Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/23551/2023

ACJC/1006/2024 du 14.08.2024 sur JTPI/271/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23551/2023 ACJC/1006/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 14 AOÛT 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Prison de B______, ______, appelant d'un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 janvier 2024, comparant en personne,

et

Madame C______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Bernard NUZZO, avocat, Djaziri & Nuzzo, rue Leschot 2, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/271/2024 du 8 janvier 2024, reçu le 12 janvier 2024 par A______, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des parties (chiffre 1 du dispositif), maintenu l’autorité parentale conjointe sur l'enfant D______ (ch. 2), limité toutefois l'autorité parentale de A______ sur son fils D______ concernant les aspects administratifs (ch. 3), attribué la garde de l'enfant à C______ (ch. 4), suspendu les relations personnelles entre l'enfant et A______ (ch. 5), dit que les allocations familiales ou d'études versées en faveur de l'enfant le seraient en mains de C______ (ch. 6), attribué à celle-ci l'intégralité des bonifications pour tâches éducatives (ch. 7), constaté que A______ n'était en l'état pas en mesure de contribuer à l'entretien de son fils (ch. 8), donné acte aux parties de ce que leur régime matrimonial était liquidé et de ce qu'elles n'avaient aucune prétention à faire valoir l'une envers l'autre à ce titre (ch. 9), donné acte aux parties de ce qu'il pouvait être renoncé au partage des avoirs de prévoyance acquis durant le mariage (ch. 10), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., les a répartis par moitié entre les parties et laissés à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve des décisions de l'Assistance juridique (ch. 11), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 12) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 13).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice au plus tard le 12 février 2024, au vu du timbre du centre logistique de la Poste suisse du 13 février 2024 apposé sur l'enveloppe contenant cet acte, A______, comparant en personne, appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation du chiffre 5 du dispositif. Il conclut à la reprise de ses relations personnelles avec l'enfant D______.

b. Dans sa réponse du 22 avril 2024, C______ conclut à ce que la Cour déclare l'appel irrecevable, subsidiairement le rejette, sous suite de frais.

Elle produit un jugement du Tribunal correctionnel du 14 février 2024 rendu dans la cause P/1______/2023, aux termes duquel A______ a été déclaré coupable de tentative de meurtre et lésions corporelles simples ainsi que d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup. Il a été condamné à une peine privative de liberté de 5 ans, sous déduction de 397 jours de détention avant jugement. Son expulsion de Suisse a été ordonnée pour une durée de 7 ans, l'exécution de la peine primant celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP). Il a par ailleurs été condamné à payer, à titre de réparation du tort moral, 10'000 fr. au dénommé E______ et 1'000 fr. à C______, les deux parties plaignantes dans la procédure.

c. A______ a répliqué au plus tard le 29 avril 2024, au vu du timbre du centre logistique de la Poste suisse du 30 avril 2024 apposé sur l'enveloppe contenant cette écriture. Il a sollicité d'"être réentendu avec l'aide d'un interprète pour tout expliquer" et persisté dans la conclusion de son appel pour le surplus.

Il a exposé avoir formé un "recours" à l'encontre du jugement du Tribunal correctionnel du 14 février 2024 et être dans l'attente de la décision.

d. Le 6 mai 2024, C______ a renoncé à faire usage de son droit à la duplique, persistant dans ses conclusions.

e. Par avis du 27 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né en 1995 au Maroc, de nationalité marocaine, et C______, née en 1992 à F______ [GE], originaire de L______ (GE) et de G______ (BE), se sont mariés le ______ 2020 à Genève.

Ils sont les parents de D______, né le ______ 2019 à Genève.

C______ est également la mère de l'enfant H______, né le ______ 2023 de sa relation avec I______.

Cette relation aurait débuté en novembre 2021, selon la demande en désaveu de paternité déposée à l'encontre de A______ en août 2023 par la curatrice de l'enfant H______ désignée à cette fin.

b. Les époux se sont séparés le 23 juillet 2021.

C______ a quitté le domicile familial avec l'enfant D______. Elle a exposé avoir fui les violences conjugales dont elle aurait été victime et a produit à l'appui de cette allégation deux certificats médicaux, datés des 22 avril et 22 juillet 2021.

c. Durant l'été 2021, A______ s'est adressé à la permanence du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après SEASP) pour se plaindre d'être privé de contacts avec son fils, car son épouse aurait refusé toute communication avec lui.

Entre juillet et novembre 2021, une dizaine de visites d'une demi-journée ou d'une journée auraient eu lieu entre le père et le fils, selon les propos de C______ tenus au SEASP en octobre 2022.

Le père et le fils n'ont plus entretenu aucun contact dès novembre 2021, date à laquelle celui-ci était âgé de deux ans.

d. Le 12 mai 2022, C______ a saisi le Tribunal d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale formée à l'encontre de A______, lequel était domicilié au Centre d’hébergement J______. Elle a conclu notamment à la suspension des relations personnelles père-fils.

Le 6 juillet 2022, lors de l'audience tenue par le Tribunal à la suite de cette requête, A______, qui n'était pas présent, a exposé par l'intermédiaire de son conseil qu'il souhaitait entretenir des relations personnelles avec l'enfant D______ qu'il n'avait plus vu depuis novembre 2021, son épouse ayant coupé tous liens entre eux. C______ a fait valoir de nombreux griefs à l'encontre de son époux, soit d'avoir délaissé sa famille pour s'investir dans la religion, de lui avoir fait subir des violences conjugales en présence de l'enfant qui aurait également manifesté de la violence depuis lors envers ses camarades et les adultes, de s'être montré négligent dans sa prise en charge irrégulière de l'enfant depuis la séparation des parties et d'avoir fini, en novembre 2021, par refuser de lui remettre l'enfant, épisode après lequel les contacts père-fils avaient cessé. A cet égard, elle a admis avoir fait "bloquer" dès cette date le numéro de téléphone de A______, de sorte que celui-ci n'était plus en mesure de la contacter par ce biais.

Dans le cadre de cette procédure, le SEASP a établi un rapport le 6 décembre 2022. Ce rapport a été qualifié de "partiel" par le service dans la mesure où le père ne s'était pas présenté aux convocations d'octobre et de novembre 2022 et aucun contact n'avait pu être établi avec lui, étant relevé qu'il avait assisté à la séance d'information dispensée par le service. La mère avait indiqué au SEASP ne pas avoir été en relation avec le père depuis novembre 2021 et ne pas disposer de ses coordonnées.

En ce qui concerne la situation de l'enfant, le SEASP a relevé les propos de la mère, à savoir que celui-ci rencontrait de la difficulté dans les transitions et était suivi par une pédopsychiatre car il souffrait de "décharges émotionnelles". Selon la pédiatre de l'enfant, en mai 2021, la mère avait évoqué des difficultés d'endormissement présentées par son fils, lequel était très proche d'elle et manifestait des angoisses de séparation. D'après l'éducatrice référente du mineur au jardin d'enfants, celui-ci réclamait beaucoup d'attention. Les professionnels avaient remarqué assez rapidement des gestes brusques de celui-ci, tels que "mettre les mains autour du cou, s'agripper aux cheveux, gifles, coups avec le poing envers ses pairs et envers les adultes". La mère avait fait part à l'éducatrice du fait que D______ avait pu être témoin de violences entre ses parents par le passé et qu'il était suivi par le Service éducatif itinérant dans le précédent jardin d'enfants.

Pour ce qui est des relations personnelles père-fils, il ressort du rapport que celles-ci avaient été interrompues depuis plus d'une année et que les visites intervenues par le passé, selon la mère entre juillet et novembre 2021, n'étaient pas satisfaisantes d'après celle-ci. La mère craignait de confier l'enfant à son père. Les motifs en étaient que celui-ci ne serait pas stable, n'aurait pas respecté les horaires des visites ou ne se serait pas présenté aux rendez-vous prévus à cette fin, fumerait du cannabis, fréquenterait, y compris avec l'enfant, des lieux de trafic de drogues, serait au bénéfice d'un traitement médicamenteux qui altérerait ses aptitudes et aurait menacé d'enlever l'enfant. Lors de sa dernière visite, début novembre 2021, prétendant vouloir garder l'enfant plusieurs jours consécutifs, le père aurait refusé de le remettre à sa mère, ce qu'il aurait finalement accepté de faire après avoir été menacé d'un dépôt de plainte à la police. Selon la mère, après cet incident, elle avait refusé à deux ou trois reprises un droit de visite sollicité par le père. Celui-ci ne se serait plus manifesté par la suite, serait absent de la vie de l'enfant et ne s'en soucierait pas. Quant à ce dernier, la mère a déclaré devant le service qu'il ne réclamait pas son père et qu'il refuserait de le voir si on le lui proposait car il ne le connaissait pas. Selon les propos de l'éducatrice référente de l'enfant à la crèche transcrits dans le rapport, celui-ci était proche du compagnon de sa mère, qu'il appelait "papa". A cet égard, la mère a exposé devant le SEASP avoir expliqué à D______ que son compagnon n'était pas son père, mais que l'enfant persistait à l'appeler ainsi. D______ n'avait jamais appelé son père "papa", car il ne l'identifiait pas comme tel, la relation père-fils n'ayant pas pu être construite.

Le SEASP a conclu que le père semblait désinvesti de son rôle. Ses compétences paternelles n'avaient pas pu être évaluées en raison de son défaut de collaboration. Ainsi, le service s'est dit dans l'impossibilité de préconiser des modalités d'exercice du droit de visite et a recommandé de renoncer à en fixer. Il appartiendrait au père de saisir le Tribunal afin d'en voir ordonnées.

En post-scriptum de ce rapport, il a été mentionné que la mère s'était déclarée d'accord avec les recommandations du service et que le père n'avait pas pu être contacté.

Par jugement du 24 août 2023, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, le Tribunal a notamment autorisé les époux à vivre séparés, limité l'autorité parentale de A______ sur son fils D______ concernant les aspects administratifs, attribué la garde de celui-ci à sa mère, suspendu les relations personnelles entre l'enfant et son père et dispensé ce dernier de contribuer à l'entretien de son fils, vu son absence de capacité contributive.

e. En parallèle, au début de l'année 2023, A______ a été placé en détention provisoire, étant prévenu de diverses infractions.

Selon un courrier du 12 juin 2023 du Ministère public genevois, les faits reprochés au précité consistaient dans une tentative de meurtre, subsidiairement de lésions corporelles graves, à l'encontre du dénommé E______ et dans des lésions corporelles simples à l'encontre de C______ ainsi que dans la consommation de stupéfiants.

f. Par acte déposé au Greffe universel du Pouvoir judiciaire le 8 novembre 2023, C______ a formé auprès du Tribunal une demande unilatérale en divorce à l'encontre de A______. Elle a conclu notamment à la suspension des relations personnelles père-fils.

Lors de l'audience de conciliation et de comparution personnelle des parties du 5 décembre 2023 tenue par le premier juge, A______, assisté de son conseil, a acquiescé au prononcé du divorce. S'agissant de l'autorité parentale sur leur enfant mineur, les parties se sont mises d'accord pour que celle du père soit limitée en ce qui concerne les aspects administratifs. Elles se sont également entendues pour que la garde de l'enfant soit attribuée à la mère et que les relations personnelles de celui-ci avec son père restent suspendues au vu de son incarcération.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de cette audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) dans les causes non patrimoniales indépendamment de la valeur litigieuse (art. 308 al. 2 CPC a contrario).

En l'espèce, le litige porte sur les relations personnelles père-fils, soit sur une affaire non pécuniaire dans son ensemble, de sorte que la voie de l'appel est ouverte (arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 1).

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 3 et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable. En effet, le timbre du centre logistique de la Poste suisse apposé le 13 février 2024 sur l'enveloppe contenant l'acte d'appel atteste d'une expédition de celui-ci au plus tard la veille, le 12 février 2024, soit le dernier jour du délai d'appel, étant encore précisé qu'un tampon du 11 février 2024, vraisemblablement apposé par la prison de B______, figure également sur l'enveloppe en question.

La réponse à l'appel et la réplique, déposées dans le délai légal, respectivement imparti à cet effet, sont recevables également (art. 312 et 316 al. 2 CPC).

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; 138 III 374 consid. 4.3.1). Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.4 La cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée, dans la mesure où elle concerne la fixation du droit aux relations personnelles entre le père et l'enfant mineur (art. 296 al. 1 et 3 CPC). La maxime inquisitoire ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leur propre thèse; il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 128 III 4.11 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2013 du 27 mars 2014 consid. 4.1).

1.5 La cause présente des éléments d'extranéité en raison de la nationalité marocaine de l'appelant.

A raison, les parties ne remettent en cause ni la compétence des juridictions genevoises pour connaître du litige (art. 59 et 79 al. 1 LDIP; art. 5 de la Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et des mesures de protection des enfants - ClaH96) ni l'application du droit suisse (art. 82 al. 1 LDIP; art. 15 al. 1 ClaH96).

2. L'intimée a produit une pièce nouvelle (le jugement du Tribunal correctionnel du 14 février 2024) et l'appelant a allégué un fait nouveau (soit l'indication qu'il a formé "recours" contre ledit jugement).

2.1 Dans les causes de droit matrimonial concernant les enfants mineurs, où les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent, tous les novas sont admis, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l'espèce, le fait nouveau et la pièce nouvelle en question sont susceptibles d'avoir une influence sur la question litigieuse des relations personnelles entre le mineur et son père, de sorte qu'ils sont recevables.

3. Dans sa réplique, l'appelant a sollicité son audition avec un interprète, afin de "tout expliquer".

La recevabilité de cette conclusion formulée au stade de la réplique peut demeurer indécise au vu du sort réservé à cette requête, comme cela découle de ce qui suit.

3.1 Aux termes de l'art. 316 CPC, l'instance d'appel peut ordonner des débats ou statuer sur pièces (al. 1). Elle peut aussi administrer des preuves (al. 3).

En règle générale, la procédure d'appel est menée purement sur dossier, sans tenue d'une audience ni administration de preuves (ATF 142 III 413 consid. 2.2.1).

Même lorsque le procès est soumis à la maxime inquisitoire en vertu de l'art. 296 al. 1 CPC, applicable aux questions concernant les enfants, le juge est autorisé à effectuer une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 et 4.3.2; 130 III 734 consid. 2.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_86/2016 du 5 septembre 2016 consid. 5.2.2).

Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend pour le justiciable le droit de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 135 II 286 consid. 5.1). Il ne garantit en revanche pas le droit de s'exprimer oralement devant l'autorité appelée à statuer (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

L'autorité jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 142 III 413 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2017 du 10 juillet 2017 consid. 3.1.2).

3.2 En l'espèce, l'appelant, assisté d'un avocat, a été entendu par le Tribunal dans la présente procédure en décembre 2023, en particulier sur la question de ses relations personnelles avec son fils D______. Auparavant, dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, il ne s'est pas présenté à l'audience tenue en juillet 2022 par le Tribunal, mais s'est exprimé sur ce sujet par l'intermédiaire de son conseil et sa position a été relevée dans l'état de fait du présent arrêt. Certes, il n'a pas été entendu par le SEASP à la fin de l'année 2022 dans le cadre de l'évaluation sociale ayant conduit au rapport de ce service de décembre 2022. Cela étant, la raison en était qu'il n'a pas collaboré avec le SEASP. En effet, il n'a pas donné suite aux convocations qui lui ont été adressées, il n'était pas joignable et il n'a pas contacté le service, alors qu'il savait qu'une évaluation était en cours, s'étant rendu à la séance d'information dispensée préalablement, et qu'il savait comment contacter le SEASP, l'ayant fait en été 2021 pour se plaindre du défaut de respect de son droit de visite. Enfin, l'appelant a eu l'occasion de s'exprimer par écrit devant la Cour à deux reprises, dans son acte d'appel et sa réplique.

Par ailleurs, l'appelant n'indique pas les raisons pour lesquelles son audition à nouveau serait, à ce stade, nécessaire pour statuer sur le grief qu'il a soulevé, si ce n'est qu'il compte "tout expliquer". Quoi qu'il en soit, une telle audition n'est pas susceptible d'apporter des éléments de fait pertinents. Comme il sera exposé au considérant suivant, peu importe de déterminer si l'appelant a commis ou non une faute par le passé, pourquoi ses relations avec l'intimée et son enfant D______ se sont déroulées avec le résultat que l'on connaît et comment il en est arrivé à se voir condamné à une peine privative de liberté et expulsé de Suisse. Il s'agit de savoir s'il est dans l'intérêt du mineur de rencontrer actuellement son père en prison et de fixer des relations personnelles père-fils pour le futur, lorsque l'appelant aura été expulsé de Suisse si le jugement du Tribunal correctionnel est confirmé. Or, à cet égard, la Cour s'estime suffisamment renseignée pour statuer et l'appelant n'allègue pas de faits nouveaux, étant relevé au demeurant que l'on ne voit pas quel fait nouveau infléchirait les positions respectives des parties et l'intime conviction de la Cour.

Partant, la cause est en état d'être jugée et la mesure d'instruction sollicitée ne sera pas ordonnée.

4. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir suspendu ses relations personnelles avec son fils.

4.1.1 L'art. 273 al. 1 CC prévoit que le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances.

Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles de l'art. 273 al. 1 CC est désormais conçu à la fois comme un droit et un devoir des parents (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 131 III 209 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_184/2017 du 9 juin 2017 consid. 4.1). C'est pourquoi le critère déterminant pour l'octroi, le refus et la fixation des modalités du droit de visite est le bien de l'enfant, et non une éventuelle faute commise par le titulaire du droit (vez, Le droit de visite - Problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006, p. 101 ss, 105). Il est unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de recherche d'identité de l'enfant (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c). L'importance et le mode d'exercice des relations personnelles doivent être appropriés à la situation, c'est-à-dire qu'il faut tenir équitablement compte des circonstances essentielles du cas, le bien de l'enfant étant le facteur d'appréciation le plus important (ATF 127 III 295 consid. 4). Le juge tiendra compte de manière équitable de l'ensemble des circonstances, notamment de l'âge de l'enfant, de sa santé physique et psychique, ainsi que de la relation qu'il entretient avec l'ayant droit (Meier/Stettler, Droit de la filiation, 6ème éd. 2019, n. 984).

4.1.2 A teneur de l'art. 274 al. 2 CC, si les relations personnelles compromettent le développement de l’enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s’ils ne se sont pas souciés sérieusement de l’enfant ou s’il existe d’autres justes motifs, le droit d’entretenir ces relations peut leur être refusé ou retiré. Le droit de visite peut aussi être restreint. D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. La jurisprudence cite la maltraitance psychique ou physique (arrêt du Tribunal fédéral 5P.131/2006 du 25 août 2006 consid. 3 s., publié in FamPra.ch 2007 p. 167). Quel que soit le motif du refus ou du retrait du droit de visite, la mesure ne doit être envisagée que si elle constitue l'ultime moyen d'éviter que le bien de l'enfant ne soit mis en péril. Un refus des relations personnelles doit ainsi respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, et ne saurait être imposé que si une autre mesure d'encadrement ne suffit pas à écarter efficacement et durablement le danger. En revanche, si le risque engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité grâce à d'autres mesures moins incisives telles que la présence d'un tiers ou l'exercice du droit dans un milieu protégé, le principe de la proportionnalité et le sens des relations personnelles interdisent la suppression complète de ce droit (ATF 122 III 404 consid. 3a et 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5C.244.2001 du 29 octobre 2001 consid. 1b et 1c; 5C.58/2004 du 14 juin 2004 consid. 2.1.2; Vez, op. cit., p. 122; Meier/Stettler, op. cit., n. 1014 ss).

Pour fixer le droit aux relations personnelles, le juge fait usage de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 131 III 209 consid. 3; 120 II 229 consid. 4a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_489/2019, 5A_504/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1; 5A_41/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.1).

4.1.3 Il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant de créer un lien uniquement éphémère avec l'un de ses parents, soit un lien qui n'est pas susceptible de perdurer dans le temps et de déboucher sur des relations stables et constructives. Par ailleurs, il n'est pas concevable, lorsque l'enfant se trouve en très bas âge (en l'occurrence environ dix-huit mois), de le confier à un tiers, hors de la présence de sa mère, pour l'exercice d'un droit de visite devant se dérouler dans un parloir de prison, lieu pouvant se révéler traumatisant pour l'enfant (ACJC/1664/2020 du 24 novembre 2020 consid. 5.2.2; dans la cause ayant conduit à cet arrêt, la Fondation K______, dont le siège est à Genève et le but est notamment d’offrir un soutien aux proches de détenus et d’accompagner les enfants dans leur relation avec leur(s) parent(s) détenu(s), a exposé en mai 2020 que les visites par son intermédiaire avaient lieu sans la présence d'accompagnant extérieur et uniquement lorsque les deux parents donnaient leur accord).

4.1.4 A teneur de l'art. 66c CP, la peine ou partie de peine ferme ou la mesure privative de liberté doit être exécutée avant l’expulsion (al. 2), l’expulsion est exécutée dès que la personne condamnée est libérée conditionnellement ou définitivement de l’exécution de la peine ou de la mesure, ou dès que la mesure privative de liberté est levée, s’il n’y a pas de peine restante à exécuter et qu’aucune autre mesure privative de liberté n’est ordonnée (al. 3) et la durée de l’expulsion est calculée à partir du jour où la personne condamnée a quitté la Suisse.

4.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu qu'il se justifiait de faire droit aux conclusions concordantes des parties relatives au sort de l'enfant, soit notamment celles portant sur les relations personnelles père-fils, lesquelles étaient conformes aux recommandations du SEASP et à l'intérêt du mineur.

Dans son acte d'appel, l'appelant critique le jugement entrepris dans les termes suivants : "Je ne suis pas d'accord avec la suspension des relations personnelles entre mon fils et moi. J'aimerais entreprendre des démarches auprès de la Fondation K______ pour reprendre le lien avec mon enfant. Il me manque beaucoup et j'ai toujours tout fait pour maintenir le lien avec lui. S'il vous plaît, je souhaiterais que votre autorité m'accorde le droit de vous faire part de mes déterminations et des éventuelles conséquences positives sur une reprise du lien avec mon enfant D______. J'ai mis beaucoup de temps à comprendre l'ampleur de cette décision. Je ne veux pas priver mon fils de voir son père. J'ai pris conscience de ma responsabilité et j'aimerais que ce qui précède soit pris en considération afin de vous exprimer tout cela. D______ a besoin de voir, connaître son papa et je ne veux pas qu'il souffre à cause de moi".

Dans sa réplique devant la Cour, il soutient en outre ce qui suit : "J'ai fait recours contre le jugement du Tribunal correctionnel. […] Je souhaite que justice me soit rendue. Je suis innocent des accusations de la mère de mon fils, c'est ce que j'ai toujours dit. Je n'ai jamais été violent envers elle. Je souhaite être réentendu avec l'aide d'un interprète pour tout expliquer, car ce divorce fera un enfant perdu dans son évolution, qui n'a pas de contact avec son père biologique. […] Vous savez que les liens du sang sont très forts et importants pour un enfant. Tout ce que je fais c'est pour le bien suprême de mon fils D______. Je ne pourrai jamais l'oublier, c'est mon premier et dernier enfant. […] Il faut me dire, m'expliquer pourquoi D______ doit être séparé de son papa alors que sa mère sait combien je l'aime. Je veux le bien de tout le monde. Je suis en prison à cause de problèmes qui m'ont séparé des personnes que j'aime plus que tout. J'ai commencé à boire et j'ai fini par presque me perdre. L'espoir de revoir mon fils est mon seul repère. Des démarches pour le revoir sont en cours avec le SPMi et le TPAE. Je n'ai jamais voulu suspendre les relations avec mon fils. Je ne comprenais pas ces mots."

S'agissant de la Fondation K______ à laquelle l'appelant souhaite faire appel, des visites père-fils en milieu carcéral par l'entremise de celle-ci ne pourraient a priori pas avoir lieu. L'intimée refuse tout contact avec l'appelant et s'oppose à toute visite père-fils, alors que l'enfant D______ doit, au vu de son âge, être accompagné et que l'accompagnement mis en œuvre par ladite fondation n'implique pas l'aide d'un tiers accompagnateur et suppose l'accord des parents. L'appelant n'a d'ailleurs pas allégué avoir entrepris des démarches auprès de cette fondation afin d'établir si des visites pourraient être organisées en cas d'octroi d'un droit en ce sens. Cela étant, cet aspect pratique peut demeurer indécis au vu de l'issue du litige, dont les motifs sont développés ci-après.

Il n'est pas établi que l'appelant se soit suffisamment investi auprès de son fils avant que celui-ci n'atteigne l'âge de deux ans afin de construire une véritable relation. Quoiqu'il en soit, il est démontré que le mineur n'a plus eu aucun contact avec son père depuis qu'il est âgé de deux ans et le SEASP a constaté que l'appelant semblait désinvesti de son rôle de père. Pour le surplus, peu importe de savoir qui, de la mère ou du père, est responsable de cette situation. Aujourd'hui âgé de cinq ans, l'enfant n'a vraisemblablement aucun souvenir concret de son père. Il semble en outre que l'enfant identifie le père de son demi-frère comme étant également le sien, depuis le courant de l'année 2022 à tous le moins.

Il y a lieu en conséquence de déterminer si, dans ces circonstances, la création d'un lien avec son père biologique est aujourd'hui dans l'intérêt de l'enfant.

Le mineur semble avoir rencontré des difficultés affectives, émotionnelles et comportementales, décrites par sa mère, confirmées par les professionnels l'entourant et pour lesquelles il a été suivi. Il convient de tenir compte de ce terrain fragile en évitant de perturber l'enfant, ce qui risquerait d'accroître ces difficultés. Il est dès lors inconcevable de mettre l'enfant dans le milieu carcéral en présence de son père, qu'il ne connaît plus, sans l'y avoir préparé sur le plan psychologique. Cette préparation impliquerait notamment que soit évoquée avec le mineur la lourde condamnation pénale, certes encore non définitive, dont son père a fait l'objet et que des explications sur la réapparition (ou plutôt l'"apparition" du point de vue de l'enfant, compte tenu de la vraisemblable absence de souvenirs antérieurs à ses deux ans) de son père biologique dans sa vie lui soient données. Une telle préparation, suivie de l'exercice effectif d'un droit de visite en milieu carcéral, présenteraient de toute évidence un risque important de compromettre l'équilibre que doit avoir trouvé ou doit tenter de trouver le mineur dans sa famille composée de sa mère, du compagnon de celle-ci et de son demi-frère. Prendre ce risque pourrait avoir un sens uniquement s'il s'agissait de créer un lien susceptible de perdurer dans le temps et déboucher sur des relations stables et constructives pour lui. Or, tel ne pourra pas être le cas, puisque, si le jugement du Tribunal correctionnel est confirmé, l'appelant fera l'objet, dès qu'il aura terminé de purger sa peine, d'une expulsion du territoire suisse. Rien n'autorise en effet de retenir qu'une fois reparti dans son pays d'origine ou ailleurs, l'appelant aura la volonté et/ou la possibilité d'entretenir des relations régulières avec son fils, étant relevé qu'il ne pourra pas lui rendre visite. Ainsi, si des rencontres avaient lieu avant le départ de l'appelant, cette reprise de contact, qui ne permettrait pas la création d'un véritable lien, au vu du milieu carcéral dans lesquelles les visites seraient exercées, ne serait qu'éphémère, ce qui ne justifie pas la prise de risque précitée.

En conclusion, c’est à juste titre que tout droit de visite de l'appelant sur son fils a été suspendu et aucune mesure moins incisive ne peut par ailleurs être prise en l'état.

Il importe peu que l'appelant se soit déclaré d'accord avec la suspension de son droit de visite en audience devant le Tribunal, ce qu'il aurait fait sans en comprendre la portée. Ce point peut donc demeurer indécis. C'est l'intérêt actuel de son fils D______ qui s'oppose à l'octroi en sa faveur d'un droit aux relations personnelles, toutes les mesures qui pourraient être ordonnées pour préparer celui-ci à la reprise des contacts apparaissant inadéquates compte tenu des circonstances.

L'appelant met en avant son amour pour son fils et son besoin de repère, ce qui est compréhensible. Il perd toutefois de vue que l'intérêt de l'enfant prime celui du parent qui revendique un droit aux relations personnelles. Il fait valoir par ailleurs l'importance des liens du sang pour le bon développement de l'enfant, mais ne semble cependant guère se préoccuper de l'impact négatif encore plus important qu'une reprise de contact avec un père pratiquement inconnu, actuellement incarcéré et sous le coup d'une décision d'expulsion, serait susceptible d'avoir sur un jeune enfant comme le sien.

Il appartiendra à l'appelant de saisir la justice pour voir la présente décision modifiée si cette situation vient à changer et qu'il s'y estime fondé.

Le grief de l'appelant se révélant mal fondé, le chiffre 5 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé et il sera statué pour le surplus dans le sens qui précède.

5. Les frais judiciaires de la procédure d’appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 30 et 35 RTFMC).

Au vu de la nature familiale du litige, ces frais seront mis à la charge des parties par moitié, soit 500 fr. chacune (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Les parties plaidant toutes deux au bénéfice de l’assistance judiciaire, leur part de frais judiciaires sera provisoirement supportée par l’Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b et 123 CPC; art. 19 du Règlement sur l’assistance juridique - RAJ - RS/GE E 2 05.04).

Pour le même motif, chaque partie supportera ses propres dépens d’appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 février 2024 par A______ contre le jugement JTPI/271/2024 rendu le 8 janvier 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23551/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure d'appel à 1'000 fr. et les met à la charge de chacune des parties par moitié.

Dit que ces frais judiciaires sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Stéphanie MUSY, Madame Pauline ERARD, juges; Madame Emilie FRANÇOIS, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.