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Décisions | Chambre civile

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C/15817/2021

ACJC/1021/2024 du 19.08.2024 sur JTPI/2700/2024 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CC.176.al3; CC.298.al2; CPC.157; CPC.183.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15817/2021 ACJC/1021/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 19 AOÛT 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 février 2024, représentée par Me Liza SANT'ANA LIMA, avocate, SANT'ANA LIMA AVOCATS SA, rue de Lausanne 69, case postale, 1211 Genève 1,

et

1) Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Bernard NUZZO, avocat, DJAZIRI & NUZZO, rue Leschot 2, 1205 Genève;

2) Le mineur C______, représenté par son curateur, Me D______, avocat, autre intimé.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/2700/2024 du 23 février 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux B______ et A______ à vivre séparés (chiffre 1 du dispositif), attribué à A______ la jouissance exclusive du logement familial (ch. 2), attribué au père la garde de l'enfant C______, né le ______ 2018 (ch. 3), réservé à la mère un droit de visite devant s'exercer, à défaut d'accord contraire des parties, à raison d'un week-end sur deux, les semaines paires, du vendredi à la sortie de l'école au lundi matin au retour à l'école, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires (ch. 4), fait interdiction à la mère de quitter le territoire suisse avec l'enfant C______ (ch. 5), prononcé le chiffre 5 du dispositif sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée (ch. 6), ordonné à la Police cantonale genevoise de procéder à l'inscription dans le système de recherches informatisées de police (RIPOL) et dans le système d'information Schengen (SIS) de l'interdiction de sortie du territoire suisse faite à A______ avec l'enfant C______ (ch. 7), dit que, compte tenu de sa situation personnelle, A______ est provisoirement libérée de son obligation d'entretien à l'égard de son fils (ch. 8), dit que l'entretien convenable de l'enfant C______ s'élève à 868 fr. 55, allocations familiales non déduites (ch. 9), attribué à B______ les allocations familiales (ch. 10), ordonné à A______ d'entreprendre un suivi psychiatrique régulier (ch. 11), ordonné le suivi psychothérapeutique individuel de C______ (ch. 12), ordonné aux parties d'entreprendre une thérapie de coparentalité, menée par un psychothérapeute ayant des connaissances dans les maladies psychiatriques
(ch. 13), maintenu la curatelle d'assistance éducative en faveur de C______; instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles; prescrit que les curatelles auront notamment pour but de veiller à la mise en œuvre et au suivi des thérapies ordonnées, d'évaluer la nécessité de poursuivre une action éducative en milieu ouvert, d'organiser un calendrier des prises en charges de C______, de saisir les autorités compétentes pour requérir les mesures de protection nécessaires si la situation devait se dégrader mais également en cas d'amélioration, en proposant un élargissement des relations personnelles pour atteindre à terme une garde alternée lorsque les conditions de mise en œuvre seront réalisées (ch. 14), transmis le jugement au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour désignation de la personne en charge des curatelles (ch. 15), arrêté les frais judiciaires à 27'447 fr. 05, mis à la charge des parties par moitié chacune; dispensé provisoirement A______ du paiement de sa part de frais judiciaires (13'723 fr. 55), dès lors qu'elle plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire, sous réserve de l'application de l'art. 123 CPC; condamné B______ à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, le montant de 12'023 fr. 50 (ch. 16), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 17) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 18).

B.            a. Le 8 mars 2024, A______ a formé appel auprès de la Cour de justice (ci-après : la Cour) contre ce jugement, reçu le 27 février 2024 concluant, au fond, à l'annulation des chiffres 3, 4 et 10 de son dispositif et cela fait à ce que la garde de l'enfant C______ lui soit attribuée, un droit de visite en faveur du père devant s'exercer, à défaut d'accord contraire des parties, à raison d'un week-end sur deux, les semaines paires, du vendredi à la sortie de l'école au lundi matin « au retour de l'école » (sic), ainsi que durant la moitié des vacances scolaires ; elle a également conclu à ce que B______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, 1'130 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant C______ ; elle a en outre conclu à ce que les allocations familiales lui soient attribuées, avec suite de frais à la charge de sa partie adverse. Subsidiairement, l'appelante a conclu à ce qu'une nouvelle expertise familiale soit ordonnée, avec des professionnels pouvant comprendre et/ou interpréter le portugais du Brésil pour les entretiens avec elle.

Préalablement, l'appelante a conclu à l'octroi de l'effet suspensif et à l'attribution en sa faveur de la garde du mineur.

A l'appui de ses conclusions, elle a produit des pièces nouvelles (pièces 3 à 23).

b. Par arrêt ACJC/393/2024 du 21 mars 2024, la Cour a suspendu le caractère exécutoire attaché aux chiffres 3, 4 et 10 du dispositif du jugement attaqué, la requête étant rejetée pour le surplus.

c. Dans sa réponse du 25 mars 2024, B______ a conclu au déboutement de l'appelante de ses conclusions, avec suite de frais.

Il a produit des pièces nouvelles (pièces 100 à 104).

d. Le mineur, représenté par son curateur de représentation dans la procédure, a conclu à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais à la charge de l'appelante.

e. Cette dernière a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Elle a produit des pièces nouvelles (pièces 24 à 37).

f. B______ a dupliqué et persisté dans ses conclusions.

g. Par avis du greffe de la Cour du 27 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

h. Le 28 mai 2024, le curateur du mineur a fait parvenir à la Cour sa note de frais et honoraires pour l'activité déployée du 1er avril au 28 mai 2024, en 1'576 fr. 50.

Cette note a été transmise aux parties par pli du greffe de la Cour du 30 mai 2024, sans susciter de réactions.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour.

Il sera relevé en premier lieu que A______ a été assistée par un interprète lors de chaque audience devant le Tribunal, ainsi que durant les entretiens de l'expertise familiale.

a. B______, né le ______ 1985, de nationalité suisse et A______, née le ______ 1981, de nationalités brésilienne et espagnole, ont contracté mariage le ______ 2018 à Genève.

Le couple a donné naissance à un garçon, C______, né le ______ 2018.

b. Le 23 décembre 2020, B______ a formé une demande de mesures protectrices de l'union conjugale, qu'il a toutefois retirée le 3 mars 2021.

c. B______ a définitivement quitté le domicile conjugal au début du mois d'août 2021. Chaque partie accuse l'autre de violences physiques et d'injures, en présence de l'enfant.

d. Le 16 août 2021, B______ a saisi le Tribunal d'une nouvelle demande de mesures protectrices, concluant à ce que les parties soient autorisées à vivre séparées, à ce que la jouissance exclusive du domicile conjugal soit attribuée à A______, à ce que la garde de l'enfant soit exercée par le père de la manière suivante : du lundi au mardi, retour à 19h00, ainsi qu'un week-end sur deux (le samedi dès 10h00) et durant la moitié des vacances scolaires; les semaines où l'enfant ne sera pas allé chez son père le week-end, il le récupèrera le lundi à 10h00, le passage de l'enfant devant s'effectuer au pied de l'ancien domicile conjugal; B______ s'engageait par ailleurs à verser en mains de son épouse, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, 1'158 fr. à titre de contribution d'entretien pour le mineur C______, ladite contribution devant être ramenée à 50 fr. par mois à compter de la scolarisation de l'enfant. B______ a également conclu à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'engageait à verser à A______, chaque mois, la moitié des allocations familiales, à ce qu'il soit fait interdiction à la mère, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de modifier le lieu de résidence du mineur et de quitter le territoire suisse avec celui-ci, l'enfant devant être inscrit dans les systèmes RIPOL et SIS, à ce qu'il soit fait interdiction à A______ de nuire de quelque manière que ce soit à l'image de la société E______ SARL et à ce qu'il lui soit fait interdiction de s'approcher à moins de 500 mètres du lieu de travail de B______, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, avec suite de frais.

e. Le Tribunal a tenu une audience le 6 octobre 2021.

A______ a conclu à l'octroi en sa faveur de la garde du mineur.

D'accord entre elles, les parties ont convenu d'un droit de visite sur l'enfant en faveur du père devant s'exercer, dès le mois d'octobre 2021 : le samedi toute la journée de 9h00 à 18h00; dès le mois de novembre : le samedi toute la journée de 9h00 à 18h00 et le lundi de la sortie de l'école au mardi à 9h00; dès le mois de décembre : un week-end sur deux du samedi 9h00 au dimanche soir 18h00 et le lundi dès 12h00 jusqu'au mardi matin 9h00.

Au terme de l'audience, le Tribunal a sollicité un rapport auprès du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP).

f. Par courrier du 7 mars 2022, le Service de protection des mineurs (SPMI) a porté la situation du mineur C______ à la connaissance du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection), considérant que des mesures de protection urgentes devaient être prononcées. Chaque parent accusait l'autre de maltraitance physique sur le mineur; la mère avait par ailleurs émis des soupçons d'actes d'ordre sexuel sur C______ de la part de son grand-père paternel (lequel aurait, selon l'enfant, serré fort son pénis). En outre, le conflit de couple était susceptible d'impacter l'enfant, de sorte que le prononcé d'une mesure de curatelle d'assistance éducative était préconisé, notamment afin de veiller à ce que le suivi auprès de la Guidance infantile soit initié et poursuivi aussi longtemps que les médecins l'estimeraient nécessaire, la mère étant opposée audit suivi.

Par décision du 8 mars 2022 rendue à titre superprovisionnel, le Tribunal de protection a instauré la mesure de curatelle sollicitée.

g. Le Tribunal a tenu une nouvelle audience le 11 avril 2022, lors de laquelle les parties ont accepté le maintien de la curatelle d'assistance éducative.

Le Tribunal a par conséquent, sur mesures provisionnelles, confirmé la mesure de curatelle d'assistance éducative ordonnée le 8 mars 2022 par le Tribunal de protection.

h. Le SEASP a rendu son rapport le 19 avril 2022.

Il en ressort que B______ revendiquait désormais l'attribution de la garde exclusive sur son fils, considérant que A______ avait une attitude agressive envers l'enfant. Celle-ci estimait pour sa part que B______ n'était pas en mesure de s'occuper personnellement du mineur; c'était elle qui l'avait principalement pris en charge depuis sa naissance et elle en revendiquait également la garde.

La communication entre les parents était mauvaise.

C______ fréquentait l'école [privée] F______ à raison de deux matinées par semaine; il était décrit comme vif et intelligent. Selon la directrice, il s'était progressivement intégré et tout se passait bien. Elle était essentiellement en contact avec le père; la mère ne venait pas aux réunions, mais accompagnait l'enfant à l'école de temps en temps. De l'avis de la pédiatre, les parents étaient adéquats; ils venaient tous deux aux consultations.

Une mesure éducative en milieu ouvert (AEMO) avait débuté en mars 2022 pour un mois. Le mineur C______ adoptait parfois avec sa mère des attitudes « d'enfant roi ». Un travail était effectué avec la mère afin de la soutenir dans le renforcement du cadre. A______ se montrait à l'écoute et remettait facilement en question sa posture parentale. Le père était également collaborant.

Au terme de son rapport, le SEASP se disait particulièrement inquiet en raison du haut niveau de conflictualité et d'utilisation de la violence par les parents entre eux. Le Ministère public avait été saisi. Le SEASP préconisait l'attribution de la garde de l'enfant à la mère, le père devait se voir octroyer un droit de visite d'un week-end sur deux du samedi à 9h00 au dimanche à 18h00, puis, la semaine sans week-end, du lundi à 12h00 à l'école au mardi à 18h00 et la suivante avec week-end, du mercredi à 12h00 à l'école au jeudi à 18h00; les vacances devaient être réparties par moitié entre les parents. Il convenait de poursuivre le travail de médiation et de coparentalité et de maintenir la curatelle d'assistance éducative; une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles devait également être instaurée.

i. Par ordonnance du 24 juin 2022, le Tribunal a désigné D______, avocat, aux fonctions de curateur de représentation du mineur C______ dans le cadre de la procédure pendante devant lui.

j. Le 20 juin 2022, le SPMI a fait un point de situation à l'attention du Tribunal. Il en ressort que les parents, trop submergés par les procédures en cours, ne pouvaient entrer dans un travail de coparentalité. Chacun effectuait des enregistrements et des vidéos de l'enfant, qu'il interrogeait sur sa prise en charge par l'autre parent. Les entretiens avec les intervenants du SPMI étaient perturbés par le conflit de couple et les reproches mutuels. A______ avait de la peine à trouver un sens à la médiation proposée et se montrait parfois dépassée par ses émotions. B______ pour sa part s'exprimait peu et ne laissait rien transparaître. Les parties ne parvenaient pas à communiquer dans l'intérêt de leur fils et avaient tendance à l'instrumentaliser. La mère soutenait que le père adoptait avec l'enfant des comportements à connotation sexuelle et dormait avec lui; selon elle, B______ était homosexuel. Toujours selon les dires de la mère, le mineur pleurait, afin de signifier qu'il ne voulait pas aller chez son père, lequel le « tapait ». Le père pour sa part affirmait que C______ ne posait aucun problème lorsqu'il était avec lui. Il avait constaté la présence de marques sur l'un des bras de l'enfant, qui lui avait dit que sa mère en était l'auteur.

Un nouvel éducateur AEMO avait débuté son intervention le 13 juin 2022. Le père estimait ne pas avoir besoin de ce type d'accompagnement, mais demeurait néanmoins ouvert à une collaboration, afin d'avoir une certaine cohérence dans la prise en charge éducative de C______. Le SPMI se déclarait « fortement » inquiet de la place prise par le conflit entre les parents. D'autres mesures de protection devraient être envisagées, n'excluant pas le placement de l'enfant, si cela devait s'avérer nécessaire.

k. Par ordonnance du 6 septembre 2022, le Tribunal a ordonné au SPMI de rendre un rapport complémentaire à celui du 20 juin 2022, faisant état de la situation du mineur et déterminant si celui-ci était en sécurité auprès de sa mère.

Par ordonnance séparée du même jour, le Tribunal a également invité le Ministère public à lui transmettre la procédure pénale ouverte à l'encontre de B______.

l. Par courrier du 20 septembre 2022, le SPMI a indiqué au Tribunal ne pas disposer d'éléments nouveaux susceptibles de compléter son point de situation du 20 juin 2022. L'intervention AEMO avait débuté et l'éducateur n'avait rien relevé démontrant que le mineur serait en danger auprès de sa mère.

m. Faisant suite à une audience du 3 octobre 2022, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles et d'entente entre les parties, a attribué provisoirement la garde de C______ à la mère, réservé un droit de visite au père devant s'exercer à raison d'un week-end sur deux du samedi à 9h00 au dimanche à 18h00 et chaque lundi midi jusqu'au mardi à 9h00; le Tribunal a par ailleurs réglementé le partage des vacances d'octobre 2022, fixé l'entretien convenable du mineur à 3'282 fr. par mois, comprenant les charges incompressibles à hauteur de 834 fr., allocations familiales déduites et 2'448 fr. de contribution de prise en charge; le Tribunal a, de plus, donné acte à B______ de ce qu'il s'engageait à verser en mains de son épouse une contribution de 621 fr., par mois et d'avance, dès le
1er novembre 2022, et de ce qu'il paierait l'écolage de l'école [privée] F______, ainsi que la prime LCA, les allocations familiales devant être attribuées à la mère.

n. Par ordonnance du 15 décembre 2022, le Tribunal a ordonné l'expertise du groupe familial, dans le but, notamment, de déterminer l'aptitude des parents à exercer l'autorité parentale et/ou la garde sur l'enfant et à bénéficier de relations personnelles avec lui; la Dre G______, ______ [fonction] de la consultation en pédopsychiatrie légale auprès du Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (CURML), a été désignée en qualité d'expert, avec la précision qu'elle était autorisée à se substituer une personne de son choix, aux qualifications équivalentes.

L'expertise a été réalisée par le Dr H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie d'enfants et d'adolescents, ______ [fonction] de clinique au CURML et par I______, psychologue au CURML également.

o. Les experts ont rendu leur rapport le 9 août 2023.

Ils sont parvenus, en se fondant sur un rapport du Prof. J______, psychiatre, du 23 juin 2023, à la conclusion que A______ présentait un trouble de la personnalité mixte, traits immatures et paranoïaques, et ce depuis 2018. Le trouble était considéré comme « franc » et non lié à la procédure en cours, décompensé après la naissance de C______. Le bilan neuropsychologique montrait « une intelligence limite ». Les éléments fondamentaux de la personnalité de A______ étaient retrouvés tout au long du récit de son histoire de vie : méfiance, rigidité morale, sensibilité accrue à la critique, vision biaisée de ses performances avec une tendance à une surestimation nette dans la plupart des domaines, vécu de discrimination, crainte de trahison, sentiment de jalousie envahissant, naïveté, séduction à la teinte infantile, immaturité psychoaffective, difficulté à s'intégrer dans une réalité frustrante avec tendance à fuir dans une rêverie de réussite et intolérance aux frustrations. La possibilité d'un trouble délirant franc ne pouvait être exclue dans les années à venir, sans soins psychiatriques et soutien social. Un suivi régulier était préconisé. La mère répondait aux besoins primaires de son fils. Elle l'exposait toutefois à un conflit de loyauté important et le mettait dans une posture parentifiée; elle était incapable de le protéger de sa propre anxiété et de la perception négative qu'elle avait du père. Tous les aspects en lien avec la coparentalité (communication, collaboration avec les intervenants, responsabilisation et remise en question) étaient dysfonctionnels, ce qui entraînait un risque pour le développement du mineur. Les réponses éducatives de A______ manquaient d'ajustement, étant soit trop laxistes, soit trop coercitives. Durant les entretiens, elle s'était montrée maîtresse d'elle-même, mais le dossier de procédure contenait de nombreux éléments en faveur d'une impulsivité importante (nombreux messages insultants adressés à B______ ne répondant à aucune provocation de sa part ; utilisation de la violence physique à l'égard de C______; constats de coups sur B______). Elle avait toutefois été capable de montrer une ébauche d'évolution positive dans la prise en charge de son fils, grâce au soutien de l'AEMO et avait appliqué les conseils donnés. Elle rejetait toutefois rapidement la responsabilité des difficultés de C______ sur B______, se dédouanant de sa propre responsabilité. Par ailleurs, les évolutions favorables grâce à l'étayage de l'AEMO pouvaient ne pas être pérennes ou pouvaient être rapidement mises à mal dans le cas d'un travail plus spécifique englobant la coparentalité. Les experts ont également relevé que les allégations d'abus sexuels formulées par A______ s'étaient amplifiées au cours de la procédure de séparation. Bien qu'ayant tenu des propos alarmants auprès des différentes instances judiciaires, son discours auprès des professionnels et des experts était différent : elle ne pensait plus que le grand-père paternel de C______ ait abusé sexuellement de lui, mais qu'il lui avait fait peur; elle craignait toujours que B______ abuse sexuellement de l'enfant, mais elle acceptait la poursuite des relations personnelles père-fils, considérant que si les abus devaient se reproduire, l'enfant en parlerait. Il existait un risque que A______ continue de surinterpréter les comportements de son fils comme étant la preuve d'une maltraitance de B______ et qu'elle maintienne, de par sa propre anxiété, des manifestations émotionnelles et comportementales chez l'enfant, créant ainsi un cercle vicieux.

Aucun diagnostic psychiatrique n'a été retenu pour B______ et aucun suivi n'a été recommandé. Aucun élément anamnestique ne permettait de relever un trouble paraphilique et l'anamnèse sexuelle était sans particularité. B______ répondait aux besoins primaires de son fils et le préservait du conflit parental. Il présentait de bonnes capacités de collaboration et de remise en question. Bien que percevant certaines difficultés de son fils (sommeil, concentration à la crèche, temps de prise de repas), il avait tendance à les banaliser, mais il se mobilisait pour mettre en place les accompagnements nécessaires, dans l'intérêt de l'enfant. Lorsqu'il parlait de A______, il demeurait calme, factuel et était précautionneux quant aux termes choisis en présence de son fils, soulignant son intention et sa capacité à le protéger du conflit parental. Aucune impulsivité n'avait été relevée chez B______ par les professionnels.

L'enfant C______ présentait un trouble de l'adaptation avec réaction prolongée due à la persistance des facteurs de stress. La mise en place d'un suivi psychothérapeutique individuel hebdomadaire était recommandée. Le mineur devait être rapidement dégagé du conflit de loyauté et du rôle parentifié dans lequel il se trouvait. Il devait pouvoir entretenir des relations personnelles avec chaque parent, sans avoir l'impression de les protéger et sans être exposé au conflit parental.

Au moment de l'expertise, le père était le plus à même de répondre aux besoins de l'enfant et de le préserver du conflit de loyauté. La mère était pour sa part en mesure de s'occuper de l'enfant dans le cadre d'un droit de visite usuel, en s'assurant que cette fréquence soit suffisamment limitée pour ne pas favoriser le maintien de l'enfant dans un conflit de loyauté et en accompagnant la mère afin qu'elle se dégage de cette dynamique. Si la mère n'évoluait pas concernant ses représentations du père, qu'elle persistait à considérer que l'enfant était en danger auprès de lui malgré les observations rassurantes des professionnels et à exposer le mineur à sa crainte du danger, si elle continuait de le soumettre au conflit parental, ou si une dégradation de l'état de l'enfant, en lien avec son attachement à sa mère, devait être observée, une diminution de leurs relations personnelles devrait être envisagée, voire la mise en place de visites dans un milieu médiatisé. Un travail de coparentalité était également recommandé, avec comme prémisse nécessaire la mise en place d'un suivi psychothérapeutique individuel de A______. Si le trouble de la personnalité de la mère devait diminuer, si elle parvenait à acquérir la capacité de préserver l'enfant du conflit de loyauté et si la communication parentale le permettait, une garde alternée pourrait être envisagée à terme, dans un délai probablement supérieur à une année dans le meilleur des cas, compte tenu de la sévérité des dysfonctionnements actuels et du trouble de la personnalité de A______.

p. Le Tribunal a tenu une audience le 19 octobre 2023, au cours de laquelle les parties ont été entendues.

B______ a maintenu ses conclusions en attribution de la garde du mineur C______.

A______ a contesté le rapport d'expertise, soutenant qu'il contenait plusieurs erreurs. Elle était d'accord d'entreprendre un « processus de discussion », par exemple auprès de K______ [consultations familiales]. Elle a produit le bilan final de l'AEMO du 19 octobre 2023. Selon l'intervenant, l'évolution de la situation de A______ avait été « spectaculaire ». Dès le début, celle-ci avait pris au sérieux l'éventualité que son fils puisse être placé en foyer si la situation familiale n'évoluait pas de façon plus sereine. Elle avait fait un gros travail sur les couchers de l'enfant, qui dormait désormais seul dans son lit. La situation avec B______ était également moins houleuse, mais restait tout de même fragile. A______ s'était montrée très investie avec l'intervenant AEMO et dans son travail thérapeutique individuel; elle avait également assaini sa situation économique avec l'Hospice général, en allant rencontrer le service social de sa commune et en s'informant au sujet de formations professionnelles et linguistiques. Elle évitait désormais d'alimenter le conflit avec B______ et était attentive à ne plus « mettre de pression à son fils et de le protéger de ses besoins à elle ». A______ avait pris confiance en elle et en ses capacités et continuait de se renforcer.

Le curateur de représentation de l'enfant a indiqué avoir rencontré celui-ci le
30 août 2023. Il se trouvait toujours dans un important conflit de loyauté et avait de la peine à évoquer la manière dont les choses se passaient chez chacun de ses parents.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a fixé une audience de plaidoiries au
3 novembre 2023.

q. La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience de plaidoirie du 3 novembre 2023.

B______ a conclu à ce que la garde de l'enfant lui soit attribuée. Le curateur de représentation de l'enfant a pris des conclusions identiques à celles du père. Quant à A______, elle a conclu à la mise en œuvre d'une contre-expertise, le professionnel chargé de l'expertiser devant parler le portugais du Brésil. Subsidiairement, elle a conclu à l'attribution à elle-même de la garde de l'enfant.

D.           a. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a refusé d'ordonner une contre-expertise. Il a tout d'abord considéré que A______ n'avait pas démontré que les interprètes qui l'avaient assistée ne parlaient pas le portugais du Brésil; par ailleurs elle ne s'était pas d'emblée opposée à ce qu'ils l'assistent, alors qu'elle avait souvent invoqué l'argument de la mauvaise traduction et avait attendu la fin de la procédure pour le faire. Enfin, l'appelante n'avait pas exposé en quoi les interprètes parlant le portugais du Portugal ne seraient pas à même de reproduire fidèlement ses propos.

Pour le surplus, le premier juge a notamment relevé que le conflit parental était important, chacun accusant l'autre d'actes de violence. Les plaintes pénales des parties avaient toutefois fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière. En revanche, l'enfant avait vraisemblablement été confronté au conflit de ses parents et des gestes inadéquats de la mère envers lui avaient été rapportés par le père; ils faisaient l'objet d'une procédure pénale, dont le sort n'était pas connu du Tribunal.

Selon les conclusions de l'expertise familiale, les compétences parentales de la mère étaient entravées; celle-ci était dans l'impossibilité de protéger le mineur du conflit conjugal et le maintenait dans un conflit de loyauté délétère et maltraitant. En outre, elle faisait preuve d'une impulsivité importante, ayant abouti à des gestes violents à l'égard de son fils et à des injures répétées envers son époux. Le premier juge a relevé que les rapports du SEASP et de l'AEMO contredisaient certes le résultat de l'expertise. Toutefois, seuls les experts étaient à même de poser un diagnostic sur les éventuels troubles dont pouvaient souffrir les membres du groupe familial et de faire les corrélations entre lesdits troubles. En outre, le travail des experts avait été plus global. Il était certes surprenant que les experts n'aient pas pris contact avec la psychologue brésilienne de A______; rien n'indiquait toutefois que ce seul élément aurait permis d'aboutir à des conclusions différentes. L'éducateur AEMO avait travaillé pendant une longue période avec A______ et la situation s'était apaisée. Toutefois, selon les experts, les changements constatés risquaient de ne pas être pérennes et le curateur de représentation de l'enfant avait constaté, le 30 août 2023, que celui-ci se trouvait toujours dans un important conflit de loyauté. Il se justifiait par conséquent d'attribuer au père la garde du mineur, étant relevé que les allégations d'abus sexuel n'étaient pas corroborées; sur ce point, l'attitude de A______ était ambivalente. Le droit de visite de la mère a été fixé de manière à éviter tout contact entre les parties, sans pour autant recourir au Point rencontre. Le Tribunal a enfin relevé que l'étendue des relations personnelles entre la mère et l'enfant serait à même d'évoluer, afin d'aboutir, à terme, à une garde partagée.

b. Dans son appel, A______ a fait grief au Tribunal de s'être fondé sur le rapport des experts, alors que celui-ci était contredit par les rapports du SEASP et de l'AEMO, ainsi que par celui du Dr L______, psychiatre et psychologue FMH, qu'elle avait consulté à deux reprises, les 20 septembre et 5 octobre 2023. Or, selon celui-ci, l'appelante avait pleinement sa capacité de discernement, de raisonnement et de jugement et mettait régulièrement en avant l'importance du bien-être de son fils ; aucun diagnostic psychiatrique franc n'avait pu être mis en évidence. Ainsi, le Tribunal avait accordé plus de poids aux experts qu'aux professionnels qui suivaient A______ depuis plus de deux ans. En particulier, l'éducateur AEMO était intervenu à son domicile toutes les semaines, de mai 2022 à juin 2023. L'appelante a également critiqué l'expertise, dans la mesure où elle-même avait fait l'objet d'une évaluation neuropsychologique alors que tel n'avait pas été le cas de B______. Le coach de celui-ci avait par ailleurs été contacté par les experts, alors que tel n'avait pas été le cas de la psychologue de l'appelante au Brésil. En outre, l'appelante avait été assistée par des interprètes parlant le portugais du Portugal et non du Brésil, alors qu'il existait des différences non négligeables entre les langues de ces deux pays. C'était par conséquent à tort que le Tribunal avait refusé d'ordonner une contre-expertise.

L'appelante a également soutenu que la communication avec B______ n'avait cessé de s'améliorer, comme le démontraient les nombreux échanges de courriels, messages et photographies intervenus entre les parties depuis le mois de novembre 2023, versés à la procédure. Un processus de médiation avec l'intimé avait en outre débuté au mois de février 2024. L'appelante était suivie par une psychologue à raison de deux fois par mois depuis le 6 novembre 2023 et elle entendait initier un suivi psychiatrique aussitôt qu'elle aurait trouvé un professionnel lusophone. Le mineur C______ pour sa part bénéficiait d'un suivi psychologique depuis le 14 février 2024, à raison d'une séance par quinzaine. La situation familiale avait par conséquent évolué depuis le dépôt du rapport d'expertise, dont les constatations n'étaient plus d'actualité. L'attribution de la garde de l'enfant au père représenterait un bouleversement très violent pour le mineur, lequel avait toujours vécu auprès de la mère, à laquelle il était profondément attaché.

c. A l'appui de sa réponse à l'appel, l'intimé a notamment produit un courriel de l'appelante du 30 janvier 2024, logorrhéique et contenant de nombreux reproches à son encontre, ainsi qu'un second courriel du 6 février 2024, indiquant que le droit de visite du mercredi était supprimé, car, selon les termes de l'appelante, « vous me saoulez à cause de la question du psychologue ». Il a contesté que l'attitude de l'appelante se soit modifiée positivement.

d. Dans sa réplique, l'appelante a indiqué regretter le ton employé dans les deux courriels cités par sa partie adverse, tout en précisant que le droit de visite du mercredi, mis en place d'accord entre les parties, n'avait au final pas été interrompu.

e. Dans sa duplique, l'intimé a admis que depuis que l'appelante avait changé d'avocat, elle semblait faire des efforts de communication. Selon lui, il s'agissait toutefois d'une collaboration « de surface », guidée par les enjeux de la procédure d'appel.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308
al. 1 let. b CPC (ATF
137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte notamment sur l'attribution de la garde de l'enfant des parties, de sorte qu'il est non patrimonial dans son ensemble. La voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 3, 271 let. a et 314
al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable à la forme.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit
(art. 310 CPC), dans la limite des griefs qui sont formulés devant elle (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

Les mesures protectrices étant soumises à la procédure sommaire (art. 248
let. d CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1).

La cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne le sort des enfants mineurs (art. 296 al. 1 et 3 CPC), de sorte que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties sur ce point. La maxime inquisitoire ne dispense toutefois pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leurs propres thèses. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_855/2017 du 11 avril 2018
consid. 4.3.2).

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles devant la Cour.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard
(let. a) et s'ils ne pouvaient pas l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Dans les causes de droit matrimonial concernant un enfant mineur, soumises à la maxime inquisitoire illimitée, les pièces nouvelles sont recevables, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349
consid. 4.2.1).

2.2 Il s'ensuit que toutes les pièces nouvelles produites par les parties, ainsi que les faits s'y rapportant, susceptibles d'influencer le sort de leur enfant mineur, sont recevables.

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir attribué à l'intimé la garde de leur fils.

3.1.1 En cas de suspension de la vie commune, lorsqu'il y a des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires, d'après les dispositions sur les effets de la filiation (art. 176 al. 3 CC).

Dans le cadre d'une procédure de divorce ou d'une procédure de protection de l'union conjugale, le juge confie à l'un des parents l'autorité parentale exclusive si le bien de l'enfant le commande (art. 298 al. 1 CC). Lorsqu'aucun accord entre les parents ne semble envisageable sur ce point, le juge peut aussi se limiter à statuer sur la garde de l'enfant ainsi que sur les relations personnelles ou la participation de chaque parent à sa prise en charge (art. 298 al. 2 CC).

Si l'autorité parentale conjointe est maintenue, le tribunal doit régler la question de la garde. Le tribunal peut soit attribuer la garde exclusive à l'un des parents, soit fixer une garde alternée (Cottier, CR CC I, 2ème éd., n. 7 ad art. 298 CC).

Si les parents, avec le soutien du tribunal ou de spécialistes consultés, ne parviennent pas à s'entendre sur le modèle de prise en charge, le tribunal statue en tenant compte des critères établis par la jurisprudence : le principe directeur est le bien de l'enfant, les intérêts des parents devant être relégués au second plan. Tout d'abord, les liens existant entre l'enfant et ses deux parents doivent être pris en compte. Le facteur décisif est ensuite la capacité éducative des parents. En outre, leur capacité et leur volonté à s'occuper personnellement de l'enfant ainsi que leur aptitude à coopérer et à favoriser la relation avec l'autre parents entrent également en ligne de compte. Les rapports conflictuels des parents peuvent nuire à leur capacité d'élever et de s'occuper de l'enfant. La solution devant l'emporter est celle qui, compte tenu de toutes les circonstances, garantit à l'enfant la stabilité des relations nécessaire pour son développement et son épanouissement optimal. Ces critères sont interdépendants et leur importance varie en fonction du cas d'espèce. La possibilité du parent de s'occuper personnellement de l'enfant joue un rôle surtout chez les nourrissons, lorsque les besoins spécifiques de l'enfant exigent une prise en charge personnelle ou lorsqu'un parent n'est pas ou quasiment pas disponible, même le matin, le soir et le week-end (Cottier,
op. cit., n. 8 ad art. 298 CC).

3.1.2 Le tribunal peut, à la demande d'une partie ou d'office, demander une expertise à un ou plusieurs experts (art. 183 al. 1 CPC).

Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

Le principe de libre appréciation signifie qu'il n'y a pas de hiérarchie légale entre les moyens de preuve autorisés (…) et c'est le degré de conviction du juge, après administration des preuves autorisées, qui doit faire pencher la balance (Schweizer, CR CPC, 2ème éd., n. 19 ad art. 157 CPC).

La preuve par expertise pose un problème particulier, car la mise en œuvre d'une expertise suppose a priori une carence dans les connaissances du tribunal sur des points techniques pertinents (…). Le tribunal qui ordonne une expertise, avouant par là même son incompétence relative sur le point considéré, ne peut pas sans autre s'écarter des conclusions de l'expert, quand celles-ci sont univoques et étayées. S'il le fait, il doit motiver un tel écart, à peine de verser dans l'arbitraire, vu son aveu implicite anticipé d'impuissance à résoudre lui-même le problème posé. De tels facteurs de doute peuvent consister par exemple dans le fait que l'expertise est incohérente, qu'elle repose sur un état de fait lacunaire ou même erroné, ou encore qu'elle tient pour acquis des faits ou des preuves auxquels le tribunal accorde une valeur probante atténuée, voire nulle, ou le contraire (Schweizer, op. cit., n. 19 ad. Art. 157 CPC et les références citées).

3.2.1 La Cour relève d'emblée que conformément à la doctrine mentionnée sous considérant 3.1.2 ci-dessus, le Tribunal ne pouvait s'écarter des conclusions de l'expertise qu'il avait ordonnée que si celle-ci apparaissait incohérente, lacunaire ou erronée. Or, l'appelante n'a pas établi que tel serait le cas; elle s'est contentée d'opposer à l'avis et aux conclusions des experts ceux du SEASP, de l'AEMO et du Dr L______; elle s'est également plainte d'avoir fait l'objet d'un bilan neuropsychologique alors que tel n'avait pas été le cas de l'intimé, de l'absence de contact des experts avec sa psychologue brésilienne et de ne pas avoir été assistée par un interprète parlant le portugais du Brésil.

En ce qui concerne ce dernier point, l'appelante s'est contentée d'affirmer, de manière toute générale, qu'il existe des différences entre le portugais du Portugal et celui du Brésil, sans indiquer quels propos auraient été, selon elle, mal traduits et quel impact ces erreurs de traduction auraient eu sur le résultat de l'expertise. Ce premier grief, insuffisamment motivé, sera dès lors écarté.

Il en va de même du grief portant sur le bilan neuropsychologique. Il n'appartient en effet pas à l'appelante de déterminer quels examens étaient, ou pas, nécessaires, de telles décisions revenant aux experts. L'appelante aurait par ailleurs pu, en sollicitant l'audition des experts, les questionner après le dépôt de leur rapport sur les raisons pour lesquelles l'intimé n'avait pas été soumis à l'examen en cause, ce qu'elle n'a pas fait. Il sera enfin rappelé qu'aucun diagnostic psychiatrique n'a été retenu pour l'intimé, contrairement à l'appelante, ce qui est susceptible d'expliquer que cette dernière ait été soumise à des examens complémentaires.

L'absence de prise de contact des experts avec la psychologue brésilienne de l'appelante ne saurait remettre en cause le contenu et les conclusions de l'expertise, conduite non seulement par une psychologue, mais également par un psychiatre, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie d'enfants et d'adolescents. L'avis d'une psychologue, laquelle semble suivre l'appelante à distance puisqu'elle pratique au Brésil, n'ayant qu'une connaissance partielle de la situation fondée sur les seuls éléments rapportés par l'appelante elle-même, n'était en effet pas de nature à modifier les constatations effectuées personnellement par les deux experts. Pour le surplus, la psychologue brésilienne aurait pu, à la demande de l'appelante, faire parvenir aux experts un compte rendu de ses éventuelles constatations, ce qu'elle n'a pas fait.

S'agissant du Dr L______, l'appelante, selon ses propres déclarations, ne l'a consulté qu'à deux reprises. L'avis de ce praticien, qui n'a eu qu'une vision très partielle de la situation, soit celle, subjective, que lui a transmise la seule appelante, ne saurait par conséquent prévaloir sur celui des experts, qui ont pour leur part pu prendre connaissance de l'ensemble du dossier, interroger les deux parties et rencontrer le mineur.

Si le SEASP n'a certes pas préconisé l'octroi de la garde du mineur au père dans son rapport du 19 avril 2022, il s'est néanmoins déclaré particulièrement inquiet de la situation hautement conflictuelle entre les parties. Les intervenants du SPMI pour leur part ont mentionné l'éventualité d'un placement du mineur en foyer comme possible mesure de protection de celui-ci, démontrant par là qu'ils n'excluaient aucune solution. Quant à l'intervenant AEMO, s'il a pu faire des observations et constater certains progrès de l'appelante, il n'a, lui non plus, ni une connaissance complète de la situation, ni les compétences pour poser un diagnostic et faire des recommandations. Au demeurant, il résulte de la teneur des courriels adressés par l'appelante à l'intimé au début de l'année 2024 (dont il sera question ci-dessous sous considérant 3.2.2) que l'évolution « spectaculaire » de la première, décrite par l'intervenant AEMO dans son rapport du 19 octobre 2023, était en réalité toute relative, ce qui réduit la portée des constatations dudit intervenant.

Au vu de ce qui précède, il n'existait non seulement pas d'éléments suffisants pour ordonner une contre-expertise, mais en outre il ne saurait être fait grief au Tribunal d'avoir suivi l'avis des experts, détaillé et argumenté, qui emporte, de même, la conviction de la Cour.

3.2.2 L'appelante se prévaut enfin, dans son appel, de l'amélioration de ses relations avec l'intimé, pour soutenir que les conclusions des experts ne seraient, quoiqu'il en soit, plus justifiées.

S'il appert certes que les parties parviennent parfois à échanger au sujet de leur enfant sur un ton courtois et apaisé (ce qui devrait être la règle), il ressort également des pièces produites par l'intimé que tel n'est pas toujours le cas. Ainsi, encore en janvier et février 2024, soit peu avant le prononcé du jugement attaqué, l'appelante a adressé à l'intimé des courriels contenant de nombreux reproches et lui a signifié sa décision unilatérale de supprimer le droit de visite du mercredi, sans un réel fondement et sans tenir compte des répercussions d'une telle décision sur son fils. Même si, in fine, cette décision n'a pas été mise à exécution, les courriels en cause attestent du caractère impulsif de l'appelante (impulsivité importante relevée par les experts), de sa difficulté à prendre en considération les intérêts de son enfant et à se remettre personnellement en cause.

Par ailleurs et même s'il fallait retenir que le conflit entre les parties s'est apaisé, cet apaisement serait trop récent pour justifier de s'écarter des conclusions de l'expertise. Les experts avaient en effet relevé que l'évolution favorable de l'appelante, grâce à l'étayage de l'AEMO, pouvait ne pas être pérenne et était susceptible d'être rapidement mise à mal dans le cadre d'un travail plus spécifique englobant la coparentalité. Il conviendra par conséquent de s'assurer, sur la durée, que l'évolution positive de l'appelante se poursuit et qu'elle n'était pas dictée par ses seuls intérêts procéduraux.

Au vu de ce qui précède, les chiffres 3 et 10 du dispositif du jugement attaqué seront confirmés.

3.2.3 L'appelante n'ayant pas spécifiquement critiqué le droit de visite qui lui a été réservé, il n'y a pas lieu de revenir sur ce point.

Le chiffre 4 du dispositif du jugement querellé sera dès lors également confirmé.

4. Les frais judiciaires de la procédure d'appel, en 2'576 fr. 50, comprenant les frais et honoraires du curateur de représentation de l'enfant, seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l'assistance judiciaire.

En tant que de besoin, les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à verser à Me D______, curateur, la somme de 1'576 fr. 50.

Compte tenu de la nature familiale du litige et dans un souci d'apaisement, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/2700/2024 rendu le 23 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15817/2021.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Déboute l'appelante de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'576 fr. 50, les met à la charge de A______ et les laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser à Me D______, curateur, la somme de 1'576 fr. 50.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.