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Décisions | Chambre civile

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C/20930/2021

ACJC/1100/2023 du 29.08.2023 sur JTPI/4290/2023 ( SDF ) , MODIFIE

Normes : CC.176; CC.276; CC.285
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20930/2021 ACJC/1100/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 29 AOÛT 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 avril 2023, comparant par Me Rachel DUC, avocate, Interdroit avocat-e-s Sàrl, boulevard de Saint-Georges 72, case postale, 1211 Genève 8, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Madame C______, ______, intimé, comparant par Me Guillaume DE CANDOLLE, avocat, de Candolle Avocats, place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4290/2023 du 17 avril 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux A______ et B______ à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), attribué à A______ la garde sur l'enfant D______ (ch. 2), réservé à B______ un droit de visite devant s'exercer, à défaut d'accord contraire des parties, à raison d'une fois par semaine, pour une sortie à la journée, en modalité "passage" au Point Rencontre avec un temps de battement de 15 minutes avant et après la visite (ch. 3), instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 4 et 7), donnant au curateur mission de veiller au bon déroulement des visites et d'évaluer, avec l'accord des parties, l'élargissement de celles-ci hors du passage par le Point Rencontre (ch. 5), dit que les frais de curatelle seraient mis par moitié à la charge des parents (ch. 6), fait interdiction à B______ de s'approcher de A______ et de son domicile à moins de 200 mètres sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP (ch. 8), donné acte à B______, l'y condamnant en tant que de besoin, et condamné A______, à limiter leur communication réciproque aux questions qui concernent l'enfant et ce uniquement au moyen du courriel électronique, sauf en cas d'urgence concernant D______, auquel cas ils seraient autorisés à prendre contact téléphoniquement (ch. 9 et 10), dispensé, en l'état, B______ de contribuer à l'entretien de l'enfant (ch. 11), dit que l'entretien convenable de D______ s'élevait sur la base de ses frais effectifs, allocations familiales déjà déduites, à 3'270 fr. par mois (ch. 12), dit que les allocations familiales relatives à D______ étaient acquises à A______ pour l'entretien du mineur (ch. 13), donné acte aux parties de leur engagement de prendre en charge par moitié les frais extraordinaires de D______ moyennant accord préalable sur ceux-ci (ch. 14), prononcé la séparation de biens des parties (ch. 15), prononcé ces mesures pour une durée indéterminée (ch. 16), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., répartis par moitié entre les parties (ch. 17), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 18), condamné les parties à respecter et exécuter les dispositions de la décision (ch. 19) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 20).

B. a. Par acte expédié le 27 avril 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement, qu'elle a reçu le 18 avril 2023. Elle a conclu à l'annulation des chiffres 11 et 20 de son dispositif et, cela fait, à ce que B______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, 3'270 fr. dès le 10 juin 2021 à titre de contribution à l'entretien de l'enfant D______, ainsi que, par mois et d'avance, 2'220 fr. à titre de contribution à son propre entretien, sous suite de frais judicaires et dépens.

Elle a produit une pièce nouvelle.

b. Dans sa réponse du 15 mai 2023, B______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 1er juin 2023.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, née le ______ 1996, et B______, né le ______ 1985, tous deux ressortissants kosovars, se sont mariés le ______ 2017 au Kosovo.

Ils sont les parents de D______, né le ______ 2020.

b. Les parties vivent séparées depuis le 10 juin 2021, date à laquelle B______ a été mis en détention provisoire suite à une plainte déposée par son épouse pour violences conjugales, menaces et injures.

Après sa libération, B______ s'est installé dans un premier temps chez sa mère, puis chez son frère. Actuellement, il vit à nouveau chez sa mère.

Restée au domicile conjugal, A______ a ensuite été hébergée dans un foyer d'accueil avec l'enfant, puis a successivement déménagé avant de prendre à bail un appartement de trois pièces dans lequel elle vit actuellement.

c. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 novembre 2021, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, complétée le 20 décembre 2021.

d. S'agissant des points encore litigieux en appel, A______ a conclu en dernier lieu à ce que B______ soit condamné à lui verser une contribution à l'entretien de D______ de 477 fr. par mois, ce montant correspondant à l'entretien convenable de l'enfant, allocations familiales déduites, à compter du 10 juin 2021, et à ce qu'une somme de 2'220 fr. lui soit versée à titre de contribution à son propre entretien.

B______ s'est opposé au versement de toute contribution.

D. Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu que l'entretien convenable de l'enfant D______ pouvait être arrêté à 3'270 fr. par mois comprenant ses coûts directs – soit la participation au loyer maternel (315 fr.) et son entretien de base selon les normes OP (400 fr.), sous déduction des allocations familiales (311 fr.), la prime de son assurance-maladie de base étant entièrement couverte par le subside – ainsi que 2'866 fr. de contribution de prise en charge correspondant aux charges de sa mère, qui ne travaillait pas afin de prendre soin personnellement de l'enfant qui n'était pas encore scolarisé – soit la part du loyer (1'258 fr.), la prime d'assurance-maladie de base, subside déduit (188 fr.), les frais de transport (70 fr.) et l'entretien de base selon les normes OP (1'350 fr.).

Selon les décomptes de prestations de l'Hospice général, B______ percevait des prestations de l'ordre de 1'200 fr. par mois afin de lui permettre de couvrir ses besoins vitaux dont son entretien de base (986 fr. pour une personne seule), étant précisé que sa prime d'assurance-maladie de 197 fr., subside déduit, était réglée directement auprès de son assureur.

B______ n'était pas en mesure de contribuer à l'entretien de son enfant et de son épouse dès lors que l'activité lucrative d'indépendant qu'il venait d'initier, dans le domaine de la pose de carrelage, de faïence, de joints ciment et silicone, ne lui permettrait pas de dégager, dans un avenir proche, un revenu dépassant la couverture de son propre minimum vital. Il était également prématuré de lui imputer un revenu hypothétique, B______ devant être encouragé dans ses efforts pour retrouver une capacité de gain et ainsi faire face à ses obligations d'entretien. Compte tenu de l'absence d'information disponible s'agissant de l'évolution de la situation professionnelle du débiteur d'aliments depuis son installation comme indépendant, mais aussi de sa situation personnelle notamment en ce qui concernait ses possibilités - voire sa volonté - de prendre en location un logement, il n'apparaissait pas non plus raisonnable de tenter de faire de pronostic quant au délai raisonnable dans lequel il pouvait être attendu du cité de retrouver une pleine capacité de gain, ni estimer ses charges futures. Cela étant, le Tribunal a rendu B______ attentif au fait qu'il était attendu de lui qu'il s'investisse pleinement en vue d'acquérir rapidement un revenu suffisant tiré de son activité indépendante, quitte à abandonner cette voie et assumer un métier moins qualifié et prétendre, à tout le moins, au revenu minimum de base genevois.

E. B______ est arrivé en Suisse à l'âge de 13 ans.

Il n'a produit aucun document permettant d'établir quelle formation il a suivi après sa scolarité obligatoire, ni quel a été son parcours professionnel jusqu'à ce jour.

Il résulte toutefois du rapport médical rendu par son psychiatre le 3 novembre 2021 que B______ lui aurait indiqué avoir, après son école obligatoire effectuée à Genève, entamé une formation de carreleur, abandonnée peu après. Par la suite, il aurait travaillé dans plusieurs occupations jusqu'au début de la pandémie de COVID-19 dans le contexte de laquelle il aurait perdu son travail, de chauffeur-livreur selon le rapport du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale. Il aurait ensuite perçu des indemnités de l'assurance-chômage avant de bénéficier de l'aide de l'Hospice général. Il n'aurait pas trouvé de travail en raison de ses connaissances de la langue française limitées.

La famille est aidée par l'Hospice général depuis le mois de mars 2020.

B______ souffrait d'un problème à l'épaule dont il a depuis été opéré, ce qui lui a occasionné une incapacité de travail entre octobre 2021 et mars 2022.

En juillet 2022, avec l'aide de l'Hospice général, il a effectué des démarches pour créer son entreprise dans le domaine du bâtiment. Le ______ 2022, il a inscrit l'entreprise individuelle "E______" au Registre du commerce, active dans la pose de carrelage, de faïences, joints ciment et silicone.

Par courrier du 14 octobre 2022, l'Hospice général a informé B______, qu'à titre tout à fait exceptionnel, une aide financière limitée à six mois lui serait octroyée afin de lui permettre de décider de la poursuite de son activité indépendante ou de son abandon, et de prendre des dispositions en conséquence.

Lors de l'audience du Tribunal du 22 novembre 2022, B______ a allégué avoir d'ores et déjà adressé une facture à plusieurs clients pour quelques milliers de francs.

Devant la Cour, B______ a allégué qu'il lui fallait plus de six mois pour espérer que son activité lui permette de subvenir à ses propres besoins avant d'être, à terme, capable de subvenir aux besoins de sa famille.

Hormis l'inscription de son entreprise individuelle au Registre du commerce, B______ n'a produit aucun document relatif à son activité indépendante.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Savoir si l’affaire est de nature patrimoniale dépend des conclusions de l’appel. Si tel est le cas, la valeur décisive pour l’appel est celle des conclusions qui étaient litigieuses immédiatement avant la communication de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 5D_13/2017 du 4 décembre 2017 consid. 5.2 ; Tappy, CR CPC, 2019, n. 64 ad art. 91 CPC ; Bastons Bulletti, PC CPC, 2020, n. 6 ad art. 308 CPC).

En l'espèce, en appel le litige porte sur les contributions d'entretien dues à l'épouse et à l'enfant, soit une question de nature patrimoniale, qui, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, conduit à une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours dès la notification du jugement (art. 142 al. 1, art. 143 al. 1, art. 271 lit. a et art. 314 al. 1 CPC), suivant la forme écrite prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

Il en va de même de la réponse de l’intimé (art. 314 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.4 Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

1.5 Les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables aux questions concernant les enfants mineurs (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 CPC), ce qui a pour conséquence que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC), ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_841/2018, 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

En tant qu'elle porte sur la question de la contribution à l'entretien de l'épouse, la cause est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire limitée (art. 55 al. 2, 277 et 272 CPC).

2. L'appelante a déposé une pièce nouvelle devant la Cour.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Dans les causes de droit de la famille concernant les enfants mineurs, où les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent, tous les novas sont admis, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1), et ce jusqu'aux délibérations, lesquelles débutent dès que l'autorité d'appel a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger (ATF 142 III 413 consid. 2.2.5 et 2.2.6 in JdT 2017 II p. 153 ss; arrêt du Tribunal fédéral 5A_364/2020 du 14 juin 2021 consid. 8.1).

2.2 En l'espèce, la pièce nouvelle produite par l'appelante devant la Cour est recevable, ainsi que les faits qui s'y rapportent, dès lors qu'elle est en relation avec la contribution d'entretien due à l'enfant mineur et qu'elle a été déposée avant que la Cour n'informe les parties de ce que la cause était gardée à juger.

3. L'appelante a amplifié ses conclusions concernant la contribution à l'entretien de l'enfant D______.

3.1 Selon l'art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b).

L'art. 227 al. 1 CPC autorise la modification de la demande si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et présente un lien de connexité avec la dernière prétention ou, à défaut d'un tel lien, si la partie adverse consent à la modification de la demande.

3.2 En l'espèce, l'amplification de la conclusion ne repose ni sur des faits ni sur des moyens de preuve nouveaux, raison pour laquelle elle doit être déclarée irrecevable en tant qu'elle excède le montant de 477 fr. articulé en dernier lieu en première instance. Toutefois, la contribution à l'entretien de l'enfant mineur D______ étant soumise à la maxime d'office (cf. 1.4), la Cour n'est pas limitée par les conclusions des parties, de sorte que l'irrecevabilité des conclusions nouvelles ne porte pas à conséquence.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'aucun revenu ne pouvait être imputé à l'intimé dès lors qu'il venait de débuter une activité d'indépendant. Elle fait valoir qu'un revenu hypothétique de carreleur salarié – soit le métier qu'il exerce à titre d'indépendant – peut être imputé à celui-ci.

L'intimé fait valoir que tel ne peut être le cas, dès lors qu'il ne dispose d'aucune formation achevée dans ce domaine, ni d'expérience professionnelle en la matière.

4.1.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge fixe, sur requête, la contribution d'entretien à verser à un époux si la suspension de la vie commune est fondée. Lorsqu'il y a des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires, d'après les dispositions sur les effets de la filiation (art. 176 al. 3 CC).

L'obligation d'entretien envers un enfant mineur prime les autres obligations d'entretien du droit de la famille (art. 276a al. 1 CC)

4.1.2 Selon l'art. 276 CC (applicable par renvoi de l'art. 176 al. 1 ch. 3 CC), l'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (al. 1); les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (al. 2).

En vertu de l'art. 285 CC, la contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère (al. 1 CC). Aux termes de l'art. 285 al. 2 CC, la contribution d'entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l'enfant par les parents et les tiers. Aux frais directs générés par l'enfant viennent donc s'ajouter les coûts indirects de sa prise en charge, ce qui implique de garantir économiquement parlant que le parent qui assure la prise en charge puisse subvenir à ses propres besoins tout en s'occupant de l'enfant (ATF 144 III 377 consid. 7.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2021 du 29 août 2022 consid. 4.1). Si les moyens financiers sont limités, la contribution de prise en charge doit être déterminée sur la base du minimum vital du droit des poursuites du parent gardien (ATF 147 III 265 consid. 7.2; 144 III 377 consid. 7.1.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2021 du 29 août 2022 consid. 4.1).

4.1.3 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due au conjoint selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux.

Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur la reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux en mesures protectrices de l'union conjugale, comme il l'est aussi en mesures provisionnelles prononcées pour la durée de la procédure de divorce (ATF 137 III 385 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_954/2017 du 29 janvier 2018 consid. 6.2).

4.1.4 Selon la méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille fixée par le Tribunal fédéral (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 293 et 147 III 301), soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes), il convient, d'une part, de déterminer les moyens financiers à disposition, à savoir les revenus effectifs (revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance) ou hypothétiques et, d'autre part, de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable, qui n'est pas une valeur fixe, mais dépend des besoins concrets et des moyens à disposition). Les ressources à disposition sont ensuite réparties entre les différents membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille. Enfin, l'éventuel excédent est réparti par "grandes et petites têtes" entre les membres de la famille ou de manière équitable en fonction de la situation concrète, en tenant compte de toutes les circonstances entourant la prise en charge de l'enfant et des particularités du cas d'espèce (ATF 147 III 265 consid. 7, 7.2 et 7.3).

La fixation de la contribution d'entretien relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4; 128 III 411 consid. 3.2.2).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 précité consid. 7.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

En cas de garde exclusive attribuée à l'un des parents, la charge financière de l'enfant est en principe assumée entièrement par l'autre parent, la prise en charge en nature équivalant à la prise en charge financière (ATF 147 III 265 consid. 5.5; 135 III 66 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_870/2020 du 7 mai 2021 consid. 4.3; 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3), sauf lorsque le parent exerçant la garde dispose de capacités financièrement manifestement plus importantes que l’autre parent (ATF 147 III 265 consid. 5.5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_549/2019 du 18 mars 2021 consid. 3.4).

4.1.5 Le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_963/2018 du 23 mai 2019 consid. 3.3.3).

S'agissant de l'obligation d'entretien d'un enfant mineur, les exigences à l'égard des père et mère sont plus élevées, en sorte que ceux-ci doivent réellement épuiser leur capacité maximale de travail et ne peuvent pas librement choisir de modifier leurs conditions de vie si cela a une influence sur leur capacité de subvenir aux besoins de l'enfant (ATF 137 III 118 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_514/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1.2).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé; il s'agit d'une question de droit. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail; il s'agit là d'une question de fait (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1026/2021 du 27  janvier 2022 consid. 4.1; 5A_1046/2018 du 3 mai 2019 consid. 4.3).

Pour arrêter le montant du salaire, le juge peut se baser sur l'enquête suisse sur la structure des salaires, réalisée par l'Office fédéral de la statistique, ou sur d'autres sources, notamment le calculateur de salaire du SECO (ATF 137 III 118 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_514/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1.2; 5A_435/2019 du 19 décembre 2019 consid. 4.1.2).

L'on est désormais en droit d'attendre du parent se consacrant à la prise en charge de l'enfant qu'il recommence à travailler, en principe, à 50 % dès l'entrée du plus jeune enfant à l'école obligatoire, à 80 % à partir du moment où celui-ci débute le degré secondaire, et à 100 % dès la fin de sa seizième année. Ces lignes directrices ne sont toutefois pas des règles strictes et leur application dépend du cas concret; le juge du fait en tient compte dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 144 III 481 consid. 4.7.6 et 4.7.9; arrêt du Tribunal fédéral 5A_608/2019 du 16 janvier 2020 consid. 4.1.1).

Si le juge entend exiger d'un époux la prise ou la reprise d'une activité lucrative, ou encore l'extension de celle-ci, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation; ce délai doit être fixé en fonction des circonstances du cas particulier (ATF 129 III 417 consid. 2.2; 114 II 13 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_192/2021 du 18 novembre 2021; 5A_484/2020 du 16 février 2021 consid. 5.1; 5A_534/2019 du 31 janvier 2020 consid. 4.1). Selon les cas, le juge peut même n'accorder aucun délai d'adaptation notamment lorsque les changements étaient prévisibles pour la partie concernée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_685/2018 du 15 mai 2019 consid. 5.1).

4.2.1 En l’espèce, s’il est vraisemblable que l’intimé a pu être empêché de trouver un emploi en raison de son problème de santé à l’épaule, ce dernier a toutefois été résolu, dès lors qu'il a subi une opération à la fin de l’année 2021 et que son médecin a attesté qu’il était capable de travailler dès le mois de mars 2022. En outre, dans le cadre de la présente procédure, l’intimé n’a pas allégué que des problèmes de santé l’empêcheraient d’exercer une activité lucrative, ou limiteraient les domaines dans lesquels il pourrait travailler. Il travaille d'ailleurs actuellement comme carreleur, ce qui nécessite une bonne santé physique.

L’intimé n’a pas prouvé avoir recherché sans succès un emploi de salarié depuis qu’il est de nouveau apte à travailler. Certes, il dit avoir débuté une activité indépendante. Hormis l’inscription de son entreprise individuelle au Registre du commerce, l’intimé n’a toutefois pas rendu vraisemblable avoir effectivement débuté une telle activité de manière sérieuse. Il n’a, en effet, produit aucun document relatif à son entreprise permettant d’établir qu’il en tire des revenus, alors qu’il dit avoir commencé à travailler comme indépendant au mois d’octobre 2022, soit il y a plus de six mois. Cela étant, même en considérant que l’intimé travaille effectivement de manière sérieuse, il n’est pas conforme au droit de considérer qu’il peut continuer d’exercer une activité indépendante peu rémunératrice, plutôt qu’une activité salariée lui permettant de percevoir des revenus supérieurs. Il doit donc être attendu de l’intimé qu’il trouve un emploi de salarié afin de satisfaire à ses obligations d’entretien. Il n'est, en outre, pas rendu vraisemblable que l'intimé, qui a effectué toute sa scolarité obligatoire à Genève, maîtriserait si mal le français qu'un emploi de livreur ou de carreleur lui soit refusé.

Même à retenir que l’intimé ne disposerait, comme il le soutient, d’aucune formation, outre le fait qu'il a travaillé comme chauffeur-livreur, il peut être admis qu'il dispose de connaissances suffisantes en matière de pose de carrelage et de faïences, puisqu’il a créé une entreprise individuelle dans ce domaine, ce qui présuppose qu'il a les qualifications nécessaires à l'exercice de cette activité. Sur la base du calculateur de salaires en ligne Salarium, calculateur statistique de salaires 2020, un homme de la région lémanique, âgé de 38 ans, ayant uniquement achevé l’école obligatoire, sans formation, ni expérience professionnelle, exerçant le métier de carreleur, sans fonction cadre, à raison de 40 heures par semaine, perçoit un salaire mensuel brut moyen de 5'500 fr., soit un salaire mensuel net de 4'840 fr. compte tenu de 12% de charges sociales. Un chauffeur-livreur remplissant les mêmes caractéristiques réalise un salaire mensuel brut de l’ordre de 5'400 fr. Par ailleurs, selon le calculateur de l’Union syndicale suisse, un aide-carreleur ayant terminé sa scolarité obligatoire, sans formation ni fonction cadre, réalise un salaire mensuel brut de l’ordre de 5'600 fr. par mois, 13ème salaire compris. Par conséquent, il peut être attendu de l’appelant qu’il réalise un salaire mensuel net de l’ordre de 4'800 fr. par mois, d'ici le 1er janvier 2024, dès lors qu’il s’agit d’une activité pour laquelle il n’est pas avéré qu’il existerait des difficultés à retrouver un emploi.

Dès lors que l'intimé loge chez sa mère, en précisant même pouvoir y recevoir son enfant, et qu'il n'a pas allégué être à la recherche d’un logement, les charges de l'intimé peuvent être arrêtées à 1'467 fr. comprenant sa prime d'assurance-maladie de base, subside déduit (197 fr.), ses frais de transport (70 fr.) et son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.).

L’intimé dispose ainsi d’un solde mensuel de 3'333 fr. (4'800 fr. – 1'467 fr.).

4.2.2 Les charges de l'enfant D______ et de l'appelante, telles qu'arrêtées par le premier juge, ne sont pas critiquées en appel, et c'est à bon droit que le Tribunal a arrêté l'entretien convenable de l'enfant à 3'270 fr., dont 2'866 fr. de contribution de prise en charge. Si l'intimée est actuellement dans l'impossibilité de travailler, dès lors qu'elle prend en charge l'enfant qui n'est pas encore scolarisé, elle doit néanmoins être consciente qu'il peut être attendu d'elle qu'elle recherche une activité lucrative, à tout le moins à temps partiel, dès que l'enfant débutera l'école.

4.2.3 Dès lors que l’appelante a la garde exclusive de l'enfant et qu'elle en prend soin au quotidien, il appartient à l’intimé de prendre en charge la totalité des frais d'entretien de l'enfant.

Par conséquent, l’intimé sera condamné à verser à l’appelante une contribution à l’entretien de l’enfant, comprenant une contribution de prise en charge, de 3'270 fr. par mois. Compte tenu de son solde mensuel de 3'333 fr., le paiement de cette contribution ne portera pas atteinte au minimum vital de l'intimé.

Le dies a quo du versement de cette contribution d’entretien sera fixé au 1er janvier 2024, compte tenu du délai accordé à l’intimé pour trouver un emploi de salarié.

Dès lors que les charges de l’appelante seront couvertes par la contribution de prise en charge, l’appelante sera déboutée de ses conclusions en versement d’une somme supplémentaire à titre de contribution à son entretien.

Par conséquent, le chiffre 11 du dispositif du jugement sera annulé et il sera statué dans le sens de ce qui précède.

5. 5.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'espèce, ni la quotité ni la répartition des frais et dépens de première instance n'ont été valablement remises en cause en appel et ceux-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales (art. 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC; art. 31 RTFMC). Compte tenu de la nature familiale du litige, la modification du jugement attaqué ne justifie pas que la répartition des frais soit revue. Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

5.2 Les frais judicaires d'appel, arrêtés à 800 fr. (art. 31 et 37 RTFMC), seront mis à la charge de chaque partie par moitié, compte tenu de la nature familiale du litige (art. 107 al. 1 let c. CPC).

Les deux parties plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, ces frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 CPC.

Chaque partie supportera ses propres dépens d'appel, vu la nature familiale du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 avril 2023 par A______ contre le jugement JTPI/4290/2023 rendu le 17 avril 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20930/2021.

Au fond :

Annule le chiffre 11 de son dispositif.

Et statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ à verser à A______, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, 3’270 fr. à titre de contribution à l’entretien de l’enfant D______, dès le 1er janvier 2024.

Confirme le jugement pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 800 fr., les met à la charge de A______ à concurrence de 400 fr. et de B______ à concurrence de 400 fr.

Dit que les frais judiciaires seront provisoirement supportés par l’Etat de Genève.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l’art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.