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Décisions | Chambre civile

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C/7141/2022

ACJC/946/2024 du 21.06.2024 sur ORTPI/190/2024 ( OO ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7141/2022 ACJC/946/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 21 JUIN 2024

 

Entre

A______, sise ______, Suisse, recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 9 février 2024, représentée par
Me Clara POGLIA et Me Giulia MARCHETTINI, avocates, Schellenberg Wittmer SA, rues des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1,

et

Monsieur B______, domicilié ______, Turquie, intimé, représenté par
Me Delphine JOBIN, avocate, PMA Avocats, rue De-Candolle 11, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance ORTPI/190/2024 du 9 février 2024, reçue le 12 février 2024 par C______, le Tribunal de première instance, après avoir à titre préalable transmis à [la banque] C______ un courrier de B______ du 7 février 2024, a ordonné à C______ de verser à la procédure, en deux exemplaires et sous bordereau, les titres dont B______ avait requis la production aux pages 58 et 59 de ses conclusions du 16 juin 2022, annexées à la décision, lui a imparti un délai pour ce faire et a réservé la suite de la procédure.

Ces conclusions portent sur la production, pour 2008 à 2016, de documents visés sous les libellés "règles internes", "enregistrements sur bande magnétique", "correspondance par fax", "compliance", "documentation bancaire", "banque restante", et "rétrocessions" tels que détaillés dans l'annexe à l'ordonnance précitée.

Le Tribunal, après le rappel de quelques principes légaux et jurisprudentiels, a motivé sa décision ainsi : "Appliqués au cas d'espèce, l'ensemble des principes rappelés ci-dessus conduisent à ordonner à la partie défenderesse de verser à la procédure les documents requis par le demandeur dans la mesure où ils sont encore existants, […] en effet, au vu du contexte particulier (clause "banque restante" et gestionnaire externe, infractions pénales commises par ledit gestionnaire), on ne saurait de bonne foi faire grief au demandeur, sans faire montre de formalisme excessif, de ne pas être en possession desdits documents, respectivement de ne pas être en mesure de faire une description plus détaillée de chacun des titre requis; […] il ne s'agit pas d'une "fishing expedition" prohibée dans le cadre de l'art. 160 CPC, mais bien d'une demande de production de pièces légitime du mandant envers le mandataire".

B.            Le 22 février 2024, C______ a formé recours contre l'ordonnance précitée (reçue le 12 février précédent). Elle a conclu à l'annulation de celle-ci, cela fait à ce que la requête de production soit déclarée irrecevable, subsidiairement rejetée, avec suite de frais judiciaires et dépens.

A titre préalable, elle a requis la suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée, ce à quoi la Cour a donné droit par arrêt du 18 mars 2024.

B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement au rejet de celui-ci, sous suite de frais et dépens.

Dans leurs réplique et duplique respectives, les parties ont persisté dans leurs conclusions. B______ a, dans le corps de son écriture, déclaré abandonner sa requête de production d'enregistrements sur bande magnétique et de correspondance par fax.

C______ s'est encore déterminée.

Par avis du 10 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

Le ______ 2024 C______ a fusionné avec A______ (cf Feuille officielle suisse du commerce du ______ 2024). Par courrier du 19 juin 2024, le conseil de cette dernière a fait parvenir à la Cour une nouvelle procuration concédée par A______.

C.           Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants :

a. Le 16 juin 2022, B______, domicilié en Turquie, a saisi le Tribunal d'une demande par laquelle il a conclu à la condamnation de C______ à lui verser 3'387'18,94 USD, avec suite d'intérêts moratoires.

Il a fait valoir, en substance, que sa signature avait été falsifiée par le gérant externe (D______ SA) de son compte pour des ordres de paiement en faveur d'entités sises aux BVI et au Panama, de sorte qu'il réclamait de C______, au for de la succursale de Genève où avait été ouverte la relation bancaire concernée, la restitution de montants débités de son compte sur la base desdits ordres de paiement.

A titre préalable, il a requis de C______ la production notamment de toutes les règles internes de la banque établies sous forme de directives, lignes directrices, codes de conduite, ou autres règles pertinentes pour l'espèce, soit en particulier la vérification de l'identité du cocontractant, de l'ayant droit économique, le contrôle des relations et transactions à risque accru, les clarifications pour l'exécution des ordres de paiement ou la collaboration avec les gérants externes EAM, de tous les documents relatifs aux clarifications de transactions du département compliance concernant son compte n° 1______, les relevés de dépôt concernant ce compte, la correspondance relative audit compte versée en banque restante, et le détail des rétrocessions payées par C______ à D______ SA, de 2008 à 2016.

Il a soutenu que les règles internes de C______ étaient inaccessibles au public, alors qu'elles permettaient de définir les contours du "due care" mentionné dans les conditions générales de la banque; que les documents de compliance étaient nécessaires; que ceux déposés en banque restante ainsi que les relevés de dépôt l'étaient également puisqu'il fallait déterminer à quels documents il aurait pu avoir accès (pour établir si une violation contractuelle pouvait lui être reprochée); et que le détail des rétrocessions versées à D______ SA était nécessaire pour déterminer la situation de conflit d'intérêts de la banque.

Il a, en particulier, formulé les allégués suivants : C______ ne l'aurait pas contacté pour lui demander des explications sur l'arrière-plan économique des transactions ni pour savoir s'il avait ordonné l'exécution des transactions (n. 87, 95, 103, 111, 119, 129), ni n'aurait eu de contact avec lui lors d'autres circonstances (n. 121, 173, 191), ce qui était corroboré par des courriels de C______ (n. 184); il n'avait pas non plus été contacté lorsque C______ avait informé certains de ses clients de l'existence d'une procédure pénale impliquant D______ SA, avec mesures de blocage de son compte et révocation de la procuration de cette dernière (n. 143, 147, 151); il ignorait ce qui avait été adressé "banque restante" (n. 142, 146, 150, 182); des liens étroits existaient entre C______ et D______ SA "laissant présager pour la banque d'apports de nouveaux clients d'où un intérêt pour cette dernière" (n. 35).

Il a offert en preuve de ces allégués, outre son audition, les règles internes et de compliance.

b. C______ a conclu au déboutement de B______ des fins de ses conclusions de fond.

Elle n'a pas contesté l'absence de contact avec B______, sinon par banque restante, et admet l'allégué 184 de celui-ci. Elle a contesté les autres allégués cités ci-dessus.

S'agissant des conclusions préalables de B______, elle a conclu à leur irrecevabilité, subsidiairement à leur rejet. Elle a fait valoir en substance que, compte tenu de la longueur de période visée, la requête de production de pièces relevait de la fishing expedition, que les courriers versés en banque restante (non consultés par B______) avaient été détruits après trois ans conformément aux dispositions contractuelles, que les relevés de dépôt requis n'étaient pas des offres de preuve rattachées à un allégué de la demande, et que l'information relative aux rétrocessions n'était pas un élément nécessaire au contrôle de l'activité du mandataire.

c. Dans sa réplique, B______ s'est prévalu d'une omission s'agissant des relevés de dépôt, lesquels concernaient son allégué 198. Il a formé des allégués nouveaux, portant notamment sur l'existence de règles internes (n. 220, 221) dont celles objets de la requête de production qui devraient permettre de déterminer "les obligations particulières" et le respect de celles-ci s'agissant de son profil de compte (n. 222). Il a persisté dans toutes ses conclusions.

d. Dans sa duplique, C______ a contesté les allégués 200 et 221 de B______, et observé que l'allégué 222 ne portait pas sur un fait. Elle a persisté dans ses conclusions.

e. Les parties se sont encore déterminées.

f. A l'audience du Tribunal du 6 novembre 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives. En particulier, au sujet des conclusions en production de pièces, B______ a maintenu sa requête. C______ a conclu à l'irrecevabilité de cette requête, respectivement au rejet de celle-ci. Sur quoi, le Tribunal a ouvert les débats principaux, puis les parties ont procédé aux premières plaidoiries, persistant derechef dans leurs conclusions respectives.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a notamment annoncé qu'il rendrait une ordonnance de preuves, a d'ores et déjà admis l'interrogatoire de B______ et l'audition de trois témoins et fixé l'audience consacrée à ces administrations de preuves au 4 mars suivant.

g. Par ordonnance ORTPI/23/2024 du 9 janvier 2024, le Tribunal a notamment autorisé les parties à apporter la preuve des faits "allégués dans leurs écritures respectives", admis l'interrogatoire des parties, l'audition de vingt-quatre témoins, et annoncé que la question des pièces dont la production était requise par B______ ferait l'objet d'une ordonnance de preuves séparée.

h. Par courrier du 7 février 2024, B______ a requis du Tribunal qu'il statue sur la question susmentionnée et fixe un délai de production non prolongeable antérieur à l'audience fixée au 4 mars suivant, consacrée à l'audition de deux témoins. Il s'agissait de "circonscrire les contours des contrôles que les témoins précités auraient dû effectuer selon les normes applicables au sein de la banque et d'apprécier le degré de diligence dont ils [avaient] par hypothèse fait preuve dans ce contexte".

i. Sur quoi, l'ordonnance attaquée a été rendue.

EN DROIT

1. A titre préalable, la substitution de A______ à C______ sera ordonnée.

2. 2.1 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (JEANDIN, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, CPC, n. 11 ad art. 319 CPC; FREIBURGHAUS/AFHELDT, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2016, n. 11 ad art. 319 ZPO).

Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision pour les ordonnances d'instruction (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

2.2 Dans le cadre de la décision querellée, le Tribunal a notamment ordonné la production de moyens de preuve. Il a ainsi rendu une ordonnance d'instruction, par laquelle il a statué sur le déroulement de la conduite de la procédure. Ladite ordonnance peut ainsi faire l'objet d'un recours au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, dès lors que les hypothèses visées par l'art. 319 let. b ch.1 CPC ne sont pas réalisées.

Interjeté dans le délai imparti et suivant la forme prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable sous cet angle.

3. Il reste à déterminer si l'ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable à la recourante au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

3.1.1 La notion de préjudice difficilement réparable est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 378 consid. 6.3). Constitue un préjudice difficilement réparable toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (parmi plusieurs : ACJC/1396/2022 du 18 mars 2022 consid. 2.1; JEANDIN, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC).

Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (ATF 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2), ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée, ou encore, lorsqu'une ordonnance de preuve ordonne une expertise ADN présentant un risque pour la santé ce qui a pour corollaire une atteinte à la personnalité au sens de l'art. 28 CC (JEANDIN, op. cit., n. 22a ad art. 319 CPC et les références citées).

En règle générale, la décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause pas de préjudice difficilement réparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou, à l'inverse, d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_248/2014 du 27 juin 2014 consid. 1.2.3; 4A_339/2013 du 8 octobre 2013 consid. 2; 5A_315/2012 du 28 août 2012 consid. 1.2.1; COLOMBINI, Code de procédure civile, 2018, p. 1024). Lorsque la sauvegarde de secrets est en jeu; par exemple, la divulgation forcée de secrets d'affaires est propre à léser irrémédiablement les intérêts juridiques de la partie concernée, en tant qu'elle implique une atteinte définitive à sa sphère privée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2010 du 8 juin 2010 consid. 1).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 134 III 426 consid. 1.2 par analogie).

Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, le recours est irrecevable et la partie doit attaquer la décision incidente avec la décision finale sur le fond (Message du Conseil fédéral, FF 2006 6841, p. 6984; JEANDIN, op. cit., n. 24ss. ad art. 319 CPC).

3.1.2 Par "secret d'affaires" ou "secret commercial" – dont la terminologie recoupe le même concept tiré de l'art. 162 CP, des articles 4 let. c LCD et 6 LCD, ainsi que de l'art. 25 al. 4 LCart –, on entend toutes les informations qui touchent à l'exploitation, à la situation commerciale et à l'organisation d'une entreprise (ATF 142 II 268 consid. 5.2.3; 103 IV 283 consid. 2b; FISCHER/RICHA/RAEDLER, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n. 10s. et 20s. ad art. 152 CP). Est déterminante la question de savoir si les informations secrètes peuvent avoir une incidence sur la capacité concurrentielle de l'entreprise en conférant au maître un avantage sur le marché (ATF 142 II 268 consid. 5.2.3; 103 IV 283 consid. 2b; FISCHER/RICHA/RAEDLER, op. cit., n. 13 ad art. 6 LCD).

3.1.3 En l'espèce, les informations contenues dans les pièces dont la production a été ordonnée, une fois portées à la connaissance de l'intimé, seront définitivement divulguées. Il ne sera pas possible de revenir en arrière et de réduire à néant la connaissance ainsi acquise par l'intimé.

En ce qui concerne les directives internes et les documents de compliance, de même que ceux liés aux rétrocessions, il n'y a pas à douter qu'il s'agisse de données inaccessibles et relevant du secret des affaires. La condition du préjudice irréparable est ainsi réalisée.

La recourante ne soutient à raison pas que les documents versés en banque restante, et les relevés de dépôt liés au compte de l'intimé, pour la période de la relation contractuelle, relèveraient du secret des affaires, et ne s'attache pas à démontrer quel préjudice difficilement réparable existerait si elle les produisait. Dans sa réplique, elle se prévaut pour la première fois d'un abus de droit, l'intimé étant, selon elle, déchu du droit à obtenir, qui plus est au travers d'une réquisition de preuves, des pièces dont il aurait dû prendre connaissance en banque restante, et qui seraient inexistantes aujourd'hui. Ces circonstances, à supposer qu'elles soient établies, ne seraient en tout état pas davantage de nature à fonder un préjudice difficilement réparable pour la recourante.

Pour le surplus, celle-ci se limite à invoquer, sans les démontrer, et pour toutes les catégories de pièces requises, les difficultés de la démarche, qui serait chronophage et fastidieuse. Pareil argument ne suffit pas à établir un préjudice difficilement réparable.

Enfin, comme l'intimé a, en définitive, renoncé à requérir la production de la correspondance et les enregistrements en lien avec son compte, il n'est pas nécessaire de se pencher plus avant sur la recevabilité du recours à cet égard, devenu sans objet sur ces points,

Au vu de ce qui précède, le recours immédiat sera considéré comme recevable, à l'exception de ce qui concerne la production des documents versés en banque restante, et les relevés de dépôt liés au compte de l'intimé.

4. La recourante se prévaut d'une violation de son droit d'être entendue, vu la motivation lacunaire du premier juge, et son absence de possibilité de se déterminer sur l'acte de l'intimé du 7 février 2024, outre de violations des art. 150, 156, et 160 CPC, ainsi que 400 CO.

4.1 La jurisprudence déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 145 IV 407 consid. 3.4.1; 143 III 65 consid. 5.2; 142 III 433 consid. 4.3.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 141 V 557 consid. 3.2.1; 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2).

4.2 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1). Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour que la partie ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1).

4.3 En l'occurrence, il est acquis que le Tribunal a simultanément transmis à la recourante l'acte du 7 février 2024 et rendu sa décision sur la question à laquelle était liée ledit acte.

Par ailleurs, la recourante ne peut être que suivie lorsqu'elle affirme que la motivation de l'ordonnance attaquée est lacunaire quant à la pertinence des offres de preuve consistant dans la production des documents requis, ainsi qu'exempte de toute réponse à ses propres arguments sinon sur celui de la "fishing expedition" (traité par une affirmation péremptoire non étayée).

Il s'imposait en tout état d'examiner précisément et individuellement les allégués de l'intimé concernés par l'offre de preuve, la position de la recourante à leur propos, leur pertinence, et déterminer ce qu'il en était du secret des affaires invoqué par la recourante, ainsi que de la période considérée.

Faute de toute motivation du premier juge sur ces points décisifs, la Cour n'est pas en mesure de contrôler l'application du droit.

Le grief de violation du droit d'être entendu est ainsi fondé, ce qui suffit, sans examen des autres moyens soutenus par la recourante, à sceller le sort du recours.

Celui-ci sera admis, en tant qu'il est recevable (cf. considérant 3.1.3 supra). L'ordonnance attaquée sera dès lors annulée en tant qu'elle a ordonné la production des règles internes, compliance et rétrocessions.

Il reviendra au Tribunal, avant de rendre une nouvelle ordonnance de preuves, de procéder à un examen détaillé et complet au sens esquissé ci-dessus, dans le respect du droit d'être entendu des parties.

5. L'intimé, qui succombe pour l'essentiel, supportera les frais du recours (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'400 fr. (art. 41 RFTMC), comprenant les émoluments des décisions de la Cour ayant statué sur mesures superprovisionnelles et sur effet suspensif. Ces frais seront compensés avec l'avance effectuée, acquise à l'Etat de Genève.

L'intimé versera en outre à la recourante 1'200 fr. à titre de dépens de recours (art. 84, 85, 87, 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Préalablement :

Ordonne la substitution de C______ par A______.

A la forme :

Déclare irrecevable le recours formé le 22 février 2024 par A______ contre l'ordonnance ORTPI/190/2024 rendue le 9 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7141/2022, en tant qu'a été ordonnée la production de documentation bancaire et de banque restante, et recevable pour le surplus.

Au fond :

Constate que le recours, en tant qu'il porte sur la production par A______ d'enregistrements sur bande magnétique et correspondance par fax à laquelle B______ a renoncé, est devenu sans objet.

Annule l'ordonnance attaquée en tant qu'a été ordonnée la production par A______ de documents visés sous les intitulés "règles internes", "compliance" et "rétrocessions" des conclusions préalables de B______ annexées à ladite ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions de recours.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'400 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'ETAT DE GENEVE.

Les met à la charge de B______.

Condamne B______ à verser à A______ 1'200 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Jessica ATHMOUNI

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.