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Décisions | Chambre civile

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C/20660/2020

ACJC/469/2024 du 12.04.2024 sur JTPI/14479/2023 ( OO )

Normes : CPC.99.al1.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20660/2020 ACJC/469/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 12 AVRIL 2024

 

Entre

A______, sise ______ [GE], intimée et requérante sur requête de sûretés, représentée par Me Serge FASEL, avocat, FBT Avocats SA, rue du 31-Décembre 47, case
postale 6120, 1211 Genève 6,

et

Monsieur B______, domicilié ______, Grande-Bretagne, appelant et cité sur requête de sûretés, représenté par Me Philippe JACQUEMOUD, avocat, Jacquemoud Stanislas, place des Philosophes 10, case postale, 1211 Genève 4.

 

 


EN FAIT

A.           a. Par requête de conciliation déposée au greffe du Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le 16 octobre 2020, B______, domicilié à C______ (Grande-Bretagne), a conclu à la condamnation de A______ au paiement d'un montant de EUR 3'176'083.65, subsidiairement de 3'406'349 fr. 71, avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mai 2017.

En substance, B______ reproche à A______ (ci-après : A______ ou la banque) d'avoir violé son devoir de diligence dans le cadre de la relation de compte qui les lie.

Après l'échec de la tentative de conciliation et la délivrance d'une autorisation de procéder, l'instruction de la cause s'est poursuivie devant le Tribunal.

b. A la demande de A______, B______ a été astreint, par ordonnance du Tribunal du 21 septembre 2021, au versement de sûretés en garantie des dépens en 67'538 fr.

c. Par jugement JTPI/14479/2023 du 6 décembre 2023, le Tribunal a débouté B______ de toutes ses conclusions (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 54'346 fr. 20 (ch. 2), les a compensés avec les avances de frais versées par B______ à hauteur de 50'650 fr. et par A______ à hauteur de 2'000 fr. (ch. 3), a mis ces frais judiciaires à la charge de B______ (ch. 4), l'a condamné à verser à l'Etat de Genève la somme de 1'696 fr. 20 à titre de solde des frais judiciaires (ch. 5), l'a condamné à payer à A______ la somme de 2'000 fr. à titre de remboursement de frais judiciaires (ch. 6), ainsi que 67'538 fr. au titre des dépens (ch. 7), ordonné en conséquence la libération en faveur de A______ des sûretés en 67'538 fr. déposées par B______ en garantie des dépens (ch. 8) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B.            a. Le 22 janvier 2024, B______ a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation et cela fait, à la condamnation de A______ au paiement de EUR 3'176'083.65.

Son écriture d'appel comprend 15 pages.

b. Informée du dépôt de l'acte d'appel, A______ a, par requête du 12 février 2024, sollicité le versement de sûretés en garantie de ses dépens d'appel à hauteur de 100'000 fr.

c. Le 8 mars 2024, B______ s'en est rapporté à justice sur le principe des sûretés. Il a par ailleurs conclu à ce qu'il soit ordonné à A______ d'établir une garantie bancaire en sa faveur à concurrence d'un maximum correspondant au montant en capital des sûretés exigées; il a également conclu à ce qu'il soit condamné à fournir des sûretés d'un montant maximum de 20'540 fr.

Selon B______, les sûretés pouvaient être fournies sous la forme d'une garantie bancaire émise par A______, compte tenu des actifs qu'il détient auprès de cet établissement.

d. A______ a répliqué le 21 mars 2024.

Elle a rappelé que, conformément à ce qu'avait retenu le Tribunal, les actifs de B______ détenus par elle-même étaient mis en gage afin de garantir les créances actuelles et futures de la banque découlant de la relation de compte entre les parties et non pour garantir le paiement de dépens. Pour le surplus, A______ a conclu à ce que le montant des sûretés soit, a minima, fixé à 45'188 fr.

e. Par avis du greffe de la Cour de justice du 9 avril 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger sur la requête de sûretés.

EN DROIT

1.             1.1 La requête de sûretés a été déposée selon la forme prescrite, de sorte qu'elle est recevable.

1.2 La requête de sûretés est soumise à la procédure sommaire (ACJC/244/2018 du 26 février 2018 consid. 1.2; ACJC/794/2017 du 16 juin 2017; ACJC/818/2015 du 8 juillet 2015 consid.2.5.1; Rüegg/Rüegg, Basler Kommentar ZPO, 3ème éd. 2017, n. 4 ad art. 100 CPC) et le juge se fondera essentiellement sur les allégations et preuves des parties (ACJC/938/2015 du 20 août 2015 consid. 2.1).

2. La requérante fonde sa requête sur l'art. 99 al. 1 let. a CPC, au vu du domicile à l'étranger du cité.

2.1 A teneur de l'art. 99 al. 1 let. a CPC – applicable en vertu de l'art. 11b LDIP –, le demandeur qui n'a pas de domicile ou de siège en Suisse doit, sur requête du défendeur, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens.

Certaines conventions internationales ou accords bilatéraux conclus entre la Suisse et un Etat dont le "demandeur" étranger serait résident ou ressortissant peuvent exclure le paiement de telles sûretés (art. 2 CPC).

Selon l'art. 3 let. b de la Convention du 3 décembre 1937 en matière de procédure civile entre la Suisse et la Grande-Bretagne (RS 0.274.183.671), les ressortissants d'une Haute Partie Contractante résidant hors du territoire de l'autre, où sont accomplis les actes de procédure, ne seront pas obligés de fournir des sûretés pour les frais ou les dépens dans tous les cas où ils posséderont dans ce territoire des biens immobiliers ou d'autres biens ne pouvant être l'objet d'un transfert immédiat, suffisants pour couvrir ces frais et dépens.

2.2 En l'espèce, le cité, qui s'en est rapporté à justice sur le principe du versement de sûretés, ne conteste pas ne pas remplir les conditions lui permettant d'être dispensé de fournir des sûretés en garantie des dépens selon la Convention entre la Suisse et la Grande-Bretagne.

Le versement de sûretés en garantie des dépens doit donc être admis dans son principe. Il reste à en fixer le montant.

3. 3.1 Les sûretés doivent couvrir en principe les dépens présumés que l'appelant aurait à verser à l'intimé en cas de perte totale du procès (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 7 ad art. 100 CPC; Rüegg/Rüegg, op. cit., n. 5 ad art. 99 CPC). Selon l'art. 95 al. 3 CPC, les dépens comprennent les débours nécessaires (let. a), le défraiement d'un représentant professionnel (let. b) et lorsqu'une partie n'a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie (let. c).

Le tarif des frais, qui comprend celui des dépens, est fixé par les cantons (art. 95 al. 1 et 96 CPC).

Dans les contestations portant sur des affaires pécuniaires, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé, dans les limites figurant dans un règlement du Conseil d'Etat, d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 al. 1 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 (LaCC – E 1 05). Lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 LaCC).

Selon le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10), le défraiement est, sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 RTFMC).

Pour une valeur litigieuse au-delà de 1'000'000 fr. et jusqu'à 4'000'000 fr., le défraiement d'un représentant professionnel est de 31'400 fr. plus 1% de la valeur litigieuse dépassant 1'000'000 fr. (art. 85 RTFMC). Le défraiement peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC.

Pour les procédures d'appel ou de recours, le défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'article 85 RTFMC (art. 90 RTFMC).

Les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC). La juridiction fixe les dépens d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée (art. 26 al. 1 LaCC).

3.2 En l'espèce, la valeur litigieuse pertinente pour le calcul des sûretés peut être chiffrée, selon les allégations du cité, non contestées par la requérante, à 3'406'350 fr.

En application de l'art. 85 RTFMC, le défraiement auquel la requérante pourrait prétendre en cas de gain du procès pour une telle valeur litigieuse serait, en chiffres ronds, de 55'463 fr. (31'400 fr. + 24'063 fr.).

Le litige porte certes sur des questions bancaires, soit plus particulièrement sur la qualification des relations entre les parties, ainsi que sur la prétendue violation de ses obligations contractuelles par la banque et la preuve de l'éventuel dommage subi par le cité. Le mémoire d'appel ne comporte toutefois que 15 pages, de sorte que la procédure de deuxième instance devrait demeurer relativement contenue. Aucun motif ne commande dès lors de renoncer à la réduction prévue à l'art. 90 RTFMC, qui constitue la règle en appel, ni de procéder à un ajustement de plus ou moins 10%.

Le montant du défraiement, après ajout des débours et de la TVA de 8,1%, est ainsi compris entre 20'540 fr. et 41'080 fr.

3.3 Au vu de ce qui précède, le montant des sûretés en garantie des dépens sera fixé à 35'000 fr., compte tenu de l'ensemble des critères à prendre en compte et des circonstances du cas d'espèce, soit notamment la valeur litigieuse, la difficulté et l'ampleur du travail impliqué.

Les sûretés ainsi fixées devront être fournies par le cité en espèces, auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire, ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse (art. 100 al. 1 CPC) et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt (art. 101 al. 1 CPC).

Il ne sera pas donné suite aux conclusions du cité visant à ce qu'il soit ordonné à la requérante de fournir une garantie bancaire équivalant aux sûretés ainsi fixées, les fonds appartenant au cité détenus par la requérante n'ayant pas pour vocation d'être affectés à un tel but. Il appartient ainsi au cité de se procurer, de la manière qui lui paraîtra appropriée, les sûretés fixées dans le présent arrêt.

Si les sûretés ne devaient pas être versées à l'échéance d'un délai supplémentaire, la Cour n'entrera pas en matière sur l'appel (art. 101 al. 1 et 3 CPC).

4. Le cité, qui ne s'était pas opposé, sur le principe, au versement de sûretés, ne succombe pas à cet égard. Le montant à verser est par ailleurs fixé entre celui réclamé par une partie et celui proposé par l'autre. Les frais seront dès lors mis à la charge de chaque partie pour moitié.

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'875 fr. (art. 21 RTFMC), de sorte que le cité sera condamné à verser 937 fr. à la requérante, qui en a fait l'avance.

L'avance reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Chaque partie supportera ses propres dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête en constitution de sûretés en garantie des dépens :

A la forme :

Déclare recevable la requête en constitution de sûretés formée le 12 février 2024 par A______ dans la cause C/20660/2020.

Au fond :

Condamne B______ à fournir des sûretés en garantie des dépens d'appel de A______ à hauteur de 35'000 fr., en espèces auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse et ce dans un délai de 30 jours dès notification du présent arrêt.

Dit que si les sûretés ne sont pas fournies à l'échéance d'un délai supplémentaire, il ne sera pas entré en matière sur l'appel.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la présente décision à 1'875 fr., les met à la charge des parties pour moitié chacune et les compense avec l'avance de même montant versée par A______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser la somme de 937 fr. à titre de frais judiciaires.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et
Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.