son fils.
e. A______ ne s'est pas déterminé sur les mesures provisionnelles requises par son épouse dans le délai qui lui a été imparti à cet effet par le Tribunal.
f. Par courrier adressé au Tribunal le 8 mars 2024, il a sollicité la restitution immédiate de son droit aux relations personnelles avec son fils, s’en rapportant à l’appréciation du Tribunal s’agissant de la mise en œuvre de ce droit.
g. Dans ses déterminations du 26 avril 2024, C______ a conclu à ce que la requête de mesures provisionnelles formée par A______ soit déclarée irrecevable, subsidiairement rejetée.
h. Dans son rapport d’évaluation sociale du 4 juin 2024, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP) a fait les constats suivants :
« Les parents sont en accord pour que la garde de fait soit attribuée à Mme C______. Elle s’est principalement occupée de l’enfant depuis sa naissance. Elle a mis les suivis thérapeutiques en place pour l’enfant et elle-même, est en capacité à demander de l’aide dans sa parentalité. Dès lors la garde de fait devrait lui être attribuée.
Du temps de la vie conjugale, D______ était proche de son père et partageait des activités avec lui. Il n’a plus de relation avec lui depuis avril 2023. D______ a un suivi thérapeutique régulier depuis l’agression et s’il était observé qu’au début de la thérapie, il était agité et dans un état d’hyper vigilance, il a bien progressé, s’est posé et réalisé d’importants progrès dans l’acquisition du français. Durant l’union, M. A______ était impliqué dans la vie du mineur. Il était à l’aise dans la prise en charge matérielle et entretenait une bonne relation avec l’enfant. Monsieur avait un emploi et la famille était inconnue du SPMi. Son état de santé se péjorant, soutenu par sa famille, il a été en capacité à chercher de l’aide la veille du passage à l’acte. Depuis sa sortie de détention, son suivi thérapeutique est régulier et il s’est conformé aux diverses obligations liées à sa situation judiciaire. Bien que l’expertise pénale n’ait pas été encore réalisée, il nous semble important que l’enfant puisse avoir accès à son père. Il conviendrait d’organiser des visites dans un lieu thérapeutique sécurisé qui sera choisi par le curateur, en travaillant au préalable sur le traumatisme vécu par Madame et l’enfant, encadré par un tiers mandaté qui aura pour mission d’organiser ses visites en se coordonnant avec les professionnels pour que la reprise de lien s’effectue de manière progressive et rassurante, en restant attentif au rythme et aux besoins de la mère et de l’enfant. Il fera des propositions au Tribunal en fonction de l’évolution de la situation.
Mme C______ a mis le suivi thérapeutique en place pour D______ et celui-ci est régulier et Madame se montre collaborante. (…).
La question du partage de l’autorité parentale reste un sujet délicat. Il est en effet difficile de demander à Mme C______ de prendre des décisions en concertation avec M. A______ au regard du traumatisme subi. Toutefois, en l’état, il n’y a pas de décision urgente à prendre entre les parents et, par ailleurs, M. A______ respecte ses obligations. Il n’est pas dans une démarche d’entraver la parentalité de Madame. A ce stade, nous proposons de maintenir l’autorité parentale conjointe qui a demeuré dans les faits, depuis un an et n’a pas posé de problème. Par ailleurs, le curateur pourra être l’intermédiaire des parents, le temps que la situation se stabilise. Le cas échéant, si le partage de l’autorité parentale était mal utilisé, Madame ou le curateur devront saisir le Tribunal. »
Ce rapport mentionne que C______ était d'accord avec le maintien de l'autorité parentale conjointe, mais s'opposait à la reprise du droit de visite.
i. La situation personnelle et financière des parties, telle qu'établie par le Tribunal, est la suivante.
i.a C______ est venue en Suisse au moment de son mariage pour y rejoindre son époux. Elle ne parle pas bien français et n’a jamais travaillé depuis le début du mariage. Elle est actuellement sans emploi et à charge de l’Hospice général. Elle loge provisoirement avec l’enfant dans un lieu protégé pour un coût de l’ordre de 6'000 fr. par mois.
Le Tribunal a retenu, sans que cela ne soit contesté, que ses charges à prendre en compte étaient de l'ordre de 2'650 fr. par mois, comprenant son minimum vital (1'350 fr.), 80% du loyer moyen d’un appartement de 4 pièces, qui se substituera au logement protégé dans lequel elle réside actuellement (1'231 fr. 20) et un abonnement mensuel TPG (70 fr.). Ses primes d’assurance maladie étaient entièrement couvertes par le subside étatique.
i.b Selon le Tribunal, les revenus de A______, sous forme d'indemnités chômage versées depuis juin 2024, étaient de 3'936 fr. nets par mois. Il vivait chez ses parents et ne payait pas de loyer à ce titre. Ses charges, de 1'024 fr. par mois, se composaient de son minimum vital en 850 fr. par mois, de ses primes d’assurance maladie en 104 fr. 55, et d'un abonnement TPG en 70 fr. par mois.
Le Tribunal a relevé que A______ n'avait pas allégué continuer à payer le loyer du domicile conjugal, dont la jouissance n'était pas revendiquée par son épouse.
i.c Les charges admissibles de D______, non contestées, sont de 451 fr. par mois, après déduction des allocations familiales en 311 fr., soit 400 fr. de minimum vital OP, 307 fr. 80 de loyer (20% du loyer hypothétique de sa mère) et 53 fr. 75 de frais de crèche.
i.d Concernant le calcul des contributions mises à charge de A______, le Tribunal a retenu que celui-ci disposait d'un solde disponible de 2'911 fr. par mois. Après couverture des charges de l'enfant en 460 fr. environ par mois, il était tenu de consacrer l'intégralité de son disponible de l'ordre de 2'450 fr. pour couvrir partiellement le déficit de son épouse en 2'650 fr. environ.
j. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 26 juin 2024, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.
1. 1.1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).
En l'espèce, le litige porte notamment sur les droits parentaux, de sorte qu'il doit être considéré comme non pécuniaire dans son ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_781/2015 du 14 mars 2016 consid. 1 et 5A_331/2015 du 20 janvier 2016 consid. 1). La voie de l'appel est donc ouverte.
L'appel a été interjeté dans le délai de dix jours prévu par la loi (art. 248 let. d et 314 al. 1 CPC), de sorte qu'il est recevable sous cet angle.
1.1.2 Dans le cadre d'une procédure de divorce, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires en vertu de l'art. 276 al. 1 CPC; les dispositions régissant la protection de l'union conjugale sont applicables par analogie.
En matière de mesures provisionnelles rendues pour la durée de la procédure de divorce, la maxime inquisitoire est applicable (art. 272 et 276 al. 1 CPC). Cette disposition ne prévoit que la maxime inquisitoire limitée (dite aussi simple ou atténuée ou encore sociale), qui n'oblige pas le juge à rechercher lui-même l'état de fait pertinent. En effet, la maxime inquisitoire limitée ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leurs propres thèses; il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_476/2015 du 19 novembre 2015 consid. 3.3.2).
La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne les droits parentaux (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 CPC), ce qui a pour conséquence que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC), ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_841/2018, 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).
En tant qu'elle porte sur la contribution d'entretien en faveur du conjoint, la procédure est soumise à la maxime inquisitoire sociale (art. 272, 276 al. 1 CPC) et à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 et al. 2 a contrario CPC; ATF 149 III 172 consid. 3.4.1).
1.1.3 Selon l'article 317 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte dans le cadre d'un appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (al. 1). La demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies et si la modification repose sur des faits ou moyens de preuve nouveaux (al. 2).
Dans les procédures régies par la maxime des débats et la maxime d'office, les nova ne sont autorisés en appel qu'à titre exceptionnel, et à des conditions restrictives. Le CPC se fonde sur l'idée que tous les faits et moyens de preuve doivent être allégués et produits en première instance et que la procédure doit en principe être finalisée devant le juge de première instance. La procédure d'appel ne vise pas à compléter la procédure de l'instance précédente mais à vérifier et à corriger le jugement de première instance à la lumière de griefs concrets (ATF 142 III 13 consid. 2.2.2, SJ 2017 I 16). Elle n'est pas destinée à fournir aux parties une occasion de réparer leurs propres carences (arrêt du Tribunal fédéral 4A_569/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.3).
1.1.4 Les conclusions portant sur une somme d'argent doivent être chiffrées (arrêt du Tribunal fédéral 5A_766/2011 du 7 décembre 2011 consid. 5.3).
1.2 En l'espèce, l'appel est recevable en tant qu'il porte sur la question de l'autorité parentale (ch. 1 du dispositif de l'ordonnance querellée).
Tel n'est pas le cas des conclusions de l'appelant relatives à réduction de la contribution fixée par le Tribunal pour l'entretien de l'intimée au chiffre 8 du dispositif de l'ordonnance querellée.
En effet, l'appelant, qui ne s'est pas déterminé sur les mesures provisionnelles requises par son épouse dans le délai imparti pour ce faire par le Tribunal, n'a formulé aucune conclusion en première instance sur cette question. Il n'a pas non plus présenté d'allégations relatives à ses charges.
Dans ces conditions, il lui incombait de rendre vraisemblable que les conditions permettant une modification de ses conclusions en appel étaient réalisées. Il était ainsi notamment tenu d'exposer dans ce cadre pour quels motifs il n'avait pas été en mesure de former devant le Tribunal des conclusions relatives à la contribution due pour l'entretien de son épouse et d'expliquer pourquoi il ne pouvait pas formuler d'allégations sur ses charges en lien avec cette question. Il lui incombait également de mentionner précisément sur quels faits nouveaux ses nouvelles conclusions d'appel étaient fondées.
Or il n'a rien fait de tel. L'appel ne contient pas une ligne sur ces questions, alors même que l'appelant est défendu par avocat depuis le début de la procédure.
Il en découle que les conclusions nouvelles formulées par l'appelant en lien avec la contribution due pour l'entretien de l'intimée sur mesures provisionnelles ne sont pas recevables au regard des exigences prévues par l'art. 317 CPC.
L'on remarquera à toutes fins utiles que la modification à la baisse de la contribution de l'intimée requise par l'appelant n'a aucune influence sur la contribution due pour l'enfant des parties, laquelle n'est remise en cause par aucune d'entre elles et a été fixée conformément au droit.
L'appel est dès lors irrecevable en tant qu'il est dirigé contre le ch. 8 du dispositif de l'ordonnance querellée.
2. Les mesures provisionnelles sont soumises à la procédure sommaire au sens propre (art. 248 let. d, 271 et 276 al. 1 CPC). La cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (arrêt du Tribunal fédéral 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 6.2.2).
Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_360/2015 du 13 août 2015 consid. 3.2.2).
La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).
3. L'appelant a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles devant la Cour, dont l'intimée conteste la recevabilité.
3.1 Lorsque la cause concerne des enfants mineurs et que le procès est soumis à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 147 III 301 consid. 2.2; 144 III 349 consid. 4.2.1 in fine).
3.2 Les pièces nouvelles 2 à 11 produites par l'appelant sont recevables puisqu'elles concernent la question de l'autorité parentale conjointe.
L'appel étant irrecevable en tant qu'il porte sur la contribution due pour l'entretien de l'intimée, les pièces 12 à 17 nouvellement produites par l'appelant, en lien avec cette question, sont également irrecevables.
4. Le Tribunal a considéré que, bien que le SEASP ait constaté que le maintien de l'autorité parentale conjointe n'avait, dans les faits, pas entravé la parentalité de l'intimée, il ne pouvait être attendu de celle-ci qu'elle fasse appel à l'appelant chaque fois qu'il y avait lieu de prendre une décision relative à l'enfant au vu de l'impossibilité objective pour les parties de se contacter. A cela s'ajoutait que l'appelant s'en était également pris à son fils en mai 2023. Il se justifiait dès lors d'attribuer à l'intimée l'autorité parentale exclusive, déjà sur mesures provisionnelles, afin qu'elle puisse prendre soin de l'enfant de manière aussi sereine et efficace que possible, l'appelant n'étant pas en mesure de prendre part aux décisions concernant l'enfant.
L'appelant relève pour sa part que les conditions pour l'attribution à la seule intimée de l'autorité parentale exclusive ne sont pas réalisées. Le maintien de l'autorité parentale conjointe était préconisée par les services sociaux impliqués dans le soutien de la famille. L'autorité parentale conjointe n'avait posé aucun problème depuis la naissance de D______, y compris depuis les faits du 30 mai 2023. Les éléments de preuve recueillis attestaient du fait qu'il avait toujours été impliqué dans l'éducation de son fils et que leur relation était stable et harmonieuse. L'intimée avait d'ailleurs indiqué au SEASP qu'elle était d'accord avec le maintien de l'autorité parentale conjointe.
4.1 Dans le cadre d'une procédure de divorce, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires (art. 276 al. 1 1ère phrase CPC). Les dispositions régissant la protection de l'union conjugale sont applicables par analogie (art. 276 al. 1 2ème phrase CPC). Lorsqu'il y a des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires d'après les dispositions sur les effets de la filiation (art. 176 al. 3 CC).
Aux termes de l'art. 296 al. 2 CC, l'enfant est soumis, pendant sa minorité, à l'autorité parentale conjointe de ses père et mère. Dans le cadre d'une procédure de divorce ou d'une procédure de protection de l'union conjugale, le juge confie à l'un des parents l'autorité parentale exclusive si le bien de l'enfant le commande (art. 298 al. 1 CC).
L'autorité parentale conjointe est la règle depuis l'entrée en vigueur le 1er juillet 2014 des nouvelles dispositions du Code civil relatives à l'autorité parentale (RO 2014 357). Il n'est qu'exceptionnellement dérogé à ce principe, lorsqu'il apparaît que l'attribution de l'autorité parentale exclusive à l'un des parents est nécessaire pour le bien de l'enfant. L'attribution de l'autorité parentale exclusive à l'un des parents doit rester une exception étroitement limitée (ATF 141 III 472 consid. 4.7). Une telle exception est en particulier envisageable en présence d'un conflit important et durable entre les parents ou d'une incapacité durable pour ceux-ci de communiquer entre eux à propos de l'enfant, pour autant que cela exerce une influence négative sur celui-ci et que l'autorité parentale exclusive permette d'espérer une amélioration de la situation. De simples différends, tels qu'ils existent au sein de la plupart des familles, d'autant plus en cas de séparation ou de divorce, ne constituent pas un motif d'attribution de l'autorité parentale exclusive, respectivement de maintien d'une autorité parentale exclusive préexistante (ATF 142 III 1 consid. 3.3; 141 III 472 consid. 4.3 et 4.7).
En l'absence de toute communication entre les parents, le bien de l'enfant n'est pas garanti par l'exercice de l'autorité parentale conjointe. Celle-ci suppose en effet que les parents s'entendent un minimum sur les questions principales concernant l'enfant et qu'ils soient au moins capables de coopérer dans une certaine mesure. Si tel n'est pas le cas, l'autorité parentale conjointe constitue presque inévitablement une charge pour l'enfant, qui s'accentue dès que celui-ci se rend compte du désaccord de ses parents. Cette situation comporte également des risques comme celui de retarder la prise de décisions importantes, par exemple en lien avec des suivis ou traitements médicaux (ATF 142 III 197 consid. 3.5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_320/2022 du 30 janvier 2023 consid. 7.1 et 5A_119/2022 du 7 novembre 2022 consid. 3.1).
Pour apprécier les critères d'attribution en matière de droits parentaux, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC).
4.2 En l'espèce, il ne résulte pas du dossier que le maintien de l'autorité parentale conjointe pour la durée de la procédure mettrait en danger le bien-être de l'enfant. L'intimée ne fait pas état de décision importante qui devrait être prise le concernant à court terme et à laquelle l'appelant ne serait pas en mesure de participer.
Même si la collaboration entre les parents et la confiance que l'intimée peut avoir envers l'appelant s'agissant des décisions à prendre pour D______ sont forcément affectées du fait de la gravité des actes commis par l'appelant à l'encontre de son épouse et de son fils, il ressort de la procédure que, depuis juin 2023, l'appelant a modifié son comportement. Il est stable et respecte l'ensemble des injonctions judiciaires qui lui ont été faites.
Il n'est pas non plus contesté que, avant les graves événements de mai 2023, l'appelant était un père adéquat, impliqué dans la vie quotidienne et l'éducation de son fils.
Le SEASP retient à cet égard que l'appelant n'est pas dans une démarche d'entraver la parentalité de l'intimée et il n'y a aucune raison de mettre en doute cette constatation.
L'intimée allègue que le maintien de l'autorité parentale conjointe est impossible car l'appelant a interdiction de prendre contact avec elle. Une telle interdiction ne saurait justifier à elle-seule le retrait de l'autorité parentale au père. Une interdiction totale de contact entre les parties ne saurait de plus se concevoir à terme, puisque les parties devront forcément reprendre à un moment ou à un autre le dialogue concernant leur fils.
Cela est d'autant plus vrai que le Tribunal a chargé le curateur de l'enfant de mettre en place les préalables nécessaires pour une reprise des contacts entre D______ et son père, ce qui impliquera nécessairement une collaboration entre les parents.
A supposer qu'un litige spécifique en lien avec l'autorité parentale conjointe surgisse pendant la procédure, ledit curateur pourra de plus, si nécessaire, être sollicité par les parties afin de contribuer à trouver une solution.
Il ressort ce qui précède qu'il n'est pas rendu vraisemblable que les conditions strictes pour la suppression de l'autorité parentale conjointe sont réalisée en l'état. Il n'apparaît pas que le maintien de l'autorité parentale conjointe compromette le bien de l'enfant de sorte qu'aucune urgence ne commande de prendre une telle mesure à ce stade.
Le grief de l'appelant sur ce point est dès lors fondé.
Le chiffre 1 du dispositif querellé sera modifié et l'autorité parentale conjointe sur D______ sera maintenue sur mesures provisionnelles.
5. La modification de la décision querellée ne justifie pas une modification du sort des frais de première instance.
Compte tenu de nature familiale du litige et de l'issue de l'appel, les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'200 fr., seront mis à charge des parties à raison d'une moitié chacune (art. 106 et 107 let. c CPC; 31 et 37 RTFMC).
Les deux parties plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ces frais seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, lequel pourra en demander le remboursement ultérieurement (art. 122 et 123 CPC).
Il ne sera pas alloué de dépens.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance OTPI/507/2024 rendue par le Tribunal de première instance le 15 août 2024 dans la cause C/21385/2023.
Le déclare irrecevable pour le surplus.
Au fond :
Annule le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance précitée et, statuant à nouveau :
Maintient l'autorité parentale conjointe de C______ et A______ sur leur fils D______.
Confirme l'ordonnance querellée pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr. et les met à la charge des parties à raison d'une moitié chacune.
Dit que ces frais sont provisoirement supportés par l'État de Genève.
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.