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Décisions | Chambre civile

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C/8353/2020

ACJC/1067/2024 du 03.09.2024 sur JTPI/11470/2023 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8353/2020 ACJC/1067/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 3 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d’un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 octobre 2023, représenté par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge,

et

Madame B______, née [B______], domiciliée ______, intimée, représentée par
Me Michel CELI VEGAS, avocat, rue du Cendrier 12-14, case postale 1207,
1211 Genève 1,

et

Les mineurs C______ et D______, domiciliés chez leur mère, Madame B______, ______, autres intimés, tous deux représentés par leur curatrice, Me E______, avocate.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11470/2023 du 7 octobre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a notamment prononcé le divorce de A______ et B______ (chiffre 1 du dispositif), maintenu l’autorité parentale conjointe sur leurs enfants C______ et D______ (ch. 2), instauré une garde alternée devant s’exercer à quinzaine chez la mère, du mercredi soir à 18h au mardi matin de la semaine suivante de retour à l’école, et à quinzaine chez le père, du mardi soir à la sortie de l’école au mercredi soir à 18h de la semaine suivante, les jours fériés et les vacances scolaires étant répartis par moitié entre les parents (ch. 3), fixé le domicile légal des enfants chez leur mère (ch. 4), dit que A______ prendrait en charge les frais d’habillement des enfants, leurs loisirs et leurs frais de transports publics (ch. 14), dit que les allocations familiales et d’études continueraient à être perçues par B______ (ch. 15), dit que cette dernière prendrait en charge le paiement des primes d’assurance-maladie des enfants et leurs frais médicaux non remboursés (ch. 16), dit que les parents assumeraient chacun les frais de nourriture des enfants pendant leurs périodes respectives de garde (ch. 17), dit que la bonification pour tâches éducatives serait répartie par moitié entre les parents (ch. 19), condamné A______ à payer à B______ le montant de 3’422 fr. 95 à titre de liquidation du régime matrimonial (ch. 20), dit que B______ et A______, pris conjointement et solidairement, étaient débiteurs des soldes de leurs comptes bancaires communs ouverts auprès [des banques] F______ et G______ (ch. 22) ainsi que du montant de 10’053.65 EUR avec intérêts selon l’Ordonnance de référé rendue le 14 juin 2018 par le Tribunal d’Instance de H______ [France] (ch. 23), dit que A______ était seul débiteur de l’indemnité mensuelle d’occupation de 2’010.73 EUR due à compter du mois de janvier 2018 selon l’Ordonnance précitée (ch. 24) et dit que moyennant l’exécution des chiffres 20 à 25 du jugement, le régime matrimonial des parties était liquidé et qu’elles n’avaient plus aucune prétention à faire valoir l’une comme l’autre de ce chef (ch. 26).

B. a. Par acte expédié le 8 novembre 2023 au greffe de la Cour de justice (ci-après: la Cour), A______ a formé appel de ce jugement, qu’il a reçu le 9 octobre 2023, concluant principalement à l’annulation des chiffres 3, 4, 14 à 17, 19, 20, 22 à 24 et 26 de son dispositif. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour lui attribue la garde exclusive des enfants C______ et D______ et réserve à B______ un droit de visite usuel devant s’exercer, sauf accord contraire des parties, à raison d’une semaine sur deux, du mercredi soir 19h au dimanche soir 19h, et de la moitié des vacances scolaires. Il a sollicité de la Cour qu’elle condamne B______ à lui reverser les allocations familiales perçues, fixe l’entretien convenable de C______ à 710 fr., allocations familiales déduites, condamne B______ à lui verser, au titre de contribution à l’entretien de C______, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, la somme de 845 fr. jusqu’aux 18 ans de l’enfant, voire au-delà en cas d’études sérieuses et suivies, fixe l’entretien convenable de D______ à 814 fr., allocations familiales déduites, condamne B______ à lui verser, au titre de contribution à l’entretien de D______, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, la somme de 949 fr. jusqu’aux 18 ans de l’enfant, voire au-delà en cas d’études sérieuses et suivies, dise qu’il continuera à percevoir les rentes complémentaires AVS/AI pour enfants, lui attribue l’entier des bonifications pour tâches éducatives AVS/AI, dise que les parties n’ont aucune dette l’une envers l’autre, que le régime matrimonial est liquidé et condamne B______ en tous les frais et dépens de première instance et d’appel.

Subsidiairement, pour le cas où la garde alternée devait être maintenue, A______ a conclu à ce que la Cour fixe le domicile légal des enfants chez lui, dise que B______ assumera seule l’intégralité de leurs charges courantes, dise qu’elle conservera à cette fin les allocations familiales, dise qu’il continuera à percevoir les rentes complémentaires AVS/AI pour enfants, dise que les parties n’ont aucune dette l’une envers l’autre et que le régime matrimonial est liquidé.

b. Aux termes de leur réponse du 3 janvier 2024, les enfants C______ et D______, représentés par leur curatrice, s’en sont rapportés à justice s’agissant des conclusions de leur père relatives aux questions financières et ont conclu, pour le surplus, à la confirmation du jugement entrepris. Subsidiairement, ils ont conclu au maintien de la garde alternée avec prise en charge par le père à quinzaine, du lundi matin au mercredi de la semaine suivante à 18h, et par la mère à quinzaine, du mercredi soir à 18h au lundi matin suivant à la rentrée des classes.

c. Par réponse du 8 janvier 2024, B______ a conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement attaqué, sous suite de frais et dépens. Elle a préalablement conclu à ce que la Cour ordonne à A______ de produire tous documents utiles permettant de déterminer ses charges et revenus, notamment ses avis de taxation fiscaux pour les années 2017 à 2022 et leurs annexes, les bordereaux correspondants, les situations annuelles de son compte auprès de l’Administration fiscale, les extraits de tous ses comptes bancaires pour les années 2017 à 2022, les attestations relatives aux indemnités et/ou revenus qu’il perçoit et tous autres documents financiers relatifs aux rentes perçues depuis sa retraite à ce jour.

d. A______ et B______ ont respectivement répliqué, dupliqué et adressé à la Cour des déterminations spontanées, chacun persistant dans ses conclusions.

e. Le 6 mai 2024, la curatrice de représentation des mineurs a adressé de nouvelles observations à la Cour, après s’être entretenue avec les enfants. Elle a rapporté que C______ perdait espoir et ne se sentait pas entendue. Celle-ci souhaitait pouvoir vivre définitivement chez son père et, si cela était impossible, à tout le moins que le temps de garde soit « inversé » par rapport à la solution en place depuis 2018, laquelle prévoyait une prise en charge par la mère à raison de neuf nuits, puis par le père à raison de cinq nuits (voir infra B. e). D______ trouvait que les choses allaient un peu mieux, mais relevait que de gros progrès restaient à faire. Il souhaitait, à l’instar de sa sœur, une inversion des parts de jours passés chez chaque parent par rapport à la situation en place.

f. A______ a encore adressé à la Cour des observations spontanées le 6 mai 2024, persistant dans ses conclusions.

g. A______ et B______ ont chacun produit des pièces nouvelles en appel, relatives à leurs capacités parentales.

h. Les parties ont été informées par avis du 31 mai 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

i. Le 3 juin 2024, B______ a fait parvenir à la Cour des déterminations spontanées, accompagnées de trois pièces nouvelles. Elle a persisté dans ses conclusions.

j. La curatrice de représentation des enfants a déposé le 17 juin 2024 son relevé d’activité, arrêtant ses honoraires à 2’550 fr.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______, née le ______ 1977, de nationalités vénézuélienne et française, et A______, né le ______ 1955, originaire de I______ (Genève), se sont mariés le ______ 2003 à J______ (Genève), sans conclure de contrat de mariage.

b. Ils sont les parents de C______, née le ______ 2007 et D______, né le ______ 2012.

C______ a achevé sa deuxième année au Collège K______. D______, quant à lui, a terminé sa septième primaire à l’école L______ de M______ [GE].

c. Les époux se sont séparés au mois de décembre 2017. A______ est demeuré au domicile conjugal, soit une maison de location sise à N______, en France voisine, jusqu’en juin 2018, puis a emménagé dans un appartement à O______ [GE]. B______ a été hébergée dans un premier temps au Foyer P______ avec les enfants avant de prendre à bail un appartement à M______.

d. La vie séparée a été réglée, d’accord entre les époux, par jugement JTPI/15739/2018 rendu sur mesures protectrices de l’union conjugale le 9 octobre 2018.

Une garde alternée sur les enfants a été instaurée, devant s’exercer neuf nuits par quinzaine chez la mère (du lundi matin au mercredi matin de la semaine suivante, à l’exception de la journée du mercredi chez le père) et cinq nuits par quinzaine chez le père (du mercredi matin au lundi matin à la rentrée de l’école), les vacances étant réparties par moitié entre les parents. Le Tribunal a notamment fixé le domicile légal des enfants chez la mère, instauré un droit de regard et d’information en application de l’art. 307 al. 3 CC, dit que les allocations familiales seraient perçues par B______, qui s’engageait à continuer à payer les assurances-maladies des enfants, ainsi que le restaurant scolaire et le parascolaire pour les périodes durant lesquelles les enfants étaient sous sa garde, dit que chaque parent assumerait l’entretien courant des enfants pendant ses périodes de garde, prononcé la séparation de biens avec effet au 6 décembre 2017 et réservé la liquidation du régime matrimonial antérieur des époux.

e. A la suite d’une dénonciation du Service d’évaluation de la séparation parentale (ci-après: SEASP), concomitante au rapport d’évaluation sociale requis dans la procédure de mesures protectrices de l’union conjugale, plusieurs procédures pénales ont été ouvertes à l’encontre de chacun des parents, notamment pour violation du devoir d’éducation (art. 219 CP) et lésions corporelles simples sur les enfants (art. 123 CP). Des ordonnances pénales ont été rendues, contre lesquelles les époux ont tous deux fait opposition, sans que l’on sache quelle suite y a été donnée.

f. Le 16 avril 2020, B______ a saisi le Tribunal d’une demande en divorce.

Sur les points encore litigieux en appel, elle a conclu, en dernier lieu, à ce que la garde exclusive des enfants lui soit attribuée et à ce qu’un droit de visite soit octroyé à A______, devant s’exercer un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Pour le cas où le Tribunal devait prononcer une garde alternée, elle a requis que celle-ci s’exerce selon les modalités prévues dans le jugement de mesures protectrices de l’union conjugale du 9 octobre 2018.

Elle a sollicité que l’entretien convenable de C______ soit fixé à 1’136 fr. 85 et celui de D______ à 1’027 fr., que les allocations familiales lui soient versées, que A______ soit condamné à lui verser, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, par enfant, 948 fr. à titre de contribution à leur entretien, qu’il soit ordonné en conséquence que les rentes complémentaires AVS d’un montant minimum de 948 fr. pour chaque enfant lui soient transférées et que les bonifications pour tâches éducatives lui soient attribuées.

S’agissant du régime matrimonial, elle a conclu à ce qu’il soit dit que les époux étaient solidairement responsables des dettes contractées jusqu’au 31 décembre 2017, soit un montant total de 33’751 fr. 90, qu’il soit donné acte aux époux qu’elle s’était acquittée seule de la somme de 13’744 fr. 80, la condamnation de A______ à lui rembourser la moitié de ce montant, soit 6’872 fr. 20, qu’il soit dit que le solde des dettes, soit 20’817 fr. 55, serait assumé par moitié par les parties et qu’il soit dit que A______ assumerait seul la dette découlant de son occupation illicite de la maison de N______ après le 31 décembre 2017.

g. Dans sa réponse, A______ a conclu, s’agissant des points encore litigieux en appel et en dernier lieu, à ce que la garde exclusive des enfants lui soit attribuée et à ce qu’un droit de visite soit octroyé à B______, devant s’exercer, sauf accord contraire entre les parties, une semaine sur deux, du mercredi soir à 19h au dimanche soir à 19h, et durant la moitié des vacances scolaires. Il a sollicité que l’entretien convenable de C______ soit fixé à 953 fr. 33, allocations familiales déduites, la condamnation de B______ à lui verser, au titre de contribution à l’entretien de C______, allocations familiales non comprises, la somme de 1’050 fr. jusqu’à la majorité voire au-delà en cas d’études sérieuses et suivies, que l’entretien convenable de D______ soit fixé à 959 fr. 53 par mois, allocations familiales déduites et part de prise en charge incluse, et la condamnation de B______ à lui verser, au titre de contribution à l’entretien de D______, allocations familiales non comprises, la somme de 1’050 fr. jusqu’à la majorité voire au-delà en cas d’études sérieuses et suivies. Il a en outre requis que B______ lui reverse les allocations familiales, que l’entier des bonifications pour tâches éducatives lui soit attribué et conclu au partage par moitié entre les parents des frais extraordinaires des enfants engagés par un parent, sous réserve de l’approbation préalable de l’autre.

Concernant le régime matrimonial, il a conclu à ce qu’il soit dit que les parties n’avaient aucune dette l’une envers l’autre, qu’il lui soit donné acte de son engagement à verser à l’Administration fiscale cantonale genevoise le montant de 607 fr. 50 correspondant à la moitié du solde dû par le couple pour l’année fiscale 2015 et qu’il soit dit pour le surplus que le régime matrimonial était liquidé.

h. Lors de son audition par le SEASP le 30 septembre 2020, D______ a fait part de son souhait de vivre chez son père, indiquant ne pas se sentir bien avec sa mère.

i. Entendue à sa demande par le Tribunal le 27 octobre 2020, C______ a également fait part de son souhait de vivre chez son père, expliquant, pour l’essentiel, qu’elle se sentait méprisée et jalousée par sa mère qui lui avait toujours préféré D______.

j. Le 16 novembre 2020, le Tribunal a désigné Me E______ en qualité de curatrice de représentation des enfants.

k. Dans son rapport d’évaluation sociale du 17 décembre 2020, le SEASP a préconisé qu’une expertise du groupe familial soit ordonnée et, en attendant, que la garde alternée telle que décidée dans le jugement sur mesures protectrices de l’union conjugale soit maintenue, de même que le domicile légal des enfants chez leur mère.

Suite à sa visite au domicile de B______, le SEASP a relevé que l’appartement était propre et bien tenu. Des fruits frais et des légumes étaient visibles sur la table à manger ainsi qu’à la cuisine. Le congélateur était également plein d’aliments.

l. Le 28 janvier 2021, le Tribunal a ordonné la tenue d'une expertise du groupe familial et l'a confiée au Professeur Q______ et à la Dre R______. Dans leur rapport du 7 août 2021, les experts ont relevé que le père présentait des traits de personnalité narcissique très marqués. Il peinait à reconnaître les apports de la mère, pointait les défaillances de cette dernière et transmettait aux enfants un ressenti négatif à son égard. Dans le registre du positif, il était attentif aux besoins physiologiques des enfants et leur offrait un cadre de vie stable concernant les soins médicaux, l’hygiène, les repas, le sommeil et les devoirs. Il répondait de manière pertinente, sur un plan intellectuel, aux besoins éducatifs des enfants et favorisait leur socialisation. C______ et D______ étaient attachés à l’image forte et rassurante que leur père véhiculait. Celui-ci était nettement plus apte que la mère à gérer les débordements émotionnels et à offrir un cadre de référence. Il était fondamentalement bienveillant à l’égard de ses enfants, mais son interdiction de la faiblesse le poussait à un dénigrement constant de l’autre (en l’occurrence la mère), comme s’il était nécessaire de garder cette distinction sans nuances entre des dipôles (père compétent/mère indifférente, père disponible/mère égoïste, père victime/mère bourreau). Il était très peu conscient du niveau de son agressivité et du caractère destructeur du lien mère-enfants dont son discours sans nuance était responsable.

La mère présentait une personnalité à traits immatures. Tout en étant de bonne disposition par rapport à ses enfants et capable d’un contact chaleureux et détendu, elle se retrouvait rapidement désarçonnée lorsqu’elle devait faire face à l’agressivité de sa fille qui la remettait en question de manière brutale. Par crainte de se faire agresser par C______, elle acceptait passivement le repli de cette dernière et gérait le mal-être par la prise de distance sans prendre en considération l’ampleur du désarroi de ses enfants. Quand C______ et D______ critiquaient son intérêt limité pour la vie domestique, la mère se sentait prise en faute, réagissait par la dénégation ou la rupture de communication. En revanche, elle se montrait authentiquement intéressée par le devenir de ses enfants. S’agissant de leurs besoins intellectuels et éducatifs, elle restait présente avec un niveau d’exigence approprié. Ses « explosions » en lien avec la difficulté à gérer ses émotions n’étaient pas associées à des actes de maltraitance; le témoignage des enfants sur ce plan étant très influencé par le conflit de loyauté, peu crédible et souvent contradictoire. Sa capacité à assumer les besoins de base des enfants était présente, mais restait tributaire de ses fluctuations émotionnelles. Elle semblait pouvoir trier les informations transmises aux enfants concernant les conflits parentaux. Dans ce sens, elle critiquait le père tout en étant beaucoup moins dénigrante à son égard que l’inverse.

L’opposition des personnalités des deux parents et leur style éducatif radicalement différent avec une communication marquée par leur hostilité étaient à l’origine d’une péjoration progressive de la santé psychique des enfants dans des registres différents.

Ainsi, C______ présentait un épisode dépressif moyen marqué par une baisse significative de son humeur et une attitude hostile par rapport à son environnement scolaire. Le père était fortement idéalisé, sans aucune nuance, représentait la force et la constance, l’homme à qui l’on pouvait se fier, mais qu’elle était en devoir de ne pas décevoir. La mère arrivait à mobiliser des moments de gaieté authentique et était plus proche sur un plan affectif. Elle pouvait même partager des aspects de la vie scolaire, mais son image restait fondamentalement dévalorisée.

D______ était celui qui prenait soin des autres membres de la famille dans une inversion des rôles frappante. Il manifestait des troubles émotionnels de faible ampleur en lien avec ce rôle lourd à porter, pouvait confabuler et se montrer en difficulté face au conflit parental, mais fonctionnait bien au niveau scolaire et dans le cadre de ses relations interpersonnelles. Il partageait avec sa sœur l’admiration pour un père présent et efficient et pouvait exagérer, voire transformer les faits lorsqu’il se référait aux conflits avec la mère, tout en étant capable d’accepter qu’il s’était trompé.

Face à une situation décrite comme complexe et préoccupante par les experts, ceux-ci se sont longuement interrogés sur la nécessité d’un placement des enfants pour les sortir des conflits de loyauté insolubles et destructeurs en leur donnant un espace de développement personnel. Ils ont finalement préconisé d’y renoncer dans un premier temps, espérant que des mesures moins coercitives seraient capables de changer la situation. Les arguments essentiels ayant déterminé cette position résidaient dans la bienveillance de fond des deux parents par rapport à leurs enfants sans preuve de maltraitance ou de négligence mettant en péril leur développement à court terme, la nécessité de garder et de soigner le lien de C______, en situation de détresse, avec sa mère à travers un travail psychothérapeutique et éducatif, et l’espoir que le discours destructeur du père pourrait changer une fois que ce dernier prendrait la mesure du risque que son attitude fermée fait peser sur ses enfants au long cours. Les experts ont dès lors conclu à ce qu’une période d’observation de douze mois soit tenue, au cours de laquelle une assistance éducative obligatoire devait être confiée à des professionnels pour chaque parent, ces derniers devant suivre une psychothérapie individuelle. Au cours de cette période d’observation, les modalités de garde en vigueur devaient être maintenues sans modification de la distribution des jours, à savoir une prise en charge neuf nuits par quinzaine chez la mère et cinq nuits par quinzaine chez le père.

m. Par ordonnance OTPI/782/2021 du 22 octobre 2021, le Tribunal a instauré une mesure d’assistance éducative et l’a confiée à S______ [centre de consultations familiales], soit pour elle T______, instauré une curatelle ad hoc destinée à assurer la mise en place de la mesure et son suivi, dit que la psychothérapie de C______ devait être poursuivie et supervisée par un médecin pédopsychiatre FMH, instauré une curatelle ad hoc destinée à assurer la mise en place de la supervision et son suivi, donné acte à B______ et A______ de leur engagement respectif à entreprendre une psychothérapie individuelle et instauré une curatelle ad hoc destinée à assurer la mise en œuvre de la mesure précitée.

n. Le 10 mai 2022, le Tribunal a ordonné aux époux d’entreprendre une guidance parentale auprès de T______.

o. Entendu à sa demande par le Tribunal en date du 28 juin 2022, D______ a fait part de son souhait « qu’il y ait plus à manger dans les assiettes quand sa maman prépare à manger » et que celle-ci « laisse des choses à manger pour son petit-déjeuner le matin quand elle part au travail ». Il se décrit « comme un roi » lorsqu’il est chez son père, lequel lui offre de la nourriture saine et en quantité suffisante.

p. Un second rapport d’expertise a été établi le 21 novembre 2022, à l’issue de la période d’observation. Les experts ont noté une évolution variable de la situation, à la fois rassurante et inquiétante sous certains aspects. Les parents avaient entrepris le travail thérapeutique préconisé. Toutefois, la démarche répondait à une obéissance judiciaire chez le père et non à une demande personnelle de changement. Celui-ci demeurait rigide dans sa perception dénigrante de la mère. Le lien de C______ avec sa mère semblait s’être amélioré mais la relation restait marquée par la tristesse et la colère. D______ se positionnait moins comme le sauveur de l’équilibre familial. Toutefois, son comportement à l’école et chez sa mère s’était péjoré. Comme les experts l’avaient prévu, sa santé psychique se dégradait et un travail psychothérapeutique était nécessaire de manière évidente.

En conclusion, les experts ont préavisé la poursuite de la garde alternée et des modalités en place, ainsi que de toutes les mesures préconisées dans leur expertise du 7 août 2021. Le placement des enfants n’apparaissait pas nécessaire, au vu de la stabilité de leurs performances scolaires, de l’absence d’incident majeur au niveau systémique, de la faible ampleur de leurs troubles du comportement et du lien de meilleure qualité entre C______ et sa mère. Il convenait en outre d’instaurer une psychothérapie individuelle pour D______ et une psychothérapie entre C______ et sa mère, afin d’aborder le passif relationnel et construire une relation adulte de qualité.

q. Un rapport d’évaluation périodique a été adressé le 4 mai 2023 par le SPMi au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant. T______ estimait que le travail de guidance parentale n’était pas possible avec A______, en raison de son incapacité à entendre un point de vue différent du sien. En revanche, B______ était adéquate et n’avait pas besoin de poursuivre la guidance parentale. La situation familiale avait peu évolué, les enfants continuant d’être pris dans un fort conflit de loyauté. Le SPMi estimait que les curatelles ad hoc n’avaient plus lieu d’être. En revanche, le droit de regard et d’information semblait tout indiqué.

r. Dans ses plaidoiries finales du 12 juillet 2023, la curatrice des enfants a indiqué que C______ se plaignait d’un manque de nourriture chez sa mère et du fait que l’état de l’appartement laissait à désirer. Elle déplorait en outre d’avoir à peine reçu un cadeau pour son anniversaire, de devoir participer aux tâches ménagères et que sa mère refuse parfois de l’accompagner à ses activités en lui demandant de prendre le bus. Elle interprétait cela comme un manque d’intérêt à son égard. Chez son père, en revanche, tout était parfait, la nourriture était variée, il l’amenait à ses différentes activités et lui achetait ses yaourts et glaces préférées.

La position de D______ était calquée sur celle de sa sœur et ses plaintes étaient essentiellement similaires. Certaines d’entre elles étaient étonnantes de la part d’un enfant de dix ans, comme le fait que la mère n’achetait pas suffisamment d’habits « alors qu’elle gagne plus que papa ». D______ lui reprochait également d’avoir été en arrêt maladie du fait de son problème aux cervicales: « quand je suis malade, je vais quand-même à l’école. C’est quoi ces histoires. Enfin, c’est pour nous nourrir qu’elle travaille ». La situation chez le père était décrite de manière idyllique, voire idéalisée. « Tout est bien chez papa, il nous fait même notre lit. Il fait tout ce qu’on lui demande. C’est comme un hôtel de luxe ».

La curatrice a estimé que le maintien du statu quo n’avait pas de sens dès lors que les enfants n’étaient pas heureux dans l’organisation en place et se sentaient négligés par leur mère. La curatrice a dès lors conclu, à titre principal, à ce que la garde alternée s’exerce de manière plus importante chez le père avec inversion des parts de jours passés chez chaque parent, soit à quinzaine chez le père, du lundi au mercredi de la semaine suivante (neuf nuits) et chez la mère, du mercredi 18h au lundi, retour à l’école (cinq nuits). Cette solution, que les enfants étaient prêts à accepter, n’apparaissait a priori pas incompatible avec les considérations des experts et du SPMi, ceci sous réserve de la capacité du père à respecter la place de la mère et à la valoriser, ce qui paraissait « plus que douteux en l’état ». Subsidiairement, la curatrice a proposé une garde alternée devant s’exercer chez la mère à quinzaine, du mercredi soir 18h au mardi matin de la semaine suivante à la rentrée des classes et chez le père, à quinzaine, du mardi soir à la sortie de l’école au mercredi soir de la semaine suivante à 18h.


 

D. La situation personnelle et financière des parties est la suivante :

a. B______ a été employée de U______ SA jusqu’à la fin de l’année 2022, emploi qu’elle a quitté notamment en raison de douleurs dorsales, avec licenciement par son employeur le 29 septembre 2022. Elle a sollicité des prestations de l’Assurance Invalidité au mois de septembre 2022 et de l’Office cantonal de l’emploi. A compter de janvier 2023, elle a effectué des missions temporaires pour V______ SA. Son salaire net s’est élevé à 4’128 fr. 90 en janvier 2023, à 5’004 fr. 30 en février 2023 et à 5’635 fr. 65 en mars 2023. Des provisions pour vacances et treizième salaire ressortent des fiches de salaire produites pour un montant de 1’014 fr. 15 en janvier 2023, 1’229 fr. 45 en février 2023 et 1’388 fr. 85 en mars 2023.

b. Ses charges telles que retenues par le Tribunal, non contestées en appel, s’élèvent approximativement à 4’000 fr., comprenant son montant de base OP (1’350 fr.), son loyer (1’866 fr.), sa prime d’assurance-maladie (659 fr.) et ses frais de transport (70 fr.).

c. A______ a travaillé pour différentes entreprises dans le domaine de la production et a été licencié en 2012. Il a bénéficié d’indemnités de chômage jusqu’en 2015, puis a été assisté par l’Hospice général à partir du mois de décembre 2017. Il perçoit une rente AVS depuis le 1er décembre 2020, laquelle s’est élevée à 2’370 fr. en 2020, à 2’390 fr. en 2022 et à 2’450 fr. en 2023, ainsi qu’une rente deuxième pilier de 905 fr. 85 par mois depuis le 1er juillet 2022.

d. Le Tribunal a retenu que ses charges s’élevaient à 3’355 fr., comprenant son montant de base OP (1’350 fr.), son loyer (1’800 fr.), sa prime d’assurance-maladie (300 fr.), et ses frais de transport (70 fr.).

A teneur des pièces produites, le montant de sa prime d’assurance-maladie s’élève toutefois à 471 fr. 80.

e. Les rentes complémentaires AVS pour les enfants versées chaque mois à A______ depuis le 1er décembre 2020 se sont élevées à 948 fr., puis à 956 fr. en 2022 et à 980 fr. en 2023.

B______ perçoit les allocations familiales et d’études en 311 fr., respectivement 415 fr.

f. La prime d’assurance-maladie de C______ s’élève à 207 fr. 30 et celle de D______ à 213 fr. 50.

Leurs frais de transport se montent à 45 fr. et leur entretien de base à 600 fr.

g. B______ s’acquitte des primes d’assurance-maladie et des frais médicaux non remboursés des enfants.

E. Les éléments suivants ressortent de la procédure s’agissant de la liquidation du régime matrimonial :

a. A______ et B______ sont titulaires de deux comptes bancaires communs, à savoir un compte n° 1______ ouvert auprès de [la banque] F______, présentant un solde négatif de 1’024 fr. 18 avec intérêts à 12% au 30 janvier 2018, et un compte n° 2______ détenu auprès de [la banque] G______, présentant un solde négatif de 2’294.25 EUR le 4 janvier 2019. Les époux étaient chacun au bénéfice d’une carte de crédit sur ces comptes.

Les salaires, puis les indemnités de chômage des époux, étaient versés sur le compte ouvert auprès de F______. Le compte détenu auprès de G______ servait au paiement des dépenses courantes de la famille et était alimenté par des versements effectués depuis le compte ouvert auprès de F______.

Il ressort des pièces produites que B______ a versé un montant de 880 EUR auprès de G______ pour solder une partie de la dette du couple.

b. A______ et B______ sont les destinataires d’un commandement de payer portant sur un montant de 6’208.48 EUR, daté du 5 septembre 2017, relatif aux loyers impayés de la maison de N______ entre les mois de février et août 2017.

Par ordonnance de référé du 14 juin 2018, le Tribunal d’instance de H______ [France] a condamné solidairement les époux à payer à leur bailleur le montant de 10’053.65 EUR avec intérêts ainsi qu’une indemnité d’occupation de 2’010.73 EUR par mois.

c. Les époux ont des dettes d’impôts, soit 1’215 fr. pour l’année 2015, 1’362 fr. 20 pour l’année 2016 et 756 fr. 80 pour l’année 2017. B______ a partiellement soldé ces dettes en s’acquittant d’un montant de 300 fr. pour 2015, de 1’362 fr. 20 pour 2016 et de 756 fr. 80 pour 2017.

d. B______ a fait l’objet de deux poursuites ouvertes le 10 mai 2016 de la part de W______ [compagnie d'assurance] portant sur les montants de 1’102 fr. 90 et 527 fr. 30. Elle a également fait l’objet d’une poursuite ouverte le 8 août 2017 de la part de X______ [assurance maladie] pour un montant de 2’337 fr. 30. Elle a soldé l’intégralité de ce dernier montant et « épongé » une partie des dettes envers W______ en s’acquittant de 695 fr. 05 et 391 fr. 20 auprès de l’Office des poursuites.

F. Sur les questions qui demeurent litigieuses en appel, le Tribunal a considéré ce qui suit.

Il était clairement exclu que la garde exclusive soit confiée à l’un ou l’autre des parents. A______ offrait certes à ses enfants un cadre où de meilleures conditions objectives étaient présentes, telles que la qualité de la nourriture, l’accompagnement dans la scolarité et le caractère accueillant de l’appartement. Toutefois, le dénigrement drastique de la mère par le père empêchait que la garde des enfants lui soit confiée, car une telle solution ne ferait que rendre plus difficile la relation entre les enfants et leur mère, de par l’image uniquement négative de celle-ci que le père communiquait aux enfants. La destruction de l’image maternelle était, d’autre part, délétère pour le développement des enfants, en particulier de C______ dans la construction de son identité de femme adulte. Il n’était pas plus concevable que la garde exclusive des enfants soit confiée à B______ en raison de la fragilité de son lien avec les enfants, ainsi que du fait qu’elle était moins à même que son époux à accompagner les enfants dans leur scolarité. Le Tribunal avait ainsi choisi une répartition du temps plus ou moins égale chez chaque parent, soit huit nuits chez le père et six nuits chez la mère. Le domicile légal des enfants devait demeurer chez leur mère, afin qu’ils poursuivent leur scolarité selon le cursus déjà entamé.

Il paraissait équitable que A______ continue à percevoir les rentes complémentaires AVS pour enfants, à charge pour lui de payer les vêtements des enfants, leurs activités de loisirs et leurs frais de transport. B______ continuerait à percevoir les allocations familiales et d’études, qui lui permettraient de payer les assurances-maladies et les frais médicaux non couverts des enfants. Son propre disponible lui permettrait de couvrir les frais de nourriture des enfants pendant ses périodes de garde. La bonification pour tâches éducatives devait être partagée par moitié au vu de la garde alternée.

Durant la vie commune, la répartition des tâches convenue entre les époux consistait en une prise en charge par les deux des dépenses courantes, par le biais des économies réalisées ainsi que leurs revenus respectifs. Les époux participaient ainsi tous deux aux charges du ménage, alors même que seule B______ travaillait durant les deux dernières années de vie commune. L’ensemble des dettes contractées par les époux pour couvrir les besoins de la famille devaient être partagées par moitié jusqu’à la séparation des époux au mois de décembre 2017, ceux-ci n’ayant pas opté pour une répartition des tâches où l’épouse supportait seule les frais d’entretien de la famille. A______ n’alléguait pas s’être occupé, en contrepartie, de manière prépondérante du ménage et de la famille pendant que son épouse travaillait.

Dans ces conditions, les dettes devaient être partagées par moitié entre chacun des époux, soit les soldes négatifs de leurs comptes bancaires, les loyers en souffrance de la maison à N______ jusqu’au mois de décembre 2017 - A______ étant seul débiteur des loyers postérieurs dès lors qu'il était l'unique occupant de la maison -, les impôts communs jusqu’à la séparation, ainsi que les dettes d’assurances-maladies.

EN DROIT

1. 1.1 L’appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l’autorité inférieure, est supérieure à 10’000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l’espèce, le litige porte notamment sur l’attribution des droits parentaux, soit sur une affaire non pécuniaire dans son ensemble, de sorte que la voie de l’appel est ouverte indépendamment de la valeur litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 1).

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et auprès de l’autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l’appel est recevable.

Sont également recevables la réponse de l’intimée (art. 312 CPC) et les écritures subséquentes des parties, à l’exception des déterminations de l’intimée du 3 juin 2024 et des pièces s’y rapportant, celles-ci ayant été déposées après que la cause a été gardée à juger.

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d’office (art. 57 CPC). Conformément à l’art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l’appelant estime entachés d’erreurs et qui ont fait l’objet d’une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC).

Les maximes d’office et inquisitoire illimitée sont applicables aux questions concernant les enfants mineurs (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et art. 296 CPC), de sorte que la Cour n’est pas liée par les conclusions des parties sur ces points (art. 296 al. 3 CPC), ni par l’interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1).

En tant qu’elle porte sur la liquidation du régime matrimonial, la procédure est soumise aux maximes de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et des débats atténuée (art. 55 al. 1, 277 al. 1 et 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 5).

2. A teneur de l’art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s’ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s’ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Dans les causes de droit matrimonial concernant les enfants mineurs, où les maximes d’office et inquisitoire illimitée s’appliquent, tous les novas sont admis, même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF
144 III 349 consid. 4.2.1).

En l’espèce, les pièces nouvellement produites par les parties se rapportent toutes aux relations parents/enfants, ainsi qu’aux capacités parentales de chacun. Elles sont susceptibles d’avoir une influence sur l’attribution de la garde des enfants, de sorte qu’elles sont recevables, de même que les faits qui s’y rapportent.

3. L’intimée sollicite la production par l’appelant de diverses pièces afin d’établir sa situation financière.

3.1 Conformément à l’art. 316 al. 3 CPC, l’instance d’appel peut librement décider d’administrer des preuves. Le juge peut, par une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles, refuser d’administrer une preuve supplémentaire offerte par une partie s’il considère que celle-ci serait impropre à ébranler sa conviction (ATF 141 I 60 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_82/2022 du 26 avril 2022 consid. 5.1 et les références citées).

3.2 En l’espèce, l’appelant a d’ores et déjà versé à la procédure ses décomptes de prestations de l’Hospice général et ses attestations relatives aux rentes perçues de ses premier et deuxième piliers pour les années 2020 à 2023. Ces éléments permettent, en sus des explications fournies, d’établir sa situation financière. Il ne paraît dès lors pas nécessaire de l’astreindre à fournir des pièces supplémentaires, ce d’autant que l’intimée n’indique ni ne motive les raisons pour lesquelles de telles pièces seraient nécessaires.

La Cour étant suffisamment renseignée pour statuer, la conclusion de l’intimée sera rejetée.

4. L’appelant reproche au Tribunal de ne pas lui avoir confié la garde exclusive de ses enfants. Les mesures ad hoc ne sont, quant à elles, pas contestées.

4.1.1 Selon l’art. 298 al. 2ter CC, lorsque l’autorité parentale est exercée - comme en l’espèce - conjointement, le juge examine, selon le bien de l’enfant, la possibilité de la garde alternée, si le père, la mère ou l’enfant la demande.

En matière d’attribution des droits parentaux, le bien de l’enfant constitue la règle fondamentale (ATF 141 III 328 consid. 5.4), les intérêts des parents devant être relégués au second plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; 131 III 209 consid. 5).

Le juge doit évaluer, sur la base de la situation de fait actuelle ainsi que de celle qui prévalait avant la séparation des parties, si l’instauration d’une garde alternée est effectivement à même de préserver le bien de l’enfant. Au nombre des critères essentiels pour cet examen, entrent en ligne de compte les capacités éducatives des parents, lesquelles doivent être données chez chacun d’eux pour pouvoir envisager l’instauration d’une garde alternée, ainsi que l’existence d’une bonne capacité et volonté des parents de communiquer et coopérer compte tenu des mesures organisationnelles et de la transmission régulière d’informations que nécessite ce mode de garde. A cet égard, on ne saurait déduire une incapacité à coopérer entre les parents du seul refus d’instaurer la garde alternée. En revanche, un conflit marqué et persistant entre les parents portant sur des questions liées à l’enfant laisse présager des difficultés futures de collaboration et aura en principe pour conséquence d’exposer de manière récurrente l’enfant à une situation conflictuelle, ce qui apparaît contraire à son intérêt (ATF 142 III 617, consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_700/2021 du 16 septembre 2022 consid. 3.2 et les références citées).

Si les parents disposent tous deux de capacités éducatives, le juge doit dans un deuxième temps évaluer les autres critères d’appréciation pertinents pour statuer sur l’attribution de la garde de l’enfant. Au nombre des critères essentiels pour cet examen entrent notamment en ligne de compte la situation géographique et la distance séparant les logements des deux parents, la capacité et la volonté de chaque parent de favoriser les contacts entre l’autre parent et l’enfant, la stabilité que peut apporter à l’enfant le maintien de la situation antérieure – en ce sens notamment qu’une garde alternée sera instaurée plus facilement lorsque les deux parents s’occupaient de l’enfant en alternance déjà avant la séparation –, la possibilité pour chaque parent de s’occuper personnellement de l’enfant, l’âge de ce dernier et son appartenance à une fratrie ou à un cercle social, ainsi que le souhait de l’enfant s’agissant de sa propre prise en charge, quand bien même il ne disposerait pas de la capacité de discernement à cet égard (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_794/2017 du 7 février 2018, consid. 3.1). Pour apprécier le poids qu’il convient d’accorder à l’avis de l’enfant, son âge et sa capacité à se forger une volonté autonome, ce qui est en règle générale le cas aux alentours de 12 ans révolus, ainsi que la constance de son avis sont centraux (ATF 127 III 295 consid. 4a; 126 III 219 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_415/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1; 5A_56/2020 du 17 août 2020 consid. 4.1; 5A_984/2019 du 20 avril 2020 consid. 3.3 et les références).

Dans un arrêt 5A_459/2015 du 13 août 2015 traitant des relations personnelles, le Tribunal fédéral a considéré que la réglementation du droit de visite ne saurait dépendre seulement de la volonté de l’enfant, notamment lorsqu’un comportement défensif de celui-ci est principalement influencé par le parent gardien. Il s’agit d’un critère parmi d’autres; admettre le contraire conduirait à mettre sur un pied d’égalité l’avis de l’enfant et son bien, alors que ces deux éléments peuvent être antinomiques et qu’une telle conception pourrait donner lieu à des moyens de pression sur lui. Le bien de l’enfant ne se détermine pas seulement en fonction de son point de vue subjectif selon son bien-être momentané, mais également de manière objective en considérant son évolution future (arrêt du Tribunal fédéral 5A_459/2015 du 13 août 2015 consid. 6.2.2).

Si le juge arrive à la conclusion qu’une garde alternée n’est pas dans l’intérêt de l’enfant, il devra alors déterminer auquel des deux parents il attribue la garde en tenant compte, pour l’essentiel, des critères d’évaluation précités (ATF
142 III 617 consid. 3.2.4). Pour apprécier ces critères, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation (ATF 142 III 617 consid. 3.2.5).

4.1.2 Saisi de questions relatives aux enfants, le juge peut ordonner une expertise. Comme pour tout moyen de preuve, il en apprécie librement la force probante (art. 157 CPC). Il n’est en principe pas lié par les conclusions de l’expert, qu’il doit apprécier en tenant compte de l’ensemble des autres preuves administrées. Dans le domaine des connaissances professionnelles particulières de l’expert, il ne peut toutefois s’en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité; il doit alors motiver sa décision à cet égard (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_700/2021 du 16 septembre 2022 consid. 3.2; 5A_551/2021 du 7 décembre 2021 consid. 4.2.1).

4.1.3 La bonification pour tâches éducatives est partagée par moitié lorsque les deux parents assument à égalité la prise en charge des enfants communs (art. 52fbis al. 2 RAVS).

4.2 En l’espèce, l’ensemble des intervenants sociaux, de même que les experts mandatés par le Tribunal, s’accordent à dire que l’attribution de la garde exclusive à l’un ou l’autre des parents serait contraire au bien des mineurs. En effet, le père, s'il prend en charge correctement les enfants, véhicule une image essentiellement négative de la mère et pour sa part, cette dernière rencontre des difficultés dans l'encadrement des enfants. Il sera ici rappelé que la nécessité d’un placement des enfants a été longuement étudiée par les professionnels, afin de les sortir de l’intense conflit de loyauté dans lequel ils se trouvent.

L’appelant fait uniquement valoir en appel que les enfants souhaitent vivre avec lui. Il est vrai que les mineurs ont tous deux exprimé ce souhait, et ce invariablement depuis le début de la procédure. Ils ont fait état de plusieurs critiques à l’encontre de leur mère, concernant principalement la tenue de son ménage et un manque de nourriture. Toutefois, il est le lieu de relever qu’aucune plainte émise par C______ ou D______ à l’endroit de leur mère n’a pu être objectivée par les intervenants sociaux. Par ailleurs, les doléances des enfants s’apparentent souvent plus à quelques caprices qu’à un quelconque délaissement de l’intimée à leur égard. A titre d’exemple, C______, âgée de seize ans, se plaint de devoir contribuer aux tâches ménagères lorsqu’elle est chez sa mère, du fait qu’elle doive parfois se rendre en bus à ses activités ou encore d’avoir reçu « à peine » un cadeau à l’occasion de son anniversaire. D______, quant à lui, décrit se sentir comme dans un « hôtel de luxe » lorsqu’il est chez son père, lequel accéderait à toutes ses demandes. Il convient donc d’accueillir les reproches des enfants à l’encontre de l’intimée avec un certain recul et de relativiser cette vision dichotomique avec laquelle ils associent systématiquement l’investissement du père à un désintérêt ou un manquement de la mère. Il faut en outre prendre en considération qu’à l’inverse de l’intimée, l’appelant ne travaille pas. Il est dès lors globalement plus disponible pour les enfants, ce dont on ne saurait inférer, par comparaison, un quelconque défaut d’implication de la mère.

Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré qu'une garde alternée des enfants était dans l'intérêt de ces derniers.

Depuis l’instauration de la garde alternée suite à leur séparation, les parents n’ont pas exposé avoir rencontré des problèmes de communication ou de collaboration sur le plan organisationnel. Ils semblent se transmettre réciproquement les informations adéquates au sujet des enfants et s’entendre de manière générale sur les questions relatives à leur éducation. Au reste, tant les intervenants sociaux que les experts estiment que chacun des parents présente des capacités éducatives suffisantes. Face au risque d’un placement des enfants, le Tribunal a opté pour « la solution du moindre mal » en préconisant une prise en charge à parts quasiment égales entre les deux parents, soit huit nuits chez le père et six nuits chez la mère. Toute répartition privilégiant une prise en charge plus importante par le père risquerait d’être interprétée par les enfants comme la confirmation de l’inadéquation maternelle déjà largement convoyée par l’appelant et aurait pour effet de fragiliser davantage l’intimée dans son rôle de mère. La volonté des enfants de passer plus de temps chez leur père n'est ainsi pas conforme à leur intérêt.

Pour ces raisons, tant le principe de la garde alternée que les modalités fixées par le premier juge seront maintenus et le chiffre 3 du jugement sera confirmé.

4.3 Compte tenu du maintien de la garde alternée s’exerçant à parts quasiment égales entre les deux parents, les bonifications pour tâches éducatives seront réparties par moitié. Le chiffre 19 du jugement sera ainsi confirmé.

5. L’appelant fait grief au Tribunal d’avoir fixé le domicile légal des enfants chez leur mère, plutôt qu’à son propre domicile.

5.1 Selon l’art. 25 al. 1 CC, l’enfant sous autorité parentale partage le domicile de ses père et mère ou, en l’absence de domicile commun des père et mère, le domicile de celui de ses parents qui détient la garde; subsidiairement, son domicile est déterminé par le lieu de sa résidence.

En cas de garde alternée, le domicile de l’enfant se trouve au lieu de résidence avec lequel les liens sont les plus étroits (ATF 144 V 299 consid. 5.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_210/2021 du 7 septembre 2021 consid. 4.). Le centre de vie ne doit pas nécessairement être déterminé en fonction de l’endroit où l’enfant est le plus présent, mais peut dépendre d’autres critères, tels que le lieu de la scolarisation et d’accueil pré- et post-scolaire, ou le lieu de prise en charge si l’enfant n’est pas encore scolarisé, la participation à la vie sociale, notamment la fréquentation d’activités sportives et artistiques, la présence d’autres personnes de référence, etc. Pour apprécier ces critères, le juge du fait dispose d’un large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_210/2021 précité consid. 4.2 et les références citées).

5.2 En l’espèce, le domicile légal des enfants est fixé chez leur mère depuis la séparation, en 2017. Cette solution apparaît adéquate, au regard de la proximité des établissements scolaires avec le domicile maternel. Il semble en effet nécessaire que C______ et D______ puissent poursuivre leurs études, respectivement leur scolarité dans la commune de M______, selon le cursus déjà entamé, ce d’autant qu’ils se sont construits un tissu social qu’il serait dommage de mettre à mal.

Le jugement sera par conséquent confirmé sur ce point.

6. Dès lors qu’il sollicite la garde exclusive des enfants, l’appelant conclut au versement par l’intimée en sa faveur, par mois et d’avance, de 845 fr., respectivement 949 fr. au titre de contributions à l’entretien des mineurs.

6.1.1 Selon l’art. 276 al. 1 CC, l’entretien de l’enfant est assuré par les soins, l’éducation et des prestations pécuniaires. Les parents contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable de l’enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 2 CC). Les père et mère sont déliés de leur obligation d’entretien dans la mesure où l’on peut attendre de l’enfant qu’il subvienne à son entretien par le produit de son travail ou par ses autres ressources (art. 276 al. 3 CC). Font notamment partie de tels revenus les rentes d’enfants de l’AVS/AI, ainsi que les aides publiques ou privées à la formation (Piotet/ Gauron-Carlin, Commentaire romand, Code civil I, 2023, n. 44 ad art. 276 CC).

6.1.2 La contribution d’entretien doit correspondre aux besoins de l’enfant ainsi qu’à la situation et aux ressources de ses père et mère; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l’enfant (art. 285 al. 1 CC).

6.1.3 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d’entretien du droit de la famille, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l’excédent (dite en deux étapes).

Cette méthode implique d’établir dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune, les prestations de prévoyance ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il faut inclure les prestations reçues en faveur de l’enfant (notamment les allocations familiales ou d’études). Ensuite, il s’agit de déterminer les besoins de l’enfant dont l’entretien est examiné, c’est-à-dire le montant de son entretien convenable. Celui-ci dépend des besoins concrets de l’enfant et des moyens disponibles. Les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, dans un ordre déterminé : il faut tout d’abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites ou, si les moyens le permettent, le minimum vital du droit de la famille de chaque partie. L’éventuel excédent est ensuite réparti de manière équitable en fonction de la situation concrète, en tenant compte de toutes les circonstances entourant la prise en charge de l’enfant (ATF 147 III 265 précité consid. 7 et 7.1).

6.1.3.1 Selon l’art. 285a al. 1 et 2 CC, les allocations familiales, les rentes d’assurances sociales et les autres prestations destinées à l’entretien de l’enfant, qui reviennent à la personne tenue de pourvoir à son entretien, doivent être versées en sus de la contribution d’entretien.

Il s’agit notamment des rentes pour enfants selon les art. 35 LAI, 22ter LAVS ainsi que 17 et 25 LPP (arrêt du Tribunal fédéral 5A_372/2016 du 18 novembre 2016 consid. 5.1.1 et les arrêts citées).

Affectées exclusivement à l’entretien de l’enfant, les prestations visées par ces dispositions ne sont pas prises en compte dans le calcul du revenu du parent qui les reçoit, mais sont retranchées du coût d’entretien de l’enfant. La loi prescrit principalement au tribunal compétent en matière de divorce de déduire préalablement, lors de la fixation de la contribution d’entretien, ces prestations sociales (ATF 137 III 59 consid. 4.2.3; 128 III 305 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_372/2016 du 18 novembre 2016 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

6.1.3.2 Dans le calcul des besoins, le point de départ est le minimum vital du droit des poursuites, comprenant l’entretien de base selon les normes d’insaisissabilité (NI 2021, RS/GE E 3 60.04), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles, à savoir, pour l’enfant, les primes d’assurance-maladie obligatoire, les frais de formation, les frais médicaux non pris en charge par une assurance, une part des frais de logement du parent gardien et les frais de garde par des tiers (ATF
147 III 265 consid. 7.2). Dans la mesure où les ressources financières le permettent, l’entretien convenable doit être élargi au minimum vital du droit de la famille. Chez les enfants, il peut être tenu compte, notamment, d’une part d’impôts et des primes d’assurance-maladie complémentaire. En revanche, sont exclus les autres postes tels que les voyages, les loisirs, etc., lesquels doivent être financés au moyen de l’excédent. Toutes les autres particularités du cas d’espèce doivent également être appréciées au moment de la répartition de l’excédent (ATF 147 III 265 consid. 7.2)

6.2 En l’espèce, l'appelant ne conteste le jugement s'agissant de la répartition de l'entretien des enfants qu'en raison de sa conclusion tendant à obtenir leur garde exclusive, laquelle lui a été refusée. Il ne se justifie donc pas de modifier la solution du premier juge. En effet, les besoins des enfants sont intégralement couverts par les allocations familiales et d’études ainsi que par les rentes invalidité pour enfant, ces derniers disposant encore de disponibles confortables après déduction de leurs charges. En effet, les revenus de C______ s’élèvent à 1’395 fr. (980 fr. de rente complémentaire AVS + 415 fr. d’allocations d’études) et ceux de D______ à 1’291 fr. (980 fr. de rente complémentaire AVS + 311 fr. d’allocations familiales). Leurs charges s’élèvent approximativement à 855 fr. chacun (600 fr. pour l’entretien de base OP, 210 fr. pour les primes d’assurance-maladie et 45 fr. pour les frais de transport), la part au logement n’étant pas prise en considération compte tenu du maintien de la garde alternée. Dès lors que les charges des mineurs sont couvertes par leurs revenus - C______ bénéficiant encore d’un disponible de 540 fr. et D______ de 436 fr. – il n’y a pas lieu de faire participer l’un ou l’autre des parents à leur entretien.

L’appelant continuera ainsi à percevoir les rentes AVS pour enfants, à charge pour lui de payer leurs vêtements, leurs activités de loisirs et les frais de transport. L’intimée continuera à percevoir quant à elle les allocations familiales et d’études, qui lui permettront de payer les primes d’assurance-maladie des enfants et leurs frais médicaux non couverts.

Les chiffres 14 à 17 du dispositif du jugement entrepris seront par conséquent confirmés.

7. L’appelant conclut à ce que la Cour dise que les époux n’ont aucune dette l’un envers l’autre et que le régime matrimonial est dissous et liquidé.

Il considère qu’il n’était pas en mesure de contribuer aux charges du ménage après 2015, dès lors que seule l’intimée travaillait et qu’il ne percevait plus aucun revenu. En outre, il allègue avoir été écarté de la gestion des deux comptes courants à compter du 23 juin 2017, si bien que les découverts seraient uniquement imputables à l’intimée.

7.1 Les époux sont placés sous le régime de la participation aux acquêts, à moins qu’ils n’aient adopté un autre régime par contrat de mariage ou qu’ils ne soient soumis au régime matrimonial extraordinaire (art. 181 CC).

Après la dissolution du régime matrimonial, la loi prévoit que les époux règlent leurs dettes réciproques (art. 205 al. 3 CC).

Toutes les dettes entre époux doivent être prises en compte, qu’elles aient ou non leur source en droit matrimonial (Steinauer/Fountoulakis, 2023, Commentaire roman, Code civil I, 2023, n. 25 ad art. 205 CC). La dette peut naître du fait qu’un époux rembourse seul une dette à un tiers, alors qu’elle incombe aux deux époux par moitié, voire à l’autre époux dans le régime interne (Burgat, in Commentaire pratique, Droit matrimonial fond et procédure, 2016, n. 20 ad art. 205 CC).

Les frais relatifs aux besoins de la famille constituent entre les époux des dettes d’entretien, de sorte que la répartition interne de leur charge se décide selon l’art. 163 CC, soit conformément à la répartition des tâches choisie par les époux (Hausheer/Reusser/Geisser, Commentaire bernois, 1999, n. 103 ad art. 166 CC).

Selon l’art. 163 CC, mari et femme contribuent, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable de la famille (al. 1). Ils conviennent de la façon dont chacun apporte sa contribution, notamment par des prestations en argent, son travail au foyer, les soins qu’il voue aux enfants ou l’aide qu’il prête à son conjoint dans sa profession ou son entreprise (al. 2). Ce faisant, ils tiennent compte des besoins de l’union conjugale et de leur situation personnelle (al. 3).

En principe, un époux a la charge, dans les rapports internes, des dettes dont il est débiteur dans les rapports externes. Il faut cependant réserver le cas où un époux doit prendre en charge certaines dettes à titre interne, dans le cadre du devoir d’entretien de la famille au sens de l’art. 163 CC, en particulier en tenant compte de la répartition des tâches convenue entre les époux. Si une dette est attribuée du point de vue interne à l’époux qui n’est pas débiteur du point de vue externe (ou qui n’a pas exécuté la prestation), l’époux à qui incombe la charge de la dette a envers l’autre une dette correspondante (Deschenaux/Steinauer/Baddeley, Les effets du mariage, 2017, n. 1105 à 1106, p. 661 et 662).

De manière générale, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

7.2 En l’espèce, il est établi que les parties sont soumises au régime de la participation aux acquêts dans la mesure où elles n’ont pas conclu de contrat de mariage. Il n’est pas non plus contesté que la dissolution du régime matrimonial remonte au 6 décembre 2017, date du prononcé de la séparation de biens. Seule la question des dettes reste litigieuse, l’appelant ne remettant pas en cause l’attribution des biens mobiliers opérée par le premier juge.

Durant la majeure partie de la vie commune, les revenus des époux (indemnités de chômage comprises) étaient versés sur leurs comptes courants, lesquels servaient à couvrir les besoins de la famille. A compter de l’année 2015 l’intimée a supporté seule les frais d’entretien de la famille, l’appelant ne percevant plus aucun revenu.

7.2.1 Les impôts font partie de l’entretien de la famille, pour autant que les revenus et la fortune visés servent à l’entretien de la famille (Pichonnaz, op. cit., n. 28 ad art. 163 CC). A juste titre, l’appelant s’est engagé à verser à l’Administration fiscale genevoise la moitié du solde dû par le couple pour l’année fiscale 2015, dès lors qu’il était encore au bénéfice d’indemnités de chômage à cette période et contribuait, selon ses facultés, à l’entretien de la famille. Toutefois et contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, on ne saurait exiger de lui qu’il contribue à la moitié des dettes d’impôts du couple pour les années 2016 et 2017, alors qu’il ne percevait plus aucun revenu et que l’intégralité de la dette fiscale résultait des seuls revenus de l’intimée.

Par conséquent, le jugement sera réformé en ce sens que l’appelant sera uniquement condamné à rembourser l’intimée à hauteur de 150 fr. (300 fr. / 2), correspondant à la moitié du montant dont elle s’est acquittée pour « éponger » la dette d’impôt de l’année 2015.

7.2.2 Les primes d’assurance-maladie, débitées des comptes communs, couvrent également des besoins courants de la famille. Cela étant, l’intimée ne démontre pas à quelles primes se rapportent les poursuites dont elle a fait l’objet de la part de X______ et W______ ni quel membre de la famille celles-ci concernent. A cet égard, le Tribunal a indûment inversé le fardeau de la preuve en retenant qu’il ne ressortait pas des pièces produites que ces dettes ne concernaient que des primes de la mère et des enfants, contrairement à ce qu’alléguait l’appelant. C’est au contraire à l’intimée qu’il appartenait d’établir ce qui précède.

L’intimée n’ayant pas apporté la preuve de ses prétentions, l’appelant ne saurait être condamné à lui rembourser les montants dont elle se prévaut.

7.2.3 Concernant les deux comptes courants, l’intégralité des dépenses de la famille s’effectuait à leur débit, chacun des époux disposant d’une carte de crédit. L’appelant ne démontre pas, comme il le prétend, qu’il aurait été écarté de la gestion des comptes, qu’il se serait trouvé dans l’impossibilité pratique d’y accéder ou qu’il n’était pas en mesure de vérifier leurs mouvements. Dans ces conditions et comme l’a retenu à juste titre le Tribunal, les soldes négatifs des comptes bancaires détenus auprès de l’UBS et de G______ doivent être assumés par les époux à concurrence de la moitié chacun. L’appelant sera en outre condamné à rembourser l’intimée à hauteur de 440 EUR, soit 421 fr. 90 (http://www.fxtop.com), correspondant à la moitié du montant dont celle-ci s’est acquittée auprès de G______ pour solder la dette du couple.

7.2.4 C’est également à bon droit que le Tribunal a retenu que les époux étaient codébiteurs du montant de 10’053.65 EUR dû avec intérêts pour les loyers de la maison de N______ jusqu’au mois de décembre 2017, dès lors que ceux-ci étaient prélevés sur leurs comptes communs. En revanche, l’indemnité mensuelle pour occupation illicite de 2’010.73 EUR à laquelle ont été condamnés les époux doit être supportée exclusivement par l’appelant. Le régime matrimonial ayant été dissous le 6 décembre 2017 et l’appelant demeurant par la suite seul dans le logement, il est l’unique débiteur du montant total de 6’032.19 EUR (3 mois X 2’010.73 EUR).

Au total, c’est donc un montant de 571 fr. 90 que l’appelant doit à l’intimée à titre de liquidation du régime matrimonial (150 fr. + 421 fr. 90).

8. 8.1.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). La Cour peut toutefois s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

8.1.2 Si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

8.2.1 En l’espèce, la répartition des frais et dépens de première instance ont été arrêtés par le premier juge conformément aux règles légales (art. 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC; art. 32 RTFMC). Compte tenu de la nature familiale du litige, la modification du jugement attaqué ne justifie pas que la répartition des frais soit revue.

8.2.2 Les frais de la procédure d’appel, comprenant l’émolument de décision et les honoraires de la curatrice, seront arrêtés à 5’000 fr. (art. 95 al. 2 let. e CPC; art. 32 et 35 RTFMC). Compte tenu de la nature familiale du litige, (art. 107 al. 1 let. c CPC), ils seront répartis par moitié entre les parties. Ces dernières plaidant toutes deux au bénéfice de l’assistance judiciaire, les frais mis à leur charge seront provisoirement supportés par l’Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b, 123 CPC et 19 du Règlement sur l’assistance juridique - RAJ - RS/GE E 2 05.04).

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à verser la somme de 2’550 fr. à la curatrice de représentation des enfants.

Pour les motifs d’équité liés à la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d’appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté le 8 novembre 2023 par A______ contre le jugement JTPI/11470/2023 rendu le 6 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8353/2020.

Au fond :

Annule le chiffre 20 du dispositif de ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau :

Condamne A______ à payer à B______ le montant de 571 fr. 90 à titre de liquidation du régime matrimonial.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 5’000 fr. et les met à charge des parties pour moitié chacune.

Dit que les frais judiciaires seront provisoirement supportés par l’Etat de Genève, sous réserve d’une décision contraire de l’assistance judiciaire.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser la somme de 2’550 fr. à Me E______.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d’appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.