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Décisions | Chambre civile

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C/4995/2020

ACJC/873/2023 du 27.06.2023 sur JTPI/8318/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4995/2020 ACJC/873/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 27 JUIN 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (France), appelant d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 juillet 2022, comparant par Me Pedro DA SILVA NEVES, avocat, NEVES AVOCATS, rue Le-Corbusier 10, 1208 Genève, en l'Etude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ (France), intimée, comparant par Me Cédric DURUZ, avocat, RIVARA WENGER CORDONIER & AMOS, rue Robert-Céard 13, 1204 Genève, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/8318/2022 du 11 juillet 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur action en complément du jugement de divorce étranger sur renvoi de la Cour, a admis l'action de B______ tendant à compléter, sur le partage des avoirs de la prévoyance professionnelle, le jugement de divorce rendu le 22 mai 2017 par le Tribunal de Grande Instance de C______ (France) entre B______ et A______ (chiffre 1 du dispositif), dit que la prestation de sortie, arrêtée à 352'153 fr. 88 plus intérêts du 2 mai 2013 au 11 juillet 2022, devait être répartie par moitié entre les parties (ch. 2), ordonné en conséquence à Caisse de pensions D______, [à l'adresse] ______ [GE], de prélever la somme de 166'076 fr. 95 plus intérêts du 2 mai 2013 au 11 juillet 2022, du compte de A______ (affilié n° 1______; n° AVS 2______) et de la verser sur le compte de B______ auprès de la banque E______, RIB 3______ (code banque) 4______ (code guichet) 5______ (numéro de compte) 6______ (clé RIB) (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., qu'il a compensés avec l'avance effectuée par B______ et répartis par moitié entre les parties, et condamné en conséquence A______ à verser à B______ la somme de 750 fr. (ch. 4) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5).

B.            a. Par acte déposé à la Cour de justice le 12 septembre 2022, A______ a formé appel de ce jugement. Il a conclu à son annulation et cela fait, à ce que la Cour dise, sous suite de frais et dépens, qu'aucune prestation de sortie ne serait attribuée à B______.

b. B______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de fais et dépens.

c. A______ a répliqué le 5 décembre 2022, persistant dans ses conclusions.

Il a produit des pièces nouvelles soit un acte de vente du 7 juillet 2020 (pièce 108), un acte de vente du 3 juin 2022 (pièce 109), un bordereau de calcul d'intérêts sur la prestation compensatoire, non daté, concernant la période du 6 août 2017 au 15 mai 2018 et des justificatifs de paiement des 23 janvier 2018, 15 mai 2018 et 5 juin 2018 (pièce 110) ainsi que la lettre [de la banque] E______ du 18 août 2020 (pièce 111).

d. B______ a dupliqué le 6 janvier 2023 et persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées par avis de la Cour du 9 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1965 à C______ (France), de nationalité française, et B______, née le ______ 1965 à F______ (France), de nationalité française, se sont mariés le ______ 1990 à G______ (France).

b. Trois enfants sont issus de cette union, à savoir :

- H______, née le ______ 1989;

- I______, née le ______ 1992;

- J______, née le ______ 1996.

c. Durant le mariage, les époux ont toujours vécu en France. A______ a travaillé en Suisse et a été affilié à l'institution de prévoyance la CAISSE DE PENSION D______ qui a son siège à Genève.

d. Par acte du 2 mai 2013, A______ a formé auprès du Tribunal de Grande Instance de C______ (France) une requête en divorce.

e. Par jugement du ______ 2017, minute n° 7______, le Tribunal de Grande Instance de C______ a notamment prononcé le divorce des époux, ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des parties, condamné A______ à verser à B______ une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 180'000 euros et débouté B______ de sa demande de rente viagère et de prise en charge des frais des enfants par le père.

Pour fixer la prestation compensatoire, le juge français, après avoir rappelé les critères à prendre en compte selon l'art. 271 CCF, a retenu notamment les éléments suivants :

Les époux, nés en 1965, s'étaient mariés le ______ 1990. Ils vivaient séparément depuis le 11 juin 2012. Ils avaient eu trois enfants aujourd'hui majeurs et dont deux restaient à la charge financière du père. Les circonstances de la rupture ne justifiaient pas de priver l'épouse de son éventuel droit à la prestation compensatoire.

A______ était mécanicien régleur salarié en Suisse et percevait un salaire moyen net de 10'572 fr. par mois, soit environ 10'000 euros. Il vivait en concubinage dans un immeuble lui appartenant, évalué à 286'000 euros.

B______ souffrait d'un sévère état dépressif qui l'empêchait de travailler. Elle était également atteinte d'une algodystrophie au niveau de la cheville qui altérait également sa capacité de travailler. Elle percevait des revenus fonciers de 22'638 euros en 2015 et des revenus mobiliers pour 766 euros (sic). Elle avait toutefois perdu ses locataires et avait subi des impayés. Elle avait fait une demande d'allocation adulte handicapé. Elle était propriétaire de parcelles agricoles avec mazot situées à K______ (France) évalués à 54'543 euros, et d'une maison sise no. a______ rue 8______ à C______ (France) à usage d'habitation et de commerce évaluée à 310'000 euros. En 2015, elle avait vendu un autre immeuble et perçu la somme de 194'000 euros.

Les époux étaient propriétaires d'un appartement dans la résidence "L______" à C______ dont la valeur avait été estimée à 138'000 euros, loué pour 550 euros mensuellement, hors charges, et d'une maison sise no. b______ rue 8______ à C______ d'une valeur de 900'000 euros, louée jusqu'en décembre 2016. Un prêt en devises était en cours dont le solde s'élevait à 59'219 fr. au 9 juillet 2015.

Selon les évaluations du notaire, chaque partie devait recevoir des droits à hauteur de 251'838,65 euros après calcul des récompenses dues par chacun.

Au titre des droits à retraite, la pension de retraite de B______ avait été évaluée à 54,25 euros par mois. Elle n'avait pas travaillé après la naissance des enfants et avait cessé toute activité depuis 1999. Compte tenu de la durée de la cessation de l'activité de l'épouse qui avait exercé comme aide-soignante et assistante maternelle, son inactivité était un choix des époux.

A______ disposait d'un second pilier d'un montant de 338'692 fr. au 31 octobre 2013. Ses droits à pension au titre du premier pilier n'étaient pas connus.

Le Tribunal a relevé que l'état de santé de l'épouse ne lui permettait pas de travailler. Néanmoins, elle disposait de revenus fonciers et mobiliers qui lui permettaient de subvenir à ses besoins. Sa demande de rente viagère devait donc être rejetée.

Compte tenu de la disparité existant dans les conditions de vie des époux, il convenait de condamner A______ à payer à B______ la somme de 180'000 euros.

f. Le jugement du 22 mai 2017 est devenu définitif et exécutoire le 7 août 2017, par la signature d'actes d'acquiescement respectivement par A______ le 28 juin 2017 et par B______ le 7 août 2017.

g. Par requête en complément de jugement de divorce déposée au greffe du Tribunal le 26 février 2020, B______ a conclu à ce que le Tribunal ordonne le partage par moitié des avoirs de prévoyance accumulés par A______ du ______ 1990 au 2 mai 2013, ainsi que les intérêts afférents à cette période, condamne la CAISSE DE PENSION D______ à verser le montant résultant de ce partage et devant revenir à B______ sur son compte en France ouvert auprès de la Banque E______ selon le relevé d'identité bancaire joint et condamne A______ en tous les dépens.

h. Lors de l'audience du Tribunal du 25 juin 2020, A______ s'est opposé à la demande de B______ dans la mesure où le jugement du Tribunal de Grande Instance de C______ du 22 mai 2017 l'avait déjà condamné à une prestation compensatoire de 180'000 euros sous forme d'un capital. Ce montant tenait compte de ses prestations LPP à l'époque. Par ailleurs, B______ avait entamé les démarches en vue de liquider le régime matrimonial qui était celui des époux au moment de leur divorce et avait élevé des prétentions sur ses prestations LPP dans ce cadre.

i. Dans sa réponse du 30 septembre 2020, A______ a persisté dans ses conclusions en déboutement de B______ de sa demande, avec suite de frais.

j. Par jugement JTPI/17/2021 du 13 janvier 2021, le Tribunal de première instance, statuant sur action en complément du jugement de divorce étranger, a débouté B______ des fins de sa demande, arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., qu'il a compensés avec les avances effectuées par B______ et mis à la charge de cette dernière, condamné B______ à payer à A______ la somme de 2'500 fr. TTC à titre de dépens et a débouté les parties de toutes autres conclusions.

Il a considéré que le juge du divorce français avait fixé la prestation compensatoire due par A______ à B______ en tenant compte, entre autres éléments, de la pension de retraite de cette dernière, du fait qu'elle n'avait pas travaillé après la naissance des enfants et avait cessé toute activité depuis 1999, ce qui était un choix des époux, mais également du montant de 338'692 fr., dont disposait l'époux à titre de deuxième pilier au 31 octobre 2013. Le jugement français contenait ainsi une référence explicite aux avoirs accumulés par A______ auprès de son institution suisse de prévoyance. Dans ces conditions, il y avait lieu d'admettre que le juge français avait pris sa décision d'octroi de la prestation compensatoire avec une connaissance suffisante des éléments consécutifs au divorce figurant au dossier, notamment des expectatives de retraite des époux. Il avait ainsi réglé l'intégralité des effets accessoires du divorce des parties, de sorte qu'il n'y avait pas de place pour un complément par le juge suisse.

k. Par arrêt du 25 janvier 2022 (ACJC/123/2022), la Cour a annulé le jugement du 13 janvier 2021 et renvoyé la cause au Tribunal.

Elle a considéré que le Tribunal s'était fondé sur la jurisprudence rendue avant l'entrée en vigueur du nouvel art. 64 al. 1bis LDIP pour rendre sa décision. Depuis lors, les tribunaux suisses disposaient cependant d'une compétence exclusive pour connaître du partage des prétentions de prévoyance professionnelle envers une institution suisse et les jugements étrangers ne peuvent plus être reconnus en ce qui concerne le règlement de cet aspect du divorce. Il s'ensuivait que dans le cas d'espèce, le fait que le Tribunal de Grande Instance de C______ ait, par hypothèse - car sans le mentionner de manière explicite dans les considérants de son jugement -, pris en compte le deuxième pilier accumulé par l'intimé durant le mariage pour déterminer le montant de la prestation compensatoire octroyée à l'appelante n'était pas pertinent. Conformément à la jurisprudence, ce jugement était, dans tous les cas, réputé lacunaire s'agissant du partage des avoirs de prévoyance professionnelle situés en Suisse et les juridictions genevoises étaient tenues de statuer sur ce point en appliquant les art. 122 ss CC. Le Tribunal ne s'étant pas penché sur cette question et les éléments pour la trancher ne ressortant pas suffisamment du dossier, il se justifiait de lui renvoyer la cause pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur ce point.

l. Suite à cet arrêt, le Tribunal a ordonné aux parties de produire toutes pièces utiles concernant leur situation financière au moment du divorce.

m. Le 22 avril 2022, B______ a fait parvenir divers documents au Tribunal dont le rapport d'expertise du notaire français chargé de la liquidation du régime matrimonial des parties.

n. A______ a également produit des pièces, dont notamment son certificat de travail pour l'année 2017, et a précisé que le notaire en charge de la liquidation du régime matrimonial des parties procédait à une actualisation de certains montants indiqués dans le rapport avant de le soumettre aux parties pour approbation éventuelle.

o. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties et de plaidoiries finales du 27 juin 2022, les parties ont apporté des précisions sur leur situation patrimoniale respective, sur quoi la cause a été gardée à juger.

D.           Dans son jugement, le Tribunal a relevé que le jugement de divorce français des parties avait alloué à l'épouse une prestation compensatoire de 180'000 euros, compte tenu de la disparité existant dans les conditions de vie des époux, en relevant que l'état de santé de l'épouse ne lui permettait plus de travailler. Elle disposait néanmoins de revenus fonciers et mobiliers qui lui permettaient de subvenir à ses besoins de sorte que sa demande de rente viagère avait été rejetée. Le Tribunal français avait en outre relevé qu'aux titres des droits à la retraite, la pension de retraite de l'épouse avait été évaluée à 54,25 euros par mois. Elle n'avait pas travaillé après la naissance des enfants et avait cessé toute activité depuis 1999. Compte tenu de la durée de la cessation de l'activité de l'épouse, qui avait exercé comme aide-soignante et assistante maternelle, son inactivité était un choix des époux. L'époux disposait quant à lui d'un second pilier d'un montant de 338'692 fr. au 31 octobre 2013, les droits à pension du premier pilier n'étant pas connus. A______ s'opposait au partage de sa prestation de sortie au motif principal que celle-ci aurait déjà été prise en compte dans le calcul de la prestation compensatoire de 180'000 euros, qu'il avait dû verser à B______. Subsidiairement, il faisait valoir qu'un partage par moitié de sa prestation de sortie serait inéquitable en raison de la disparité de fortune entre les parties. Il ressortait en effet de l'instruction du dossier que B______ avait hérité, puis vendu, pendant le mariage et après le divorce, des biens immobiliers pour un montant net, créances envers A______ et récompenses envers la communauté et en sa faveur dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial de 517'900 euros, auquel se rajoutait à titre de prestation compensatoire le montant de 180'000 euros, soit une fortune nette d'environ 700'000 euros. De son côté A______ possédait en biens propres un héritage équivalant à 29'595 euros, ainsi que l'ancienne maison familiale acquise avant le mariage et estimée à 295'000 euros, et pour laquelle il devait à la communauté, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, une récompense de 251'000 euros, soit une fortune nette en biens propres de 73'575 euros.

Cependant, comme rappelé par la jurisprudence du Tribunal fédéral, une différence entre les situations économiques respectives des conjoints ou dans leur capacité de gain ne suffisait pas à déroger au principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle, tout comme le seul fait que le partage engendrerait une inégalité entre les époux, voire la maintiendrait. Il convenait néanmoins d'éviter que le partage produise une situation d'iniquité, laquelle ne devait pas nécessairement être manifeste. Ainsi, une différence entre les patrimoines propres des parties ne permettait pas, à elle seule, de déroger au principe du partage par moitié de la prestation de sorties de l'époux. Ce qui était relevant était d'éviter que le partage produise une situation d'iniquité. Or, en l'espèce, la pension de retraite de l'épouse avait été évaluée à 54,25 euros par mois, tandis que l'époux disposait d'un second pilier de 338'692 fr. au 31 octobre 2013. L'épouse pouvait donc prétendre tant à l'indemnité compensatoire fixée par le juge français qu'au partage du deuxième pilier de son époux, de sorte qu'il ne fallait pas diminuer du montant des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par l'époux, la somme de 180'000 euros. Ce montant ne constituait pas non plus un juste motif de réduction au sens de l'art. 124b al. 2 CC, de sorte que les avoirs de prévoyance professionnelle de l'époux accumulés pendant le mariage devaient être partagés par moitié.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, seule est discutée la question du partage de la prévoyance professionnelle, en complément du jugement de divorce prononcé en France entre les parties, de sorte qu'il s'agit d'une affaire pécuniaire. Compte tenu des montants restés litigieux devant le premier juge, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Déposé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La maxime d'office et la maxime inquisitoire ne s'imposent que devant le premier juge concernant les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral
5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 6 et 5A_862/2012 du 30 mai 2013 consid. 5.3.2 et 5.3.3 et les réf. cit.). En seconde instance, les maximes des débats et de disposition ainsi que l'interdiction de la reformatio in pejus sont applicables (ATF 129 III 481 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_392/2021 du 20 juillet 2021 consid. 3.4.1.1; 5A_478/2016 du 10 mars 2017 consid. 10.1).

1.4 La cause présente un élément d'extranéité compte tenu de la nationalité française et du domicile en France des parties.

Dans son arrêt de renvoi du 25 janvier 2022, la Cour a admis la compétence du Tribunal suisse pour statuer sur le partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties pendant le mariage, de sorte qu'il ne sera pas revenu sur cette question.

1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit et constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

2.             L'intimé a produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Les faits et moyens de preuve nouveaux doivent être invoqués « sans retard », donc en principe dans le mémoire d'appel ou dans la réponse (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

Il faut distinguer les vrais nova des faux nova. S'agissant des vrais nova, soit les faits qui se sont produits après le jugement de première instance - ou plus précisément après les débats principaux de première instance (art. 229 al. 1 CPC) -, la condition de nouveauté posée par l'art. 317 al. 1 let. b CPC est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate (art. 317 al. 1 let. a CPC) doit être examinée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.1). Cela étant, les pièces ne sont pas recevables en appel pour la seule raison qu'elles ont été émises postérieurement à l'audience de première instance. La question à laquelle il faut répondre pour déterminer si la condition de l'art. 317 al. 1 CPC est remplie est celle de savoir si le moyen de preuve n'aurait pas pu être obtenu avant la clôture des débats principaux de première instance (arrêts du Tribunal fédéral 5A_24/2017 du 15 mai 2017 consid. 4.3; 5A_321/2016 du 25 octobre 2016 consid. 3.1; 5A_86/2016 du 5 septembre 2016 consid. 2.1).

A partir du début des délibérations, les parties ne peuvent plus introduire de nova, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont réunies. La phase des délibérations débute dès la clôture des débats, s'il y en a eu, respectivement dès que l'autorité d'appel a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger (ATF 142 III 413 consid. 2.2.3-2.2.6, JdT 2017 II p. 153; arrêts du Tribunal fédéral 5A_478/2016 du 10 mars 2017 consid. 4.2.2; 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.2).

2.2 En l'espèce, l'intimé a produit des pièces nouvelles à l'appui de sa réplique. Les pièces 108, 110, 111 et 112 étant toutes antérieures à la date de clôture des débats principaux, sans que l'appelant expose les raisons pour lesquelles il ne les a pas produites à temps devant le premier juge, elles seront déclarées irrecevables, ainsi que les faits auxquelles elles se rapportent. La pièce 109, soit l'acte de vente du 3 juin 2022, est quant à elle postérieure à la date à laquelle le jugement a été rendu. Elle aurait cependant dû être produite dans le cadre du mémoire d'appel du 12 septembre 2022, l'appelant disposant à cette date de ce document, de sorte qu'elle sera également déclarée irrecevable, car produite tardivement, ainsi que les faits auxquels elle se rapporte.

3.             L'appelant reproche au Tribunal d'avoir à tort ordonné le partage par moitié de ses avoirs de prévoyance professionnelle, solution qui serait inéquitable au vu de la situation financière globale des parties.

3.1.2 Aux termes de l'art. 122 CC, les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux.

Les prestations de sortie acquises sont partagées par moitié (art. 123 al. 1 CC).

3.1.3 Pour une action en complément de jugement de divorce étranger déposée après le 1er janvier 2017, les dates pertinentes pour déterminer les avoirs de prévoyance professionnelle à partager sont d'une part la date du mariage et d'autre part la date de l'introduction de l'action en divorce à l'étranger et non celle de l'action en complément du jugement de divorce en Suisse 8ACJC/200/2019 du 8 février 2019 consid. 4.2 p. 7 § 2; ACJC/1279/2019 du 29 août 2019 consid. 5.2.2 cum p. 3 let C.d).

3.1.4 Selon l'art. 124b al. 2 CC, le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n'en attribue aucune pour de justes motifs. Tel est en particulier le cas quand le partage par moitié s'avère inéquitable - et non plus manifestement inéquitable, ceci afin de laisser une plus grande marge d'interprétation au juge - en raison de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce (ch. 1) ou des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d'âge (ch. 2). Le texte de l'art. 124b al. 2 CC prévoit ainsi la possibilité pour le juge de s'écarter du principe par moitié pour de justes motifs et mentionne deux catégories d'exemples à ses chiffres 1 et 2, sans toutefois préciser plus avant cette notion (ATF 145 III 56 consid. 5.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_211/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4.1). Selon le Message du Conseil fédéral, il y a par exemple iniquité lorsqu'une épouse active finance la formation de son mari et que celui-ci va exercer une profession qui lui permettra de se constituer une meilleure prévoyance vieillesse que sa femme (arrêt du Tribunal fédéral 5A_79/2009 du 28 mai 2009 consid. 2.1). De même, il y a iniquité lorsque l'un des époux est employé et dispose d'un revenu et d'un deuxième pilier modestes, tandis que l'autre conjoint est indépendant, ne dispose pas d'un deuxième pilier, mais se porte beaucoup mieux financièrement (Message du 29 mai 2013 concernant la révision du Code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4341, pp. 4370 s. ad art. 124b CC [ci-après : Message]).

L'art. 124b CC est une disposition d'exception, qui ne doit pas vider de sa substance le principe du partage par moitié de la prévoyance professionnelle (ATF 145 III 56 consid. 5.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_194/2020 du 5 novembre 2020 consid. 4.1.1). Des différences de fortune ou de perspectives de gains ne constituent pas un motif suffisant pour déroger à ce principe.

Toute inégalité consécutive au partage par moitié ou persistant après le partage par moitié ne constitue pas forcément un juste motif au sens de l'art. 124b al. 2 CC. Les proportions du partage ne doivent toutefois pas être inéquitables. L'iniquité se mesure à l'aune des besoins de prévoyance professionnelle de l'un et de l'autre conjoint (Message, FF 2013 p. 4341 ss, 4371; arrêt du tribunal fédéral 5A_729/2020 du 4 février 2021 consid. 8.1). Il faut veiller à ce que chaque conjoint dispose d'une pension de retraite suffisante (Geiser, Gestaltungsmöglichkeiten beim Vorsorgeausgleich, in RJB 2017 p. 1 ss, 13 ch. 3.3.2). Le partage est donc inéquitable lorsque l'un des époux subit des désavantages flagrants par rapport à l'autre conjoint (Message, loc. cit.; Leuba, Le nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce, in FamPra.ch 2017 p. 25; cf. ég. ATF 145 III 56 consid. 5.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_106/2021 du 17 mai 2021 consid. 3.1).
Le juge dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_443/2018 du 6 novembre 2018 consid. 2.2 et les références, non publié aux ATF 145 III 56).

3.1.5 Il existe une différence de nature entre la prestation compensatoire du droit civil français et le partage des avoirs de prévoyance prévu par les art. 122ss CC, institution que la législation française ne connaît pas comme telle. La comparaison entre ces deux institutions juridiques montre en effet des différences fondamentales en ce qui concerne le but politico-juridique, la justification de la prétention et l'aménagement de détail. Dans la mesure où la prestation compensatoire n'a pas été fixée en tenant compte des avoirs de libre passage de l'époux débiteur, l'époux créancier doit pouvoir prétendre à l'une comme à l'autre : l'octroi d'une prestation compensatoire n'exclut pas le droit au partage des avoirs de prévoyance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_819/2019 du 13 octobre 2020 consid. 3.3.1).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a relevé que le jugement de divorce français avait alloué à l'intimée une prestation compensatoire de 180'000 euros, compte tenu de la disparité existante dans les conditions de vie des époux, en retenant que l'état de santé de la concernée ne lui permettait pas de travailler, mais qu'elle disposait néanmoins de revenus fonciers et mobiliers lui permettant de subvenir à ses besoins, de sorte qu'il a rejeté sa demande de rente viagère. Au titre des droits à la retraite, sa pension était évaluée à 54,25 euros par mois, n'ayant pas travaillé après la naissance des enfants et ayant cessé toute activité lucrative depuis 1999, ce qui résultait d'un choix des époux. L'appelant, quant à lui, disposait d'un second pilier d'un montant de 338'692 fr. au 31 octobre 2013, ses droits à pension au titre du premier pilier n'étant pas connus. Ceci n'est pas contesté par l'appelant.

Le Tribunal a considéré qu'il ressortait de l'instruction du dossier que l'intimée avait hérité, puis vendu, pendant le mariage et après le divorce, des biens immobiliers pour un montant net, créances envers l'appelant et récompenses envers la communauté et en sa faveur dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial en cours, de 517'900 euros, auquel se rajoute le montant de 180'000 euros, perçu à titre de prestation compensatoire, soit une fortune d'environ 700'000 euros. L'appelant possédait, quant à lui, en biens propres un héritage de FF 194'000, soit 29'575 euros, ainsi que l'ancienne maison familiale acquise avant le mariage, estimée à 295'000 euros, et pour laquelle il doit à la communauté, dans le cadre du régime matrimonial, une récompense d'une montant de 251'000 euros, soit une fortune nette en biens propres de 73'575 euros. La différence entre les situations économiques des conjoints ne permettait cependant pas à elle seule de déroger au principe du partage par moitié de la prestation de sortie de l'appelant, dès lors que ce qui était relevant était d'éviter que le partage produise une situation d'iniquité. Or en l'espèce, la pension de retraite de B______ étant évaluée à 54,25 euros par mois, tandis que l'intimé disposait d'un second pilier de 338'692 fr. par mois. L'intimée devait ainsi pouvoir prétendre tant à la prestation compensatoire qu'au partage par moitié du deuxième pilier, de sorte que la prestation compensatoire ne devait pas être déduite du partage des avoirs de prévoyance professionnelle et ne constituait pas non plus un juste motif de réduction au sens de l'art. 124b CC.

L'appelant considère que cette disparité dans le patrimoine des ex-époux aurait dû conduire le premier juge à n'allouer aucun montant à l'intimée des avoirs qu'il a accumulés pendant le mariage. Il soutient que le juge français a tenu compte desdits avoirs, dans la fixation de la prestation compensatoire qu'il a fixée. Comme relevé dans son arrêt de renvoi, la Cour a d'ores et déjà indiqué que le fait que le Tribunal de Grande Instance de C______ (France) ait, par hypothèse - car sans le mentionner de manière explicite dans les considérants de son jugement - pris en compte le deuxième pilier accumulé par l'intimé durant le mariage pour déterminer le montant de la prestation compensatoire octroyée à l'appelante n'est pas pertinent. L'appelant n'apporte pas plus d'éléments à ce sujet dans son appel.
S'agissant de la disparité des patrimoines des ex-époux, le Tribunal fédéral a clairement indiqué, comme relevé supra, qu'elle ne suffisait pas à empêcher le partage du second pilier. Il faut encore que ce partage conduise à une situation d'iniquité, pour s'écarter de la règle du partage par moitié. Or, en l'espèce, l'appelant n'expose pas en quoi le partage par moitié de son deuxième pilier conduirait à une situation d'iniquité, sauf à reprendre l'argument de disparité des situations patrimoniales qu'il a développé en première instance et qui est insuffisant, au regard de la jurisprudence sus-rappelée. Le partage par moitié étant la règle, c'est à l'appelant qu'il appartenait de faire la démonstration que ce partage conduirait à une situation d'iniquité, ce qu'il ne fait pas.

Le juge français a considéré qu'il existait une disparité dans les conditions de vie des époux, ce qui l'a conduit à fixer une indemnité compensatoire d'un montant de 180'000 euros en faveur de l'intimée, tout en refusant la fixation d'une rente viagère (qui aurait été plus favorable à l'intimée compte tenu de son âge), en raison des biens immobiliers qu'elle possédait, de sorte que, par la fixation de ce montant, il a établi un équilibre dans la situation financière des parties. Il a, certes, tenu compte du fait que l'ex-épouse ne travaillait pas, contrairement à l'ex-époux qui avait une capacité de gain et disposait d'un second pilier, mais il n'a pas additionné ce montant de second pilier aux avoirs de l'un ou l'autre des époux, sans compter qu'il n'a pas tenu compte du premier pilier de l'ex-époux, qui constituera un montant confortable en comparaison de la somme de 54,25 euros dévolue à l'ex-épouse à sa retraite. Le montant du 2ème pilier a par ailleurs été arrêté à la date du dépôt de la demande en divorce des époux en France, soit en 2013. L'appelant a, depuis lors, pu se constituer une prévoyance de premier et second piliers, par le fruit de son travail, alors que l'intimée, qui a été reconnue incapable de travailler, ne le peut pas, et doit vivre avec la somme de 700'000 euros nets, indemnité compensatoire incluse, qui constitue sa seule ressource. Il sera également relevé que la plupart des biens que l'intimée a vendu sont des biens propres, issus de sa famille, et non des biens acquis durant le mariage avec son époux.

A la lecture de la réplique de l'appelant, celui-ci considère que le revenu net de sa fortune personnelle ne s'élève pas à 73'575 euros, comme retenu par le premier juge, mais à 295'668 euros, après paiement de la soulte du régime matrimonial des parties, qu'il évalue à 107'000 euros. Or, après paiement de cette soulte, mais hors indemnité compensatoire, le patrimoine de l'ex-épouse atteindra, selon lui, 674'600 euros. La disparité des patrimoines des intéressés est donc moins importante que celle retenue par le premier juge. La prestation compensatoire de 180'000 euros, arrêtée par le juge français, ne doit par ailleurs pas être additionnée à ce montant de fortune, dès lors que ne le sont pas, ni les revenus que l'ex-époux a accumulé par son travail depuis 2013, ni le premier pilier qu'il recevra à sa retraite, et qui n'a pas été pris en compte par le juge français dans l'évaluation de la situation de l'ex-époux. Ainsi, il apparaît qu'il se justifie pleinement de partager par moitié les avoirs de deuxième pilier accumulés pendant le mariage par l'ex-époux, sans créer d'iniquité entre les parties, l'ex-épouse ayant droit à la prestation compensatoire et au partage du second pilier de son époux, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal. Aucun juste motif de réduction au sens de l'art. 124b al. 2 CC ne saurait être retenu.

Contrairement à ce que soutient in fine l'appelant, aucun abus de droit ne peut également être retenu dans le comportement de l'intimée, qui a fait valoir ses droits auprès de chacune des juridictions française et suisse compétentes, dans le respect des règles légales applicables et qui obtient gain de cause.

Ainsi le jugement sera intégralement confirmé.

4.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'250 fr. (art. 95, 104 al. 1, 105 CPC; art. 30 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Pour le surplus, chaque partie conservera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 septembre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/8318/2022 rendu le 11 juillet 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4995/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'250 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais du même montant, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas fixé de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.