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Décisions | Chambre civile

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C/11275/2023

ACJC/1449/2023 du 31.10.2023 ( IUO )

Descripteurs : CONCURRENCE DÉLOYALE;SUSPENSION DE LA PROCÉDURE;INSTANCE UNIQUE
Normes : CPC.261.al1; CPC.126.al1; LCD.9.al1; LCD.2; LCD.3.al1.leta; CPC.262; LCD.4.leta; LCD.4.letc; LCD.5.leta; LCD.5.letb; LCD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11275/2023 ACJC/1449/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 31 OCTOBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, requérante, représentée par Me Olivia de WECK, avocate, FBT Avocats SA, rue du 31-Décembre 47, case postale 6120, 1211 Genève 6,

et

B______ TRUSTEES SA, sise ______, citée, représentée par
Me Stéphane GRODECKI, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4.


EN FAIT

A. a. C______ TRUST COMPANY SA (ci-après : C______ SA) était une société anonyme ayant son siège à Genève, active dans le domaine de la gestion de trusts et de sociétés, ainsi que la représentation de compagnies d'assurance.

b. En 2009, l'entreprise a été rachetée par les cadres ("Management Buy Out" ou MBO).

La raison sociale a été changée en A______ SA et son but également modifié en des prestations de services dans le domaine du conseil en matière de constitution, contrôle et gestion des trusts, fondations et sociétés.

c. Par contrat de travail du 23 juillet 2004, D______ a été engagé par C______ SA en qualité de "Senior Trust Manager" dès le 1er septembre 2004.

Le contrat contient, notamment, une clause de non-concurrence, dont la teneur est la suivante :

"(a) Vous ne devrez pas, pendant la durée de votre emploi ou par la suite (quelle que soit la manière dont votre emploi prendra fin), utiliser à votre profit ou au profit de tout autre personne ou divulguer à toute personne des informations confidentielles relatives aux activités, aux affaires, aux intérêts ou à la situation financière de la Société ou de l'une de ses filiales ou sociétés associées ou de toute personne, entreprise ou société avec laquelle la Société ou toute filiale ou société associée est ou a été en relation.

(b) Pendant une période d'un an après la date de cessation de votre emploi, pour quelque raison que ce soit et quelle qu'en soit la cause, que ce soit pour votre propre compte ou pour celui d'une autre personne, d'une entreprise, d'une société ou d'une autorité, vous ne solliciterez pas ou ne détournerez de la société, de l'une de ses filiales ou sociétés associées une personne, une entreprise, une société ou une autorité à qui la Société ou l'une de ses filiales ou sociétés associées fournit des services et/ou des conseils, a fourni des services et/ou des conseils à un moment quelconque au cours de la période de douze mois précédant immédiatement la cessation de votre emploi.

(c) Pendant une période d'un an à compter de la date de cessation de votre emploi, pour quelque raison que ce soit et quelle qu'en soit la cause, que ce soit pour votre propre compte ou pour celui d'une autre personne, entreprise, société ou autorité, vous ne solliciterez ni ne détournerez de la Société ou de toute filiales ou société associée, toute personne, entreprise, société ou autorité qui alors ou, à tout moment au cours de la période de douze mois immédiatement antérieure, a été un client de cette Société ou de toute filiale ou société associée et avec qui vous avez traité, pour des services ou des conseils de même nature.

(d) Vous ne devrez, à aucun moment après la fin de votre emploi au sein de la Société, pour quelque raison et de quelque manière que ce soit, vous présenter comme étant de quelque manière que ce soit lié ou intéressé par les activités de la Société ou de toute filiale ou société associée.

(e) Vous ne devrez à aucun moment, après la fin de votre emploi au sein de la Société pour quelque raison et de quelque manière que ce soit, que ce soit pour votre propre compte ou pour celui d'une autre personne, entreprise, société ou autorité, solliciter, détourner ou tenter de détourner un employé de la Société ou de l'une de ses filiales ou sociétés associées à quitter la Société".

d. En février 2009, F______, administratrice présidente, qui souhaitait procéder au rachat total des actions de l'entreprise, a proposé à D______ de participer au MBO de la société. D______ est dès lors devenu détenteur de 10% du capital-actions et directeur "Commercial Business Developer" avec accès aux séances du Conseil d'administration en qualité de membre du comité de Direction.

Les conditions de son précédent contrat de travail sont demeurées inchangées, hormis de nouveaux avantages (salaire, vacances, voiture de fonction et bonus).

Le solde des actions est détenu par la société G______ SA, société sise à E______ (Valais), entièrement détenue par F______.

e. D______ a signifié à A______ SA sa démission avec effet au 31 décembre 2022 par courrier du 27 septembre 2022, sur lequel figure l'adresse de la société, apposée de manière manuscrite par l'employé.

f. Il ressort de courriels échangés en novembre 2022 que F______ a proposé à D______ d'informer les clients de son départ et d'invoquer un congé sabbatique, ceci semblant, selon elle, correspondre le mieux aux explications qu'il lui avait données. Ce dernier lui a répondu, qu'à sa place, il se contenterait d'indiquer, à ceux qui la questionneraient, qu'il avait décidé de suivre une autre voie, mais que, si elle le souhaitait, elle pouvait évoquer un congé sabbatique, bien qu'il ne fût pas sûr que ce soit la bonne option pour A______ SA. Il lui a également indiqué qu'il n'allait pas aller travailler pour des clients de A______ SA ou signer des accords quels qu'ils soient avec des clients de cette dernière au détriment de la société.

g. B______/H______ SA, constituée le ______ 2022, est une société anonyme inscrite à Genève, dont le but est, notamment, tous services dans les domaines de l'incorporation et la gestion d'entités suisses ou étrangères, des services de comptabilité et d'administration de structures patrimoniales, à l'exception de la gestion de fortune.

Le ______ 2022, la société a changé sa raison sociale en B______ TRUSTEES SA (ci-après : B______ SA) et a également modifié son but comme suit (cf. modifications soulignées) : "tous services dans les domaines de l'incorporation et la gestion d'entités suisses ou étrangères, de la mise en place et de l'administration de trusts, des services de comptabilité et d'administration de structures patrimoniales et de conseils liés à la planification financière et fiscale en général, à l'exception de la gestion de fortune. Compte tenu des services proposés, la société est un Trustee conformément à la loi sur les établissements financiers (LEFin) (…)".

I______ en est administratrice depuis sa constitution. D______ - qui se présente comme membre fondateur sur la plateforme internet LinkedIn - occupe, pour sa part, la fonction d'administrateur président depuis le 3 février 2022.

B______/H______ SA a obtenu une licence auprès de la FINMA le 21 décembre 2022.

h. Parallèlement à cela, A______ SA a reçu les démissions de plusieurs employés.

h.a. J______, engagée le 1er mai 2013 en qualité de "Compliance Manager", a démissionné le 29 août 2022 avec effet au 30 novembre 2022.

h.b. K______, engagée le 22 avril 2013 et occupant en dernier lieu le poste de directrice adjointe, a démissionné le 27 octobre 2022 avec effet au 31 janvier 2023.

h.c. L______, engagé le 1er décembre 2018 en qualité de "Team Manager" et "Senior Trust Accountant", a démissionné le 23 février 2023 avec effet au 30 avril 2023.

h.d. M______, engagée le 1er décembre 2017 en qualité de "Trust Officer", a démissionné le 24 avril 2023 avec effet au 30 juin 2023.

h.e. N______, engagé le 1er novembre 2015 en qualité de "Trust Officer", a démissionné le 26 avril 2023 avec effet au 30 juin 2023.

h.f. O______, engagé le 1er novembre 2014 en qualité de "Trust Officer", a démissionné le 26 avril 2023 avec effet au 30 juin 2023.

h.g. Il est admis qu'un employé dénommé P______ a récemment démissionné.

h.h. J______ et K______ figurent comme administratrices de B______ SA depuis février 2023.

L______, O______ et N______ sont devenus employés de B______ SA. Cette dernière conteste que O______ et N______ aient été débauchés et allègue qu'ils auraient postulé à un poste de "Senior Trust Officer", dont l'offre a été publiée sur la plateforme LinkedIn en ______ 2023, et qu'ils auraient été retenus parmi d'autres candidats.

Les autres démissionnaires ne seraient pas employés de B______ SA.

h.i. Les contrats de travail des employés précités auprès de A______ SA comprennent une clause de non-concurrence identique à celle de D______.

i. Au début de l'année 2023, A______ SA a commencé à recevoir des lettres de résiliation de contrats de mandat de clients, envoyées par B______ SA (dont certaines sont datées du 1er janvier 2023), soit dix-sept lettres le 19 janvier 2023, plusieurs autres les 23, 24, 27 janvier et 1er février 2023, une quinzaine le 3 février 2023 et encore plusieurs autres les 20 et 25 avril, les 11 et 25 mai, les 1er, 15 et 26 juin et le 5 juillet 2023, sur lesquels les noms des clients sont caviardés.

Ces lettres présentent un contenu identique selon, essentiellement, deux variantes. Les enveloppes produites pour certaines d'entre elles comportent une écriture ressemblant à première vue à celle apposée sur la lettre de démission de D______.

Plusieurs courriers contiennent une demande de transfert de dossiers en faveur des sociétés Q______ TRUSTEE USA ou R______ TRUSTEES LTD, cette dernière société néo-zélandaise étant gérée par S______.

A______ SA allègue que B______ SA, respectivement pour elle, D______, aurait mis sur pied un véritable plan de captation de sa clientèle et de ses employés en plusieurs étapes distinctes et chronologiquement structurées. Le plan aurait débuté par le départ anticipé de J______. Les différentes manœuvres de débauchage des employés et de démarchage de la clientèle se seraient poursuivies alors même que les employés précités auraient encore été en poste en son sein. B______ SA se serait non seulement servie des connaissances de la structure hiérarchique de A______ SA, mais aurait également incité les employés à démissionner et à divulguer des informations et documents hautement confidentiels pour exercer une activité concurrente en tentant de la vider de sa substance. De plus, B______ SA aurait mis sur place une structure de groupe calquée sur la sienne, avec le même réseau d'agents, à savoir un bureau en Suisse et un en Nouvelle-Zélande, dirigée par S______, laquelle aurait été "manager" d'une filiale de A______ SA en Nouvelle-Zélande jusqu'à sa démission en 2021.

Selon A______ SA, D______ aurait non seulement contacté les clients de A______ SA pour organiser ces résiliations tant avant qu'après son départ, mais aurait également effectué plusieurs voyages professionnels durant l'année 2022, pour les démarcher et les encourager à résilier leurs relations d'affaires avec elle, notamment en leur fournissant des informations négatives et fausses sur la société (congé sabbatique démenti, organisation interne lacunaire, "team compliance" inexistant, changement du "Chief Financial Officer", instabilité de l'entreprise, entreprise vidée de sa substance et difficultés à l'obtention de la licence FINMA).

A______ SA a produit un tableau des déplacements professionnels de D______ avec des dates et des destinations, sur lequel les noms des clients sont caviardés, ainsi que deux emails internes envoyés les 24 et 25 janvier 2023 à F______, à savoir l'un rédigé par M______, dans lequel elle indiquait avoir eu contact avec une cliente qui avait été approchée par email par D______ et qui avait appris qu'il travaillait ailleurs, et l'autre email rédigé par l'employée T______, dans lequel elle expliquait avoir eu une vidéoconférence avec un client qui avait cru que D______ "prendr[ait] avec lui ses sociétés".

Elle a également produit un courriel envoyé par D______ (depuis l'adresse email : D______@B______-trustees.ch) à un client le 26 janvier 2023, dont il ressort que l'ancien employé l'informait de son départ avec l'équipe de management, que B______ SA bénéficiait d'une licence FINMA, qu'il souhaitait corriger la rumeur - selon lui, fausse – d'un congé sabbatique, tout en précisant que A______ SA demeurait une société solide avec de bons professionnels (dont O______). Cette dernière relève que ce courrier a pour objectif de donner une image fausse et négative (fausse information sur le congé sabbatique et impression que la société est vidée de sa substance) et confirme que D______ a débauché lui-même les employés lorsqu'ils étaient encore en emploi.

Selon un échange d'emails du 27 janvier 2023, D______ aurait contacté un client de A______ SA pour l'informer de son départ de A______ SA. Ce dernier aurait répondu être extrêmement préoccupé par sa remarque concernant son ex-associée, F______, et son "éthique professionnelle, entre autres", ce à quoi l'ancien employé avait répondu qu'à son avis, A______ SA était solide et le resterait et qu'elle disposait de bons professionnels, sur lesquels le client pouvait compter. Le client n'a pas résilié son mandat avec A______ SA.

A______ SA a, de plus, produit un témoignage écrit de l'employée T______, dans lequel elle indique avoir informé F______ en janvier 2023 du fait que, le 6 septembre 2022, soit le lendemain de son entretien d'embauche chez A______ SA en présence de D______ et K______, elle avait été contactée par I______, qui lui avait fortement déconseillé de travailler avec F______.

A______ SA a également produit un courriel adressé le 15 février 2023 par T______ à F______, selon lequel M______ et elle avaient rencontré un client le jour même; elles auraient compris "entre les lignes" qu'il aurait été contacté par D______; le client voulait en l'état poursuivre la relation d'affaires et vérifier s'il y avait des changements dans la qualité des services, ne souhaitant pas suivre D______ sur une "emotional decision"; curieusement, il avait posé des questions sur la licence FINMA, questions que T______ était sûre de venir de l'ancien collaborateur.

Le 9 mai 2023, un contact espagnol de D______ a envoyé un message électronique sur son ancien téléphone professionnel, dans lequel il indiquait qu'il avait appris que ce dernier avait, ce jour-là, une réunion avec une personne (qui serait, selon A______ SA, un de ses clients) et lui demandait de le rappeler.

A______ SA allègue que c'est de manière illicite et déloyale que les clients de A______ SA ont été démarchés et sont encore démarchés à ce jour par B______ SA et ses organes et que son atteinte persiste. De janvier au 5 juillet 2023, elle allègue la résiliation de 87 entités sur les 438 au total (au 31 décembre 2022), représentant un chiffre d'affaires annuel d'au moins 1'921'574 fr. Elle a produit un tableau des clients démarchés (dont les noms sont caviardés) avec les "revenus récurrents annuel (retainers) et d'activité sur 12 mois", ainsi que les factures y relatives.

Elle allègue également que sur ces 87 entités clientes, 28 d'entre elles ont signé un "Company Management Agreement" prévoyant un délai de résiliation de trois mois (art. 7.1) et 14 ont signé un document intitulé "Trustee and Administration Services Terms of Business" stipulant que la résiliation peut se faire si un trustee successeur est nommé et approuvé par elle (art. 7.1).

B______ SA conteste que les clients qui ont résilié leur mandat aient été démarchés. Elle relève que l'activité de gestion de trusts implique un lien personnel et de confiance très important avec les clients et requiert une parfaite connaissance du client, de sa situation, de ses souhaits, voire de ses secrets. Plusieurs des clients, avec qui D______ entretenait un rapport de confiance particulier, auraient décidé, de leur propre initiative, de mettre fin au mandat les liant à A______ SA et de poursuivre leur collaboration avec lui au sein de B______ SA, sans qu'il n'ait opéré aucun démarchage actif.

j. A______ SA allègue que, pour démarcher ses clients, structurer et débuter son activité, B______ SA a usé d'informations et de documents enregistrés sans droit par D______, J______, K______, L______, N______ et O______, lesquels se sont envoyés un nombre important de données hautement confidentielles depuis leur boîte de messagerie électronique professionnelle sur leur boîte externe privée en violation des directives internes de l'entreprise, telles que des modèles de formulaires créées par ses soins à l'attention de la clientèle, des bilans ou états financiers, la liste des clients, leurs souhaits, des situations de portefeuilles, des analyses fiscales, la liste des apporteurs d'affaires, des formulaires destinés à sa demande de licence FINMA, un fichier Excel comportant l'ensemble de la facturation du dernier trimestre 2021 et les honoraires pour 2022, etc.

Les directives en matière de communications électroniques du 26 mars 2009 prévoient, notamment que les employés ne doivent pas faire suivre automatiquement le courrier électronique de l'entreprise vers un compte de messagerie externe (art. 5.8) et que les documents professionnels ne doivent pas être envoyés à des adresses électroniques personnelles, par exemple à la maison (art. 8.3).

A______ SA a produit des rapports établis les 18 avril et 7 juin 2023 par la société U______, dont il ressort l'envoi de tels messages, notamment 812 messages concernant D______ entre le 9 janvier 2020 et le 1er décembre 2022, respectivement 386 messages concernant N______ (175 messages entre le 1er novembre 2022 et le 7 juin 2023).

A______ SA allègue également, en se fondant sur un compte-rendu des consultations effectuées par L______ entre les 27 et 28 février 2023, soit peu après sa démission, que celui-ci aurait consulté près de 3'000 documents contenant, selon elle, des données et informations de la société.

Selon elle, O______ ne lui aurait pas fourni, lors de son départ, l'ensemble des coordonnées relatives à la clientèle dont il avait la charge, malgré plusieurs demandes en ce sens.

B______ SA allègue, pour sa part, que le recours aux boîtes emails privées était largement répandu au sein de A______ SA pour des raisons purement pratiques depuis de nombreuses années. En effet, selon elle, le système informatique de A______ SA a été longtemps obsolète, au point que les collaborateurs n'avaient pas la possibilité de s'y connecter à distance. D______ était ainsi contraint d'adresser les rapports de voyages professionnels à F______ depuis son adresse privée. Des informations confidentielles avaient été échangées durant de nombreuses années depuis les boîtes emails des collaborateurs, ce qui était connu et accepté de F______, qui procédait elle-même ainsi. Cette pratique s'était d'ailleurs généralisée durant la période COVID. Un système de VPN avait, par la suite, été installé, mais, dans la mesure où il ne permettait pas l'impression de documents, l'utilisation des boîtes personnelles s'était poursuivie. Il est également admis que certains clients étrangers souhaitaient que les documents leurs soient adressés par l'application téléphonique WhatsApp, ce qui supposait leur envoi préalable sur une adresse privée.

B______ SA allègue qu'aucun des documents litigieux n'a été ou ne sera utilisé pour son compte.

A______ SA admet l'utilisation occasionnelle des boîtes privées, mais conteste l'existence d'une pratique admise et généralisée, en particulier justifiant l'ampleur des envois litigieux.

B. A______ SA a introduit des actions à l'encontre d'anciens employés devant les juridictions prud'homales :

a. Par acte déposé le 3 février 2023 au Tribunal des prud'hommes de Genève, A______ SA a requis le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles visant à ce qu'il soit fait interdiction à D______, avec effet immédiat, d'inciter la clientèle de A______ SA à quitter cette dernière, de prendre contact avec les clients existants, d'utiliser pour son propre compte ou celui d'un tiers tout information relative à la cliente de A______ SA dont il avait eu connaissance durant son emploi ou d'entreprendre tout acte quelconque discréditant A______ SA auprès de tiers ou de sa cliente de nature à entamer sa réputation commerciale (cause C/1______/2023).

Elle a fondé sa requête sur la violation par D______ de ses obligations de fidélité (art. 321a CO) et de la clause de non-concurrence (art. 340 al. 1CO).

Par ordonnance du 6 février 2023, le Tribunal des prud'hommes a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles.

Dans sa réplique du 27 mars 2023 et sa détermination du 30 mai 2023, A______ SA a invoqué une violation de la LCD par D______.

A la connaissance de la Cour de justice (ci-après : la Cour), la procédure est pendante s'agissant des mesures provisionnelles.

b. Par acte déposé le 16 juin 2023 devant le Tribunal d'arrondissement de V______ (Vaud), A______ SA a requis le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de L______ (cause JP23.2______).

Ledit Tribunal a prononcé des mesures superprovisionnelles par ordonnance du 20 juin 2023, qu'il a révoquées par ordonnance rendue le 21 août 2023 rejetant la requête de mesures provisionnelles. Cette dernière décision a été produite par B______ SA.

c. Par actes des 16 et 23 juin 2023 déposés devant la Tribunal des prud'hommes de Genève, A______ SA a requis le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de N______ et de O______, dans le cadre desquels des ordonnances de mesures superprovisionnelles ont été rendues les 21 et 28 juin suivants (causes C/3______/2023 et C/4______/2023).

d. Les actions de A______ SA à l'encontre de L______, de N______ et de O______ se fondent, notamment, sur la question de la soustraction de données.

C. a. Par acte déposé le 2 juin 2023 au greffe de la Cour, A______ SA a formé une action à l'encontre de B______ SA, assortie d'une requête de mesures provisionnelles (objet de la présente procédure).

Sur mesures provisionnelles, elle a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que :

- il soit fait interdiction à B______ SA, seule ou en concert, d'inciter la clientèle de A______ SA à la quitter, de prendre contact avec les clients existants de A______ SA, d'utiliser pour son propre compte toute information relative à la clientèle de A______ SA, dont elle a eu connaissance par le biais des données obtenues par les anciens ou actuels employés de A______ SA et d'entreprendre tout acte quelconque discréditant A______ SA auprès de tiers ou de sa clientèle de nature à entamer sa réputation commerciale,

- il soit ordonné à B______ SA de produire et restituer à A______ SA tous les documents en sa possession appartenant à A______ SA et/ou réalisés par elle, à savoir, notamment, tout document relatif à sa clientèle et/ou documents internes (exemples de contrats, formulaires, conditions générales, etc.) qui lui auraient été remis par D______, J______, K______, L______, M______, N______ et/ou O______ ou par tout employé de A______ SA,

- il soit ordonné à B______ SA de cesser tout acte de concurrence déloyale envers A______ SA,

- ces injonctions soient prononcées sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP,

- il soit dit que les organes de B______ SA seront condamnés, sur requête de A______ SA, à une amende d'ordre de 10'000 fr. pour chacune des injonctions non respectées,

- il ne soit pas requis de sûretés, et

- il soit dit que les mesures ordonnées déploieront leurs effets jusqu'à droit jugé définitif.

Sur le fond, elle a, préalablement, repris ses conclusions sur mesures provisionnelles et, principalement, conclu à ce que cette dernière soit condamnée à lui payer la somme de 1'830'310 fr. avec intérêts à 5% dès le 26 mars 2023 (date moyenne) et à ce que le jugement soit publié aux frais de B______ SA, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse du 26 juin 2023, B______ SA a conclu au rejet de la requête sur mesures provisionnelles et de l'action au fond, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par réplique du 17 juillet 2023, A______ SA a augmenté sa conclusion en paiement à 1'9021'574 fr. et a, pour le surplus, persisté dans ses conclusions.

d. Par duplique du 7 août 2023, B______ SA a pris de nouvelles conclusions, sollicitant préalablement, la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans les procédures prud'homales pendantes à Genève dans les causes C/3______/2023 et C/4______/2023 (à l'encontre de N______ et O______) et dans le canton de Vaud dans la cause JP23.2______ (à l'encontre de L______), et/ou ordonner l'apport de ces procédures. Elle a, pour le surplus, persisté dans ses conclusions, reprises dans un courrier du 23 août 2023.

e. Par déterminations du 29 août 2023, A______ SA a conclu au déboutement de B______ SA de ses conclusions et persisté dans les siennes.

f. Lors de l'audience des débats d'instruction tenue le 20 septembre 2023 par la Cour, les parties se sont accordées à dire que les actes d'instruction sollicités (auditions des parties et des témoins) concernent uniquement le fond de la cause.

g. Lors de l'audience de plaidoiries sur mesures provisionnelles et sur suspension de la procédure tenue le 4 octobre 2023 par la Cour, B______ SA a déposé un chargé de pièces nouvelles. A______ SA ne s'est pas opposée à cette production.

Les parties ont, pour le surplus, persisté dans leurs conclusions respectives.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre civile de la Cour de justice connaît en instance unique des litiges relevant de la loi contre la concurrence déloyale lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 5 al. 1 let. d CPC; art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Cette compétence vaut également pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (art. 5 al. 2 CPC).

La requérante fonde ses prétentions sur la loi contre la concurrence déloyale et fait, notamment, valoir des prétentions en réparation du préjudice chiffrées à 1'9021'574 fr. en capital. La valeur litigieuse des prétentions apparaît prima facie supérieure à 30'000 fr. si un dommage devait résulter des comportements reprochés à la citée, de sorte que la Cour est compétente à raison de la matière pour connaître du présent litige en instance unique.

Les parties ayant leur siège à Genève, la Cour est également compétente à raison du lieu (art. 13 et 36 CPC).

Il n'est pas contesté que la requête respecte en outre les exigences de forme prévues aux art. 130 ss et 252 CPC.

La requête de mesures provisionnelles est donc recevable.

1.2 Les mesures provisionnelles sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), dans le cadre de laquelle, sauf exceptions (cf. art. 255 CPC), la maxime des débats prévaut (art. 55 CPC; Haldy, op. cit., n. 16 ad art. 55 CPC). La maxime de disposition est par ailleurs applicable (art. 58 al. 1 CPC).

La procédure sommaire implique une administration restreinte des moyens de preuve (la preuve étant généralement apportée par titre; cf. art. 254 CPC), la cognition du juge étant toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

La vraisemblance requiert plus que de simples allégués : ceux-ci doivent être étayés par des éléments concrets ou des indices et être accompagnés de pièces (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2 et 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_893/2013 du 18 février 2014 consid. 3).

Rendre vraisemblable signifie qu'il n'est pas nécessaire que le juge soit convaincu de l'exactitude de l'allégué présenté, mais qu'il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, le fait en cause soit rendu probable, sans qu'il doive pour autant exclure la possibilité que les faits aient aussi pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3, in JT 2005 I 618, SJ 2005 I 514; ATF 120 II 393 consid. 4c).

2. La citée sollicite - tant sur mesures provisionnelles que sur le fond - la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans les procédures prud'homales pendantes à Genève dans les causes C/3______/2023 et C/4______/2023 (à l'encontre de N______ et O______) et dans le canton de Vaud dans la cause JP23.2______ (à l'encontre de L______).

Elle fait valoir que, dans lesdites procédures, se pose la question de la soustraction de données qui est en rapport avec la présente procédure, ce qui n'est pas le cas de la procédure prud'homales à l'encontre de D______, qui concernerait principalement une question de non-concurrence. Cette question allant être instruite de manière contradictoire, il apparaît, selon elle, opportun de suspendre la présente cause dans l'attente du résultat de ces procédures.

La requérante relève que la requête de suspension de la citée ne vise curieusement pas la procédure prud'homale dirigée à l'encontre de D______. Elle s'oppose à la suspension sollicitée, dès lors que les procédures prud'homales - jugées sous l'angle du contrat de travail - seraient distinctes de la présente cause, qu'elles ne seraient pas déterminantes pour l'issue du litige et que tous les éléments utiles au prononcé de la présente décision auraient d'ores et déjà été produits. Elle considère que rien ne sert d'attendre l'instruction de ces procédures, lesquelles pourraient au demeurant avoir un résultat différent entre elles, chaque employé ayant agi de manière différente, et seront rendues sur la base de dispositions contractuelles propres à chaque contrat et sous un aspect du droit spécifique. Il ne lui apparaît pas non plus opportun que les procédures prud'homales soient traitées en priorité, alors qu'elle continue à subir un préjudice et qu'il apparaît urgent de statuer dans la présente cause.

La citée sollicite également l'apport des procédures prud'homales précitées, au motif que, n'étant pas partie à ces procédures, elle n'y a pas accès et ne peut se défendre sur des allégués y relatifs, en lien avec des éléments dont elle ignorerait tout.

La requérante s'y oppose, relevant la mauvaise foi de la citée qui, d'un côté, prétend tout ignorer des procédures prud'homales et qui, d'un autre, produit l'ordonnance rendue le 21 août 2023 sur mesures provisionnelles dans la cause opposant A______ SA à L______ (cause JP23.2______). Elle soutient que sa partie adverse – agissant de manière consensuelle et organisée avec ses employés – a pleinement connaissance et accès à ces procédures connexes.

2.1 Le tribunal conduit le procès. Il prend les décisions d’instruction nécessaires à une préparation et à une conduite rapides de la procédure (art. 124 al. 1 CPC).

2.2 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent; la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

La suspension doit répondre à un besoin réel et être fondée sur des motifs objectifs dès lors qu'elle contrevient à l'exigence de célérité de la procédure, imposée par les art. 29 al. 1 Cst. et 124 al. 1 CPC. Elle ne saurait être ordonnée à la légère, les parties ayant un droit à ce que les causes pendantes soient traitées dans des délais raisonnables. Elle ne peut être ordonnée qu'exceptionnellement et l'exigence de célérité l'emporte en cas de doute (ATF 135 III 127 consid. 3.4;
119 II 386 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_218/2013 du 17 avril 2013 consid. 3.1; Frei, Berner Kommentar, ZPO, 2012, n° 1 ad art. 126 CPC).

Le juge bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_146/2023 du 23 mai 2023 consid. 6.2.2.1.3).

La suspension devra être admise en particulier lorsqu'il se justifie d'attendre la décision d'une autre autorité, ce qui permettrait de trancher une question décisive ou de nature préjudicielle (ATF 119 II 386 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_218/2013 du 17 avril 2013 consid. 3).

La suspension de la procédure dans l'attente du sort d'une autre procédure suppose que la seconde se trouve dans un lien de connexité avec la première, même s'il n'est pas nécessaire que l'objet du litige ou les parties soient les mêmes: il s'agit d'éviter des décisions contradictoires ou incohérentes (Gschwend/Bornatico, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 11 ad art. 126 CPC; Frei, Berner Kommentar Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, n. 3 ad art. 126 CPC).

Lorsque les questions de droit et de preuves à examiner dans les deux procédures sont en grande partie les mêmes, il existe une forte probabilité qu'elles soient examinées deux fois, avec un risque de décisions contradictoires évident. L'intérêt à la suspension l'emporte sur l'intérêt à l'accélération de la procédure dans ce cas. Une suspension en vue d'une autre procédure n'entre pas seulement en ligne de compte lorsque les deux procédures sont à des stades différents ou lorsqu'il faut effectivement s'attendre à ce que le tribunal saisi en premier rende un jugement plus tôt que celui saisi en second. Il convient plutôt de peser concrètement les avantages liés à la suspension d'une part et la durée probable de la suspension d'autre part, la procédure ultérieure ne devant pas être retardée de manière disproportionnée (ATF 141 III 549 consid. 6.5; 135 III 127 consid. 3.4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2022 du 7 juillet 2022 consid. 5.2-5.4).

2.3. In casu, la présente procédure, fondée sur des actes de concurrence déloyale, vise à faire cesser une atteinte continue alléguée (cf. art. 9 al. 1 LCD sous infra consid. 3.2). De par sa nature, l'action intentée suppose une urgence, de sorte que, pour ce premier motif déjà, il n'apparaît pas opportun de suspendre la cause dans l'attente de l'issue des procédures prud'homales.

De plus, les procédures prud'homales et la présente procédure ne sont pas fondées sur les mêmes dispositions légales et ne porteront pas nécessairement sur les mêmes éléments. En effet, dans les premières, les juges seront amenés à trancher la question de savoir si les données litigieuses ont été soustraites et utilisées en violation des obligations contractuelles, ce qui n'est pas pertinent dans le cas d'espèce, dès lors que, sous l'angle de la concurrence déloyale, est déterminante la question de savoir si ces données ont été utilisées par la requérante et, dans l'affirmative, si elles ont été utilisées en violation de la LCD.

Il sera, par ailleurs, relevé que le fait que la citée ne requiert ni la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure prud'homale à l'encontre de D______ ni l'apport de cette dernière est peu cohérent. Contrairement à ce qu'allègue la citée, ladite procédure prud'homale va nécessairement porter, notamment, sur les démarches entreprises par D______ alors qu'il travaillait encore pour la requérante. Or, si la citée considère que le résultat de l'examen par les juges prudhommaux des agissements de D______ - qui, en sa qualité d'associé et de directeur au sein de la requérante, occupait une place prédominante et qui est accusé de soustraction massive de données - n'est pas pertinent pour la présente procédure, tel serait a fortiori le cas pour les autres employés, qui occupaient des postes subalternes.

Partant, la requête de suspension de la procédure et d'apport de procédures prud'homales sera rejetée tant sur mesures provisionnelles que sur le fond.

3. La requérante requiert le prononcé de mesures provisionnelles (cf. supra EN FAIT let. C.a).

Elle reproche à la citée un comportement de concurrence déloyale au sens des art. 3, 4 et 5 LCD, lui occasionnant une perte de son chiffre d'affaires, auquel il faudrait mettre fin immédiatement. Elle fait, en substance, grief à la citée de lui faire subir des actes répétés et persistant de concurrence déloyale, se concrétisant, notamment, par le démarchage de 87 clients et de près d'une dizaine de ses employés, dans le but de se procurer un savoir-faire et des connaissances propres à elle-même, ainsi que par un dommage financier de 1'921'574 fr. Cette atteinte se poursuivrait, lui faisant perdre toujours plus de clients et amplifiant son dommage, lequel apparaîtrait difficilement réparable puisqu'il lui sera impossible de récupérer les clients démarchés, de sorte qu'il y aurait urgence à la faire cesser.

3.1 Aux termes de l'art. 261 al. 1 CPC, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

L'art. 262 CPC prévoit que le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite.

L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable - qui peut être patrimonial ou immatériel -, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au CPC, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; arrêts du Tribunal fédéral 5A_931/2014 du 1er mai 2015 consid. 4 et 5A_791/2008 du 10 juin 2009 consid. 3.1; Bohnet, CR-CPC, 2019, n. 3 ss ad art. 261 CPC).

Il incombe à la partie requérante de rendre vraisemblables les faits qu'elle allègue, ainsi que le bien-fondé, sous l'angle d'un examen sommaire, de la prétention qu'elle invoque (ATF 131 III 473 consid. 2.3; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 1773 à 1776 et 1779).

Le juge doit procéder à la pesée des intérêts en présence, c'est-à-dire à l'appréciation des désavantages respectifs pour chacune des parties selon que la mesure requise est ou non ordonnée (Hohl, op. cit., n° 1780).

3.2 Selon l'art. 9 al. 1 LCD, celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé, peut demander au juge de l'interdire, si elle est imminente (let. a), de la faire cesser, si elle dure encore (let. b) d'en constater le caractère illicite, si le trouble qu'elle a créé subsiste (let. c).

Lorsque l'acte de concurrence déloyale a été commis par un travailleur ou par un autre auxiliaire dans l'accomplissement de son travail, les actions prévues à l'art. 9 al. 1 LCD peuvent également être intentées contre l'employeur (art. 11 LCD).

3.3 A teneur de l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commerciale qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.

Pour être déloyal au sens de l'art. 2 LCD, le comportement doit aussi avoir un impact sur la concurrence, à savoir affecter sensiblement, de manière tangible, le marché. Cette exigence vise à exclure les cas bagatelles qui n'auraient qu'un impact théorique de peu d'importance, sur la base d'un examen des intérêts touchés, du nombre de personnes concernées et du danger qu'un tel comportement soit imité par d'autres personnes ou entreprises (Pichonnaz, CR-LCD, n. 54 et 55 ad art. 2 LCD).

3.3.1 La requérante soutient que la citée, ou à tout le moins D______, aurait contacté plusieurs de ses clients en leur tenant des propos fallacieux et contestés (congé sabbatique démenti, organisation interne lacunaire, absence d'un "team compliance", changement du "Chief Financial Officer", instabilité de l'entreprise, entreprise vidée de sa substance et difficultés à l'obtention de la licence FINMA) dans le seul but de les alarmer, de donner d'elle une image négative, d'entacher sa réputation et de faciliter leur démarchage.

3.3.1.1 A teneur de l'art. 3 al. 1 let. a LCD, agit de façon déloyale notamment celui qui dénigre autrui, ses prestations, ses prix ou ses affaires par des allégations inexactes, fallacieuses et inutilement blessantes.

Le dénigrement s'entend de la projection d'une image négative ou méprisable d'un concurrent, qu'elle porte spécifiquement sur sa personne ou sur les éléments qui lui sont associés (produits, prestations, prix, affaires). L'image négative doit être pertinente du point de vue de la concurrence, en ce sens qu'elle doit être dirigée contre le jeu normal de cette dernière et propre à influencer le marché. Tout dénigrement n'est pas illicite au sens de la loi. Ce n'est que lorsqu'il atteint une certaine gravité qu'il devient déloyal (Kuonen, CR-LCD, n. 1 et 2 ad art. 3 al. 1 let. a LCD).

Ont par exemple été jugés comme constitutifs de dénigrement déloyal au sens de l'art. 3 al. 1 let. a LCD, la qualification des animateurs d'une société "d'escrocs", de "groupe criminel" qui avait "volé" des millions à leur créancier, l'affirmation selon laquelle un concurrent adopte un comportement déloyal, alors que tel n'est pas le cas ou encore l'accusation à l'encontre d'un exploitant d'élevage de chevaux dans un article de presse de "nourriture insuffisante et inappropriée", "chevaux mal soignés", "maltraités", écurie qui ne "sentait pas la rose" (Kuonen, op. cit., n. 50 ad art. 3 al. 1 let. a LCD).

3.3.1.2 En l'espèce, la requérante affirme que plusieurs de ses clients auraient été contactés par D______, contacts lors desquels ce dernier aurait été dénigrant à l'égard de son ancienne employeuse. A l'appui de ses allégations, elle ne se fonde, en l'état, que sur deux échanges de courriels intervenus les 26 et 27 janvier 2023 entre des clients et D______, ainsi que sur les propos rapportés par son employée T______ (cf. supra EN FAIT let. A.i).

Or, s'il ressort certes des courriels des 26 et 27 janvier 2023 que D______ a contesté avoir pris un congé sabbatique (alors qu'il avait donné son accord à F______ pour que ce motif de départ soit donné aux clients, bien qu'il aurait préféré qu'il soit dit qu'il avait décidé de suivre une autre voie) et qu'il aurait justifié son départ par des divergences avec son associée, F______, il apparaît également qu'il a rassuré ces derniers sur la solidité de la requérante et le professionnalisme de ses collaborateurs et que seul un des deux clients a résilié son contrat de mandat. Contrairement à ce qu'allègue la requérante, D______ n'a pas seulement vanté le professionnalisme de O______; il n'apparaît pas non plus vraisemblable, comme elle le soutient, qu'il ait délibérément mentionné l'excellent travail de ce collaborateur parce qu'il savait que ce dernier allait intégrer l'équipe de la citée, puisque O______ n'a postulé pour un emploi auprès de la citée et n'a démissionné que trois mois plus tard.

S'agissant du compte-rendu rédigé par T______ et adressé à F______ le 15 février 2023 - concernant un rendez-vous avec un client lors duquel T______ et M______ auraient compris "entre les lignes" que le client aurait été contacté par D______ et lors duquel le mandant aurait déclaré vouloir en l'état poursuivre la relation d'affaires avec A______ SA, aurait souhaité vérifier s'il y avait des changements dans la qualité des services et aurait posé des questions sur la licence FINMA -, l'on ne saurait, contrairement à ce que soutient la requérante, en déduire que D______ l'aurait dénigré ou aurait remis en doute sa capacité à obtenir une licence FINMA.

En ce qui concerne enfin le témoignage écrit de T______, selon lequel elle aurait été contactée le 6 septembre 2022 par I______, qui lui aurait fortement déconseillé de travailler avec F______, cet élément, en sus du fait qu'il est dénué de force probante, n'est pas pertinent pour attester la thèse d'agissements de dénigrement de la citée auprès de clients, étant relevé que les propos tenus n'ont finalement pas dissuadé T______ d'accepter l'offre d'emploi de la requérante.

Cette dernière échoue ainsi à rendre vraisemblable que la citée aurait tenu des propos dénigrants en violation de l'art. 3 al. 1 let. a LCD.

3.3.2 La requérante invoque un démarchage de sa clientèle et une exploitation illicite de ses données par la citée contraires aux art. 2, 4 let. a et 5 let. a et b LCD.

Elle fait valoir que ses anciens employés embauchés par cette dernière se sont envoyés, en violation de leur clause de confidentialité et des directives en matière de communications électroniques, un grand nombre de données variées et complètes et que la citée les a vraisemblablement utilisés pour démarcher des clients (par le biais de ses anciens collaborateurs avant et après la fin de leur contrat), obtenir une licence FINMA sur la base des documents dérobés et débuter une activité concurrente en s'affranchissant de tous les efforts normalement requis, démarche qui s'est avérée payante, dès lors que 87 clients avaient résilié leur mandat.

Elle relève, notamment, les voyages d'affaires de D______, le fait que tous les clients visités ont résilié leur mandat, les lettres reçues en bloc et la même écriture apposée sur les enveloppes, démontrant une planification scrupuleuse sur plusieurs mois de démarchage illicite de la part de la citée.

Elle souligne également que certains des clients ayant résilié leur mandat étaient liés par le "Company Management Agreement" ou par "Trustee and Adminstration Services Terms of Business", dont les clauses ont été violées, dès lors que, soit le délai de résiliation n'avait pas été respecté, soit elle avait été privée de sa prérogative de choisir le successeur au vu de la pression qui lui avait été mise pour transférer rapidement le dossier.

3.3.2.1 Selon l'art. 4 let. a LCD, agit de façon déloyale celui qui incite un client à rompre un contrat en vue d'en conclure un autre avec lui.

Le perturbateur doit être intervenu auprès d'une des parties au contrat pour l'amener à le violer ou le révoquer. Son comportement doit revêtir une certaine intensité (Morin/Oppliger, CR-LCD, 2017, n. 18 ad art. 4 LCD). La simple prise de contact avec un partenaire contractuel ne constitue pas encore une incitation (ATF 114 II 91, in JT 1988 I 310). De vagues allusions ou l'indication de la possibilité de conclure un contrat équivalent ou plus avantageux ne suffisent pas non plus (Frick, Basler Kommentar, 2013, n. 22 ad art. 4 LCD). L'incitation doit porter sur la rupture du contrat, qui suppose une violation des clauses contractuelles: une résiliation conforme aux dispositions contractuelles ne constitue pas une rupture du contrat (ATF 129 II 497 consid. 6.5.6). En d'autres termes, l'incitation doit avoir conduit la partie visée à rompre le contrat, en adoptant un comportement contraire à ses engagements contractuels et non justifié par un autre motif juridique (Morin/Oppliger, op. cit., n. 27 ad art. 4 LCD).

La résiliation de mandats par des clients – contrat résiliable en tout temps (art. 404 al. 1 CO) – ne peut constituer une rupture au sens de l'art. 4 let. a LCD (ATF 6B_467/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.6.1).

Dans une précédente affaire genevoise (CAPH/7/2018 du 22 janvier 2018, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_116/2018 du 28 mars 2019), il a été retenu qu'au même titre que le fait de confier sa santé à un médecin ou ses problèmes juridiques à un avocat, la relation nouée entre un gestionnaire de patrimoine et un client reposait sur une confiance absolue. Ce rapport se construisait au fil du temps et se renforçait non seulement par les résultats obtenus, mais également par la disponibilité du gérant, sa capacité à rassurer le client et à régler d'éventuels problèmes.

3.3.2.2 D'après l'art. 404 al. 1 CO, le mandat peut être révoqué ou répudié en tout temps. Le droit de mettre fin au contrat est impératif; il ne peut pas être exclu ni limité par des clauses contractuelles. La résiliation en tout temps existe également lorsque le mandat a été conclu pour une durée fixe ou lorsque le mandat est atypique (ATF 104 II 108 consid. 4 p.115 ss; arrêt du Tribunal fédéral 4A_284/2013 du 13 février 2014 consid. 3.5.1). Malgré les critiques de la doctrine, le Tribunal fédéral a maintenu cette jurisprudence (ATF 115 II 464 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_680/2016 du 12 juillet 2017 consid. 3.1; 4A_284/2013 du 13 février 2014 précité, ibidem4A_141/2011 du 6 juillet 2011 précité consid. 2.2 et 2.3 et les réf. cit.).

3.3.2.3 Selon l'art. 5 let. a LCD, agit de façon déloyale celui qui notamment exploite de façon indue le résultat d'un travail qui lui a été confié, par exemple des offres, des calculs ou des plans.

Pour que cette disposition soit applicable, il faut, d'une part, que le résultat d'un travail ait été confié à l'auteur et, d'autre part, que celui-ci l'utilise contrairement aux accords passés, qu'il le détourne de la destination convenue. Le caractère déloyal de l'acte réside dans la trahison de la confiance donnée (arrêt du Tribunal fédéral 6S.684/2001 du 18 janvier 2002 consid. 1.b).

Le fait pour un ancien collaborateur de continuer à utiliser le savoir résultant de l'expérience accumulée durant son ancienne activité n'a pas été qualifié de "résultat d'un travail" au sens de l'art. 5 LCD, faute de matérialisation du résultat d'un travail (Nussbaumer, CR-LCD, n° 25 ad. art. 5 LCD).

Des listes de clients ou des bases de données peuvent constituer le résultat d'un travail, pour autant qu'elles soient exploitables (Pedrazzini/Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb, 2002, n. 9.07). Une liste de clients mauvais payeurs peut faire partie d'une collection de données de clients et constituer comme celle-ci le résultat d'un travail (arrêt du Tribunal fédéral 6B_298/2013 du 16 janvier 2014 consid. 3.2.2).

Pour que l'art. 5 LCD s'applique, il faut un produit qui soit matérialisé. Sont ainsi exclus du champ d'application de cette disposition les idées, méthodes ou procédés (ATF 139 IV 17 consid. 1.4).

Agit également de façon déloyale celui qui exploite le résultat du travail d'un tiers, par exemple des offres, des calculs ou des plans, bien qu'il sache que ce résultat lui a été remis ou rendu accessible de façon indue (art. 5 let. b LCD). Cette disposition vise l'exploitation indirecte d'une prestation, par celui à qui le résultat d'un travail est transféré par un premier tiers qui l'a reçu de l'ayant-droit (Nussbaumer, op. cit., n. 59 ad art. 5 LCD).

3.3.2.4 En l'occurrence, il n'est pas contesté que les anciens employés de la requérante - et en particulier D______ au vu de sa position prédominante au sein de celle-ci - ont eu accès à un grand nombre de données internes à la société, dont certaines ont été envoyées sur leur boîte électronique personnelle. Toutefois, la requérante n'a, en l'état, pas rendu vraisemblable que ces données auraient effectivement été utilisées pour constituer la citée ou pour démarcher des clients. En effet, rien ne permet de retenir que la licence FINMA octroyée à la société concurrente en décembre 2022 ait été obtenue grâce à ces données. De même, il convient de relever que tant D______ que J______ et K______ disposaient d'une solide expérience professionnelle et qu'ils étaient libres de l'utiliser au profit de la citée.

De plus, s'il apparaît certes que D______ aurait discuté avec des clients de son départ de la requérante et de sa nouvelle activité au sein de la citée, un simple échange sur ce point ne suffit toutefois pas à constituer une incitation à le suivre ou à violer les clauses contractuelles liant la requérante et les clients, étant de surcroît relevé que, sous l'angle d'un examen sommaire, les clients étaient a priori libres de résilier leur mandat en tout temps sans avoir à respecter les art. 7.1 du "Company Management Agreement" et du "Trustee and Administration Services Terms of Business" et que les résiliations ont eu lieu en bonne et due forme.

En outre, les pièces produites par la requérante ne permettent pas d'établir un lien entre les voyages professionnels et les clients ayant résilié leur mandat.

A ce stade de la procédure, rien ne permet de tenir pour vraisemblable que D______ aurait effectué des démarches outrepassant ce qui était admissible de la part d'un gestionnaire financier pour assurer le bon déroulement de son départ de la requérante. Il sera souligné que, dans le domaine d'activité litigieux, le lien de confiance entre le gestionnaire et le client revêt un caractère éminemment personnel et une importance primordiale, qui tend à rendre vraisemblable la thèse selon laquelle les clients qui ont résilié leur mandat ont souhaité maintenir ce lien et suivre leur gestionnaire.

3.3.3 La requérante invoque, enfin, un débauchage de ses employés contraire aux art. 2 et 4 let. c LCD.

Elle soutient que la citée, par le biais de ses organes, et plus particulièrement de D______, se serait rapprochée d'employés pour les inciter à la rejoindre et à rompre leur contrat de travail en s'appropriant son savoir-faire et ses secrets. L'obtention de la licence FINMA le 21 décembre 2022 suppose, selon elle, que D______ ait débuté son activité auprès de la citée avant la fin de ses rapports de travail, qu'il ait bénéficié des connaissances de collaborateurs pour obtenir cette licence et que la citée ait présenté plusieurs dirigeants qualifiés (J______ et K______). La citée aurait poursuivi son activité de débauchage pour se constituer une équipe aux compétences diverses, lui ayant permis de déployer rapidement et facilement son activité commerciale, tout en vidant de sa substance sa principale concurrente.

3.3.3.1 Aux termes de l'art. 4 let. c LCD, agit de façon déloyale celui qui incite des travailleurs, mandataires ou auxiliaires à trahir ou à surprendre des secrets de fabrication ou d'affaires de leur employeur ou mandant.

Au sens de la LCD, le secret recouvre tout fait qui n'est objectivement ni notoire ni facilement accessible et dont un commerçant a un intérêt légitime à conserver l'exclusivité pour lui-même. Les secrets d'affaires concernent les éléments importants pour l'organisation et l'activité d'une entreprise, susceptibles d'influer sur son chiffre d'affaires, comme par exemple les listes des clients et fournisseurs, les données relatives au calcul des prix et des salaires, etc. (Morin/Oppliger, op cit., n° 33 à 35 ad art. 4 LCD).

L'art. 4 let. c LCD désigne la partie soumise à l'incitation comme un travailleur, un mandataire ou un autre auxiliaire. Il indique ainsi qu'elle doit respecter à l'égard de son co-contractant une obligation de garder le secret. Cette obligation peut avoir été expressément prévue dans le contrat. A défaut, elle peut résulter de la loi, ou se déduire de la nature du contrat en cause (Morin/Oppliger, op. cit., n. 37 ad art. 4 LCD).

Le débauchage de travailleurs - qui n'est pas déloyal en soi - ne tombe pas sous le coup de l'art. 4 LCD (Morin/Oppliger, op. cit, n. 14 ad art. 4 LCD); même la reprise systématique d'équipes de travail entières n'est pas déloyale si les travailleurs dénoncent leur contrat en bonne et due forme (arrêt de la Cour de justice ACJC/823/2017 du 30 juin 2017 consid. 2.1). En revanche, le débauchage d'employés peut constituer un acte de concurrence déloyale au sens de la clause générale de l'art. 2 LCD, lorsque le perturbateur intervient dans le but d'exploiter l'expérience acquise par un concurrent ou de nuire à sa position sur le marché en le privant de son personnel ou lorsque le débauchage s'accompagne d'une incitation à violer le contrat de travail existant, par exemple une clause de prohibition de concurrence (Morin/Oppliger, op. cit., n. 14 ad art. 4 LCD).

3.3.3.2 En l'espèce, les démissions des employés ayant intégré la citée sont intervenues en bonne et due forme. Tous les employés démissionnaires n'ont pas rejoint cette dernière. A ce stade de la procédure, rien ne permet de tenir pour vraisemblable que la citée aurait débauché des employés dans le but d'exploiter l'expérience acquise par la requérante ou de lui nuire. En l'état, la thèse des employés ayant souhaité suivre un ancien collaborateur dans le but de nouvelles ou meilleures perspectives et conditions de travail apparaît plus vraisemblable.

3.4 Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, la requérante n'a pas rendu vraisemblable l'existence d'un acte de concurrence déloyale de la part de la citée.

Par ailleurs, A______ SA - qui se prévaut d'atteintes continues depuis janvier 2023 - a attendu jusqu'au début du mois de juin 2023 pour agir et en demander la cessation, de sorte qu'elle ne saurait se prévaloir d'une urgence à obtenir le prononcé de mesures provisionnelles.

Partant, sa requête de mesures provisionnelles sera rejetée.

4. La requérante, qui succombe - hormis de manière accessoire sur les mesures d'instruction requises par sa partie adverse -, supportera les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr. (art. 95 al. 1 et 2, 96, 104 al. 1, 105, 106 al. 1 et 3 CPC, art. 19 LaCC, art. 13 et 26 RTFMC), entièrement couverts par l'avance de frais effectuée par elle à hauteur de 36'000 fr., avance qui demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). Le solde de l'avance ne lui sera pas restitué compte tenu de la poursuite de la procédure.

La requérante sera en outre condamnée à verser à la citée la somme de 6'000 fr. à titre de dépens, débours et TVA compris, au regard de l'activité déployée par le conseil de cette dernière (art. 95, 104 al. 1, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC, art. 20, 25, 26 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 84, 85 et 88 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant en instance cantonale unique :


A la forme
:

Déclare recevable la requête de mesures provisionnelles formée le 2 juin 2023 par A______ SA.

Déclare recevable la requête de suspension de la procédure et d'apport de procédures prud'homales formée le 7 août 2023 par B______ TRUSTEES SA.

Sur mesures provisionnelles, sur suspension de la procédure et sur apport de procédures :

Rejette la requête de mesures provisionnelles formée le 2 juin 2023.

Rejette la requête de suspension de la procédure et d'apport de procédures prud'homales formée le 7 août 2023.

Réserve la suite de la procédure.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 10'000 fr., les met à la charge d'A______ SA et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat à due concurrence.

Condamne A______ SA à verser la somme de 6'000 fr. à titre de dépens en faveur de B______ TRUSTEES SA.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.