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Décisions | Chambre civile

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C/2114/2021

ACJC/1025/2023 du 08.08.2023 sur JTPI/2497/2023 ( SDF ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 13.09.2023, rendu le 02.04.2024, CONFIRME, 5A_684/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2114/2021 ACJC/1025/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 8 AOÙT 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié p.a. B______ SA, ______, appelant d'un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 février 2023, comparant par Me Samir DJAZIRI, avocat, Djaziri & Nuzzo, rue Leschot 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Dominique BAVAREL, avocat, Collectif de défense, boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2497/2023 du 23 février 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles, a constaté que les époux C______ et A______ avaient le droit de vivre séparés (ch. 2 du dispositif), attribué à C______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (ch. 3), maintenu l'autorité parentale conjointe sur les enfants D______, E______ et F______ (ch. 4), attribué la garde des enfants à C______ (ch. 5), réservé à A______ un droit de visite sur ses enfants devant s'exercer, sauf accord contraire entre les parents et le/la curateur/trice, un week-end sur deux, du vendredi après l'école au dimanche 18h00, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, dont au maximum deux semaines consécutives (ch. 6), maintenu les curatelles d'assistance éducative et d'organisation et de surveillance des relations personnelles mises en place (ch. 7 et 8), condamné A______ à payer en mains de C______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, dès le prononcé du jugement, 1'170 fr. au titre de contribution à l'entretien de l'enfant D______ (ch. 9), 1'170 fr. au titre de contribution à l'entretien de l'enfant E______ (ch. 10), 750 fr. au titre de contribution à l'entretien de l'enfant F______ (ch. 11), 4'300 fr. au titre de contribution à l'entretien de C______ (ch. 12), arrêté les frais judiciaires à 2'500 fr., qu'il a mis à charge des parties pour une moitié chacune, compensé les dépens (ch. 13 à 16) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 17). Il a préalablement déclaré recevable la pièce 38 déposée par C______ (ch. 1).

B. a. Par acte expédié le 9 mars 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement, qu'il a reçu le 27 février 2023. Il a conclu à l'annulation des chiffres 9 à 12 et 17 de son dispositif et, cela fait, à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement de prendre en charge les frais effectifs des enfants, hors contribution de prise en charge, ainsi que 30% du loyer de C______ à titre de participation au paiement du loyer pour les enfants, soit un montant de 880 fr. 60, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a préalablement requis l'octroi de l'effet suspensif à l'appel.

b. Par arrêt du 31 mars 2023, la Cour a rejeté la requête formée par A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du jugement et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt rendu sur le fond.

c. Dans sa réponse du 3 avril 2023, C______ a conclu au rejet de l'appel et au partage des frais judiciaires par moitié.

C______ a produit des pièces nouvelles.

d. Par avis du 21 avril 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. C______, née le ______ 1976, de nationalité tunisienne, et A______, né le ______ 1959, de nationalité suisse, se sont mariés le ______ 2009 à G______ (Tunisie).

Ils sont les parents de D______, né le ______ 2010, de E______, né le ______ 2011, et de F______, né le ______ 2017, tous trois de nationalité suisse.

A______ est également le père de deux enfants majeurs, H______, née le ______ 1992, et I______, née le ______ 1998, issues de précédentes unions.

b. Le 22 juin 2020, A______ a entamé une procédure de divorce devant les autorités tunisiennes, laquelle est toujours pendante.

c. Par acte déposé le 5 février 2021 devant le Tribunal, C______ a sollicité le prononcé de mesures provisionnelles concluant à ce que les parties soient autorisées à vivre séparées, à l'attribution en sa faveur de la jouissance du logement conjugal, à la fixation des droits parentaux et des contributions dues à l'entretien des enfants D______, E______ et F______ et à l'octroi d'une contribution d'entretien en sa faveur.

d. Lors de l’audience du 11 novembre 2021 du Tribunal, les parties se sont accordées, le temps de la procédure, sur le fait que A______ continue de s’acquitter du loyer de l’appartement conjugal, des frais des enfants (activités, parascolaire, etc.) ainsi que des primes d’assurance-maladie de la famille et verse, en sus, à C______, 1'500 fr. en juin 2021, 3'500 fr. en juillet 2021 ainsi que le coût des billets d’avion pour la Tunisie, 1'500 fr. en août 2021 et 2'500 fr. à compter du mois de septembre 2021, C______ devant s’acquitter avec ces montants de ses frais courants et de ceux des enfants (nourriture, habits, téléphone, électricité, etc.).

e. Dans son rapport d’évaluation sociale du 14 décembre 2021, le Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP) a préconisé de maintenir l’autorité parentale conjointe, d’accorder la garde de fait des enfants à C______ – compte tenu du défaut de collaboration du père avec le réseau des enfants et du manque de cadre et de limites qui ressortait de son modèle éducatif – et de réserver à A______ un droit de visite d’un week-end sur deux et durant la moitié des vacances scolaires. Il a également considéré que les curatelles d’assistance éducative ainsi que d’organisation et de surveillance du droit de visite devaient être maintenues.

Il résulte notamment de ce rapport que les divergences éducatives et les conflits qui compromettaient déjà la parentalité des époux du temps de la vie commune affectaient encore leur coparentalité, avec des conséquences délétères pour les enfants. L’enfant E______ avait été placé en foyer pendant une année, avant de pouvoir retourner au domicile maternel. Les deux autres enfants, D______ et F______, étaient également affectés par la dynamique familiale, pouvant développer à terme des signes de souffrance importants.

f. C______ a conclu en dernier lieu, s’agissant des conclusions encore litigieuses en appel, à ce que A______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, en tenant compte d'une contribution de prise en charge, 2'400 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant D______, 2'380 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant E______, 2'140 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant F______, ainsi que 1'120 fr. pour son propre entretien. Dans l'hypothèse où le Tribunal ne retiendrait pas la contribution de prise en charge, elle a conclu à ce que A______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, 1'180 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant D______, 1'140 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant E______, 900 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant F______, ainsi que 4'830 fr. pour son propre entretien.

g. Dans ses dernières conclusions, A______ a conclu, sur ces mêmes points, à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'engageait à prendre en charge les frais effectifs des enfants, hors contribution de prise en charge, et à verser 30% du loyer de C______ à titre de participation au paiement du loyer pour les enfants, soit un montant de 880 fr. 60. Il a également conclu à l'irrecevabilité de la pièce 38 déposée par C______ – soit le relevé d’un de ses comptes bancaires – au motif que dite pièce lui aurait probablement été dérobée lors du cambriolage de ses locaux professionnels.

h. A l'issue de l'audience du 11 novembre 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions et le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. Dans la décision querellée, le Tribunal s'est déclaré compétent pour statuer sur le sort des enfants domiciliés en Suisse et pour prononcer des mesures provisionnelles (art. 10 LDIP) compte tenu de la procédure de divorce pendante devant les autorités tunisiennes.

S'agissant des points encore litigieux en appel, le Tribunal a retenu que les charges de chacun des enfants, calculées selon le minimum vital du droit de la famille, comprenant notamment leur part au loyer maternel (366 fr. 90, soit 1/3 de 40% de 2'752 fr.), hors contribution de prise en charge, étaient de 1'005 fr. 95 pour les enfants D______ et E______ et de 586 fr. 95 pour l’enfant F______.

C______ ne disposait d'aucun revenu et il n'avait pas été rendu vraisemblable qu'elle disposerait d'une quelconque fortune. Agée de 46 ans et n'ayant apparemment jamais travaillé, C______ s'était, conformément à l'accord des époux, occupée de la prise en charge des enfants, laquelle était encore particulièrement lourde puisqu'elle concernait trois enfants, dont plusieurs présentaient des difficultés du comportement importantes. Il était ainsi exclu de lui imputer un revenu hypothétique sur mesures provisionnelles. Ses charges mensuelles s'élevaient à 3'965 fr. 50.

La situation financière de A______ était demeurée opaque malgré le fait que son attention ait été attirée sur son obligation de collaborer à l'administration des preuves et qu'un refus injustifié de collaborer serait pris en compte lors de l'appréciation de celles-ci. A______ ne s'était pas totalement conformé à l'injonction de produire les relevés de ses comptes bancaires en Suisse et en Tunisie du 1er janvier 2020 au 31 mai 2022. Il n’avait notamment pas produit de relevé bancaire d’où ressortait le versement de son salaire. En outre, les fiches et certificats de salaires versés par A______ n'étaient pas crédibles, son salaire apparaissant suspicieusement bas eu égard, tant au chiffre d'affaires qu'aux charges de personnel de B______ SA. S'il ressortait de la procédure que ce dernier avait des problèmes de santé, rien ne permettait de déduire qu'il était dans l'incapacité de travailler. Le Tribunal a ainsi considéré que A______ réalisait un revenu mensuel de 11'440 fr., eu égard aux indications figurant dans son avis de taxation ICC 2018. Il ressortait, en outre, de la pièce 38 déposée par C______, qui était recevable dès lors qu'il n'avait pas été prouvé que l'obtention de cette pièce serait liée à un cambriolage, et qu'en tout état A______ aurait dû produire spontanément, qu'il disposait d'un compte épargne [auprès de la banque] J______ n° 1______ qui présentait un solde créditeur de 528'732 fr. fin avril 2020, dont il n'avait pas prouvé la clôture. Ses charges mensuelles s'élevaient à 3'695 fr. 05.

A______ étant le seul conjoint à posséder une capacité contributive, il lui appartenait de subvenir à l'entretien convenable de ses enfants et de son épouse en couvrant leurs déficits respectifs et en les faisant participer à son excédent selon une répartition par grandes têtes (337 fr., 2/7ème de 1'180 fr. par parent) et petites têtes (168 fr., 1/7ème de 1'180 fr. par enfant). A______ devait ainsi verser les montants arrondis de 4'300 fr. (3'965 fr. 50 + 337 fr.) à son épouse, 1'170 fr. (1'005 fr. 95 + 168 fr.) en faveur des enfants D______ et E______ et 750 fr. (586 fr. 95 + 168 fr.) en faveur de l'enfant F______.

Le Tribunal a encore relevé que, quand bien même les revenus de A______ auraient été modestes, il lui aurait de toute façon incombé de subvenir à l'entier de l'entretien convenable de son épouse et de ses enfants, cas échéant en puisant dans son importante fortune personnelle.

Comme les parties avaient trouvé un accord s’agissant de l’entretien pour le temps de la procédure, il n’y avait pas lieu de faire rétroagir le versement des contributions d’entretien, ces dernières étant dues dès le prononcé du jugement.

E. a. A______ est l’administrateur unique avec signature individuelle de B______ SA.

Salarié de sa propre société, A______ a perçu, selon les fiches de salaire qu’il a lui-même établies, un salaire brut de 12'000 fr. par mois jusqu’en mars 2020 et de 4'150 fr., versés 13 fois l’an, depuis le mois d'avril 2020. Selon le certificat de salaire 2021 qu'il a établi, il a perçu un salaire mensuel net moyen de 3'874 fr. (46'439 fr. / 12). Selon ses fiches de salaire, son salaire brut a été de 5’187 fr. 50 en mars 2022 et à nouveau de 4'150 fr. en avril et mai 2022.

b. En 2019, B______ SA a réalisé un chiffre d’affaires de 1'892'629 fr. pour une charge salariale de 1'007'662 fr. Son bénéfice net a été de 124'964 fr., le bénéfice reporté étant de 1'482'786 fr.

En 2020, la société a réalisé un chiffre d’affaires de 1'556'840 fr. pour une charge salariale de 1'017'010 fr. (sous déduction des RHT covid de 74'404 fr.) et des prestations de tiers pour 145'564 fr. Elle a subi une perte de 56'672 fr., de sorte que son bénéfice reporté a diminué pour s'établir à 1'426'113 fr.

En 2021, la société a réalisé un chiffre d’affaires de 2'125'301 fr. pour une charge salariale de 1'008'527 fr. et des prestations de tiers de 315'613 fr. Son bénéfice ayant été de 1'782 fr., son bénéfice reporté était de 1'427'896 fr.

c. A______ est également l’associé gérant pour 190 parts, au côté de B______ SA pour 10 parts, de B______/2______ Sàrl, et l’associé gérant président et unique détenteur du capital social de K______ Sàrl.

B______/2______ Sàrl n’a développé aucune activité entre 2018 et ce jour, et K______ Sàrl n’a réalisé aucun chiffre d’affaires depuis 2018, celui-ci étant alors de 1'777 fr.

d. A______ est titulaire auprès de [la banque] J______ d’un compte personnel (3______) qui présentait un solde de 9'729 fr. 38 au 31 décembre 2020 et de 9'923 fr. 29 au 31 décembre 2022. Hormis les allocations familiales, ce compte a été crédité d’un montant de 20'000 fr. le 13 février 2020, de 50'000 fr. le 11 décembre 2020, de 30'000 fr. le 9 mars 2021.

Il est également titulaire d’un compte auprès de [la banque] L______ (4______) qui présentait un solde de 11'244 fr. au 30 avril 2021.

Il possède aussi un compte épargne auprès de J______ (1______) qui présentait un solde de 528'733 fr. au 30 avril 2020.

e. Selon la taxation fiscale des parties pour 2018, A______ a réalisé un revenu annuel net de 137’270 fr. (156’000 fr. – 12’648 fr. de cotisations sociales – 6’082 fr. de 2ème pilier), soit un revenu mensuel net moyen de 11’439 fr., 13ème salaire compris, et sa fortune mobilière était de 1'788’610 fr.

Selon la taxation fiscale des parties pour 2020, A______ a réalisé un revenu annuel net de 70'682 fr. (84’160 fr. – 7'402 fr. de cotisations sociales – 6'076 fr. de 2ème pilier), soit un revenu mensuel net moyen de 5'890 fr., 13ème salaire compris, et sa fortune mobilière était de 2'298'228 fr.

f. A______ a été pris en charge au service des urgences le 3 juin 2021 en raison d’une « baisse de l’état général », sans qu’un arrêt de travail ne lui ait été prescrit à l’issue de cette consultation.

Le 22 février 2022, il s’est vu prescrire divers médicaments par un médecin du Centre des allergies et de l’asthme.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

Savoir si l’affaire est de nature patrimoniale dépend des conclusions de l’appel. Si tel est le cas, la valeur décisive pour l’appel est celle des conclusions qui étaient litigieuses immédiatement avant la communication de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 5D_13/2017 du 4 décembre 2017 consid. 5.2 ; Tappy, CR CPC, 2019, n. 64 ad art. 91 CPC ; Bastons Bulletti, PC CPC, 2020, n. 6 ad art. 308 CPC).

En l'espèce, compte tenu des montants des contributions d'entretien contestés devant la Cour, la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte (art. 92 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Déposé en temps utile et dans la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 143 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

Il en va de même de la réponse de l’intimée (art. 314 al. 1 CPC).

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 ;
138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.4 Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

1.5 La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée dès lors qu'elle concerne les enfants mineurs des parties (art. 277 al. 3 et 296 al. 1 et al. 3 CPC), de sorte que la Cour n'est liée ni par les conclusions des parties sur ce point (art. 296 al. 3 CPC) ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

En tant qu'elle porte sur la contribution d'entretien en faveur de l'épouse, la procédure est soumise aux maximes inquisitoire (art. 272 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

2. L’intimée a produit des pièces nouvelles en appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et avec la diligence requise (let. b).

Dans les causes de droit de la famille concernant les enfants mineurs, où les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent, tous les novas sont admis, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies
(ATF 144 III 349 consid. 4.2.1), et ce jusqu'aux délibérations, lesquelles débutent dès que l'autorité d'appel a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger (ATF 142 III 413 consid. 2.2.5 et 2.2.6 in JdT 2017 II p. 153 ss; arrêt du Tribunal fédéral 5A_364/2020 du 14 juin 2021 consid. 8.1).

2.2 En l'espèce, les nouvelles pièces produites par l’intimée devant la Cour sont recevables, ainsi que les faits qui s'y rapportent, dès lors qu'elles sont en relation avec des questions touchant les enfants mineurs et ont été déposées avant que la Cour n'informe les parties de ce que la cause était gardée à juger.

3. L’appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir écarté la pièce 38 déposée par l’intimée.

3.1 Aux termes de l'art. 152 al. 2 CPC, le tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l'intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant.

Il n'appartient pas à celui qui l’a produit de démontrer la licéité de l'obtention dudit moyen de preuve mais à celui qui invoque l’illicéité d’en apporter la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 5A_643/2020 du 11 septembre 2020 consid. 4.3.2).

3.2 En l’espèce, l'appelant fonde le caractère illicite de la pièce 38 déposée par l'intimée sur la supposition que cette dernière l’aurait prétendument obtenue à la suite du cambriolage de son lieu de travail, puisque ladite pièce était adressée à son domicile professionnel. Il ne s'agit néanmoins que d'une hypothèse, que l’appelant n’a pas rendu vraisemblable.

Par conséquent, c’est à juste titre que le premier juge a considéré la pièce 38 déposée par l’intimée comme licite, et partant recevable.

4. La cause présente un élément d'extranéité en raison de la nationalité étrangère de l'intimée et de la procédure de divorce pendante devant les autorités tunisiennes.

Les parties ne contestent, à juste titre, pas la compétence des autorités judiciaires genevoises (art. 10 LDIP ; art. 5 al. 1 CLaH96) ni l'application du droit suisse (art. 62, 83 et 85 LDIP; art. 15 al. 1 CLaH96, art. 4 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires) au présent litige.

5. L’appelant reproche au Tribunal d’avoir surestimé ses revenus et de ne pas avoir imputé de revenu hypothétique à l’intimée.

5.1.1 Saisi d'une demande en divorce (art. 274 CPC), le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, en appliquant par analogie les dispositions régissant la protection de l'union conjugale (art. 276 al. 1 CPC).

Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge fixe, sur requête, la contribution d'entretien à verser à un époux si la suspension de la vie commune est fondée. Lorsqu'il y a des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires, d'après les dispositions sur les effets de la filiation (art. 176 al. 3 CC).

5.1.2 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due au conjoint selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux.

Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur la reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux en mesures protectrices de l'union conjugale, comme il l'est aussi en mesures provisionnelles prononcées pour la durée de la procédure de divorce (ATF 137 III 385 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_954/2017 du 29 janvier 2018 consid. 6.2).

5.1.3 Selon l'art. 276 CC (applicable par renvoi de l'art. 176 al. 1 ch. 3 CC), l'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (al. 1); les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (al. 2).

En vertu de l'art. 285 CC, la contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources de ses père et mère (al. 1). La contribution d'entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l'enfant par les parents et les tiers (al. 2). La contribution de prise en charge vise à compenser la perte ou la réduction de capacité de gain du parent qui s'occupe de l'enfant (ATF 144 III 377 consid. 7.1.2.2).

5.1.4 Selon la méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille fixée par le Tribunal fédéral (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 293 et 147 III 301), soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes), il convient, d'une part, de déterminer les moyens financiers à disposition, à savoir les revenus effectifs (revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance) ou hypothétiques et, d'autre part, de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable, qui n'est pas une valeur fixe, mais dépend des besoins concrets et des moyens à disposition). Les ressources à disposition sont ensuite réparties entre les différents membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille. Enfin, l'éventuel excédent - après retranchement de la part des revenus dévolue à l'épargne, qui ne participe pas à l'entretien de la famille - est réparti par "grandes et petites têtes", soit à raison de deux parts par adulte et d'une part par enfant mineur, ou de manière équitable en fonction de la situation concrète, en tenant compte de toutes les circonstances entourant la prise en charge de l'enfant et des particularités du cas d'espèce (ATF 147 III 265 consid. 7).

La fixation de la contribution d'entretien relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4; 128 III 411 consid. 3.2.2).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 précité consid. 7.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

5.1.5 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Toutefois, tant le débiteur d'entretien que le créancier peuvent se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_565/2022 du 27 avril 2023 consid. 3.1.1.2 et les arrêts cités).

Il peut être attendu du parent se consacrant à la prise en charge des enfants qu'il recommence à travailler, en principe, à 50% dès l'entrée du plus jeune enfant à l'école obligatoire, à 80% à partir du moment où celui-ci débute le degré secondaire, et à 100% dès la fin de sa seizième année (ATF 144 III 481 consid. 4.7.6). Ces lignes directrices ne sont pas des règles strictes. Leur application dépend du cas concret; le juge en tient compte dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 144 III 481 consid. 4.7.9; arrêts du Tribunal fédéral 5A_329/2019 du 25 octobre 2019 consid. 3.3.1.2; 5A_931/2017 du 1er novembre 2018 consid. 3.1.2). Peuvent également jouer un rôle des critères tels que le nombre d'enfants à charge ou les soins particuliers qu'ils exigent, en raison par exemple d'un handicap ou d'une maladie chronique (arrêt du Tribunal fédéral 5C.139/2005 du 28 juillet 2005 consid. 2.2 in FamPra.ch 2005 p. 895; Bastons Bulletti, L'entretien après le divorce: Méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II 77, p. 96).

5.1.6 Dans le calcul des besoins, le point de départ est le minimum vital du droit des poursuites, comprenant l'entretien de base selon les normes d'insaisissabilité (NI 2022, RS/GE E 3 60.04; l'entretien de base OP comprend, notamment, l'alimentation, les vêtements et le linge, ainsi que les soins corporels et de santé), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles, à savoir, pour l'enfant, les primes d'assurance-maladie obligatoire, les frais de formation, les frais médicaux non pris en charge par une assurance, une part des frais de logement du parent gardien et les frais de garde par des tiers (ATF 147 III 265 précité consid. 7.2). Dans la mesure où les moyens financiers le permettent, la contribution d'entretien doit être étendue au minimum vital du droit de la famille. Pour les parents, les postes suivants entrent généralement dans cette catégorie : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), les frais d'exercice du droit de visite, un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance-maladie complémentaires, ainsi que les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants. Chez les enfants, il peut être tenu compte, notamment, d'une part d'impôts, de la participation aux frais de logement effectifs supérieurs aux frais raisonnables de logement et des primes d'assurance-maladie complémentaire. En revanche, les frais de loisirs, de voyages et de vacances ne font pas partie du minimum vital du droit de la famille et sont financés par un éventuel excédent de ressources de la famille après couverture du minimum vital de tous ses membres (ATF 147 III 265 consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_583/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.1). La prise en compte de postes tels que les voyages ou les loisirs dans les charges de l'enfant équivaudrait à un mélange non admissible avec la méthode concrète en une étape (arrêt du Tribunal fédéral 5A_712/2021 consid. 6.1.2.2).

5.2.1 En l'espèce, la méthode de calcul suivie par le premier juge n'est pas contestée et est conforme aux principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus.

5.2.2 L’appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir imputé de revenu hypothétique à son épouse. Il se limite à faire valoir que cette dernière doit pouvoir trouver un emploi dès lors qu’elle n’a pas de problème de santé et qu’elle est âgée de 46 ans. Il ne conteste toutefois pas le jugement en tant qu’il a retenu, à juste titre, qu’il ne pouvait pas être exigé de l’intimée qu’elle retrouve actuellement un emploi, ne fusse qu’à temps partiel, que l’intimée doit être pleinement disponible pour assurer l’encadrement des trois enfants, dont certains présentent des difficultés importantes de comportement.

5.2.3 L’appelant reproche également au premier juge de ne pas avoir tenu compte du fait que B______ SA n’avait réalisé qu’un bénéfice de 1'782 fr. en 2021 et que les deux autres sociétés étaient inactives depuis plusieurs années.

Contrairement à ce que plaide l’appelant, l’activité de B______ SA n’est pas actuellement à la baisse. Si l’activité de la société a diminué en 2020 – vraisemblablement à cause de la pandémie – ce que prouve son chiffre d’affaires qui a baissé cette année-là, cette situation n’a été que passagère. En effet, en 2021 le chiffre d’affaires de B______ SA (2'125'301 fr.) a retrouvé son niveau de 2019 (1'892'629 fr.). En outre, la charge de personnel, d'environ 1 million de francs, n’a pas varié entre 2019 – où l’appelant admet qu'il se versait un salaire mensuel brut de 12'000 fr. – et les années subséquentes, où l’appelant prétend avoir divisé son salaire par trois. L’appelant n’a pas produit de contrat de travail et ses fiches de salaire ont été établies de sa main de sorte qu’elles n’ont pas de valeur probante ; ce que le premier juge a relevé et que l'appelant n'a pas contesté en appel, étant précisé qu’on ignore quels documents ont été remis à la société fiduciaire pour l’établissement des comptes annuels. C’est donc à juste titre que le premier juge s’est fondé sur le seul document ayant force probante, à savoir la déclaration d’impôts de 2018 établie avant la séparation des parties, étant retenu que la situation financière actuelle de l’entreprise – donc le bénéfice reporté, qui a absorbé les mauvais résultats des années 2020 et 2021, est encore d’environ 1,4 millions de francs – peut être comparée à celle prévalant avant la pandémie. En outre, il est vraisemblable qu’en 2018, les sociétés B______/2______ Sàrl et K______ Sàrl ne dégageaient déjà aucun, ou un très faible, bénéfice, de sorte que de tels revenus n'entraient pas dans la taxation 2018.

Par ailleurs, l’appelant n’a pas prouvé être en incapacité de travail, ses seules déclarations et la prise de médicaments étant insuffisantes à prouver un tel fait.

Compte tenu de ce qui précède, c’est à juste titre que le premier juge a retenu que le revenu mensuel net de l’appelant pouvait être arrêté à 11'440 fr. Ses revenus étant suffisants pour couvrir les besoins de sa famille, il n'est pas nécessaire d’examiner si la fortune personnelle de l'appelant doit être mise à contribution.

5.3 Compte tenu de ce qui précède, et du fait que l’appelant n’a pas critiqué les charges retenues par le premier juge pour les membres de la famille, étant relevé que la prise en compte de 40% du loyer maternel pour trois enfants n'est pas critiquable (ACJC/275/2023 du 23 février 2023 consid. 3.1.4, ACJC/1679/2022 du 20 décembre 2022 consid. 8.1.4 et les arrêts cantonaux cités ; Bastons Bulletti, L'entretien après le divorce: Méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II 77, p. 102), ni la manière dont l’excédent a été partagé, la décision querellée sera confirmée.

6. Les frais judiciaires d'appel, comprenant les frais relatifs à la décision rendue sur effet suspensif, seront fixés à 1’200 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l’appelant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils sont couverts par l'avance de frais opérée, laquelle demeure intégralement acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d’appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 9 mars 2023 par A______ contre le jugement JTPI/2497/2023 rendu le 23 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2114/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1’200 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de même montant fournie par ce dernier, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l’art. 98 LTF.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.