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Décisions | Chambre civile

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C/11543/2020

ACJC/926/2023 du 05.07.2023 sur ORTPI/630/2023 ( OO )

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11543/2020 ACJC/926/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 5 JUILLET 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[VD], recourant contre une ordonnance rendue par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 juin 2023, comparant par Me Romain JORDAN, avocat, MERKT & ASSOCIÉS, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

1) B______ SÀRL, sise ______[GE], intimée, comparant par Me Alexandre CAMOLETTI, avocat, AMORUSO & CAMOLETTI, rue Jean-Gabriel Eynard 6, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

2) Monsieur C______, domicilié en l'Étude CANONICA & ASSOCIES, rue François-Bellot 2, 1206 Genève, autre intimé, comparant par Me François CANONICA.

 


Vu, EN FAIT, la procédure C/11543/2020 en paiement initiée par B______ SARL à l'encontre de C______ et A______, pendante devant le Tribunal de première instance;

Que par courrier du 3 mars 2023, A______ a requis du Tribunal de prendre les mesures nécessaires compte tenu de la situation de carence dans laquelle se trouvait B______ SARL conformément à l'art. 731b al.1bis CO en nommant un commissaire à la précitée et a conclu à la suspension de la procédure jusqu'à nomination dudit commissaire;

Que C______ en a fait de même par courrier du 30 mars 2023;

Que les parties se sont déterminées sur ces conclusions;

Qu'à l'audience du Tribunal du 8 mai 2023, les parties se sont exprimées sur la question de la suspension de la procédure;

Qu'à l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur suspension;

Vu l'ordonnance ORTPI/630/2023 rendue le 2 juin 2023 par le Tribunal, refusant la suspension de la procédure et statuant sur les frais de la décision;

Que dans ses considérants, le Tribunal a retenu que B______ SARL disposait d'organes valablement inscrits au Registre du commerce exigés par la loi et les statuts; que D______ était associée gérante présidente disposant d'une signature individuelle, valablement élue; qu'aucune décision contraire n'était venue modifier cette qualité; que B______ SARL disposait par conséquent de la capacité d'ester en justice, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de suspendre la procédure;

Que par acte expédié le 15 juin 2023 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre cette ordonnance, sollicitant son annulation; qu'il a conclu à ce que la Cour ordonne la suspension de la présente procédure, sous suite frais;

Qu'il a préalablement conclu à la suspension du caractère exécutoire de la décision entreprise;

Que par déterminations du 3 juillet 2023, C______ a conclu à l'admission de la requête d'effet suspensif;

Que par déterminations du même jour, B______ SARL a conclu au rejet de ladite requête;

Que les parties ont été avisées par plis du 4 juillet 2023 de ce que la cause était gardée à juger sur effet suspensif;

Considérant, EN DROIT, qu'une décision de refus de suspension de la procédure est susceptible de recours immédiat stricto sensu, dans un délai de 10 jours (art. 321
al. 2 CPC), pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC), pour autant que le recourant soit menacé d'un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC);

Que la décision finale est celle qui met un terme à l'instance, qu'il s'agisse d'un prononcé sur le fond ou d'une décision reposant sur le droit de procédure;

Que la décision partielle est celle qui, sans terminer l'instance, règle définitivement le sort de certaines des prétentions en cause (art. 90 let. a LTF), ou termine l'instance seulement à l'égard de certaines des parties à la cause (art. 91 let. b LTF);

Que les décisions qui ne sont ni finales ni partielles d'après ces critères sont des décisions incidentes (ATF 141 III 395 consid. 2.2); qu'il s'agit notamment des prononcés par lesquels l'autorité règle préalablement et séparément une question juridique qui sera déterminante pour l'issue de la cause (ATF 142 III 653 
consid. 1.4; 142 II 20 consid. 1.2);

Que le juge rend une décision incidente lorsque l'instance de recours pourrait prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable (art. 237 al. 1 CPC);

Que la décision incidente est sujette à recours immédiat; qu'elle ne peut être attaquée ultérieurement dans le recours contre la décision finale (art. 237 al. 2 CPC);

Qu'une décision incidente selon l'art. 237 CPC ne déploie pas de façon générale d'effet de chose jugée, qui n'appartiendra qu'à la décision finale encore à intervenir dans le procès concerné; que cependant, le tribunal lui-même est lié par sa propre décision incidente et ne saurait la remettre en cause en rendant la décision finale (arrêt du Tribunal fédéral 4A_545/2014 du 10 avril 2015 consid. 2.1, in SJ 2015 I 381; Tappy, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 12
ad art. 237 CPC); Staehelin, Kommentar ZPO, n. 14 ad art. 237 CPC);

Que le recours ne suspend pas la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision entreprise, l'autorité de recours (soit la Cour de céans) pouvant suspendre le caractère exécutoire en ordonnant au besoin des mesures conservatoires ou le dépôt de sûretés (art. 325 CPC);

Que, saisie d'une demande de suspension de l'effet exécutoire, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1);

Qu'en la matière, l'instance d'appel dispose d'un large pouvoir d'appréciation
(ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_403/2015 du 28 août 2015 consid. 5; 5A_419/2014 du 9 octobre 2014 consid. 7.1.2);

Que, selon les principes généraux, l'autorité procède à une pesée des intérêts en présence et doit se demander, en particulier, si la décision est de nature à provoquer une situation irréversible; qu'elle prend également en considération les chances de succès du recours (arrêts du Tribunal fédéral 4A_337/2014 du 14 juillet 2014
consid. 3.1; 4D_30/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.3);

Que la notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF relatif aux recours dirigés contre des décisions préjudicielles ou incidentes, dès lors qu'elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu
(cf. ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 73; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 22
ad art. 319 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2485);

Que cela suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale qui lui serait favorable; un dommage économique ou de pur fait n'est
pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 138 III 333 consid. 1.3.1; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2); qu'ainsi, une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2017, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC);

Que l'effet suspensif ne peut être octroyé à un recours ayant pour objet une décision rejetant une demande (parmi d'autres : Grisel, Traité de droit administratif, vol. II, 1984, p. 923 et les arrêts cités; SJ 2015 II 29);

Qu'en effet, une décision négative ne déploie aucun effet susceptible d'être suspendu;

Qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée a refusé de suspendre la présente procédure; qu'ainsi, le recourant ne peut obtenir la suspension du caractère exécutoire d'une décision négative;

Que la demande d'effet suspensif est par conséquent sans objet s'agissant du recours formé contre la décision de refus de suspendre la procédure;

Qu'il convient toutefois d'interpréter les conclusions du recourant en ce sens qu'il requière le prononcé de mesures superprovisionnelles, au sens de l'art. 265 CPC, afin que la procédure de première instance ne suive pas son cours tant que la Cour n'aura pas tranché le recours pendant;

Que la capacité d'être partie et d'ester en justice constitue l'une des conditions de recevabilité d'une action (art. 59 al. 1 et al. 2 let. c CPC); que le défaut de capacité civile est relevé d'office, dès que le juge en a connaissance, et il peut survenir en cours de procès, par exemple lorsqu'une personne morale est radiée du Registre du commerce (Bohnet, CR CPC, 2019, n. 71 et 77 ad art. 59 CPC);

Que la personne morale a l'exercice des droits civils, à condition qu'elle possède les organes que la loi et les statuts exigent à cet effet (art. 54 CC); qu'elle exerce ses droits civils par l'intermédiaire de ses organes, qui expriment sa volonté à l'égard des tiers
(art. 55 al. 1 CC); qu'il y a lieu d'entendre par là les organes exécutifs, et non l'organe législatif ou l'organe de contrôle (ATF 141 III 80 consid. 1.3);

Que dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a considéré qu'une décision ne déniant pas à la société défenderesse la capacité d'ester en justice est susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, dès lors que la question de savoir si une autre personne ou d'autres personnes auraient pu également représenter la société ne pourra pratiquement pas être soulevée avec la décision finale (ATF 141 III 80 précité consid. 1.4);

Qu'en l'espèce, dans la décision querellée, le Tribunal a, d'une part, considéré, dans sa motivation, que la société intimée disposait de la capacité d'ester en justice, et, d'autre part, dans sa motivation et son dispositif, a refusé de suspendre la présente procédure;

Qu'en tant qu'elle semble, prima facie, régler définitivement la question de la capacité d'ester en justice de la société intimée, l'ordonnance est une décision incidente, susceptible d'un recours immédiat;

Que conformément à la jurisprudence rappelée ci-avant, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, une telle décision est susceptible de causer au recourant un préjudice difficilement réparable, voire irréparable;

Qu'il sera par conséquent ordonné, à titre superprovisionnel, au Tribunal de n'entreprendre aucun nouvel acte d'instruction jusqu'à droit jugé sur le recours;

Que la question des frais en relation avec la présente décision sera traitée dans la décision au fond.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,

La Chambre civile :

 

Statuant sur effet suspensif :

Dit que la requête d'effet suspensif est sans objet.

Statuant sur mesures superprovisionnelles :

Ordonne au Tribunal de n'entreprendre aucun acte d'instruction dans la présente procédure jusqu'à droit jugé définitif sur le recours.

Dit que les frais de la présente décision seront traités avec l'arrêt au fond.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente ad interim; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente ad interim :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours : 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'arrêt attaqué.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.