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Décisions | Chambre civile

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C/18821/2022

ACJC/1206/2023 du 19.09.2023 sur OTPI/136/2023 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18821/2022 ACJC/1206/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 19 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, p.a. Etablissement fermé B______, ______, appelant d'une ordonnance rendue par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 février 2023, comparant par Me Mattia DEBERTI, avocat, NOMEA Avocats SA, avenue de la Roseraie 76A, 1205 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Matthieu GISIN, avocat, Renold Gabus-Thorens Associé(e)s, boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/136/2023 du 21 février 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre de la procédure de divorce entre C______ et A______, a constaté que les époux vivaient séparés depuis le 8 avril 2022 (ch. 1 du dispositif), attribué à C______ la jouissance exclusive du logement familial (ch. 2), ainsi que la garde des enfants D______, E______ et F______ (ch. 3), réservé en l’état le droit aux relations personnelles des enfants avec A______ aux recommandations à émettre en la matière par le Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale (ch. 4), dit en tant que de besoin que les allocations familiales devaient être versées en mains de C______ (ch. 5), condamné A______ à verser à C______, par mois et d’avance, à compter du 1er juin 2023, allocations familiales non comprises, les montants de 405 fr. pour l’entretien de D______, 430 fr. pour celui de E______ et 305 fr. pour celui de F______ (ch. 6), condamné en tant que de besoin C______ à prendre à sa charge les frais de loisirs et d’autres activités extra-scolaires des enfants (ch. 7), condamné les parties à prendre chacune à sa charge par moitié le montant des frais médicaux non remboursés, y compris les frais de soins dentaires non pris en charge (ch. 8), donné acte aux parties du fait qu’elles renonçaient à se réclamer une contribution pour leur propre entretien (ch. 9), réservé le sort des frais à la décision finale (ch. 10) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11).

B. a. Par acte expédié le 10 mars 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de cette ordonnance, reçue le 28 février 2023. Il a conclu à l'annulation du chiffre 6 de son dispositif et, cela fait, à ce qu'il soit constaté que l'entretien convenable des enfants s'élevait respectivement, allocations familiales non comprises, à 405 fr. pour D______, 430 fr. pour E______ et 305 fr. pour F______, et que sa situation financière ne lui permettait pas, en l'état, de contribuer à l'entretien des enfants, les frais et dépens devant être compensés vu la qualité des parties.

b. Dans sa réponse du 11 avril 2023, C______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties ont produit des pièces nouvelles.

e. Elles ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 22 mai 2023.

 

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. C______, née le ______ 1982, et A______, né le ______ 1982, se sont mariés le ______ 2009 à Genève.

Ils sont les parents de D______, né le ______ 2014, de E______, née le ______ 2016, et de F______, né le ______ 2018.

b. Prévenu de différentes infractions d’ordre sexuel commises sur des enfants, y compris les siens, A______, qui a reconnu une partie des faits qui lui sont reprochés, se trouve en détention provisoire depuis le 8 avril 2022.

Depuis lors, C______ assume seule la garde des enfants.

c. Par acte expédié le 29 septembre 2022 au Tribunal, C______ a formé une demande en divorce.

d. Le 19 décembre 2022, elle a sollicité le prononcé de mesures provisionnelles. S’agissant des points encore litigieux en appel, elle a conclu à ce que A______ soit condamné à lui verser, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, dès le 1er juillet 2022, au titre de contribution à l’entretien des enfants, les montants correspondant à leur entretien convenable, soit 730 fr. jusqu’au 31 décembre 2024, puis 930 fr. dès le 1er janvier 2025, pour D______, 665 fr. pour E______ et 420 fr. jusqu’au 31 décembre 2024, puis 545 fr. dès le 1er janvier 2025 pour F______, lesdits montants devant être indexés, et les frais exceptionnels des enfants devant être partagés par moitié entre les parties.

e. Lors de l’audience du 10 janvier 2023 du Tribunal, C______ a persisté dans ses conclusions, précisant que le dies a quo du versement des contributions d’entretien pouvait être porté au 1er août 2022.

A______ a conclu à ce que l’entretien convenable des enfants soit fixé respectivement à 419 fr. 33 pour D______, 461 fr. 71 pour E______ et 316 fr. 71 pour F______ et à ce que C______ soit déboutée de ses conclusions en versement de contributions d’entretien, les frais judiciaires devant être partagés par moitié entre les parties.

A______ a indiqué être sans revenu dès lors que son ancien employeur ne lui avait versé son salaire que jusqu’en juin 2022. Il a expliqué que son père lui avait donné un chalet en Valais mais que celui-ci en avait l’usufruit et qu’il l’utilisait comme résidence secondaire.

A l’issue de l’audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles.

D. Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu que l’entretien convenable de D______ s’élevait à 404 fr. 89 par mois, arrondi à 405 fr., comprenant sa participation au loyer maternel (125 fr.), les primes d’assurance-maladie de base (104 fr. 50) et complémentaires (11 fr. 55), les frais parascolaires (32 fr. 55) et de cantine scolaire (42 fr. 29) ainsi que son entretien de base selon les normes OP (400 fr.), sous déduction des allocations familiales (311 fr.).

L’entretien convenable de E______ s’élevait à 429 fr. 97 par mois, arrondi à 430 fr., comprenant sa participation au loyer maternel (125 fr.), les primes d’assurance-maladie de base (104 fr. 50) et complémentaires (12 fr. 80), la prime d’assurance dentaire (26 fr.), les frais parascolaires (30 fr. 38) et de cantine scolaire (42 fr. 29) ainsi que son entretien de base selon les normes OP (400 fr.), sous déduction des allocations familiales (311 fr.).

L’entretien convenable de F______ s’élevait à 303 fr. 97, arrondi à 305 fr., par mois comprenant sa participation au loyer maternel (125 fr.), les primes d’assurance-maladie de base (104 fr. 50) et complémentaires (12 fr. 80), les frais parascolaires (30 fr. 38) et de cantine scolaire (42 fr. 29) ainsi que son entretien de base selon les normes OP (400 fr.), sous déduction des allocations familiales (411 fr.).

Les revenus de C______ s'étaient élevés à 3'836 fr. 05 nets jusqu'au mois d'août 2022 et étaient de 4'947 fr. 90 depuis lors. Ses charges mensuelles s’élevaient à 3'754 fr. 28 comprenant sa part de loyer (562 fr. 42), la prime d’assurance-maladie de base (470 fr. 40), les frais médicaux non remboursés (28 fr. 97), les frais de transport (261 fr. 79), les acomptes d’impôts (1'084 fr. 10) et l’entretien de base selon les normes OP (1'350 fr.).

Aucun revenu hypothétique ne pouvait être imputé à A______ compte tenu de sa détention. En revanche, aucun motif impérieux ne l’empêchait de mettre en location le bien immobilier situé en Valais de manière à dégager des revenus à consacrer à l’entretien de la famille. Compte tenu des éléments qui lui ont été soumis par les parties, le Tribunal a considéré que c’était un montant de 2'000 fr. par mois, éventuels frais d’entretien déduits, qui pouvait être obtenu de la mise sur le marché dudit bien immobilier, un délai de trois mois pour dégager ce revenu paraissant suffisant. A______ n’avait fourni aucune indication s’agissant de ses charges, notamment le montant de sa prime d’assurance-maladie dont il n’y avait donc pas lieu de tenir compte. Après paiement des charges des enfants (405 fr. + 430 fr. + 305 fr.), il lui resterait toutefois un montant de plus de 1'500 fr. ce qui permettrait de couvrir son entretien de base arrêté à 600 fr. (50% de 1'200 fr.) compte tenu de son incarcération.

E. a. C______ est maîtresse d’enseignement général au sein de G______. Elle a travaillé à 50% pour un salaire mensuel net de 3'836 fr. par mois jusqu'au mois d'août 2022 et son taux d'activité est de 63% depuis le mois de septembre 2022, sa rémunération étant alors de 4'947 fr. 90 nets, versés 13 fois l'an.

b. Sa prime d'assurance-maladie de base s'élevait à 322 fr. en 2022 et à 470 fr. en 2023 et ses frais médicaux non couverts étaient de 29 fr. par mois en moyenne en 2022.

c. L'ancien employeur de A______ lui a versé son dernier salaire au mois de juin 2022.

A______ travaille depuis le 9 décembre 2022 à l’établissement fermé B______. A ce titre, il a perçu un salaire de 162 fr. 50 en décembre 2022, 256 fr. 25 en janvier 2023, 450 fr. en février 2023 et 450 fr. en mars 2023.

d. La prime d’assurance-maladie de base de A______ s’élève à 506 fr. 10 et ses frais médicaux non remboursés se sont élevés à 98 fr. 25 par mois en moyenne en 2022.

e. Les primes d'assurance-maladie de base des enfants étaient de 95 fr. 85 en 2022 et de 104 fr. 50 en 2023.

En 2022, leurs frais médicaux non remboursés se sont élevés, par mois en moyenne, à 10 fr. pour D______ et E______, frais dentaires compris, et à 25 fr. pour F______.

f. Le 27 février 2021, H______ a donné à son fils, A______, au titre d’avancement d’hoirie, la propriété d’un bien immobilier sis à I______ (Valais).

g. Me J______, notaire à K______ (Valais) a été mandaté le 25 juillet 2022 par A______ pour constituer un usufruit en faveur de son père sur le bien immobilier susmentionné. A cet effet, il a dressé un projet d’acte.

Par ordonnance du 2 septembre 2022, le Ministère public a ordonné le séquestre du chalet et fait inscrire une restriction du droit d’aliéner cet immeuble.

Ce séquestre a été levé par arrêt du 7 novembre 2022 de la Chambre pénale de recours, de sorte que l’usufruit, qui n’avait pas pu être inscrit compte tenu du séquestre, a finalement été inscrit au Registre foncier le 4 avril 2023.

h. Selon l'arrêt de la Chambre pénale de recours du 7 novembre 2022, au 1er juin 2022, A______ détenait pour plus de 100'000 fr. de liquidités, comptes bancaires et 3ème pilier compris. Il était en outre co-titulaire avec C______ du domicile conjugal et de comptes présentant un solde positif de plus de 80'000 fr.

En janvier 2022, le compte 3ème pilier de A______ présentait un solde de 55'575 fr.

Au 1er janvier 2023, ses comptes bancaires personnels présentaient des soldes de 26'608 fr. pour son compte privé et de 28'867 fr. pour son compte épargne.

Le 30 septembre 2022, le compte dépôt [auprès de la banque] L______ [n°] 1______ des époux présentait un solde de 40'300 fr., leur portefeuille auprès de M______ était de 48'808 fr. et leur compte courant auprès de L______ était créditeur de 3'997 fr.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

Savoir si l’affaire est de nature patrimoniale dépend des conclusions de l’appel. Si tel est le cas, la valeur décisive pour l’appel est celle des conclusions qui étaient litigieuses immédiatement avant la communication de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 5D_13/2017 du 4 décembre 2017 consid. 5.2 ; Tappy, CR CPC, 2019, n. 64 ad art. 91 CPC ; Baston Bulletti, PC CPC, 2020, n. 6 ad art. 308 CPC).

En l'espèce, compte tenu des montants contestés devant la Cour s’agissant des contributions d’entretien, la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte (art. 92 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Déposé en temps utile et dans la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 143 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

Sont également recevables la réponse de l'intimée (art. 314 al. 1 CPC) ainsi que, conformément au droit inconditionnel de réplique, les déterminations spontanées et les pièces déposées postérieurement par les parties en tant que celles-ci s'y prononcent sur leurs écritures respectives (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1) et que la cause n'avait pas encore été gardée à juger.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 ; 138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.4 Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

1.5 Les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables aux questions concernant les enfants mineurs (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 CPC), ce qui a pour conséquence que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC), ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_841/2018, 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles en appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et avec la diligence requise (let. b).

Dans les causes de droit de la famille concernant les enfants mineurs, où les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent, tous les novas sont admis, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1), et ce jusqu'aux délibérations, lesquelles débutent dès que l'autorité d'appel a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger (ATF 142 III 413 consid. 2.2.5 et 2.2.6 in JdT 2017 II p. 153 ss; arrêt du Tribunal fédéral 5A_364/2020 du 14 juin 2021 consid. 8.1).

2.2 En l'espèce, les nouvelles pièces produites par les parties devant la Cour sont recevables, ainsi que les faits qui s'y rapportent, dès lors qu'elles sont en relation avec les contributions d'entretiens dues aux enfants mineurs et ont été déposées avant que la Cour n'informe les parties de ce que la cause était gardée à juger.

3. L’appelant reproche au Tribunal d’avoir considéré qu’il pouvait tirer un revenu de la location du bien immobilier dont il est propriétaire en Valais alors que son père en est l’ayant-droit économique et l’usufruitier.

3.1.1 Saisi d'une demande en divorce (art. 274 CPC), le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, en appliquant par analogie les dispositions régissant la protection de l'union conjugale (art. 276 al. 1 CPC).

Selon l'art. 276 CC, applicable par renvoi de l'art. 176 al. 1 ch. 3 CC, l'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (al. 1); les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (al. 2).

En vertu de l'art. 285 CC, la contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources de ses père et mère (al. 1).

3.1.2 Selon la méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille fixée par le Tribunal fédéral (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 293 et 147 III 301), soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes), il convient, d'une part, de déterminer les moyens financiers à disposition, à savoir les revenus effectifs (revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance) ou hypothétiques et, d'autre part, de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable, qui n'est pas une valeur fixe, mais dépend des besoins concrets et des moyens à disposition). Les ressources à disposition sont ensuite réparties entre les différents membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille. Enfin, l'éventuel excédent est réparti par "grandes et petites têtes", soit à raison de deux parts par adulte et d'une part par enfant mineur, ou de manière équitable en fonction de la situation concrète, en tenant compte de toutes les circonstances entourant la prise en charge de l'enfant et des particularités du cas d'espèce (ATF 147 III 265 consid. 7, 7.2 et 7.3).

La fixation de la contribution d'entretien relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4; 128 III 411 consid. 3.2.2).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 précité consid. 7.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

3.1.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties (ATF 137 III 118 consid. 2.3; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_876/2016 du 19 juin 2017 consid. 3.1.2).

Dans la mesure où ce revenu ne suffit pas à couvrir les besoins avérés, un revenu hypothétique peut être imputé, conformément à la jurisprudence applicable à toutes les affaires matrimoniales, pour autant qu'il soit raisonnable et possible de l'obtenir. Il s'agit de deux conditions qui doivent être remplies de manière cumulative. Pour qu'un revenu soit pris en compte ou pour qu'un revenu plus élevé que celui effectivement réalisé soit pris en compte, il ne suffit pas que l'on puisse exiger de la partie concernée qu'elle fasse des efforts supplémentaires. Il faut qu'il soit également possible d'obtenir un revenu plus élevé sur la base de ces efforts. En ce qui concerne le revenu hypothétique, la question juridique est de savoir quelle activité doit être acceptée comme raisonnablement exigible, alors que la question de fait est de savoir si l'exercice de l'activité reconnue comme raisonnablement exigible est possible et si le revenu supposé est effectivement réalisable ("Einkommen effektiv erzielbar ist") (ATF 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_36/2023 du 5 juillet 2023 consid. 4.5.2)

Lorsque le débirentier diminue son revenu de manière "malveillante", soit qu'il le diminue volontairement alors qu'il savait, ou devait savoir, qu'il lui incombait d'assumer des obligations d'entretien, il n'est pas arbitraire de lui imputer le revenu qu'il gagnait précédemment, ce avec effet rétroactif au jour de la diminution (ATF 143 III 233 consid. 3 traduit à la SJ 2018 I 89 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_553/2020 du 16 février 2021 consid. 5.2.1 et les nombreux arrêts cités).

3.1.4 Le revenu de la fortune, notamment le revenu locatif, est pris en considération au même titre que le revenu de l'activité lucrative et, lorsque la fortune ne produit aucun ou qu'un faible rendement, il peut être tenu compte d'un revenu hypothétique (ATF 117 II 16 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_730/2020 du 21 juin 2021 consid. 5.1.3).

3.1.5 Si les revenus (du travail et de la fortune) suffisent à l'entretien des conjoints, la substance de la fortune n'est normalement pas prise en considération. Mais, dans le cas contraire, rien ne s'oppose, en principe, à ce que l'entretien soit assuré par la fortune, le cas échéant même par les biens propres (ATF 147 III 393 consid. 6.1.1 et les arrêts cités). Savoir si et dans quelle mesure il peut être exigé du débirentier qu'il entame sa fortune pour assurer l'entretien courant doit être apprécié au regard des circonstances concrètes. Sont notamment d'une importance significative le standard de vie antérieur, lequel peut éventuellement devoir être diminué, l'importance de la fortune et la durée pendant laquelle il est nécessaire de recourir à celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 5A_608/2019 du 16 janvier 2020 consid. 4.2.1 et les références). Pour respecter le principe d'égalité entre les époux, on ne saurait exiger d'un conjoint qu'il entame sa fortune que si on impose à l'autre d'en faire autant, à moins qu'il n'en soit dépourvu (ATF 147 III 393 consid. 6.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_608/2019 précité).

3.1.6 L’usufruit est la servitude qui confère à l’usufruitier, sauf disposition contraire, la jouissance complète d’une chose ou d’un droit (art. 745 al. 2 CC).

L’usufruitier a un droit d’usage et de jouissance sur la chose (art. 755 al. 1 CC). En tant que droit réel, l’usufruit a la priorité sur le droit de propriété du nu-propriétaire. Cela implique que le nu-propriétaire ne doit pas gêner l’usufruitier dans l’exercice de son droit (Farine Fabbro, CR CC II, 2016, n. 2 ad art. 755 CC). L’usufruitier a également le droit de gérer la chose (art. 755 al. 2 CC).

Compte tenu de ces droits, l’usufruitier a le droit de louer tout ou partie d’un immeuble et d’en conserver les loyers. La créance de revenus naît dans la personne de l’usufruitier dès le début de l’usufruit et pendant toute la durée de celui-ci, par le seul effet de son droit réel. Une cession spéciale de la créance de revenus n’est pas nécessaire (Farine Fabbro, op. cit., n. 15 ad art. 755 CC et n. 7 ad art. 757 CC).

3.1.7 Les besoins des parties sont calculés en partant du minimum vital au sens du droit des poursuites (art. 93 LP). Celui-ci comprend le montant de base fixé par les normes d'insaisissabilité (NI 2023, RS/GE E 3 60.04). Sont inclus dans ce montant les frais pour l’alimentation, les vêtements et le linge, y compris leur entretien, les soins corporels et de santé, l’entretien du logement, les assurances privées, les frais culturels ainsi que les dépenses pour l’éclairage, le courant électrique ou le gaz pour la cuisine, etc. S’ajoutent audit montant différents frais supplémentaires, à savoir les frais de logement effectifs ou raisonnables (y compris les charges et les frais de chauffage), les coûts de santé, tels que les primes d'assurance-maladie obligatoire, les frais de transports publics et les frais professionnels (ATF 147 III 265 consid. 7.2; Leuba/Meier/Papaux Van Delden, Droit du divorce, 2021, p. 310 à 314).

Lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille, lequel comprend notamment les primes d'assurance-maladie complémentaires et les acomptes d'impôts (ATF 147 III 265 consid. 7.2).

3.2.1 En l’espèce, l'intimée fait valoir que le dernier revenu de l’appelant peut lui être imputé. Elle se réfère en cela à une décision rendue par le Tribunal d’arrondissement de La Côte le 2 novembre 2020 (cité par Stoudmann in Le divorce en pratique, 2021, p. 72) dans laquelle le juge a retenu que dès lors que l'incapacité du débiteur à réaliser des revenus était due à ses agissement fautifs, il se justifiait de lui imputer un revenu identique à celui qu'il réalisait jusqu'à sa mise en détention. Or, cette décision reposait sur des faits différents du cas présent. Dans la jurisprudence citée, des mesures de substitution avaient été ordonnées, en lieu et place de la détention provisoire, et le juge ayant ordonné la libération sous condition de l'époux, avait averti ce dernier qu'en se soustrayant à l'une des mesures de substitution, il pourrait être immédiatement remis en détention provisoire. Par la suite, l'époux avait été remis en détention pour s'être soustrait aux mesures de substitution. Le Tribunal avait alors considéré qu'il avait volontairement renoncé à ses revenus. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, l'appelant n'a pas anticipé son arrestation et qu'il perdrait de ce fait son emploi. Il ne peut dont être retenu qu'il a volontairement renoncé à ses revenus.

Par conséquent, il ne peut être imputé un revenu hypothétique à l'appelant puisqu'un tel revenu n'est pas effectivement réalisable, compte tenu du fait qu'il est incarcéré pour une durée encore indéterminée. Il ne peut donc être exiger de lui de retrouver un emploi, autre que celui qui peut lui être proposé en prison.

De son activité au sein de la prison, l’appelant tire actuellement un revenu de 450 fr. par mois. On ne peut toutefois retenir que cette activité lui sera assurée à long terme.

Compte tenu des documents produits en appel, les charges mensuelles de l’appelant peuvent être arrêtées à 386 fr., arrondies à 400 fr., comprenant la prime d’assurance-maladie de base, subside déduit (506 fr. – 320 fr.), les frais médicaux non couverts (100 fr.) et une somme lui permettant d’acquérir des fournitures à l’épicerie de la prison (100 fr.). L’intimée considère que les frais médicaux non couverts de l’appelant de doivent pas être pris en considération dès lors que ceux des enfants ne l’ont pas été non plus. Ces frais, établis par pièces, doivent toutefois être pris en considération s’agissant de frais de santé dont il est tenu compte dans le minimum vital du droit des poursuites. Ils ont d'ailleurs été pris en compte chez l'intimée et le seront ci-après pour les enfants.

Par conséquent, les revenus de l'appelant tirés de son activité au sein de la prison ne lui permettent pas de contribuer à l'entretien de ses enfants.

3.2.2 C’est à juste titre que l’appelant reproche au Tribunal d’avoir retenu qu’il pouvait tirer des revenus locatifs du bien immobilier dont il est propriétaire en Valais. En effet, lorsque le Tribunal a pris sa décision, le bien immobilier était sous séquestre pénal de sorte que l’appelant ne pouvait en disposer.

Depuis que le séquestre a été levé, un usufruit a été inscrit au Registre foncier en faveur du père de l’appelant de sorte que ce dernier, nu-propriétaire, n’est plus juridiquement en droit d’en percevoir d’éventuels loyers. On ne saurait ainsi imputer à l'appelant un revenu locatif hypothétique, dès lors qu'il lui est juridiquement impossible de mettre le bien en location.

3.2.3 Enfin, les revenus de l'intimée lui permettant de couvrir les charges des enfants, il ne se justifierait pas, en principe, de contraindre l'appelant à puiser dans ses économies pour couvrir les frais de ces derniers. En effet, en 2022, l'intimée a réalisé un salaire mensuel net moyen de 4'557 fr. ((3'836 fr. x 8 mois + 4'947 fr. 90 x 4 mois) / 12 x 13 / 12) et ses charges étaient de 2'522 fr. 30 (3'754 fr. 28 – 148 fr. – 1'084 fr.) dès lors que sa prime d'assurance-maladie de base était de 148 fr. (470 fr. – 322 fr.) moins élevée en 2022 et du fait qu'il ne doit pas être tenu compte des impôts. En effet, compte tenu de la situation financière des parties, leurs charges doivent être limitées au minimum vital du droit des poursuites. En tout état, il est vraisemblable que l'appelante ne devra pas s'acquitter d'impôts. Il restait ainsi à l'intimée un solde de 2'025 fr. (4'557 fr. – 2'522 fr.) par mois lui permettant de couvrir les frais des enfants. Depuis le 1er janvier 2023, le solde de l'intimée est de 2'690 fr. ((4'947 fr. 90 x 13 / 12) – (3'754 fr. 28 – 1'084 fr.)).

Cela étant, il paraît inéquitable de faire supporter à l'intimée l'ensemble des frais des enfants en plus de leur prise en charge effective, alors que l'appelant a volontairement renoncé à un revenu en constituant un usufruit sur son bien immobilier, et ce sans contrepartie de l'usufruitier, alors qu'il savait devoir contribuer à l'entretien de ses enfants.

Compte tenu de l'ampleur de la fortune de l'appelant, dont les liquidités immédiatement disponibles étaient de plus de 50'000 fr. au 1er janvier 2023, il s'avère équitable, sur mesures provisionnelles, de faire participer l'appelant à l'entretien des enfants au moyen de la substance de sa fortune.

3.2.4 Compte tenu du fait que les charges des membres de la famille sont limitées au minimum vital du droit des poursuites, les primes d'assurance-maladie complémentaires des enfants doivent être écartées. L'entretien convenable de D______ s'élève ainsi à 403 fr. 45 (405 fr. retenu par le Tribunal + 10 fr. de frais médicaux non couverts – 11 fr. 55 de prime d'assurance-maladie complémentaire), celui de E______ à 427 fr. 20 pour E______ (430 fr. + 10 fr. – 12 fr. 80) et celui de F______ à 317 fr. 20 (305 fr. + 25 fr. – 12 fr. 80), soit un montant total de 1'147 fr. 85

3.3 Le Tribunal ayant condamné l'appelant à verser des contributions mensuelles à l'entretien de ses enfants à hauteur de 405 fr. pour D______, 430 fr. pour E______ et 305 fr. pour F______, soit un montant total de 1'140 fr., et l'intimée ayant conclu à la confirmation de la décision querellée, ces montants seront confirmés.

Compte tenu de ce qui précède, le chiffre 6 du dispositif de l’ordonnance querellée sera confirmé.

4. 4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Dans l'ordonnance entreprise, le Tribunal a renvoyé sa décision sur les frais des mesures provisionnelles à la décision finale en application de l'art. 104 al. 3 CPC. Il n'y a pas lieu de revoir ce point, que les parties n'ont pas remis en cause en appel.

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 96, 104 al. 1 et 105 al. 1 CPC; art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance de 800 fr. versée par l'appelant, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'appelant sera condamné à verser 1'200 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 mars 2023 par A______ contre l’ordonnance OTPI/136/2023 rendue le 21 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18821/2022.

Au fond :

Confirme cette ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'000 fr., les met à la charge A______ et les compense à due concurrence avec l'avance versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence A______ à verser 1'200 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit que chaque partie assume ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l’art. 98 LTF.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.