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Décisions | Chambre civile

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C/11822/2014

ACJC/817/2023 du 08.06.2023 sur JTPI/9604/2022 ( OO ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 22.08.2023, 4A_401/2023
Normes : CO.42; CO.46; CC.4
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11822/2014 ACJC/817/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 8 JUIN 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante et intimée d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 août 2022, comparant par Me Jacques ROULET, avocat, Roulet Avocats, Rond-Point de Plainpalais 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

Et

B______, sis ______, intimés et appelants, comparant par Me Michel BERGMANN, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 14 mai 2011, A______, âgée de 47 ans au moment des faits, a été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) sous la forme d'une occlusion du tronc basilaire. Emmenée d'urgence aux B______, elle a été admise peu après 13 heures au service des urgences. Le diagnostic d'une occlusion du tronc basilaire a été posé et confirmé le lendemain matin et A______ a subi une thrombectomie du tronc basilaire le même jour (15 mai 2011).

b. Après plusieurs séjours en soins intensifs, en neurologie, puis en rééducation, A______ a pu regagner son domicile le 28 novembre 2011 et garde d'importantes séquelles.

c. Par acte du 13 juin 2014, A______ a saisi le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) d'une demande en paiement à l'encontre des B______ pour un montant initial de 2'041'249 fr., réduit par la suite à 1'610'754 fr., puis à 1'026'027 fr., avec suite d'intérêts.

Elle a allégué que sa prise en charge le 14 mai 2011 avait été effectuée en violation des règles de l'art et du devoir de diligence, les B______ ayant commis de nombreuses fautes graves, en particulier en raison des délais d'attente. Gravement atteinte dans sa santé, elle a fait valoir un dommage corporel et matériel, comprenant des frais consécutifs aux atteintes corporelles, un dommage ménager, des indemnités à titre de perte de gain et de perte de rente, un tort moral, ainsi qu'une indemnité pour ses frais d'honoraires d’avocat avant procès.

d. Les B______ ont conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, contestant toute responsabilité, ainsi que le lien de causalité entre une éventuelle violation des règles de l'art et l'état de santé actuel de cette dernière.

e. A la demande du Tribunal, une expertise judiciaire a été réalisée par le Dr C______ le 28 mars 2018, aux fins d'apprécier le respect des règles de l'art médical par les B______.

L'expert a conclu qu'aucun manquement ne pouvait être reproché aux B______, compte tenu, d'une part, de la difficulté particulière d'établir le diagnostic s'agissant d'une occlusion basilaire en raison de son évolution progressive et insidieuse et, d'autre part, de la saturation du service des urgences ce jour-là empêchant une installation plus rapide de la patiente en zone de soins. Qualifiés d'"éléments indésirables", le retard diagnostic ainsi que l'attente prolongée étaient, selon l'expert, inévitables dans le contexte du service ce jour-là et ne relevaient pas d'une violation des règles de l'art de la part des B______.

L'expert a ajouté que même si le traitement avait été effectué très rapidement, l'occlusion de l'artère basilaire demeurait une maladie grevée d'une haute mortalité et morbidité, car d'autres facteurs entraient en ligne de compte. Selon la littérature médicale, la proportion des patients avec des pronostics favorables (survie et bonne évolution neurologique) se situait autour de 40%. La relation entre la rapidité de l'intervention et le pronostic n'était cependant pas clairement établie.

f. Le Tribunal a également entendu plusieurs témoins, dont le Dr D______, spécialiste FMH en neurologie et employé des B______ ayant examiné A______ le lendemain de son arrivée à l'hôpital.

Ce dernier a exposé qu'à la relecture du dossier, les symptômes ressentis par A______ au moment de son arrivée aux urgences n'étaient pas brutaux et leur interprétation difficile. Ensuite, les signes avaient été plus clairs, à savoir des troubles moteurs clairs, qui représentaient des symptômes brutaux, raison pour laquelle des investigations avaient été faites pour confirmer le diagnostic.

Il a exposé que le risque de mortalité dans ce type d'affection, telle que subie par A______, était de 85% en l'absence de tout traitement. Si le traitement intervenait dans un laps de temps adéquat, entre six et huit heures, le taux de mortalité diminuait de 80% à 30% et le taux de morbidité (c'est-à-dire de handicap physique et mental) en tout cas de moitié, selon les statistiques. Pour un tiers des patients, l'autonomie n'était pas complète mais permettait à certains de retourner à domicile. Il était considéré en effet que durant les premières heures (jusque dans un délai de huit heures) la lésion n'était pas constituée de manière définitive. Si on extrayait le caillot, on pouvait rétablir la fonction et sauver le tissu cérébral menacé. Si on agissait dans ce délai de huit heures, le patient pouvait s'en sortir sans séquelles. Il pouvait toutefois également arriver que même en prodiguant tous les soins dans ledit délai, le patient conserve des séquelles. Il y avait une variabilité entre les individus, de sorte que certains avaient des séquelles alors qu'ils étaient traités rapidement et d'autres, dont le traitement était tardif, n'en avaient pas.

g. Par jugement du 24 avril 2019, le Tribunal de première instance a débouté A______ de toutes ses conclusions, mis les frais judiciaires, arrêtés à 49'000 fr., à sa charge en les laissant provisoirement à la charge de l'Etat dès lors qu'elle plaidait au bénéfice de l'assistance judiciaire et l'a condamnée à payer aux B______ 40'000 fr. à titre de dépens.

Suivant les conclusions de l'expert, le Tribunal a considéré qu'aucune violation des règles de l'art n'avait été commise par les B______ et ses auxiliaires et a nié tout lien de causalité.

h. Par arrêt ACJC/433/2020 du 28 février 2020, la Cour de justice a annulé ce jugement, admis la responsabilité des B______, renvoyé la cause au Tribunal pour décision sur la question du dommage, réservé le sort des frais judiciaires et dépens de première instance et condamné les B______ aux frais d'appel.

La Cour, s'écartant des conclusions de l'expert, a considéré que les circonstances dans lesquelles A______ avait été prise en charge révélaient plusieurs manquements aux règles de l'art, constitutifs d'une violation du devoir de diligence des B______. La patiente avait notamment attendu 6 heures avant d'être examinée par un médecin, 12 heures avant d'être prise en charge, puis encore plusieurs heures avant que les mesures décidées ne soient entreprises (CT-scan cérébral et IRM), et ce malgré l'urgence relevée et invoquée par le médecin en charge de la patiente en zone de soins. Si la patiente avait fait l'objet d'une surveillance sérieuse et régulière pendant les premières heures d'attente, tel n'avait plus été le cas par la suite (dès 19h30) alors même que son état s'était lourdement aggravé, puisqu’elle présentait des symptômes brutaux révélateurs d'un grave trouble neurologique et nécessitant une prise en charge rapide, même si, à ce stade, le diagnostic précis d'occlusion de l'artère basilaire ne pouvait être posé. Les conditions de surcharge ne pouvaient exonérer les B______ de toute responsabilité ni de leur obligation d'agir avec diligence, dans la mesure où il leur appartenait de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour faire face à de telles situations.

Concernant le lien de causalité, il y avait lieu d'admettre que si les B______ avaient agi de manière diligente, en particulier en assurant une surveillance adéquate de la patiente durant la soirée et en réalisant sans retard les examens diagnostiques dès les premiers symptômes d'altération de l'état de conscience, comme le prévoyaient les règles de l'art, l'atteinte subie par l'appelante aurait vraisemblablement pu être diagnostiquée et, par voie de conséquence, traitée dans le délai adéquat de huit heures. Bien que la relation entre la rapidité d'intervention et le pronostic ne soit pas clairement établie d'un point de vue scientifique s'agissant de l'occlusion de l'artère basilaire, il ressortait néanmoins des explications du Dr D______, entendu en tant que spécialiste dans le domaine, qu'une intervention rapide dans un délai de huit heures permettait de diminuer les risques de séquelles.

Les statistiques avancées tant par l'expert que par le Dr D______, laissaient apparaître qu'une prise en charge rapide était fortement susceptible de diminuer les risques de morbidité (plus de 50%) et procurait des chances non négligeables (environ 40%) d'obtenir un pronostic favorable avec une bonne évolution. S'il demeurait certes une probabilité que l'appelante aurait toute de même subi les séquelles dont elle souffrait à ce jour, aucun élément ne permettait de retenir que cette hypothèse devait prévaloir. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agissait d'hypothèses, dont la probabilité était difficile à établir, sans que les spécialistes ne puissent se prononcer de manière certaine et absolue sur le déroulement théorique des événements.

Dans la mesure où il s'agissait de prouver un événement qui ne s'était précisément pas produit, on ne pouvait exiger de l'appelante une preuve stricte sur ce point. Partant, en dépit du fait que la corrélation entre la rapidité d'intervention et le diagnostic n'était pas scientifiquement prouvée et que l'occlusion basilaire comportait une part aléatoire quant à ses conséquences, il existait une probabilité suffisante, au vu des statistiques, de l'état initial de l'appelante et de la recanalisation qui avait été opérée avec succès, pour admettre qu'une prise en charge sans délai aurait au final eu un impact favorable sur le cours des événements. Le lien de causalité entre les retards de diagnostic et de traitement et le préjudice subi par l'appelante ou, à tout le moins, son aggravation était dès lors rendu suffisamment vraisemblable.

B. a. A réception de l'arrêt de renvoi, le Tribunal a repris la procédure.

b. Par ordonnances des 17 novembre 2020 et 20 avril 2021, le Tribunal a ordonné une nouvelle expertise aux fins d'apprécier l'état de A______ ainsi que son incapacité de travail. L'expertise a été réalisée le 19 septembre 2021 par le Pr E______ et le Dr F______. Les éléments suivants ressortent du rapport :

b.a A______ souffre de séquelles, lesquelles se manifestent surtout au niveau moteur et neurovégétatif. Elle montre une grande volonté, ce qui lui a permis de profiter de la rééducation et de pallier, au moins en partie, les séquelles invalidantes de son AVC.

Actuellement, A______ arrive à réaliser les transferts couchée-assise-debout entre le lit, la chaise, les toilettes et la douche de manière autonome mais peu sûre et avec des temps démesurés. En cas de chute, elle n'est pas capable de se relever seule. Les transferts en rentrant et sortant de la voiture nécessitent une assistance maximale par au moins une personne (généralement ses fils). Elle a également besoin d'une aide maximale pour les déplacements à l'intérieur, avec une autonomie de trajets restreinte entre 15 et 50 mètres avec moyen auxiliaire (tripode ou déambulateur), et d'une aide importante pour sortir de son appartement. Une fois sur son scooter électrique, elle est autonome et en sécurité pour les déplacements à l'extérieur. Elle se sent cependant vite fatiguée. Si elle utilise son fauteuil roulant manuel, elle a besoin d'aide pour la planification d'un trajet à l'extérieur et l'utilisation des transports publics. A______ nécessite une aide à la préparation de la douche et pour l'habillage, mais arrive ensuite à se laver et s'habiller, avec toutefois des temps disproportionnés et des difficultés importantes. Pour la préparation des repas, elle montre un faible niveau d'autonomie, parvenant seulement à réchauffer un plat déjà préparé par quelqu'un d'autre. Elle n'arrive à effectuer aucune tâche ménagère. Pour les tâches administratives, elle peut apporter une aide minime mais n'est autonome en aucune manière, ayant besoin de déléguer ce type de tâches à un autre membre de sa famille. Enfin, au niveau de la communication, A______ présente quelques difficultés sur le plan de la compréhension, l'expression et l'élaboration de concepts et manque de concentration en raison de la fatigue (point 7.1 de l'expertise).

A la question de savoir si l'état de santé de A______ s'est stabilisé ou s'il est susceptible d'évoluer, les experts répondent qu'à une telle distance de l'événement aigu, la patiente a atteint une stabilité clinique. Elle a besoin de physiothérapie et d'entraînements constants afin de préserver les autonomies acquises grâce à la rééducation (point 7.2).

b.b Les experts ont estimé l'incapacité de travail de A______ à 100 %, sans perspective d'évolution (point 7.3).

De même, l'incapacité de A______ est de 100% pour les nettoyages et hygiène du lieu de vie, pour la réalisation de la lessive et pour les tâches administratives; elle est de 80% pour les courses et achats, avec une autonomie limitée à de petits achats, et pour la préparation des repas, avec une autonomie limitée à la préparation d'un repas froid avec aide ou de réchauffage d'un plat déjà préparé à l'avance par quelqu'un d'autre (point 7.4).

b.c Les experts ont, en outre, été invités à indiquer quelle serait l'incapacité de travail de A______ sur le plan professionnel et sur le plan de l'activité ménagère à l'heure actuelle et dans le futur si sa prise en charge avait été adéquate, étant rappelé qu'il avait été judiciairement constaté que le lien de causalité entre les retards de diagnostic et de traitement et le préjudice ou, à tout le moins, son aggravation, était rendu suffisamment vraisemblable (point 7.5).

Les experts ont indiqué que si l'on admettait une réduction d'environ 15% de handicap suite à un traitement réalisé selon les règles de l'art (lege artis), on pouvait estimer une incapacité de travail d'environ 85% sur le plan professionnel (au lieu de 100%) et entre 65 et 85% sur le plan de l'activité ménagère (au lieu de 80%-100%).

La réduction du handicap d'environ 15% repose sur un calcul basé sur les connaissances scientifiques connues en 2021 concernant les traitements par thrombolyse et thrombectomie rapides pour une occlusion de l'artère basilaire. Ce calcul mentionne, notamment, les hypothèses suivantes:

1) si une thrombolyse intraveineuse rapide avait été effectuée dans les 3 heures ou au plus tard dans les 4.5 heures après le début des symptômes, les données scientifiques concluaient à une augmentation de la probabilité relative de non-dépendance d'environ 53%, une augmentation de la probabilité absolue de non-dépendance d'environ 15% (probabilité d'une dépendance sans traitement: 68.3%, avec traitement 59.3%), une augmentation de la probabilité relative d'absence complète de séquelles ou de séquelles très mineures d'environ 60% et à une augmentation de la probabilité absolue d'absence complète de séquelles ou de séquelles très mineures d'environ 13% (expertise, p. 9, point 1).

2) Si une thrombectomie rapide avait été effectuée dans les 6 heures, les données scientifiques pour la circulation antérieure montraient un bénéfice important. Par contre, pour l'occlusion basilaire, il n'y avait pas d'études scientifiques qui montraient un éventuel bénéfice de ce type d'intervention. Aussi, les méthodes (outils) utilisées pour les thrombectomies occasionnelles en 2011 étaient probablement moins efficaces que les outils actuels. Ainsi, les experts ont conclu qu'ils ne pouvaient pas dire qu'une thrombectomie rapide était un traitement "standard" en 2011 avec un bénéfice certain, n'estimant pas qu'une thrombectomie plus rapide aurait eu un bénéfice significatif chez la patiente.

3) Une prise en charge dans un délai inférieur à 3 heures comparée à un délai supérieur à 3 heures était associée à une augmentation de la probabilité relative de non-dépendance d'environ 65%; une bonne partie de ce bénéfice semblait toutefois venir de la thrombolyse (cf. point 1 en haut).

4) Le fait de rater initialement le diagnostic d'un AVC ischémique aigu aux urgences d'un hôpital universitaire était associé à un devenir fonctionnel et de survie moins favorable; compte tenu de la petite taille de cette étude rétrospective, l’importance de cet effet était incertaine.

b.d Dans leur rapport complémentaire du 28 janvier 2022, le Pr E______ et le Dr F______ ont précisé, s'agissant des premiers chiffres avancés à l'appui du calcul en lien avec le taux de réduction de handicap (page 9, point 1 de l'expertise), qu'il était correct de conclure qu'à l'inverse, sans traitement, la probabilité d'absence de dépendance était de 31,7% et qu'avec traitement, elle était de 40,7%. Concernant la réduction de 15% de l'incapacité de travail et de l'incapacité ménagère, cette estimation correspondait à l'évaluation de l'augmentation de la probabilité relative d'être indépendant, tandis que la différence absolue correspondait à 9% (différence entre 68,3% sans traitement et 59,3% avec traitement). Enfin, les experts ont estimé, en lien avec l'efficacité généralisée de la thrombolyse effectuée dans les 3 à 4,5 heures, que le début de l'AVC pouvait être situé à 13h.

c. Dans ses plaidoiries finales du 17 juin 2022, A______ a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que les B______ soient condamnés à lui verser les montants de 9'664 fr. et 11'999 fr. pour ses frais médicaux passés et futurs, 70'049 fr. et 95'294 fr. pour ses frais de déplacements passés et futurs, 211'249 fr. et 240'918 fr. pour son dommage ménager passé et futur, 90'773 fr. et 46'673 fr. à titre de perte de gain passée et future, 139'670 fr. à titre de dommage de rente, 100'000 fr. à titre de tort moral et 9'738 fr. pour ses frais de défense avant procès, soit un montant total de 1'026'027 fr.

d. Dans leurs plaidoiries finales du 20 juin 2022, les B______ ont persisté dans leurs conclusions tendant au déboutement de A______ de l'ensemble de ses prétentions.

e. Les parties ont répliqué et dupliqué le 1er juillet 2022 en persistant dans leurs conclusions respectives.

C. Par jugement JTPI/9604/2022 du 18 août 2022, le Tribunal, faisant très partiellement droit aux prétentions de A______, a condamné les B______ à lui payer les montants suivants :

- 15'000 fr., avec intérêts à 5 % dès le 14 mai 2011 (ch. 1),

- 2'500 fr., avec intérêts à 5 % dès le 1er février 2013 (ch. 2),

- 92'568 fr., avec intérêts à 5 % dès le 8 mars 2017 (ch. 3) et

- 46'437 fr. (ch. 4).

Pour le surplus, le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 67'600 fr., les a compensés avec les avances fournies par les parties et les a mis à la charge des B______, condamnant ces derniers à rembourser 200 fr. à A______ et à verser 65'900 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de frais judiciaires (ch. 5), condamné les B______ à verser à A______ 35'000 fr. à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

En substance, le Tribunal a retenu, sur la base de l'expertise du 19 septembre 2021, que même avec un traitement lega artis, A______ aurait présenté un taux d'invalidité de 85%. Fort de ce constat, le premier juge a considéré que seule une faible partie du préjudice subi par A______ (soit 15%) était imputable aux B______. Pour le surplus, certains postes du dommage n'étaient pas prouvés ou les conditions de leur réalisation n'étaient pas réunies. En définitive, le premier juge a retenu un dommage au titre de perte de gain passée et futur, de frais d'avocat encourus avant procès, de tort moral et de dépens, rejetant les autres prétentions de A______.

D. a. Par acte adressé le 21 septembre 2022 au greffe de la Cour de justice, les B______ forment appel contre le jugement précité, dont ils sollicitent l'annulation.

a.a Ils concluent à ce que A______ soit déboutée de toutes ses conclusions. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation des chiffres 2, 3, 5 et 6 du dispositif entrepris et, cela fait, à ce que le montant alloué à A______ à titre de perte de gain passée soit réduit à 92'259 fr. et à ce que les frais judiciaires de première instance soient arrêtés à 57'600 fr. et mis à la charge de leur partie adverse.

Ils font valoir que leur responsabilité doit être exclue au regard de la nouvelle expertise du 19 septembre 2021, dans la mesure où il en ressort que l'existence d'un lien de causalité entre les manquements qui leur sont reprochés et l'état de santé de A______ n'est pas suffisamment établi. En effet, une intervention conforme aux règles de l'art n'aurait, selon les experts, pas permis d'éviter le dommage subi. A titre subsidiaire, ils critiquent les montants octroyés aux titres de perte de gain et de frais de défense avant procès.

a.b A______ conclut au déboutement des B______ de toutes leurs conclusions d'appel, alléguant, principalement, que la question de la causalité avait été tranchée et établie par l'arrêt de la Cour du 28 février 2020. En vertu du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, ce point ne pouvait plus faire l'objet d'un nouvel examen par le Tribunal, lequel devait se limiter à la question du dommage.

a.c Les parties ont répliqué et dupliqué les 8 décembre 2022 et 30 janvier 2023, persistant chacune dans ses conclusions.

b. A______ forme, elle aussi, appel contre le jugement précité du 18 août 2022.

b.a Elle conclut à ce que les B______ soient condamnés à lui verser une somme totale de 871'636 fr. 25, dont les postes seront détaillés ci-après (cf. let. E ci-dessous). Subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

Elle reproche au Tribunal de s'être écarté du raisonnement et des chiffres judiciairement établis par l'arrêt de renvoi de la Cour, en retenant qu'en cas d'absence d'acte illicite, elle aurait été invalide à 85% et donc que seul un taux de 15% pouvait être imputé à l'acte illicite commis par les B______. Selon elle, cette proportion n'était pas compatible avec l'existence d'un lien de causalité déjà établi et les constatations retenues dans l'arrêt de renvoi. Se basant sur l'arrêt de la Cour du 28 février 2020, elle soutient que 50% de son dommage doit être imputé aux B______. En outre, elle critique les montants alloués en première instance, se plaignant, au surplus, d'une violation de son droit d'être entendue.

b.b Les B______ concluent au rejet de l'appel de A______, persistant pour le surplus dans leurs propres conclusions d'appel.

b.c Les parties ont répliqué et dupliqué les 7 décembre 2022 et 30 janvier 2023, persistant chacune dans ses conclusions.

c. Par avis du greffe de la Cour du 22 février 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

E. La situation de A______ et ses prétentions contre les B______ s'établissent, devant la Cour, comme suit.

a. A______, née le ______ 1963, était en bonne santé avant les faits (cf. ACJC/433/2020 du 28 février 2020, let. D.d, p. 8).

Il est établi et non contesté qu'au moment de son accident vasculaire du 14 mai 2011, elle était mariée et vivait avec son époux et leur fille cadette, née le ______ 1994. Depuis fin 2014, elle vit séparée de son époux, lequel a quitté le domicile conjugal.

Avant son AVC, A______ travaillait en qualité de polisseuse à 80% chez G______ SA. En 2010, elle a perçu un salaire annuel brut de 75'114 fr. (y compris un bonus de 4'450 fr.), soit 67'377 fr. nets, en 2011 un salaire annuel brut de 74'837 fr. (y compris un bonus de 5'700 fr.), soit 68'343 fr. nets et en 2012, un salaire annuel brut de 64'766 fr. (y compris un bonus de 1'100 fr.), soit 60'995 fr. nets. Son contrat de travail a pris fin automatiquement le 12 mai 2013 et son salaire a été versé jusqu'au 31 mai 2013.

Par décision du 2 juillet 2013, l'AI a reconnu que A______ avait droit à une rente invalidité dès le 1er mai 2012, son taux d'invalidité étant de 100%. Celle-ci a donc perçu, du 1er mai au 31 décembre 2012, une rente mensuelle de 2'013 fr. puis de 2'031 fr. dès le 1er janvier 2013. Selon la décision précitée, le revenu annuel moyen déterminant, basé sur 26 années et 8 mois de cotisations, était de 64'584 fr. et l'échelle de rente applicable 43.

A______ a, par décision du 20 août 2013, bénéficié d'une rente invalidité pour enfant de 805 fr. par mois du 1er mai au 31 décembre 2012 et de 812 fr. par mois du 1er janvier au 30 juin 2013.

Par décision du 2 juillet 2013, l'AI a également reconnu que A______ avait droit à une allocation pour impotent, laquelle s'est élevée à 1'856 fr. par mois du 1er mai au 31 décembre 2012, à 1'872 fr. par mois du 1er janvier au 31 janvier 2013, à 1'170 fr. par mois du 1er février au 30 avril 2013 et à 468 fr. par mois dès le 1er mai 2013.

Par décision du 19 juillet 2013, la caisse de retraite du personnel de G______ SA a décidé d'octroyer à A______ une rente annuelle de 29'075 fr., soit 2'422 fr. 90 par mois, à compter du 1er juin 2013.

b.a A______ allègue que ses frais médicaux non couverts se sont élevés à 9'664 fr. 40 pour le passé et s'élèveront à 11'999 fr. 60 à l'avenir. Elle produit à ce titre un décompte de [l'assurance maladie] H______ pour la période du 9 septembre 2011 au 20 décembre 2013. Il en ressort qu'en 2011, sa franchise s'est élevée à 142 fr. 80, sa quote-part de frais à 734 fr. 70, la contribution hospitalière journalière à 2'955 fr. et les frais non pris en charge à 352 fr. 05, qu'en 2012 sa franchise s'est élevée à 157 fr. 20, sa quote-part de frais à 712 fr. 85 et les frais non pris en charge à 3'778 fr. 60 et qu'en 2013, sa franchise s'est élevée à 300 fr., sa quote-part de frais à 623 fr. 10 et les frais non pris en charge à 221 fr. 90, ce qui représente un total de 9'978 fr. 20. Pour l'essentiel, le décompte se rapporte à des frais des B______, de pharmacie, de médecins, de I______ et de J______ (sociétés d’aide et de soins à domicile).

b.b A______ fait valoir des frais de déplacements passés en 70'049 fr. 80 ainsi que des frais de déplacements futurs en 95'294 fr. 60. Elle explique avoir fait appel aux services d'un dénommé K______ pour l'accompagner dans ses déplacements pour un tarif de 60 fr. par jour et produit à ce titre une attestation datée du 6 janvier 2012 rédigée par elle-même et non signée. A partir de mai 2015, elle dit ne plus avoir fait appel à ce dernier, ses proches lui apportant depuis lors l'aide dont elle a besoin.

b.c Elle réclame un dommage ménager à hauteur de 211'249 fr. 80 pour le passé et de 240'918 fr. 10 pour le futur.

b.d Elle réclame aussi une perte de gain de 64'495 fr. pour le passé et de 33'217 fr. 80 pour le futur.

b.e Elle fait encore valoir un montant de 25'008 fr. 20 à titre de dommage de rente.

b.f Elle sollicite une indemnité pour tort moral, qu'elle chiffre à 100'000 fr.

Lors de son audition le 12 octobre 2015, A______ a déclaré vivre au quotidien avec sa chaise roulante, avoir de la peine à marcher, ressentir des douleurs la nuit, qui l'empêchaient de dormir, avoir des crampes dans les mains et dans les bras, souffrir au quotidien et avoir parfois l'impression qu'elle allait mourir.

b.g Enfin, elle fait valoir des frais de défense avant procès à concurrence de 9'738 fr. 90 et produit à ce titre une note d'honoraires de son conseil correspondant à ce montant pour une activité déployée du 21 août 2012 au 27 juin 2013, étant précisé que l'assistance judiciaire lui a été octroyée avec effet dès le 28 juin 2013. La note produite mentionne trois postes; étude du dossier, entretiens (notamment avec la cliente) et correspondance, sans détailler le temps passé sur chaque poste.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), ce qui est le cas en l'espèce vu les prétentions en paiement prises par l'appelante.

1.2 Interjetés dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 CPC), les appels croisés des parties sont recevables.

1.3 Par économie de procédure, les deux appels seront traités dans le même arrêt (art. 125 CPC) et, par souci de simplification, A______ sera désignée ci-après comme l'appelante et les B______ comme les intimés.

1.4 La Cour dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC), dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 et les références citées).

Toutefois, lorsqu'un recours est interjeté contre une décision rendue à la suite d'un arrêt de renvoi, l'autorité de recours à nouveau saisie ne revoit pas les questions qu'elle a elle-même définitivement tranchées dans l'arrêt de renvoi (ATF
140 III 466 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_56/2018 du 6 mars 2018 consid. 3.2).

2. Les parties contestent toutes les deux le jugement attaqué. Elles soutiennent qu'il serait en contradiction avec l'arrêt de renvoi de la Cour du 28 février 2020, tirant chacune des conclusions divergentes s'agissant en particulier du lien de causalité et de la part du dommage imputable aux intimés (cf. consid. 4 et 5 infra). L'appelante critique ensuite le taux de capitalisation employé pour le calcul du dommage (cf. consid. 6 infra), avant de revenir sur chacun des postes allégués du dommage (cf. consid. 7 à 13 infra).

A titre liminaire, il sied de rappeler que la présente procédure porte sur la responsabilité des intimés en tant qu'établissement public médical, régie par la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes (LREC; A 2 40), qui institue une responsabilité pour faute dont les conditions correspondent à celles de l'art. 41 CO, ce qui implique la réalisation d'un acte illicite, une faute, un dommage subi par un tiers et un lien de causalité (naturelle et adéquate) entre l'acte illicite et le dommage. Pour le surplus, le droit civil fédéral s'applique à titre de droit cantonal supplétif, de sorte que le mode et l'étendue de la réparation sont régis par les art. 42 ss CO (arrêt ACJC/433/2020 du 28 février 2020 consid. 3.1 et les références citées).

3. Dans un grief d'ordre formel, l'appelante se plaint tout d'abord d'une violation de son droit d'être entendue, motif pris que le jugement entrepris ne répondrait pas à certains de ses arguments.

3.1 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 142 II 154 consid. 4.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_567/2019 du 23 janvier 2020 consid. 4.2).

Un manquement au droit d'être entendu peut, selon les circonstances, être considéré comme réparé lorsque la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de seconde instance disposant d'un pouvoir de cognition complet en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4) ou lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2; 136 V 117 consid. 4.2.2.2).

3.2 En l'espèce, le jugement attaqué traite par chapitre chaque prétention de l'appelante. A sa lecture, on comprend aisément les motifs qui ont guidé le premier juge et qui ont fondé sa décision, ainsi que les raisons pour lesquelles les arguments de l'appelante ont été, parfois implicitement, rejetés. L'obligation de motiver impose uniquement au juge de mentionner les motifs qui l'ont guidé, mais non de les expliquer dans les moindres détails. Le premier juge a ainsi suffisamment motivé son jugement, permettant à l'appelante de comprendre la décision et de critiquer l'argumentation du premier juge, ce qu'elle a d'ailleurs fait.

Il ne saurait donc être question d'une violation du droit d'être entendue de l'appelante. En tout état de cause, l'appelante a pu s'exprimer et faire valoir ses moyens devant la Cour de céans, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit, de sorte qu'une éventuelle violation de son droit d'être entendue pourrait être réparée et demeurer sans conséquence. L'appelante ne tire d'ailleurs elle-même aucune conséquence juridique de son grief.

L'appel se révèle infondé sur ce point.

4. Les intimés persistent à nier l'existence d'un lien de causalité naturelle entre les manquements qui leur sont reprochés et le dommage subi par l'appelante. Ils allèguent que l'expertise réalisée le 19 septembre 2021, soit postérieurement à l'arrêt de renvoi, constitue un élément de fait nouveau dont il y a lieu de tenir compte et qui démontre l'absence d'une causalité rendue suffisamment vraisemblable.

4.1.1 Il existe un lien de causalité naturelle entre deux événements lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte préjudiciable, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1; 133 III 462 consid. 4.4.2 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 8C_540/2018 du 22 juillet 2019 consid. 4.1).

Pour dire s'il y a causalité naturelle, le juge doit apprécier les preuves fournies et s'interroger, de manière purement factuelle, sur l'enchaînement des événements et le caractère indispensable, pour provoquer le résultat, du comportement invoqué à l'appui de la demande. Il appartient donc au juge d'apprécier les diverses preuves et de constater l'existence - ou l'inexistence - du rapport de causalité naturelle (ATF 128 III 174 consid. 2b; 128 III 180 consid. 2d; arrêt du Tribunal fédéral 4A_695/2016 du 22 juin 2017 consid. 2.1).

4.1.2 Il est généralement admis que l'autorité inférieure à laquelle la cause est renvoyée se trouve liée par les considérants de droit émis par l'autorité supérieure. Ce principe, qui découle logiquement de la hiérarchie des juridictions, s'applique en cas de renvoi prononcé sur appel ou sur recours (ATF 140 III 466 consid. 4.2). Cela signifie que l'autorité inférieure doit limiter son examen aux points sur lesquels sa première décision a été annulée et que, pour autant que cela implique qu'elle revienne sur d'autres points, elle doit se conformer au raisonnement juridique de l'arrêt de renvoi (ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1; 135 III 334 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_279/2018 du 8 mars 2019 consid. 3).

De même, lorsqu'un recours - ou un appel - est interjeté contre une décision rendue à la suite d'un arrêt de renvoi, l'autorité de recours ne revoit pas les questions de droit qu'elle a elle-même définitivement tranchées dans l'arrêt de renvoi. Ce principe découle de la constatation que la juridiction supérieure n'est pas une autorité de recours de ses propres décisions (ATF 140 III 466 consid. 4.2.1; 125 III 443 consid. 3a; 125 III 421 consid. 2a).

Lorsque l'autorité de recours procède à une appréciation des preuves, l'autorité inférieure demeure libre ensuite de procéder à une nouvelle appréciation de la situation, pour autant qu'elle puisse tenir compte de faits complémentaires qu'elle a établis postérieurement (ATF 140 III 466 consid. 4.2.2; 87 II 194 consid. 2b).

4.2 En l'espèce, dans les considérants en droit de son précédent arrêt du 28 février 2020, la Cour a retenu que si les intimés avaient agi de manière diligente, l'atteinte subie par l'appelante aurait vraisemblablement pu être diagnostiquée et donc traitée dans le délai adéquat de huit heures. Sur ce dernier point, la Cour s'est fondée en particulier sur le témoignage du Dr D______, spécialiste en la matière, selon lequel une intervention rapide dans un délai de huit heures permettait de diminuer les risques de séquelles, car dans ce laps de temps, il était encore possible de sauver le tissu cérébral menacé. Par ailleurs, selon les statistiques avancées tant par ce spécialiste que par l'expert, un traitement rapide procurerait des chances non négligeables (plus de 40%) d'obtenir un pronostic favorable avec une bonne évolution. Tout en reconnaissant l'incertitude quant à la corrélation entre la rapidité d'intervention et le pronostic, la Cour a néanmoins admis qu'il existait une probabilité suffisante, au vu des statistiques avancées par les spécialistes, de l'état initial de la patiente et de la recanalisation qu'elle avait subie avec succès, qu'une prise en charge sans délai aurait eu un impact sur le cours des événements, respectivement sur le préjudice subi. Ce faisant, la Cour a admis, au vu des divers moyens de preuve qui lui étaient présentés, l'existence suffisamment vraisemblable d'un lien de causalité naturelle entre la faute retenue à l'endroit des B______ et l'état de santé actuel de l'appelante.

Le Tribunal, tout comme la Cour de céans, est ainsi lié par cette appréciation, sous réserve de faits complémentaires établis postérieurement.

Contrairement à ce que prétendent les intimés, l'expertise du 19 septembre 2021 ne peut être considérée en tant que telle comme un fait nouveau, dès lors qu'il s'agit d'un moyen de preuve visant à apprécier les faits techniques relevant du domaine médical, dont l'état de santé de l'appelante et son incapacité de travail actuels et futurs. Elle ne porte pas ni ne contient des faits qui se seraient produits postérieurement à l'arrêt de renvoi de la Cour, mais se livre uniquement à une appréciation des faits déjà connus. Ainsi, le résultat auquel aboutit la seconde expertise n'est pas constitutif d'un fait nouveau, mais d'une appréciation, sous un angle différent, des faits (cf. consid. 5.2 infra).

De plus, les conclusions de la seconde expertise, selon lesquelles une thrombectomie rapide, effectuée dans les six heures, n'aurait pas eu un bénéfice significatif chez la patiente, sont contredites par d'autres éléments du dossier, dont l'avis du spécialiste en neurologie, le Dr D______, et les statistiques avancées tant par ce dernier que par le premier expert, sur lesquels la Cour s'est fondée dans son arrêt de renvoi. Eu égard aux difficultés d'établir les pronostics de l'appelante en cas d'une prise en charge effectuée avec diligence et des avis divergents des spécialistes en la matière, on ne saurait tenir pour établi le fait, tel qu'avancé par la seconde expertise, que seule une thrombolyse réalisée dans les 3 heures ou au plus tard dans les 4.5 heures après le début des symptômes aurait permis de réduire le handicap de l'appelante. L'appréciation différente des faits par les auteurs de la seconde expertise n'est dès lors pas suffisante, compte tenu des circonstances d'espèce, pour s'écarter de l'arrêt de renvoi.

Par conséquent, rien ne permet de revenir sur l'arrêt du 28 février 2020 en tant qu'il admet l'existence du lien de causalité entre les manquements imputés aux intimés et le dommage subi par l'appelante.

5. Toujours sous le couvert de l'autorité de l'arrêt de renvoi et de la hiérarchie des juridictions, l'appelante reproche au Tribunal de s'être écarté des considérants de l'arrêt de la Cour du 28 février 2020 quant au calcul du dommage, en n'imputant que 15% de celui-ci à la charge des intimés.

5.1 Conformément à l'art. 46 al. 1 CO, en cas de lésions corporelles, comme en l'espèce, la partie qui en est victime a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l’atteinte portée à son avenir économique.

La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO). Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (art. 42 al. 2 CO).

Une fois le montant du dommage fixé, le juge doit encore déterminer le mode et l'étendue de la réparation. Le montant du dommage calculé sur la base de l'art. 42 CO constitue l'indemnité maximale que le responsable peut être tenu de verser. En application des art. 43 et 44 CO, le juge doit décider si la victime a droit à cette indemnité dans sa totalité ou non (Werro/Perritaz, in Commentaire romand CO I, 3ème éd. 2021, n. 1 ad art. 43 CO). Le juge doit fixer d'office l'indemnité en usant de son pouvoir d'appréciation, en tenant compte de la gravité de la faute et des circonstances (Werro/PERRITAZ, op. cit., n. 3 et 12 ad art. 43CO). Parmi les circonstances, il peut être retenu comme motif de réduction le faible lien de causalité entre l'acte illicite et le dommage (ATF 123 III 110 consid. 3c;
111 II 429 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_382/2015 du 4 janvier 2016 consid. 12.5.2). Le juge doit ainsi réduire l'indemnité allouée au lésé s'il a admis dans un cas limite (Grenzfall) le lien de causalité, ce qui présente l'avantage d'aboutir à une solution équilibrée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_74/2016 du 9 septembre 2016 consid. 4.1; 4A_402/2006 du 27 février 2007 consid. 5.4; Brehm, in Berner Kommentar, 4ème éd. 2013, n. 54 ad art. 43 CO).

L'indemnité allouée doit être équitable. Le juge applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 141 III 97 consid. 11.2).

5.2 En l'espèce, il ressort des considérants en droit de l'arrêt de renvoi du 28 février 2020 que la Cour a fondé son raisonnement notamment sur les déclarations du témoin D______ et les statistiques avancées par ce dernier ainsi que par le premier expert, en retenant qu'une intervention rapide dans un délai de huit heures était fortement susceptible de diminuer les risques de morbidité de plus de moitié, et procurait des chances non négligeables (plus de 40%) d'obtenir un pronostic favorable avec une bonne évolution et enfin, que la probabilité que l'appelante aurait tout de même subi des séquelles dont elle souffre aujourd'hui ne prévalait pas (cf. arrêt ACJC/433/2020 du 28 février 2020, consid. 3.2.3,
p. 21-22). La Cour a ainsi admis des chances suffisantes de réduire le taux de morbidité en cas d'intervention rapide, pouvant aller jusqu'à une réduction des séquelles de moitié.

Aux termes de l'arrêt de renvoi, il revenait au Tribunal de procéder au calcul du dommage. A cette fin, le premier juge a ordonné, à juste titre, une expertise en vue d'établir l'état de santé actuel de l'appelante ainsi que son incapacité de travail, données nécessaires pour l'évaluation du dommage. Ces données ont été fournies aux points 7.1 à 7.4 de l'expertise, sans être contestées et n'appellent pas de commentaires particuliers.

En outre, les experts ont été invités à indiquer "quelle serait l'incapacité de travail de [l'appelante] si la prise en charge avait été adéquate, étant rappelé qu'il a été constaté judiciairement que le lien de causalité entre les retards de diagnostic et de traitement et le préjudice, ou, à tout le moins, son aggravation, était rendu vraisemblable". Cette question revient en définitive à déterminer la part du dommage imputable aux intimés. Or, si le degré d'invalidité médicale - qu'il revient certes aux experts de fixer - sert de base à l'évaluation du dommage, il revient en revanche au juge d'apprécier l'étendue du dommage imputable aux intimés en tant qu'auteurs de l'acte illicite, en tenant compte de différents critères, dont la gravité de la faute et les circonstances d'espèce, y compris l'éventuel faible lien de causalité entre l'acte illicite et le dommage subi.

Par ailleurs, pour répondre à cette question, les experts ont procédé à leur propre examen de la situation, sur la base d'hypothèses, sans tenir compte des considérants de l'arrêt de renvoi de la Cour. Ils ont ainsi considéré, à la base de leur raisonnement, que seule une prise en charge dans un bref délai de 3 à 4.5 heures aurait permis d'avoir un impact bénéfique sur la patiente et qu'une thrombectomie effectuée dans les 6 heures n'aurait pas eu un bénéfice significatif, contrairement à ce qui avait été retenu, sur la base d'autres moyens de preuve, lors du prononcé de l'arrêt de renvoi. Force est ainsi de constater que le taux de réduction de handicap de 15%, tel qu'avancé par la seconde expertise, repose sur une nouvelle appréciation de la situation, qui s'écarte, en partie, des faits retenus précédemment dans l'arrêt de renvoi et qui doit donc elle-même être partiellement écartée.

Compte tenu de ce qui précède, on ne saurait retenir tel quel le taux de réduction de handicap de 15%, celui-ci devant être apprécié au vu du litige dans sa globalité, à la lumière de l'ensemble des circonstances d'espèce et moyens de preuve.

Cela étant, l'appelante ne peut être suivie lorsqu'elle tente de faire application d'un taux de réduction de 50%. S'il ressort certes des considérants de l'arrêt de renvoi qu'une prise en charge adéquate aurait pu permettre de diminuer les risques de morbidité de moitié, il s'agit, à l'instar de tous les avis médicaux émis, d'une hypothèse probable, mais non certaine. Les scénarios qui auraient pu se produire sont multiples, allant de l'absence totale de séquelles à des séquelles similaires, et comportent une part aléatoire, sans que les spécialistes en la matière ne puissent se prononcer de manière certaine sur le déroulement théorique des événements. Sur la base de l'ensemble des preuves administrées, il paraît raisonnable de retenir que si les manquements reprochés aux intimés sont certes en relation causale avec l'état actuel de l'appelante, cette dernière aurait néanmoins vraisemblablement subi certaines séquelles, de moindre importance, liées à la survenance de l'occlusion basilaire.

Dans ces circonstances, eu égard en particulier aux considérants de l'arrêt de renvoi, à la gravité de la faute des intimés, aux difficultés à établir un pronostic sur l'état de santé de l'appelante en cas de prise en charge adéquate et au lien de causalité limite entre l'acte illicite et le dommage, la Cour retiendra une part du dommage imputable aux intimés de 35%, en usant de son pouvoir d'appréciation et en tenant compte de manière équitable et adéquate des spécificités du cas d'espèce.

6. Pour le calcul du dommage, l'appelante fait grief au Tribunal d'avoir fait application d'un taux de capitalisation de 3,5%. Elle considère qu'il faut tenir compte du taux d'inflation et de l'indexation au coût de la vie en réduisant le taux de capitalisation à 2,5%.

6.1 Dans un arrêt publié aux ATF 125 III 312, le Tribunal fédéral a confirmé le taux de capitalisation de 3,5% appliqué depuis 1946, lequel tient déjà compte d'un renchérissement futur (ATF 125 III 312 consid. 5a et consid. 7; arrêt du Tribunal fédéral 4A_122/2016 du 4 juillet 2016 consid. 8.1). Depuis lors, ce taux a été employé à plusieurs reprises (cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_437/2017 du 14 juin 2018 consid. 6.2.1; 4A_254/2017 du 9 avril 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités). Plus récemment, le Tribunal fédéral a appliqué le taux de capitalisation de 3,5% pour le calcul d'une perte de gain et d'une perte de rente, ainsi que pour le calcul d'une perte de soutien à la suite d'un décès (arrêts du Tribunal fédéral 4A_116/2022 du 13 septembre 2022 consid. 6.4; 4A_389/2020 du 18 mai 2021 consid. 10.8.3.2 non publié in ATF 147 III 402).

La question du taux de capitalisation n'appelle pas exclusivement un débat juridique, mais doit être résolue en fonction des circonstances économiques déterminantes (ATF 125 III 312 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_599/2018 du 26 septembre 2019 consid. 3.4). Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral s'est opposé à un examen "au cas par cas", eu égard à la prévisibilité et à la sécurité du droit. La question de savoir quand les conditions d'un changement de pratique seraient réunies, à savoir qu'il existe des indices suffisamment sûrs qu'un rendement réel de 3,5% sur les indemnités en capital n'est pas réalisable dans un avenir prévisible et qu'il est possible d'affirmer avec suffisamment de certitude que le taux d'intérêt de capitalisation en vigueur depuis 1946 n'est plus compatible avec le principe de la réparation intégrale du dommage (ATF 125 III 312 consid. 7), ne peut être résolue que sur la base d'une appréciation de l'ensemble des circonstances (arrêts du Tribunal fédéral 4A_116/2022 du 13 septembre 2022 consid. 6.3; 4A_254/2017 du 9 avril 2018 consid. 3.3).

Il appartient à celui qui se prévaut d'un taux différent de celui de 3,5% appliqué jusqu'alors de présenter des allégations relatives aux circonstances économiques déterminantes (arrêts du Tribunal fédéral 4A_116/2022 du 13 septembre 2022 consid. 6.3; 4A_599/2018 du 26 septembre 2019 consid. 3.4; 4A_260/2014 du 8 septembre 2014 consid. 7.2).

6.2 En l'espèce, le Tribunal fédéral a récemment eu l'occasion de confirmer l'application du taux de capitalisation de 3,5% pour le calcul du dommage en matière de responsabilité civile. Dans sa jurisprudence constante, l'application d'un taux différent au "cas par cas" est expressément exclue afin de favoriser la prévisibilité et la sécurité du droit, de sorte que l'on ne saurait s'écarter du taux appliqué jusqu'alors de 3,5%, à moins d'être en présence de motifs suffisamment fondés pour justifier un éventuel changement de pratique.

A l'appui de son grief, l'appelante invoque, de manière toute générale, la situation économique actuelle et l'inflation qui ne cesse de s'accroître. Or, bien que le taux de capitalisation ait été fixé il y a plusieurs décennies, il tient compte du renchérissement futur. Par son argumentation, l'appelante n'expose du reste pas de manière précise les circonstances économiques déterminantes qui justifieraient un changement de pratique, ce qui s'avère insuffisant pour s'écarter de la jurisprudence fédérale, encore récemment confirmée.

C'est donc à bon droit que le Tribunal a employé le taux de capitalisation de 3,5% et celui-ci sera également appliqué par la Cour de céans.

7. L'appelante fait valoir des frais médicaux passés non couverts de 9'644 fr. 40 ainsi que des frais médicaux futurs à concurrence de 11'999 fr. 60.

Le Tribunal a débouté l'appelante de l'entier de ses prétentions en retenant que l'essentiel des frais médicaux qu'elle avait dû supporter n'était pas lié à l'acte illicite, mais à la survenance de l'occlusion du tronc basilaire en soi. Pour le surplus, l'expertise du 19 septembre 2021 avait conclu que même avec un traitement lege artis, l'appelante aurait présenté un taux d'invalidité de 85%, de sorte que la plupart des frais allégués auraient été dus même si elle avait été correctement prise en charge aux urgences, l'appelante n'ayant au demeurant pas allégué quels seraient les frais médicaux spécifiquement liés à l'acte illicite.

7.1 Selon l'art. 46 al. 1 CO, la victime de lésions corporelles a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail.

Le terme "frais" englobe toutes les dépenses médicalement nécessaires, résultant d'une lésion corporelle, soit les premiers secours sur les lieux de l'accident, le transport à l'hôpital, le coût de l'hospitalisation, le traitement du ou des médecins, les soins à domicile, les frais pharmaceutiques, la physiothérapie, une éventuelle psychothérapie, les prothèses et appareils auxiliaires, la réhabilitation physique, les frais éventuels de transport pour les traitements ambulatoires (Brehm, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile [art. 45 à 47 CO], 2ème éd., 2019, n. 621).

7.2 En l'espèce, l'appelante a produit comme seul justificatif un décompte de son assurance, pour la période de 2011 à 2013, comprenant des frais hospitaliers, de pharmacie, de médecin et d'organismes de maintien à domicile. Le total des frais non couverts s'élève à 9'978 fr. arrondis, dont 4'184 fr. pour l'année 2011, 4'648 fr. pour 2012 et 1'145 fr. pour l'année 2013 (franchise, quote-part de frais et frais non pris en charge).

Comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, une partie des frais médicaux est liée à la survenance de l'occlusion du tronc basilaire, laquelle n'est pas imputable aux intimés, de sorte que même en cas de prise en charge diligente, l'appelante aurait dû faire face à des frais médicaux non couverts. On ne peut cependant pas retenir qu'il s'agit de l'essentiel des frais allégués puisque ceux-ci se rapportent majoritairement à des frais concernant les années postérieures à l'accident, liés aux séquelles de celui-ci (et non plus à sa prise en charge), dont une partie doit être mise à la charge des intimés.

Ainsi, les frais relatifs à l'année 2011 seront laissés à la charge de l'appelante qui aurait dû, quoi qu'il en soit, les assumer, la survenance de l'AVC et des frais médicaux y relatifs, dont les frais d'hospitalisation, ne pouvant être mis à la charge des intimés. Les frais postérieurs seront quant à eux considérés comme constitutifs du dommage en lien avec les faits de la cause.

7.2.1 Pour le calcul du préjudice passé, les frais relatifs à 2012 et 2013 sont établis, à teneur du décompte d'assurance, à hauteur de 5'793 fr. (4'648 fr. + 1'145 fr.). Contrairement à l'avis des intimés, aucun élément ne permet de retenir que certains frais seraient en relation avec d'autres problèmes de santé indépendants, étant rappelé que l'appelante était en bonne santé avant l'accident vasculaire du 14 mai 2011. Il n'y a pas non plus lieu de déduire la franchise du montant du dommage, dès lors qu'il n'est pas établi que l'appelante aurait dû faire face à d'autres frais médicaux indépendants impliquant le paiement de la franchise.

Pour les années postérieures à 2013, il peut être retenu que l'appelante a dû et devra encore continuer à supporter des frais médicaux non négligeables sa vie durant, compte tenu de la gravité des séquelles dont elle souffre, du fait que, selon les constatations des experts, elle nécessite une physiothérapie et des entraînements constants afin de préserver les autonomies acquises et qu'il n'existe pas de perspective d'évolution favorable. A défaut d'autre indication, ces frais peuvent être estimés sur la base de ceux supportés en 2013 et maintenus à 1'145 fr. par an, ce qui représente un montant raisonnable de 95 fr. par mois. C'est donc un montant de 9'160 fr. qui sera retenu pour les années 2014 à 2022 (1'145 fr. x 8 ans).

Partant, les frais médicaux passés supportés par l'appelante seront arrêtés à 14'953 fr. (5'793 fr. + 9'160 fr.) pour les années 2012 à 2022. Conformément au considérant qui précède lié au taux de réduction du dommage, la part imputable aux intimés sera fixée à concurrence de 5'233 fr. 55 (14'953 fr. x 35%).

Ce montant portera intérêts à 5% à compter du 8 mars 2017, correspondant à la date moyenne entre l'événement dommageable et le 1er janvier 2023, telle que retenue par le Tribunal et non contestée par les parties.

7.2.2 Concernant les frais médicaux futurs (dès 2023), ils seront arrêtés comme suit: le montant annuel des frais s'élève à 1'145 fr. et doit être capitalisé en rente viagère. Application faite du coefficient de 18.52, correspondant au calcul d'une rente viagère immédiate (table M1y), pour une femme âgée de 59 ans au jour du calcul, avec un taux de capitalisation de 3,5%, on obtient un montant de 21'205 fr. (Stauffer/Schaetzle, Manuel de capitalisation, 2001, p. 127, exemple 9a; Tables de capitalisation, 7ème éd., 2018, p. 116-117). La part imputable aux intimés sera ainsi fixée à 7'421 fr. 75 (21'205 fr. x 35%).

7.2.3 Le jugement attaqué sera réformé en ce sens que les intimés seront condamnés à verser à l'appelante les montants de 5'233 fr. 55 avec suite d'intérêts à titre de frais médicaux passés et de 7'421 fr. 75 à titre de frais médicaux futurs.

8. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir écarté ses frais de déplacement, au motif qu'ils n'étaient pas suffisamment prouvés. Elle allègue avoir fait appel aux services d'un tiers, puis de ses proches pour l'accompagner dans son quotidien.

8.1.1 L'art. 46 CO accorde à la personne blessée le droit aux frais qu'elle doit engager pour éliminer ou du moins limiter les conséquences de la lésion corporelle. En font partie les frais d'assistance et de soins permanents. Les soins à domicile sont également à la charge de la personne responsable, dans la mesure où ils sont dus à un accident. S'ils sont assurés par des membres de la famille, ils doivent néanmoins être indemnisés. Fournis pour favoriser la victime, et non le responsable, ils ne constituent pas des prestations de tiers que le principe de l'imputation des avantages exigerait de diminuer du montant de la créance du lésé (arrêts du Tribunal fédéral 4A_500/2009 du 25 mai 2010 consid. 2.1; 4C_413/2006 du 27 mars 2007 consid. 4; 4C_276/2001 du 26 mars 2002 consid. 6.b)aa) et les références doctrinales citées, in Pra 2002, n. 212, p. 1127; Werro, la responsabilité civile, 2017, n. 1124).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le dommage doit être calculé sur la base du salaire local usuel d'une aide extérieure, en se basant sur le volume horaire nécessaire. Il faut se baser sur les coûts effectifs qu'une prise en charge correspondante entraînerait, respectivement sur leur valeur marchande (arrêt du Tribunal fédéral 4A_500/2009 du 25 mai 2010 consid. 2.1 et les références citées; Werro, op.cit., n. 1124). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de confirmer qu'à Genève et dans l'Arc lémanique, retenir un salaire horaire de 30 fr. pour une employée de maison (femme de ménage ou gouvernante) ne constitue manifestement pas un abus de ce pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.2.3).

L'indemnisation des proches est calculée de la même manière pour des prestations déjà fournies que pour des prestations à fournir, la personne lésée n'ayant aucune garantie que la prestation volontaire perdurera à l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 4A_500/2009 du 25 mai 2010 consid. 2.1 et les références citées).

Si la personne a constamment besoin de l'assistance de tiers, il y a lieu de capitaliser les frais futurs en une rente viagère selon les tables de capitalisation (Stauffer et Schaetzle, Manuel de capitalisation, exemple 9a, p. 127).

8.1.2 En vertu du principe de l'imputation des avantages, les prestations des assurances sociales versées au lésé, pour lesquelles l'assureur social est au bénéfice d'un droit de subrogation, doivent être imputées sur la créance que celui-là détient contre le responsable (ATF 131 III 360 consid. 6.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_439/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.3).

En d'autres termes, le lésé ne peut réclamer au tiers responsable ou à son assurance que la réparation du dommage non couvert par l'assurance sociale qui, pour sa part, acquiert dès la survenance de l'atteinte les prétentions appartenant à la personne lésée qu'elle a indemnisée par le biais d'une subrogation légale (depuis le 1er janvier 2003, cf. art. 72 al. 1 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales [LPGA; RS 830.1]). Ce mécanisme permet notamment d'éviter une surindemnisation du lésé. Cette déduction n'entre toutefois en ligne de compte que pour les prestations (nominales) de l'assureur social qui couvrent un dommage similaire aux prétentions en responsabilité que le lésé peut faire valoir contre le responsable. Il faut qu'il existe une concordance matérielle, temporelle et personnelle (ATF 131 III 360 consid. 6.1; 131 III 12, traduit in SJ 2005 I p. 113, consid. 7.1, arrêt du Tribunal fédéral 4A_378-382/2020 du 2 mars 2021 consid. 8.1).

L'allocation pour impotent est versée à toute personne tributaire de l'aide d'autrui pour accomplir les actes élémentaires de la vie, tels que s'habiller, se lever, se nourrir, faire sa toilette, ou encore le ménage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_703/2018 du 30 janvier 2019 consid. 5.1 et les références citées). Lorsqu'une personne touchait déjà une allocation pour impotent de l’assurance invalidité juste avant d’atteindre l’âge de la retraite, elle est dès cette date mise au bénéfice d’une allocation pour impotent du même montant de la part de l’AVS (Memento d'information de l'AVS 3.01 "Prestations de l’AVS - Rentes de vieillesse et de l’AVS", état au 1er janvier 2023, n. 26, p. 10).

8.2 En l'espèce, sous ce chapitre, l'appelante fait valoir non seulement des frais de déplacement, mais également, de façon plus large, une indemnisation de l'aide apportée par ses proches pour l'accomplissement de ses tâches quotidiennes, dont certains déplacements. Il convient donc d'examiner cette question sous l'angle des frais d'assistance.

Il est acquis que l'appelante nécessite une aide importante pour ses déplacements intérieurs comme extérieurs, ainsi que pour ses gestes du quotidien tels que s'habiller, se coiffer, prendre une douche ou encore préparer les repas, dans la mesure où son autonomie est réduite et peu sûre.

Afin d'établir ses frais de déplacement, l'appelante a produit une attestation indiquant qu'elle a fait usage des services d'un tiers, dénommé K______, afin de l'accompagner et de l'assister dans ses déplacements pour un tarif de 60 fr. par jour jusqu'en mai 2015. Toutefois, cette attestation ayant été établie par ses propres soins, elle équivaut à un simple allégué dépourvu de force probante. Le dossier ne comporte aucun justificatif de paiement, de quittance ou tout autre document susceptible d'étayer ces frais. C'est donc à bon droit que ceux-ci n'ont pas été retenus.

L'appelante prétend que depuis le mois de mai 2015, ce sont ses proches qui lui apportent l'aide dont elle a besoin, ce qui est confirmé par l'expertise du 19 septembre 2021, selon laquelle elle bénéficie de l'aide de ses fils pour les déplacements, de celle de sa fille pour la préparation des repas et de celle des membres de la famille pour l'exécution des tâches administratives. On voit d'ailleurs mal comment elle pourrait faire autrement au vu de son faible degré d'autonomie. L'aide apportée par les proches, respectivement son indemnisation, doit donc être admise dans son principe.

L'appelante estime à 5 heures par semaine l'aide apportée par ses proches pour l'ensemble de ses tâches quotidiennes, précisant qu'il s'agit d'une aide pour sortir de son appartement et rejoindre son scooter électrique, préparer les repas, se préparer pour la douche, effectuer les tâches ménagères et administratives, ainsi que pour s'habiller. Ce faisant, l'appelante intègre sous les frais d'assistance des éléments qui font partie du dommage ménager (tels que la préparation des repas et les tâches ménagères), lequel fait l'objet d'une indemnisation distincte et sera examiné au considérant suivant. Le temps consacré par les proches de l'appelante pour l'assister dans ses gestes quotidiens sera dès lors réduit de moitié à 2.5 heures par semaine, après déduction des tâches relevant du dommage ménager, sous peine de les prendre en compte à double.

Le tarif horaire de 35 fr. allégué par l'appelante paraît quelque peu élevé dès lors qu'il fait référence à la fourniture de soins médicaux, alors que l'aide à indemniser relève davantage d'une assistance dans l'accomplissement de tâches quotidiennes, sans traitement médical. Le tarif sera retenu à hauteur de 30 fr. par heure, correspondant au salaire admis par la jurisprudence pour une employée de maison.

Il doit encore être tenu compte du fait que l'appelante perçoit depuis 2012 une allocation pour impotent versée par l’assurance invalidité, destinée à financer l'aide dont elle a besoin dans sa vie quotidienne. Ladite allocation est similaire et concordante aux prétentions émises au titre de frais d'assistance, puisqu'elle vise les mêmes besoins courants de la vie ordinaire et doit dès lors en être déduite, conformément au principe de l'imputation des avantages.

Selon les pièces du dossier, l'allocation pour impotent perçue par l'appelante s'est élevée à 14'848 fr. en 2012 (1'856 fr. x 8 mois), 9'126 fr. en 2013 ([1'872 fr. x 1 mois] + [1'170 fr. x 3 mois] + [468 fr. x 8 mois]) et 5'616 fr. par an dès 2014 (468 fr. x 12 mois).

En conséquence, le dommage relatif aux frais d'assistance sera arrêté comme suit:

8.2.1 Pour le dommage passé (du 1er mai 2015 à fin 2022) :

Seront retenues 2.5 heures par semaine au tarif horaire de 30 fr., sur une période totale de 92 mois, ce qui donne un dommage total de 29'877 fr. (2.5 h x 30 fr. x 4.33 semaines x 92 mois).

Pendant la période concernée, l'appelante a perçu une rente mensuelle pour impotent de 468 fr., soit une somme totale de 43'056 fr. (468 fr. x 92 mois). Ce montant couvre l'entier du dommage passé de l'appelante (29'877 fr.). Il n'y a dès lors pas lieu de l'indemniser en sus.

8.2.2 Pour le dommage futur (dès janvier 2023)

Le dommage annuel s'élève à 3'897 fr. (2.5 h x 30 fr. x 4.33 x 12 mois) et doit être capitalisé en rente viagère. Application faite du coefficient de 18.52, correspondant au calcul d'une rente viagère immédiate (table M1y), pour une femme âgée de 59 ans au jour du calcul, avec un taux de capitalisation de 3,5%, on obtient un montant de 72'172 fr. (Stauffer/Schaetzle, Manuel de capitalisation, p. 127; Tables de capitalisation, p. 116-117).

La rente pour impotent doit être déduite de ce dommage après capitalisation, selon la même table et les mêmes données techniques (table M1y), soit un coefficient de 18.52 (Stauffer/Schaetzle, Manuel de capitalisation, n. 3.192, p. 393). On obtient ainsi une allocation capitalisée de 104'008 fr. (5'616 fr. x 18.52).

Là encore, le dommage de l'appelante est intégralement couvert par l'allocation pour impotent qu'elle percevra de l'assurance invalidité, puis, dès l'âge de la retraite, de l'AVS.

8.2.3 Par conséquent, l'appelante sera déboutée de ses prétentions tant pour le passé que pour l'avenir, sous peine d'être surindemnisée.

9. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir écarté tout dommage ménager.

Selon le premier juge, les éléments nécessaires à l'établissement du dommage ménager n'ont pas été allégués ni démontrés. Le dossier ne comportait pas d'élément concernant la répartition des tâches ménagères au sein du foyer de l'appelante, étant relevé que la fille de celle-ci était devenue majeure en 2012 et que l'on ignorait si elle vivait encore avec sa mère, ou quand elle aurait quitté le domicile conjugal.

9.1.1 Le préjudice ménager ou dommage domestique correspond à la perte de la capacité d'exercer des activités non rémunérées, telles que la tenue du ménage, ainsi que les soins et l'assistance fournies aux enfants. Ce type de préjudice donne droit à des dommages-intérêts en application de l'art. 46 al. 1 CO, peu importe qu'il ait été compensé par une aide extérieure, qu'il occasionne des dépenses accrues de la personne partiellement invalide, qu'il entraîne une mise à contribution supplémentaire des proches ou que l'on admette une perte de qualité des services (ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.1; 131 III 360 consid. 8.1).

Le dommage ménager doit être évalué concrètement dans la mesure du possible. Il faut se baser sur la mesure dans laquelle l'invalidité médicalement constatée se répercute sur la tenue du ménage (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1). Pour étayer le dommage ménager, il est donc nécessaire de présenter des arguments concrets sur le ménage dans lequel vit la victime, sur les tâches qui y sont assumées ainsi que sur la mesure dans laquelle l'accident l'a effectivement empêchée de fournir ces prestations pour le ménage. Ce n'est, en effet, que lorsqu'il est établi dans quelle mesure la partie lésée est effectivement gênée par l'accident dans ces tâches que se pose la question de la quantification, pour laquelle on peut recourir à des valeurs statistiques (arrêts du Tribunal fédéral 4A_481/2019 du 27 février 2020 consid. 4.1.3 et 4.5.2; 4A_430/2019 du 9 décembre 2019 consid. 2.1; 4A_37/2011 du 27 avril 2011 consid. 6.2.1). Si elle se réfère aux statistiques, la personne lésée doit décrire son ménage et le rôle qu'elle joue avec au moins suffisamment de précisions pour qu'il soit possible d'apprécier si la statistique en question repose sur des données correspondant à celles de la personne lésée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_481/2019 du 27 février 2020 consid. 4.4.2; 4A_430/2019 du 9 décembre 2019 consid. 2.1).

9.1.2 Lors du calcul du préjudice ménager, il convient de procéder en trois étapes: il s'agit d'abord d'évaluer le temps que, sans l'accident, le lésé aurait consacré à accomplir des tâches ménagères, puis, en partant du taux d'invalidité médicale résultant de l'accident, de rechercher l'incidence de cette invalidité médico-théorique sur la capacité du lésé à accomplir ses tâches ménagères et, enfin, de fixer la valeur de l'activité ménagère que le lésé n'est plus en mesure d'accomplir (ATF 131 III 360 consid. 8.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.2).

Pour évaluer le temps nécessaire aux activités ménagères, le juge peut soit se prononcer de façon abstraite, en se fondant exclusivement sur des données statistiques, soit prendre en compte les activités effectivement réalisées par le soutien dans le ménage. Dans le premier cas, le juge applique des critères d'expérience, alors que dans la seconde hypothèse, il examine la situation concrète, même s'il s'aide d'études statistiques pour déterminer dans les faits à quelle durée correspond une activité précise réalisée dans le ménage en cause (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.2.1). La jurisprudence considère que l'enquête suisse sur la population active (ESPA; en allemand, SAKE), effectuée périodiquement par l'Office fédéral de la statistique, offre une base idoine pour la détermination du temps effectif moyen consacré par la population suisse aux activités ménagères et pour la fixation du temps consacré dans chaque cas individuel (ATF 131 III 360 consid. 8.1; 129 III 135 consid. 4.2.2.1).

S'agissant de fixer la valeur du travail ménager, la jurisprudence considère qu'il faut prendre comme référence le salaire d'une femme de ménage ou d'une gouvernante (ATF 132 III 312 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.3; 129 II 145 consid. 3.2.1), qui peut être retenu aux alentours de 30 fr. par heure dans la région genevoise (cf. consid. 8.1.1 supra; arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.2.3).

Le dommage ménager futur doit être capitalisé au moyen des tables d'activité. Dans ce contexte, le juge tiendra compte du caractère évolutif du travail domestique au regard de la structure du ménage et des modifications prévisibles qu'elle connaîtra, en particulier lors du départ du ou des enfants du foyer familial, en faisant usage des tables d'activité temporaires et différées. En revanche, il n'y a pas lieu de distinguer une période supplémentaire dès l'âge de 80 ans du seul fait que la capacité de tenir soi-même son ménage diminue avec l'âge. En effet, les tables d'activité tiennent compte de la notion d'activité, soit de la capacité de travail, qui prend fin lorsqu'on n'est plus en mesure physiquement de tenir son propre ménage lié au grand âge (ATF 129 III 135 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_543/2015; 4A_545/2015 du 14 mars 2016 consid. 8; 4A_19/2008 du 1er avril 2008 consid. 2 et 3 et les références citées).

9.2 En l'espèce, il ressort du dossier, sans que cela ne soit contesté, qu'au moment de l'AVC, l'appelante vivait avec son époux et sa fille, alors âgée de 17 ans, et que dès 2014, elle a vécu seule avec sa fille, son époux ayant quitté le domicile conjugal. Sur le plan professionnel, l'appelante travaillait à 80%, ce qui lui laissait du temps pour se consacrer à la tenue du ménage.

Selon les rapports médicaux figurant au dossier, dont un courrier du 20 décembre 2013 de la Dresse L______, il a été constaté que l'appelante avait besoin d’aide pour le ménage, la cuisine, les courses, les sorties, ainsi que les activités lourdes, ce qui tend à démontrer qu'elle n'était plus en mesure d'assumer seule les tâches domestiques qu'elle avait l'habitude de faire avant son accident. En effet, l'appelante n'aurait pas eu besoin d'aide si ces tâches étaient de toute façon confiées à un tiers ou réalisées par d'autres membres de sa famille. Bien que sa fille fût presque majeure au jour de l'accident, on ne saurait en déduire que l'appelante n'effectuait plus aucune tâche ménagère. Enfin, l'expertise du 19 septembre 2021 a clairement établi dans quelle mesure l'appelante était désormais empêchée d'accomplir les tâches domestiques, chiffrant son incapacité à 100% pour les nettoyages et l'hygiène du lieu de vie et à 80% pour les courses et pour la préparation des repas.

S'il faut concéder que l'appelante n'a pas fourni de nombreuses explications sur sa situation familiale avant l'accident, suffisamment d'éléments concernant le ménage dans lequel elle vivait et sur son rôle, ainsi que sur l'impact de l'accident, ressortent du dossier pour retenir que sa situation familiale correspond aux critères des statistiques applicables (ESPA), étant précisé que lesdites statistiques contiennent précisément une catégorie pour une femme vivant en couple ou seule avec un enfant majeur. Il y a ainsi lieu d'entrer en matière sur le dommage ménager.

9.2.1 Pour le calcul du dommage passé, il convient de distinguer trois périodes et de tenir compte du fait que l'appelante travaillait précédemment à 80% puisque la première étape de l'opération consiste à évaluer le temps que, sans l'accident, la lésée aurait consacré à accomplir des tâches ménagères.

-              De 2011 à 2014 : l'appelante était en couple et vivait avec sa fille. Contrairement à l'avis des intimés, le fait que l'appelante n'ait plus perçu la rente invalidité pour enfant dès le 1er juillet 2014 - laquelle est versée jusqu'à la majorité de l'enfant ou jusqu'à la fin de sa formation - ne signifie pas pour autant que sa fille ne vivait plus auprès de ses parents.

Selon les statistiques ESPA, en 2013, une femme en couple élevant un enfant entre 18 et 24 ans et travaillant à un taux entre 50% et 89% consacre environ 26.4 heures par semaine au travail domestique (Office fédéral de la statistique, tableau T 03.06.02.07).

Il sied de relever qu'en 2011, l'appelante a été hospitalisée la majeure partie du temps à compter de son AVC, soit de mai à fin novembre, de sorte que les tâches ménagères se trouvaient réduites et peuvent être estimées à 4 heures par mois durant les périodes d'hospitalisation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2008 du 1er avril 2008 consid. 3.5.1), correspondant à un total arrondi à six mois.

-          De 2015 à 2017: l'appelante vivait seule avec sa fille.

Selon les statistiques ESPA, en 2016, une femme seule élevant un enfant entre 18 et 24 ans et travaillant à un taux entre 50% et 89% consacre 30.6 heures par semaine au travail domestique (Office fédéral de la statistique, tableau T 03.06.02.07).

-          De 2018 à 2022: l'appelante doit être considérée comme une personne vivant seule dès lors que sa fille a atteint l'âge de 24 ans.

Selon les statistiques ESPA, en 2020, une femme âgée entre 45 et 64 ans vivant seule, sans enfant, et travaillant à un taux entre 50% et 89% consacre 17.6 heures par semaine au travail domestique (Office fédéral de la statistique, tableau T 03.06.02.03).

Concernant le taux d'incapacité de l'appelante, il est admis qu'il était total en 2011 et 2012 et que cette dernière a progressivement gagné en autonomie jusqu'à atteindre la stabilité clinique constatée par les experts en 2021, lesquels ont estimé son incapacité à 100% pour les nettoyages et l'hygiène du lieu de vie et à 80% pour les courses et la préparation des repas. En pondérant les pourcentages d'incapacité précités en fonction de la durée consacrée aux différentes activités selon les statistiques ESPA, il sera retenu un taux global d'incapacité ménagère de 92%, admis par les intimés. Partant, il sera retenu une incapacité de 100% pour les années 2011 et 2012 et de 92% pour les années subséquentes.

Quant à la valeur du travail ménager, les parties admettent toutes deux un tarif horaire applicable de 30 fr., correspondant au salaire d'une femme de ménage, ce qui paraît conforme aux tarifs pratiqués en région genevoise.

Au vu des éléments qui précèdent, le dommage ménager passé s'établit comme suit :

Année

Mois

h/s

Par mois

Tarif/heure

Taux d'incapacité

Total annuel

2011

(hospitalisation)

6

 

4h

30 fr.

100%

720 fr.

2011

1

26.4

x 4.33

30 fr.

100%

3'429 fr.

2012

12

26.4

x 4.33

30 fr.

100%

41'152 fr.

2013

12

26.4

x 4.33

30 fr.

92%

37'860 fr.

2014

12

26.4

x 4.33

30 fr.

92%

37'860 fr.

2015

12

30.6

x 4.33

30 fr.

92%

43'883 fr.

2016

12

30.6

x 4.33

30 fr.

92%

43'883 fr.

2017

12

30.6

x 4.33

30 fr.

92%

43'883 fr.

2018

12

17.6

x 4.33

30 fr.

92%

25'240 fr.

2019

12

17.6

x 4.33

30 fr.

92%

25'240 fr.

2020

12

17.6

x 4.33

30 fr.

92%

25'240 fr.

2021

12

17.6

x 4.33

30 fr.

92%

25'240 fr.

2022

12

17.6

x 4.33

30 fr.

92%

25'240 fr.

Total

 

 

 

 

 

378'870 fr.

Le dommage ménager passé s'élève ainsi à 378'870 fr.

Doit être portée en déduction de ce montant l'allocation pour impotent, laquelle vise l'aide apportée par des tiers pour accomplir les actes nécessaires de la vie quotidienne, dont le ménage (cf. consid. 8.1.2 supra). Dite allocation couvre ainsi tant les frais d'assistance précédemment établis que le dommage ménager. L'appelante a perçu à ce titre 14'848 fr. en 2012, 9'126 fr. en 2013 et 50'544 fr. entre 2014 et 2022 (5'616 fr. x 9 ans), soit une somme totale de 74'518 fr.

Dans la mesure où l'allocation pour impotent est déjà destinée à couvrir les frais d'assistance passés à hauteur de 29'877 fr., il demeure un solde de 44'641 fr. (74'518 fr. - 29'877 fr.). Le dommage ménager passé non couvert s'élève dès lors à 334'229 fr. (378'870 fr. - 44'641fr.).

Conformément à ce qui a été retenu précédemment, seuls 35% du dommage est imputable aux intimés. Ces derniers seront par conséquent condamnés à verser à l'appelante le montant de 116'980 fr. à titre de dommage ménager passé (334'229 fr. x 35%)

Ce montant portera intérêts à 5% dès le 8 mars 2017 (date moyenne retenue).

9.2.2 Pour le calcul du dommage ménager futur (dès janvier 2023), il convient de distinguer trois périodes, selon l'âge de l'appelante et du nombre d'heures qu'elle aurait consacré au ménage selon les statistiques.

Selon les statistiques ESPA, en 2020 une femme vivant seule, sans enfant et avec un taux d'occupation entre 50% et 89% consacre 17.6 heures par semaine au travail domestique lorsqu'elle est âgée entre 45 et 64 ans, 23.7 heures par semaine entre 65 et 79 ans et 19.1 heures par semaine au-delà de 80 ans (Office fédéral de la statistique, tableau T 03.06.02.03).

- De 2023 à 2028 : jusqu'à l'âge de 64 ans.

L'appelante aurait consacré 17.6 heures au travail domestique, soit 914,5 heures par an (17.6 h x 4.33 x 12). En tenant compte du tarif horaire usuel et du taux d'incapacité, cela correspond à un dommage annuel de 25'240 fr. (914,5h x 30 fr. x 92%).

Il faut encore capitaliser ce montant avec une table temporaire d'activité (table A2y; cf. consid. 9.1.2 supra). Application faite du coefficient de 5.33, correspondant au calcul d'une rente temporaire d'activité, pour une femme âgée de 59 ans au jour du calcul, payable pendant six ans avec un taux de capitalisation de 3,5%, on obtient un montant de 134'529 fr. (Stauffer/Schaetzle, Tables de capitalisation, p. 223).

-          De 2029 à 2043 : Lorsque l'appelante sera âgée entre 65 et 79 ans.

Selon les statistiques, elle aurait consacré 23.7 heures par semaine aux tâches domestiques, soit 1'231 heures par an (23.7 h x 4.33 x 12). En tenant compte du tarif horaire usuel et du taux d'incapacité, cela correspond à un dommage annuel de 33'975 fr. (1'231 h x 30 fr. x 92%).

En tenant compte du coefficient de 13.18, correspondant au calcul d'une rente temporaire (table A2y), pour une femme âgée de 59 ans au jour du calcul, payable pendant 21 ans avec un taux de capitalisation de 3,5%, duquel on déduit le coefficient de 5.33 pour la première période de six ans, on obtient un coefficient applicable de 7.85 (13.18 - 5.33) et un dommage pour la période concernée de 266'703 fr. (33'975 fr. x 7.85).

-          De 2044 au décès : L'appelante sera âgée de 80 ans

Selon les statistiques, elle aurait consacré 19.1 heures par semaine aux tâches domestiques, soit 992 heures par an (19.1 h x 4.33 x 12). En tenant compte du tarif horaire usuel et du taux d'incapacité, cela correspond à un dommage annuel de 27'379 fr. (992 h x 30 fr. x 92%).

En tenant compte du coefficient de 15.10, correspondant au calcul d'une rente immédiate d'activité (A1y), pour une femme âgée de 59 ans au jour du calcul, avec un taux de capitalisation de 3,5%, duquel on déduit le coefficient de 13.18 pour les 21 premières années, soit un coefficient applicable de 1.92 (15.10 - 13.18), on obtient un dommage pour la période concernée de 52'567 fr. (27'379 fr. x 1.92).

Le dommage ménager futur et total s'établit ainsi à 453'799 fr. (134'529 fr. + 266'703 fr. + 52'567 fr.).

De ce montant doit être déduite l'allocation pour impotent, capitalisée à 104'008 fr. (cf. consid. 8.2.2 supra). Dans la mesure où celle-ci est déjà destinée à couvrir les frais d'assistance futurs à hauteur de 72'172 fr., il demeure un solde de 31'836 fr. (104'008 fr. - 72'172 fr.). Le dommage ménager futur non couvert s'élève dès lors à 421'963 fr. (453'799 fr. - 31'836 fr.).

Les intimés seront ainsi condamnés à verser à l'appelante 147'687 fr. (421'963 fr. x 35%) à titre de dommage ménager futur.

9.2.3 Le jugement entrepris sera par conséquent réformé dans le sens des considérants qui précèdent.

10. L'appelante critique le calcul opéré par le Tribunal quant à l'indemnité de perte de gain, alléguant que la méthode appliquée s'écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière.

Dans un premier temps, le Tribunal a commencé par déterminer la perte de gain subie par l'appelante. Dans ce cadre, il a constaté que son dernier salaire s'était élevé, en 2011, à 68'343 fr., dont 5'700 fr. de bonus. Il a ensuite retenu qu'elle avait perçu des revenus annuels de 77'059 fr. en 2012, 66'282 fr. en 2013, 53'447 fr. en 2014, 53'543 fr. de 2015 à 2018, 53'759 fr. de 2019 à 2020 et de 53'963 fr. dès 2021. Sa perte de gain annuelle s'élevait donc respectivement à 0 fr. (2012), 2'061 fr. (2013), 14'896 fr. (2014), 14'800 fr. (2015 à 2018), 14'584 fr. (2019 à 2020) et, enfin, à 14'380 fr. (dès 2021).

Dans un second temps, au vu de la seconde expertise judiciaire, le premier juge a retenu que pour l'année 2013, seuls 15% de la perte de gain, soit 309 fr., pouvaient être mis à la charge des intimés et que pour les années 2014 à 2022, l'appelante aurait été en mesure, sans l'acte illicite, de travailler à 15% et donc de réaliser 15% de son salaire, soit un montant annuel de 10'251 fr., ce qui représente un montant total de 92'259 fr.

En conclusion, le Tribunal a considéré que l'appelante avait un déficit annuel supérieur aux prestations sociales, de sorte qu'il appartenait aux intimés d'indemniser ce déficit, à savoir 92'568 fr. (92'259 fr. + 309 fr.).

10.1 La loi fait une distinction entre la perte de gain actuelle, qui est éprouvée au jour de la décision de la juridiction cantonale devant laquelle on peut alléguer pour la dernière fois des faits nouveaux, et la perte de gain future, pour l'éventualité où l'incapacité de travail dure toujours parce que le lésé est devenu totalement ou partiellement invalide. Cette distinction n'a pas d'autre fonction que celle de faciliter le travail de calcul du juge, car il s'agit en fait de deux postes du même préjudice. Les principes présidant au calcul de ces deux postes du dommage sont donc les mêmes (arrêts du Tribunal fédéral 4A_437/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.2.; 4A_310/2014 du 10 octobre 2014 consid. 2.2; 4A_481/2009 consid. 3.2 et les références citées).

Le préjudice s'entend dans tous les cas au sens économique. Est donc déterminante la diminution de la capacité de gain. Le dommage consécutif à l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète. Le juge partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses effets sur la capacité de gain ou l'avenir économique du lésé; cette démarche l'amènera à estimer le gain que le lésé aurait obtenu dans son activité professionnelle s'il n'avait pas subi l'accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1; 129 III 135 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2014 du 10 octobre 2014 consid. 2.2).

Si la situation salariale concrète de la personne concernée avant l'événement dommageable constitue ainsi la référence, le juge ne doit toutefois pas se limiter à constater le revenu réalisé jusqu'alors, car l'élément déterminant repose bien davantage sur ce que le lésé aurait gagné annuellement dans le futur. Mais il incombe en particulier au demandeur de rendre vraisemblables les circonstances de fait - à l'instar des augmentations futures probables de son salaire durant la période considérée - dont le juge peut inférer les éléments pertinents pour établir le revenu que le premier aurait réalisé sans l'accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1; 129 III 135 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2014 du 10 octobre 2014 consid. 2.2).

Le lésé ne peut réclamer au tiers responsable que la réparation du préjudice qui n'est pas couvert par les assurances sociales, lesquelles sont subrogées ex lege dans les droits du premier. Il en découle que les diverses prestations accordées par les assurances sociales doivent être déduites de l'indemnisation du dommage que le lésé peut réclamer au responsable (ATF 131 III 360 consid. 6.1 et les références doctrinales).

D'après la jurisprudence, la perte de gain indemnisable correspond à la différence entre le revenu net de valide du lésé (revenu hypothétique sans l'accident) et son revenu net d'invalide (revenu qui peut probablement être réalisé après l'accident) (ATF 136 III 222 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2014 du 10 octobre 2014 consid. 2.2).

La perte de gain future est indemnisée de manière différente puisqu'elle appelle le versement d'un montant capitalisé (donc escompté) ou d'une rente. Pour la capitalisation, il convient d'utiliser les tables et programmes à disposition, qui tiennent compte de paramètres tels que le jour du calcul, le sexe et l'âge du lésé (Stauffer/Schaetzle, Manuel de capitalisation, n. 2.23 ss, p. 44 ss).

10.2.1 En l'espèce, les montants relatifs aux revenus et pertes de gain sont admis par les parties, sous réserve des revenus 2013. Les intimés soulèvent avec raison que le premier juge a omis de tenir compte de la rente invalidité pour enfant, accordée à l'appelante par décision du 2 juillet 2013, à hauteur de 812 fr. par mois pour la période du 1er janvier au 30 juin 2013. Ainsi, un montant de 4'872 fr. (812 fr. x 6 mois) sera ajouté aux revenus perçus par l'appelante en 2013, portant ceux-ci à 71'154 fr. (66'282 fr. + 4'872 fr.), soit un montant supérieur à son dernier salaire de référence avant l'accident (68'343 fr.), de sorte qu'elle n’a pas subi de perte de gain en 2013. Point n'est ainsi besoin d'examiner, en outre, si sa part au bonus serait, comme allégué par les intimés, plus importante que celle retenue pour l'année 2013.

Quant au calcul, on ne saurait suivre le raisonnement du Tribunal. En effet, celui-ci a appliqué deux méthodes différentes, sans en justifier les raisons, pour calculer la perte de gain imputable aux intimés, l'une pour l'année 2013, l'autre pour les années 2014 à 2022. Pour cette dernière période, il s'est fondé uniquement sur la (théorique) capacité de travail résiduelle de l'appelante, estimant qu'elle aurait pu, sans l'accident, réaliser un revenu total de 92'259 fr. Ce faisant, le premier juge n’a tenu compte ni de la situation salariale concrète de l'appelante avant l'accident, ni des prestations versées par les diverses assurances sociales, ni a fortiori de la perte de gain effective, qu'il a pourtant préalablement calculée pour chaque année.

En reprenant les montants arrêtés et admis, la perte de gain passée s'élève à 132'440 fr. pour les années allant de 2014 à fin 2022 (14'896 fr. + 59'200 fr. [14'800 fr. x 4] + 29'584 fr. [14'584 fr. x 2]) + 28'760 fr. [14'380 x 2]).

La part imputable aux intimés étant de 35%, c'est un montant de 46'354 fr. (132'440 fr. x 35%) qui sera mis à leur charge, avec intérêts à 5% dès le 8 mars 2017 (date moyenne retenue).

10.2.2 S'agissant de la perte de gain future, l'appelante continuera de subir une perte de gain annuelle de 14'380 fr. (68'343 fr. - 53'963 fr.), rien ne permettant de retenir que son revenu n’aurait pas été constant, ce qu’elle n’allègue d’ailleurs pas. Il convient de capitaliser ce montant avec une table d'activité jusqu'à 64 ans pour une femme de 59 ans, avec un taux de 3,5% (table A3y), soit un coefficient de 4.53 (Stauffer/Schaetzle, Manuel de capitalisation, p. 52, exemple 1a ; Tables de capitalisation, p. 241).

On obtient ainsi un montant total de 65'141 fr. (14'380 fr. x 4.53), dont la part imputable aux intimés sera fixée à 22'799 fr. (65'141 fr. x 35%).

10.2.3 Le jugement attaqué sera en conséquence réformé dans le sens des considérants qui précèdent.

11. L'appelante conteste le calcul lié au dommage de rente.

Sur ce point, le Tribunal a estimé que l'appelante aurait été en mesure, sans l'évènement dommageable, de percevoir une rente AVS de quelque 48'644 fr. par an, correspondant à 65% de son dernier revenu brut (65% de 74'837 fr.). Dans la mesure où elle percevait une rente annuelle invalidité de 24'888 fr. ainsi qu'une rente annuelle LPP de 29'075 fr., soit un total de 53'963 fr., elle ne subissait aucun dommage de rente.

11.1 Par dommage de rente, il faut entendre la diminution de la rente de retraite, due à la diminution du salaire en raison de l'atteinte à l'intégrité. Cette perte équivaut à la différence entre la rente hypothétique de vieillesse (sans l'atteinte à l'intégrité) et la rente hypothétique, probablement diminuée en raison des cotisations réduites après l'accident. Il s'agit d'un dommage futur (Brehm, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile (art. 45 à 47 CO), 2ème éd., 2019, n. 123-124 et les références). En d'autres termes, il convient de soustraire des rentes de vieillesse probables les prestations des assurances sociales versées durant la même période que les rentes de vieillesse (ATF 129 III 135 consid. 2.2 et 3.3).

Il s'agit d'indemniser le lésé pour la différence entre la rente de vieillesse hypothétique qu'il aurait touchée sans l'invalidité et celle (vraisemblablement) effective qu'il touchera en raison de l'accident. La capitalisation s'opérera sur la base de la table de capitalisation de Stauffer/Schaetzle "rente viagère différée" (Brehm, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile, op. cit., n. 128).

Selon le Tribunal fédéral, les rentes de vieillesse se situent, selon l'expérience, entre 50% et 80% du salaire déterminant, si bien qu'une moyenne de 65% peut être retenue (ATF 129 III 135 consid. 3.3). La doctrine considère que les prestations vieillesse au moment de la retraite se situent entre 60% et 70% de la rémunération brute (Stauffer/Schaetzle, Manuel de capitalisation, 2001, n. 4.58, p. 500).

A teneur de l'art. 33 al. 1 de la Loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS; RS 831.10), les rentes de vieillesse ou de survivants sont calculées sur la base des mêmes éléments que la rente d’invalidité à laquelle elles succèdent, s’il en résulte un avantage pour l’ayant droit.

11.2 En l'espèce, l'appelante percevait, en 2011, un salaire annuel brut de 74'837 fr.

L'estimation des prestations vieillesse faite par le Tribunal selon la méthode forfaitaire en tenant compte du dernier salaire annuel brut et en y appliquant un taux de 65% est conforme à la jurisprudence fédérale. Il ne se justifie dès lors pas de s'écarter du montant de 48'644 fr. (74'837 fr. x 65%) retenu au titre des probables prestations vieillesse futures. Il faut ensuite comparer ce montant avec les rentes d'invalidité effectivement allouées à l'appelante du fait de son accident, respectivement les prestations futures de l'AVS qui seront équivalentes aux prestations de l’assurance invalidité, ainsi que les prestations complémentaires de la LPP, soit en l'occurrence un montant total de 53'963 fr. (24'888 fr. + 29'075 fr.). On obtient de la sorte un solde positif de 5'319 fr., et non un déficit à éprouver par l'appelante.

Il s'ensuit que c'est de manière conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral que le premier juge a retenu que l'appelante ne subissait aucun dommage de rente.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

12. L'appelante remet en cause le montant alloué au titre de tort moral, estimant celui-ci insuffisant. Elle fait valoir un montant de 100'000 fr.

Dans sa décision, le Tribunal a estimé que l'allocation d'un montant de 15'000 fr. paraissait adéquat et équitable, compte tenu des importantes lésions dont souffrait l'appelante, mais également du fait que seule une faible partie de celles-ci (15%) était due au comportement des intimés.

12.1 Selon l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte des circonstances, allouer une indemnité équitable à la victime de lésions corporelles à titre de réparation morale.

L'indemnité pour tort moral a pour but exclusif de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe d'une indemnisation du tort moral et l'ampleur de la réparation dépendent d'une manière décisive de la gravité de l'atteinte et de la possibilité d'adoucir de façon sensible, par le versement d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale (ATF 132 III 117 consid. 2.2.2; 123 III 306 consid. 9b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_631/2017 du 24 avril 2018 consid. 3.1).

Les circonstances particulières évoquées dans la norme consistent dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé (ATF 141 III 97 consid. 11.2). Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent avant tout le genre et la gravité de la lésion, l'intensité et la durée des répercussions sur la personnalité de la personne concernée, le degré de la faute de l'auteur ainsi que l'éventuelle faute concomitante de la victime (ATF 141 III 97 consid. 11.2; 132 II 117 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_695/2016 du 22 juin 2017 consid. 4.1).

L'indemnité allouée doit être équitable. Le juge applique les règles du droit et de l'équité et dispose d'un large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 141 III 97 consid. 11.2).

La souffrance du lésé intervient en principe dès la survenance de l'événement dommageable. Pour cette raison, l'indemnité pour tort moral est exigible dès ce jour (Guyaz, Le tort moral en cas d'accident: mise à jour, in SJ 2013 II 215, p. 260).

12.2 En l'espèce, il est indéniable que l'appelante souffre d'importantes séquelles liées à l'occlusion du tronc basilaire dont elle a été victime, constitutives d'une atteinte particulièrement sévère à son intégrité physique et psychique et impliquant une invalidité permanente.

Le Tribunal a correctement apprécié l'ampleur des souffrances en soulignant le manque d'autonomie de l'appelante ainsi que sa dépendance vis-à-vis des tiers pour des gestes élémentaires de la vie courante, comme se coiffer, préparer ses repas, ou encore pour accomplir les tâches ménagères ou administratives. Il a également tenu compte des souffrances psychiques endurées, en retenant les déclarations faites en audience par l'appelante selon lesquelles elle souffrait au quotidien et avait parfois l'impression qu'elle allait mourir.

En revanche, comme cela ressort des considérants précédents, il y a lieu de retenir une proportion plus importante concernant la part du dommage imputable aux intimés, compte tenu notamment des chances non négligeables pour l'appelante d'obtenir un pronostic plus favorable en cas de prise en charge diligente, tout en reconnaissant les difficultés à prévoir la situation exacte de l'appelante dans une telle situation, cette hypothèse ne s'étant précisément pas réalisée.

Le montant alloué au titre d'indemnité pour tort moral sera en conséquence augmenté à 30'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 14 mai 2011.

13. L'appelante conteste le montant alloué pour ses frais de défense avant procès et réclame le paiement de 9'738 fr. 90 à ce titre.

Les intimés concluent pour leur part à l’annulation du montant alloué par le Tribunal.

Le premier juge a considéré que la note d'honoraires produite à cet égard ne mentionnait pas des postes d'activité spécifiques susceptibles de constituer des frais extra-procéduraux, et a fixé l'indemnité aequo pro bono à 2'500 fr.

13.1 Les frais d'avocat préalables au procès entraînent une dépense occasionnée par l'acte dommageable et, de ce fait, causent une diminution du patrimoine. Il s'agit donc bien d'un dommage selon l'art. 41 CO, indemnisable au titre de frais selon l'art. 46 CO (Brehm, la réparation du dommage corporel en responsabilité civile, op. cit., n. 675 et les références).

Cependant, les frais d'avocat avant procès sont en règle générale inclus dans les dépens (ATF 133 II 361 consid. 4.1 ; 117 II 394 consid. 3), lesquels peuvent indemniser des opérations antérieures au procès dans la mesure où elles étaient destinées à préparer celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_501/2021 du 2 février 2022 consid. 9.2.2 et les références citées). Ils ne peuvent qu'exceptionnellement être réclamés séparément en tant que dommage, en motivant spécialement le fait qu'ils ont été occasionnés de manière illicite par la partie adverse (arrêts du Tribunal fédéral 4A_501/2021 du 2 février 2022 consid. 9.2.2; 4A_148/2016 du 30 août 2016 consid. 2.4).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les frais d'avocat avant le procès peuvent faire partie intégrante du dommage en droit de la responsabilité, mais uniquement s'ils étaient justifiés, nécessaires et raisonnables et qu'ils ne soient pas couverts ni présumés couverts par les dépens (ATF 139 III 190 consid. 4.2;
133 II 361 consid. 4.1; 131 II 121 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_76/2018 du 8 octobre 2018 consid. 3.3).

13.2 En l'espèce, la note d'honoraires produite par l'appelante mentionne notamment des activités en lien avec l'étude du dossier, divers entretiens, notamment avec la cliente, et de la correspondance, sur une période d'août 2012 à juin 2013.

Ces frais d'avocat ont été engagés peu avant l'introduction de la présente procédure, à un moment où il fallait déjà s'attendre de manière raisonnable à un éventuel procès. L'appelante expose du reste elle-même que c'est en raison du refus de l'assurance responsabilité civile des intimés de couvrir son dommage que ces frais ont été engagés, lesquels ont porté sur la prise de connaissance du dossier et le calcul des prétentions civiles à faire valoir. Les conseils d'avocat pré-procéduraux ont ainsi eu (en tout cas aussi) pour but de permettre, de faciliter ou d'éviter la préparation du présent litige, de sorte que les frais correspondants sont, à tout le moins présumés, couverts par l'indemnité des dépens. La teneur de la note d'honoraires et la description des activités déployées ne permet d'ailleurs pas de retenir que certaines des activités ne seraient pas couvertes par l'allocation de dépens.

Par conséquent, le Tribunal ne pouvait pas accorder à l'appelante une partie de la facturation puisqu'il n'est pas établi que l'activité déployée avant procès était constitutive de frais extra-procéduraux.

L'indemnité de 2'500 fr. sera donc supprimée et le jugement entrepris réformé en ce sens.

14. Enfin, les intimés critiquent les frais et dépens de première instance, lesquels ont été mis à leur seule charge.

14.1 Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés par le Tribunal (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC). Ils sont fixés selon le Règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC; E 1 05.10; art. 96 CPC).

A teneur de l'art. 5 RTFMC, les frais judiciaires et les dépens sont fixés en tenant compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance de travail qu'elle a impliqué. Si des circonstances particulières le justifient, l'émolument peut être majoré jusqu'à concurrence du double du montant maximal prévu par les barèmes. Tel est notamment le cas lorsque la cause a impliqué un travail particulièrement important ou lorsque la valeur litigieuse est très élevée (art. 6 RTFMC).

Selon l'art. 17 RTFMC, l'émolument forfaitaire de décision se situe généralement entre 5'000 fr. et 30'000 fr. pour une cause dont la valeur litigieuse est comprise entre 100'001 fr. et 1'000'000 fr. et entre 20'000 fr. et 100'000 fr. lorsque la valeur litigieuse est comprise entre 1'000'001 fr. et 10'000'000 fr.

En règle générale, les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Il faut ainsi comparer ce que chaque partie obtient par rapport à ses conclusions. Une certaine pondération selon l'appréciation du juge, tenant compte d'un gain sur question de principe et du fait qu'en réalité certaines prétentions étaient peut-être plus importantes que d'autres, est concevable (art. 107 al. 1 let. a CPC; Tappy, in Code de procédure civile commenté, 2ème éd. 2019, n. 34 ad. art. 106 CPC).

Le tribunal peut cependant s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (art. 107 al. 1 let. f CPC).

La loi accorde au tribunal une marge de manœuvre pour recourir à des considérations d'équité lorsque dans le cas particulier, la mise des frais du procès à la charge de la partie qui succombe apparaît inéquitable. A titre d'exemple de telles circonstances particulières est notamment mentionné un rapport de forces financières très inégal entre les parties (arrêt du Tribunal fédéral 5D_69/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.3.1).

14.2.1 En l'espèce, dans sa demande initiale, l'appelante a conclu au paiement de la somme totale de 2'041'249 fr., avant de réduire ses prétentions à 1'026'027 fr. dans ses plaidoiries finales du 17 juin 2022 déposées devant le Tribunal. Les frais judiciaires de première instance ont été fixés à 67'600 fr., comprenant un émolument de conciliation (200 fr.), des frais d'administration de preuves, dont des frais d'expertise (17'400 fr.), et un émolument de jugements de (50'000 fr.).

Mis en perspective avec la procédure qui a duré huit ans devant le Tribunal, nécessité de nombreuses audiences et déterminations sur des questions techniques et complexes et abouti à deux décisions d'envergure sur le fond, la première rendue sur le principe même de la responsabilité et la seconde sur le dommage, les frais judiciaires, en particulier l'émolument de jugement, sont conformes aux barèmes précités prévus par la loi et justifiés par la complexité de l'affaire et le travail particulièrement important qu'elle a occasionné. Ils seront, par conséquent, confirmés dans leur quotité.

S'agissant de leur répartition, si l'appelante a succombé dans une large partie en première instance, il convient de tenir compte du fait qu'elle obtient finalement gain de cause sur de nombreuses prétentions à l'issue de la procédure d'appel. Au terme du présent arrêt, l'appelante obtient, en effet, gain de cause sur le principe de la responsabilité, en particulier sur la faute et le lien de causalité, qui représentent des points complexes de l'affaire, ainsi que sur quasiment l'ensemble des postes du dommage allégués dans leur principe. Par ailleurs, elle a dû faire face à une procédure de plus de dix ans pour obtenir gain de cause, les intimés s'étant systématiquement opposés à l'ensemble de ses prétentions. Il sera également tenu compte de la disparité économique évidente entre l'appelante, au bénéfice de l'assistance juridique et les intimés, établissement médical de droit public.

Dans ce contexte, il se justifie de faire application de l'art. 107 al. 1 let. f CPC et de laisser l'entier des frais judiciaires à la charge des intimés.

Le chiffre 5 du dispositif du jugement attaqué sera dès lors confirmé.

14.2.2 Quant aux dépens de première instance, la décision du Tribunal d'allouer un montant de 35'000 fr., non contesté dans sa quotité, en faveur de l'appelante s'avère adéquate et justifiée, compte tenu de l'issue du litige, de la grave atteinte à la santé dont l'appelante a été victime et du déroulement des faits tel que rappelé ci-dessus, ainsi que de la disparité économique entre les parties.

Le chiffre 6 du jugement entrepris sera également confirmé.

15. Reste à examiner les frais d'appels.

Il sera fait masse des frais judiciaires des deux appels, qui seront arrêtés à 30'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et partiellement compensés avec l'avance de 9'000 fr. fournie par les intimés.

Pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés, ils seront laissés à la charge des intimés (art. 107 al. 1 let. f CPC). Ces derniers seront en conséquence condamnés à verser 21'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde de frais judiciaires d'appels.

Les intimés seront, en outre, condamnés à verser un montant de 20'000 fr. à l'appelante à titre de dépens d'appels (art. 84, 85 et 90 RTFMC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés par A______, d'une part, et par les B______, d'autre part, contre le jugement JTPI/9604/2022 rendu le 18 août 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11822/2014.


Au fond :

Annule les chiffres 1, 2, 3, 4 et 7 du dispositif du jugement entrepris et statuant à nouveau sur ces points :

Condamne les B______ à verser à A______ les montants suivants :

-          5'233 fr. 55 avec intérêts à 5% dès le 8 mars 2017;

-          7'421 fr. 75;

-          116'980 fr. avec intérêts à 5% dès le 8 mars 2017;

-          147'687 fr.;

-          46'354 fr. avec intérêts à 5% dès le 8 mars 2017;

-          22'799 fr.;

-          30'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 14 mai 2011.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.


Sur les frais d'appels :

Arrête les frais judiciaires d'appels à 30'000 fr., les met à la charge des B______ et dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance fournie en 9'000 fr. par ces derniers, qui reste acquise à l’Etat de Genève.


 

Condamne les B______ à verser à l'Etat de Genève le montant de 21'000 fr. à titre de solde des frais judiciaires d'appels.

Condamne les B______ à verser à A______ le montant de 20'000 fr. à titre de dépens d'appels.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.