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Décisions | Chambre civile

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C/6505/2022

ACJC/1483/2023 du 31.10.2023 sur JTPI/14845/2022 ( OO ) , RENVOYE

Normes : CPC.59.al2.letb; CC.679
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6505/2022 ACJC/1483/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 31 OCTOBRE 2023

 

Entre

L'hoirie de A______ et B______, domiciliées ______, appelantes d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 décembre 2022, représentées par Me Andreas FABJAN, avocat, Muller & Fabjan, rue Ferdinand-Hodler 13, case postale 3104, 1211 Genève 3,

et

COMMUNE DE C______, sise ______, intimée, représentée par
Me Aurèle MULLER, avocat, Lachat, Marconi, Müller Avocats, rue des
Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8.

 

 


EN FAIT

A. a. L'hoirie de A______, cette dernière étant décédée en cours de procédure, et B______ sont copropriétaires d'un appartement en propriété par étages en rez-de-jardin, lequel bénéficie d'une terrasse et d'un jardin privatif, sis sur la parcelle n° 1______ de la commune de C______ au 5 chemin 2______.

b. La commune de C______ est l'actuelle propriétaire de la parcelle n° 3______ de C______ située le long du chemin 2______, laquelle appartenait précédemment à la copropriété par étages 5, 7, 9 chemin 2______ (cf. infra EN FAIT let. g).

c. Les parcelles n° 3______ et n° 1______ sont limitrophes.

d. Elles sont comprises dans le Plan localisé de quartier (ci-après: "le PLQ") n° 4______ situé le long de la route 5______ entre le chemin 2______, le chemin 6______ et le chemin 7______, adopté par le Conseil d'Etat le ______ 2008.

e. Le PLQ prévoit notamment deux emplacements réservés pour l'installation d'un espace centralisé de collecte des ordures ménagères et de récupération de produits recyclables (ci-après: "Eco-Point"): l'un au centre de la limite sud du PLQ, à la limite du chemin 6______ et le second au centre de la limite nord du PLQ, à proximité de la route 5______.

Le cahier des charges pour l'aménagement des espaces extérieurs (ci-après: "le cahier des charges"), qui fait partie intégrante du PLQ, prévoit deux Eco-Point supplémentaires, dont l'emplacement n'est pas indicatif, mais directif, dont un à la limite du chemin 2______.

Ce document comporte également une carte indiquant les parties ressortant du domaine privé, les espaces collectifs privés et la zone devant être cédée gratuitement au domaine public. L'emplacement du point de collecte situé sur le chemin 2______ est compris dans les surfaces devant être cédées gratuitement au domaine public.

f. Le 27 juillet 2018, l'Office des autorisations de construire a délivré aux communes de C______ et de D______ une autorisation de construire portant sur des "Aménagements extérieurs-trottoirs-rues-plantations", portant notamment sur la construction d'un Eco-Point situé sur le chemin 2______, entre le bâtiment C et le chemin 6______.

Cette autorisation n'a fait l'objet d'aucun recours.

g. Par acte notarié des 17 et 26 septembre 2019, la propriété par étages 5, 7, 9 chemin 2______ a cédé gratuitement la parcelle n° 3______ à la commune de C______.

Cet acte précise notamment que la cession est exonérée des droits d'enregistrement dès lors qu'elle est faite dans un but d'utilité publique, la parcelle cédée étant destinée à l'agrandissement, à terme, du chemin 2______, et au passage futur de ce dernier au domaine public communal.

h. Un Eco-Point a été installé sur la parcelle n° 3______ cédée à la commune de C______, mais à un autre emplacement que celui prévu par le PLQ, soit en limite de propriété de la parcelle n° 1______, en bordure du jardin de feu A______ et de B______.

Le container le plus proche se trouve à une distance d'environ 3 mètres de la terrasse de feu A______ et de B______.

i. La commune de C______ a par ailleurs autorisé les services industriels à installer un coffret électrique sur sa parcelle. Le coffret existant a été déplacé pour permettre l'installation de l'Eco-Point.

Le coffret électrique se trouve en vis-à-vis immédiat de la terrasse de feu A______ et de B______.

j. A la fin de l'année 2020, feu A______ et B______ ont sollicité de la commune de C______ la suppression de l'Eco-Point et du coffret électrique, ce que cette dernière a refusé.

k. En 2021, feu A______ et B______ ont sollicité de la commune de C______ l'ouverture d'une procédure formelle d'expropriation des droits de voisinage.

l. Le 15 novembre 2021, la commune de C______ a notifié à feu A______ et B______ une décision formelle de non-entrée en matière quant à leurs prétentions, considérant que celles-ci n'avaient jamais été restreintes, d'une quelconque manière, dans leurs droits ou obligations de propriétaires et qu'il n'y avait donc pas matière à les indemniser.

m. Le 18 novembre 2021, feu A______ et B______ ont contesté le bien-fondé de la décision de non-entrée en matière et sollicité une nouvelle fois l'ouverture d'une procédure d'expropriation des droits de voisinage, indiquant qu'à défaut elles entendaient déposer un recours contre la décision de non-entrée en matière qui leur avait été adressée.

n. Le 7 décembre 2021, la commune de C______ a notifié une nouvelle décision à A______ et B______ aux termes de laquelle il était pris note du fait que ces dernières saisiraient directement le Tribunal administratif de première instance afin de faire valoir les droits allégués. De ce fait et afin de ne pas générer une procédure judiciaire inutile, la commune de C______ a indiqué retirer sa décision de non-entrée en matière notifiée le 15 novembre 2021.

B. a. Par acte déposé le 30 mars 2022 au Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), feu A______ et B______ ont formé une action en cessation de l'atteinte fondée sur l'art. 679 al. 1 CC à l'encontre de la commune de C______.

Alléguant que l'Eco-Point et le coffret électrique étaient sources de nombreuses et graves nuisances, elles ont conclu, principalement, à ce que le Tribunal ordonne à la commune de C______ de supprimer l'Eco-Point et le coffret électrique litigieux, en assortissant sa décision de la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP. Subsidiairement, elles ont conclu à ce que le Tribunal condamne la commune de C______ à leur verser des dommages-intérêts de 250'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2020.

b. Dans sa réponse, la commune de C______ a conclu, à la forme, à ce que le Tribunal déclare la demande irrecevable et subsidiairement, au fond, à ce qu'il déboute feu A______ et B______ de toutes leurs conclusions.

La commune de C______ a fait valoir que le juge civil n'était pas compétent, la cause devant être soumise au juge de l'expropriation dès lors qu'elle était au bénéfice du droit d'exproprier pour la construction de l'Eco-Point litigieux.

Elle a, en outre, contesté l'existence de nuisances, alléguant que l'Eco-Point avait été conçu afin de limiter des nuisances au maximum. Il était équipé de bennes de dernière génération, enterrées, hermétiques et munies d'un couvercle avec vérin hydraulique, de manière à diminuer l'impact visuel et à éviter tant les bruits que les odeurs. Enfin, si par impossible des nuisances devaient être admises, celles-ci seraient inévitables.

c. Par ordonnance du 19 septembre 2022, le Tribunal a limité la procédure à la question de la recevabilité de la demande.

d. Lors de l'audience du Tribunal du 3 novembre 2022, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives. A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur la question de la recevabilité de la demande.

C. Par jugement JTPI/14845/2022 du 14 décembre 2022, le Tribunal s'est déclaré incompétent à raison de la matière pour connaître de la demande introduite par feu A______ et B______ à l'encontre de la commune de C______ (ch. 1 du dispositif), déclaré cette demande irrecevable (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 1'560 fr., qu'il a mis à la charge de feu A______ et de B______ (ch. 3 à 6), condamné feu A______ et B______ à verser 5'000 fr. à titre de dépens à la commune de C______ (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu que l'art. 679 al. 1 CC sur lequel feu A______ et B______ fondaient leur demande s'appliquait en principe aussi lorsque le fonds d'où émanait l'atteinte appartenait à une collectivité publique. Toutefois, cet article ne devait pas avoir pour conséquence d'entraver la collectivité publique dans l'accomplissement de ses tâches. Aussi, selon la jurisprudence, lorsque les immissions provenaient d'un ouvrage d'intérêt public, pour lequel le propriétaire bénéficiait d'un droit d'exproprier, et que ces immissions ne pouvaient être évitées ou ne pouvaient l'être qu'à des coûts disproportionnés, le voisin se voyait privé de ses droits garantis par le code civil, et ne pouvait alors prétendre qu'au versement d'une indemnité d'expropriation.

Appliquant ces principes au cas qui lui était soumis, le Tribunal a considéré que l'Eco-Point constituait un élément de base du programme d'équipement du PLQ de sorte que la commune de C______ aurait pu faire usage du droit d'expropriation de la parcelle n° 3______, si celle-ci ne lui avait pas été cédée gratuitement, afin de réaliser l'Eco-Point. Les travaux bénéficiant d'une clause d'utilité publique et donc du droit d'exproprier, le juge civil n'était pas compétent pour connaître de la cause de sorte que la demande devait être déclarée irrecevable.

D. a. Par acte expédié le 30 janvier 2023 à la Cour de justice, feu A______ et B______ ont appelé de ce jugement, qu'elles ont reçu le 16 décembre 2023. Elles ont conclu à son annulation et à ce qu'il soit constaté que le Tribunal est compétent pour connaître de l'action en cessation de l'atteinte qu'elles ont formée contre la commune de C______, déclare cette action en cessation de l'atteinte recevable et renvoie la cause au Tribunal en lui ordonnant de statuer au fond, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. La commune de C______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par courrier du 26 avril 2023, le conseil de feu A______ a informé la Cour que celle-ci était décédée le ______ 2023 et qu'elle avait institué B______ pour unique héritière, laquelle avait également été désignée aux fonctions d'exécutrice testamentaire, de sorte que la procédure pouvait suivre son cours.

La commune de C______ a indiqué également souhaiter la poursuite de la procédure.

d. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

e. Les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 29 juin 2023.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

En matière d'action en cessation de trouble, pour déterminer la valeur litigieuse, il faut évaluer la valeur dont augmentera le bien-fonds concerné par les atteintes, ou la valeur dont diminuera le bien-fonds qui cause ces atteintes, si les atteintes alléguées sont supprimées; le montant le plus élevé est alors décisif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_774/2017 du 12 février 2018 consid. 1.2.4).

En tant qu'il constate l'incompétence du Tribunal, le jugement entrepris constitue une décision finale de première instance et l'on peut retenir, sur la base des allégations des appelantes non contestées par l'intimée, que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et les formes prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC) auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

1.4 La maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et art. 58 al. 1 CPC) sont applicables.

2. Les appelantes font grief au Tribunal d'avoir considéré que l'intimée bénéficiait du droit d'exproprier pour la réalisation de l'Eco-Point litigieux et que, de ce fait, les juridictions civiles étaient incompétentes pour trancher du litige.

2.1.1 Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC) et n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action (art. 59 al. 1 CPC). Parmi celles-ci figure la compétence matérielle du tribunal saisi (art. 59 al. 2 let. b CPC).

Sauf disposition contraire de la loi, le droit cantonal détermine la compétence matérielle des tribunaux (art. 4 al. 1 CPC). A Genève, les tribunaux civils traitent des litiges de droit privé (art. 86 LOJ, RSGE E 2 05) et les autorités et les tribunaux administratifs des litiges de droit public et de droit administratif (art. 116 LOJ).

C'est d'après l'objet du litige qu'il y a lieu de déterminer si l'on se trouve en présence d'un litige relevant du droit civil ou du droit public. Cet objet est déterminé par les conclusions de la demande et par les faits invoqués à l'appui de celle-ci (ATF 142 III 210 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_101/2021 du 28 mai 2021 consid. 3.1 et la jurisprudence citée ; Hohl, Procédure civile, Tome I, 2016, n. 56 et 61, p. 22 et 23).

2.1.2 Celui qui est atteint ou menacé d’un dommage parce qu’un propriétaire excède son droit, peut actionner ce propriétaire pour qu’il remette les choses en l’état ou prenne des mesures en vue d’écarter le danger, sans préjudice de tous dommages-intérêts (art. 679 al. 1 CC).

L'action de l'art. 679 CC tend à la cessation du trouble, par une intervention sur le fonds d'origine de l'immission, ou à sa prévention. Elle a également pour objet la réparation du préjudice, qui peut se faire par des dispositions à prendre sur le fonds touché.

En principe, la collectivité publique est soumise à la responsabilité du propriétaire foncier telle qu'elle est prévue par le code civil. Elle répond donc des dommages que l'exploitation des ouvrages cause aux voisins (Bovey, L'expropriation des droits de voisinage, 2000, p. 91), et ce, que le fonds à l'origine des immissions fasse partie du patrimoine fiscal ou administratif de la collectivité (ou dont l'usage est commun) (ATF 143 III 242 consid. 3.5; Steinauer, Les droit réels, Tome II, 2020, n. 2776).

L'application des art. 679 ss CC aux immeubles publics ne saurait toutefois avoir pour conséquence d'entraver la collectivité publique dans l'accomplissement de ses tâches (Steinauer, op. cit., n. 2777).

C'est pourquoi, lorsque des immissions excessives – au sens de l'art. 684 CC – sont nécessairement liées à l'utilisation ou à l'exploitation conforme à son affectation de l'ouvrage public en cause, les voisins dont les biens-fonds sont touchés par celles-ci peuvent, à certaines conditions, être dépouillés de leurs droits de défense par la voie de l'expropriation formelle (Bovey, op. cit., p. 91).

Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que dans la mesures où les immissions sont inévitablement causées – soit qu'elles ne peuvent être évitées ou ne peuvent l'être sans frais disproportionnés – par l'utilisation conforme à sa destination d'un ouvrage d'utilité publique pour la réalisation duquel la collectivité disposait du droit d'expropriation, le voisin ne peut pas mettre en œuvre les actions défensives et réparatrices du droit privé prévues à l'art. 679 CC. Ces actions sont remplacées par une prétention en versement d'une indemnité d'expropriation sur lequel le juge de l'expropriation est seul compétent pour statuer (ATF 143 III 242 consid. 3.5 et les arrêts cités ; Bovey, op. cit., p. 167 ; Rey/Strebel, Commentaire bâlois, CC II, 2023, n. 14 ad art. 679 CC). L'action civile n'est ainsi exclue que si les émissions sont inévitables ou évitables seulement au prix de frais disproportionnés (ATF 119 II 411 = JdT 1995 I 349).

En revanche, si les immissions excessives liées à l’accomplissement de tâches publiques sont évitables ou sans frais disproportionnés, alors le voisin peut toujours agir en cessation et en prévention du trouble devant le juge civil et exiger en outre, le cas échéant, des dommages-intérêts (Bovey, op. cit., p. 91). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré, par exemple, que des mesures adéquates étaient possibles à un coût raisonnable (renforcement des patrouilles de police et du personnel du local) pour éviter que des toxicomanes fréquentant un local ouvert par l'Etat n'utilisent les fonds voisins pour commercer ou se droguer de sorte que l'action civile était recevable (ATF 119 II 411 = JdT 1995 I 349).

2.2.1 En l'espèce, les appelantes ont formé leur demande à l'encontre de l'intimée en se fondant sur les art. 684 et 679 CC. Elles ont allégué que l'Eco-Point et le coffret électrique situés sur la parcelle appartenant à l'intimée, soit le fonds voisin, produisait des immissions – sonores, olfactives, visuelles et que cela produisait de la poussière et attirait les insectes – excessives, de sorte qu'elles ne pouvaient plus profiter de leurs espaces extérieurs, ce qui constituait une atteinte à leurs droits de voisinage, raison pour laquelle l'Eco-Point et le coffret électrique devaient être supprimés.

Pour sa part, l'intimée a fait valoir que l'Eco-Point était conforme sur le plan administratif, s'agissant notamment de son autorisation de construire, et avait été conçu afin de limiter au maximum les éventuelles nuisances de sorte que ces dernières étaient extrêmement faibles et ne dépassaient pas le seuil permettant de retenir une violation des règles de voisinage.

Il convient de relever que la législation genevoise en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité du projet présenté avec les prescriptions en matière de construction et d'aménagement intérieurs et extérieurs des bâtiments et des installations. En revanche, elle n'a pas pour objet de veiller au respect des droits réels (ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4c ; ATA/310/2006 du 13 juin 2006 consid. 5 ; ATA/653/2004 du 24 août 2004 consid. 2a ; ATA/434/1998 du 28 juillet 1998 consid. 6). Par conséquent, ce n'est pas parce qu'une installation a été autorisée par les autorités administratives qu'elle ne peut pas donner lieu à des litiges relevant du droit privé.

Compte tenu de ce qui précède, il doit être constaté que les parties s'opposent notamment et en premier lieu sur la qualification des immissions provenant du fonds de l'intimée. Cette dernière a d'ailleurs refusé d'entrer en matière sur la demande d'expropriation formelle formée par les appelantes en novembre 2021 au motif que les appelantes n'auraient jamais été restreintes, d'une quelconque manière, dans leur droits ou obligations de propriétaires et qu'il n'y avait donc pas matière à les indemniser.

Or, ce n'est que si celles-ci sont reconnues comme excessives et ne pouvant être évitées sans frais disproportionnés que la voie de l'expropriation formelle s'impose. Dès lors, avant même d'examiner si l'intimée serait en droit d'exproprier les droits de voisinage des appelantes, il est nécessaire que ces questions soient examinées. Ce n'est que si le juge civil devait constater que les immissions dont les appelantes se plaignent sont excessives et inévitables, qu'il conviendrait alors d'examiner si l'intimée est en droit d'exproprier les appelantes, raison pour laquelle cette question n'a pas été examinée dans le présent arrêt, bien que les parties aient fondé l'essentiel de leur argumentation sur ce point.

Par conséquent, faute pour l'intimée d'avoir admis d'emblée l'existence d'immissions excessives inévitables, les autorités civiles sont compétentes pour connaître de la demande formée par les appelantes fondée sur le droit de voisinage.

Au vu de ce qui précède, les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement attaqué seront annulés et il sera statué à nouveau dans le sens que le Tribunal est compétent pour connaître de la demande des appelantes, laquelle est recevable sous cet angle. La cause sera renvoyée au Tribunal afin qu'il poursuive l'instruction et rende un jugement sur le fond.

3. 3.1 Aucune des parties n'obtient, en l'état, gain de cause sur le fond. L'issue du litige ne pouvant être déterminée, les chiffres 3 à 7 du dispositif du jugement seront annulés, le sort des frais et dépens de première instance devant être tranché dans le jugement à prononcer après le présent arrêt de renvoi (art. 318 al. 3 CPC).

3.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 7, 13, 17 et 36 RTFMC) et seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de 1'000 fr. fournie par les appelantes, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera ainsi condamnée à verser aux appelantes la somme de 1'000 fr. (art. 111 al. 2 CPC) ainsi qu'à s'acquitter d'une somme de 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de solde des frais judiciaires d'appel.

Elle sera par ailleurs condamnée à payer aux appelantes la somme de 4'000 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens d'appel (art. 84, 85, 87 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 30 janvier 2023 par l'hoirie de A______ et B______ contre le jugement JTPI/14845/2022 rendu le 14 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6505/2022.

Au fond :

Annule le jugement entrepris, puis, statuant à nouveau :

Constate que le Tribunal de première instance est compétent pour connaître de l'action en cessation de l'atteinte introduite par l'hoirie de A______ et B______ contre la commune de C______.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour suite d'instruction et décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'000 fr. et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de 1'000 fr. fournie par l'hoirie de A______ et B______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Met ces frais à la charge de la commune de C______ et la condamne, en conséquence, à verser 1'000 fr. à l'hoirie de A______ et B______ au titre de remboursement des frais judiciaires d'appel ainsi que 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de solde des frais judiciaires d'appel.

Condamne la commune de C______ à verser 4'000 fr. à l'hoirie de A______ et B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.