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Décisions | Chambre civile

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C/7323/2018

ACJC/625/2023 du 09.05.2023 sur JTPI/2801/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7323/2018 ACJC/625/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 9 MAI 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France, appelant d'un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 mars 2022, comparant par Me Anne ISELI DUBOIS, avocate, IDR AVOCATS, rue Neuve-du-Molard 4-6, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, comparant par
Me Katarzyna KEDZIA RENQUIN, avocate, Keppeler Avocats, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2801/2022 du 4 mars 2022, reçu par A______ le 9 mars suivant, le Tribunal de première instance a débouté le précité de toutes ses conclusions (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 15'400 fr. et compensé ceux-ci à concurrence de 11'400 fr. avec les avances versées par les parties, (ch. 2), mis lesdits frais à la charge de A______ (ch. 3), condamné A______ à payer 4'000 fr. à l'ETAT de GENEVE, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires (ch. 4), condamné A______ à verser 900 fr. à B______, correspondant au remboursement des avances effectuées par celle-ci, ainsi que 17'585 fr. TTC à titre de dépens (ch. 5 et 6), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte expédié le 8 avril 2022 à la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont il requiert l'annulation.

Il conclut, avec suite de frais, principalement à ce que soit constatée la nullité absolue du testament daté du 17 mars 2013 de feu C______, décédée le ______ 2017 à D______ [GE], subsidiairement à ce que soit prononcée la nullité de ce testament, plus subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants et afin que celui-ci ordonne l'audition de E______ en qualité de témoin.

Il produit un bordereau de treize pièces figurant toutes au dossier du Tribunal.

b. B______ conclut, avec suite de frais, au rejet de l'appel formé par A______ et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions et alléguant des faits nouveaux, notamment au sujet la prise en charge de C______ à compter de l'année 2013 et des circonstances dans lesquelles le testament du 17 mars 2013 aurait été établi.

d. Elles ont encore déposé des observations spontanées les 20 octobre, 4 novembre, 18 novembre et 1er décembre 2022, en alléguant des faits nouveaux au sujet des circonstances précitées.

e. Elles ont été informées par avis du 9 janvier 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a.    A______, né le ______ 1959, et B______, née le ______ 1963, sont les enfants de feu F______, né le ______ 1932 et décédé le ______ 2009, et de feu C______, née le ______ 1933 et décédée le ______ 2017.

b.   Par testament olographe du 3 août 1988, F______ a légué à C______ la totalité de ses biens.

Il était titulaire de quelques comptes bancaires en Suisse. Il était également propriétaire d'un chalet sis à G______ (France) et d'une maison en Espagne.

c.    Après le décès du précité, ses héritiers sont convenus d'interpréter le testament susmentionné dans le sens que C______ acquérait 5/8ème de la masse successorale, correspondant à sa part héréditaire et à la quotité disponible, et que A______ et B______ recevaient chacun 3/16ème de la succession.

d.   Le testament n'étant pas valable en France, les héritiers sont convenus que C______ deviendrait usufruitière du chalet susmentionné, A______ et B______ en étant nus-propriétaires. Les précités ont été inscrits en ces qualités respectives au registre français des hypothèques.

e.    S'agissant de la maison en Espagne, la répartition a été faite conformément à la convention d'interprétation signée en Suisse. En raison de la liquidation du régime matrimonial et du partage successoral, la part de C______ a été de 13/16ème et les parts de A______ et de B______ de 3/32ème chacun.

f.     Après le décès de F______, la santé de C______ s'est dégradée, ce qui a préoccupé ses enfants.

Son médecin traitant, le Dr I______, a déclaré qu'en raison de la maladie de son époux depuis 2004, C______ présentait un état de fatigue et dépressif. Dès 2009, il avait constaté qu'elle avait des troubles de compréhension et de mémoire. Elle se sentait parfois absente et ne savait plus ce qu'elle faisait. Elle prenait ses médicaments de manière anarchique. Selon ses proches, elle était dispersée, ne finissait pas la préparation de ses repas et perdait du poids.

Il avait été alerté en 2012 par B______. Il avait remarqué que les oublis et les problèmes de mémoire de C______ avaient augmenté et qu'elle peinait parfois à trouver ses mots. Il avait procédé à des tests à son cabinet au mois de janvier 2012. Elle avait obtenu un score de 21 sur 30 au test de Minimal Mental Status (ci-après : MMS) et de 5 sur 7 à celui de l'horloge. Ces scores reflétaient la limite entre une atteinte cognitive légère et modérée.

g.    Au mois de novembre 2012, C______ a été adressée par son médecin traitant au centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie de l'âgé (ci-après : CAPPA).

La fille de B______, J______, s'est dès cette époque installée chez elle pour l'aider et lui tenir compagnie pendant la semaine.

h.   A compter du mois de janvier 2013, C______ a bénéficié du soutien de l'Institution de maintien, d'aide et de soins à domicile (ci-après : IMAD). Des infirmières passaient régulièrement chez elle et des repas lui étaient livrés quotidiennement. Ses enfants se relayaient pour lui rendre visite et gérer son administration.

Dès la fin du mois d'avril 2013, elle a entamé un suivi en hôpital de jour à raison de deux fois par semaine.

i.      L'IMAD utilisait un carnet de liaison, dans lequel tous les intervenants pouvaient noter leurs constatations et ce qu'ils avaient fait (achats alimentaires, confection des repas, administration de médicaments).

Il ressort notamment de ce carnet que C______ oubliait des repas qu'elle avait commencé à réchauffer et qu'il fallait donc s'assurer qu'elle mangeait bien le repas apporté ou préparé pour elle; qu'elle ne faisait pas les courses et laissait des denrées périmées au frigo; qu'elle oubliait de se rendre à des rendez-vous et de prendre ses médicaments.

j.     Les 18 et 28 mars 2013, C______ a consulté E______, docteur en psychologie et psychologue spécialiste en psychothérapie FSP auprès de l'Unité de psychiatrie gériatrique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), lequel a rendu un rapport le 2 avril 2013.

Il ressort de ce rapport que l'examen avait été sollicité afin d'évaluer les fonctions cognitives de C______, laquelle présentait des troubles mnésiques depuis deux à trois ans qui s'étaient accentués depuis environ neuf mois. La patiente ne parvenait plus à gérer ses affaires seule et avait un besoin croissant d'encadrement, qu'elle refusait pourtant. Lors de sa prise en charge par le CAPPA au mois de novembre 2012, elle présentait, outre des troubles cognitifs, une agitation verbale, une takinésie, une certaine exaltation et des troubles de la conduite alimentaire (perte de poids de plusieurs kilos). A la suite de l'introduction d'un traitement par antidépresseur et d'une aide à domicile, une amélioration des troubles du comportement de la patiente et une reprise de poids avaient toutefois été constatées.

Selon l'anamnèse, C______ avait subi une IRM-cérébrale le 24 janvier 2013 ayant mis en évidence une légère atrophie cortico-sous-corticale globale en rapport avec son âge ainsi qu'une très légère leucoencéphalopathie vasculaire. Elle présentait également une hypertension artérielle non traitée.

Le rapport constatait que C______ n'était pas toujours consciente d'être en difficulté. Elle était désorientée dans le temps et présentait un manque de mots modéré lorsqu'elle parlait, ainsi que d'importantes difficultés de datation et de rappel de faits récents. L'écriture de ses nom et prénom comportait trois erreurs, dont l'une avait été auto-corrigée. L'écriture sous dictée comportait également de nombreuses erreurs, lesquelles étaient toutefois phonologiquement plausibles (farmacie pour pharmacie, encombreman pour encombrement). C______ réalisait en outre des scores très faibles à différents tests, notamment d'apprentissage d'une liste de mots, sur matériel visuo-spatial, au test de Stroop sur la couleur et en coordination bimanuelle.

Son bilan neuropsychologique était le suivant : un score global sévèrement déficitaire de l'efficience intellectuelle (96/144 à l'échelle de Mattis), un déficit sévère de mémoire antérograde, une désorientation temporelle, un dysfonctionnement exécutif modéré à sévère, des capacités langagières altérées, une atteinte modérée des capacités attentionnelles et de mémoire du travail, un ralentissement significatif de la vitesse de traitement de l'information, une relative préservation des capacités praxiques et gnosiques et une manifestation d'anxiété.

C______ s'était montrée très anxieuse lors de l'évaluation. Cette anxiété bloquait l'intéressée, qui n'arrivait alors plus à se concentrer, et péjorait donc probablement certaines difficultés cognitives.

La nature des troubles cognitifs (trouble de l'encodage en mémoire épisodique, difficulté d'accès lexical, hellip), leur évolution (péjoration progressive selon l'entourage) et l'anosognosie de la patiente suggéraient une démence neurodégénérative (maladie d'Alzheimer d'intensité modérée). Etant donné la présence d'une hypertension artérielle non traitée et les résultats de l'IRM, une étiologie vasculaire (démence mixte) ne pouvait être exclue.

k.   Le 17 mars 2013, C______ a rédigé un testament olographe dont la teneur était la suivante :

"Ceci est mon testament

 

Dans la mesure du possible en fonction de la loi existante au moment de mon décès, j'opte pour la loi française comme devant s'appliquer à ma succession.

 

Je soussignée Madame C______, née le ______ 1933, souhaite que lors de ma succession et du partage des biens existants dans le patrimoine familial (biens de mon mari - biens m'appartenant) :

 

-       le chalet de G______ soit la propriété de mon fils Monsieur A______, né le ______ 1959

 

-       et la maison d'Espagne soit la propriété de ma fille, B______ née le ______ 1963.

 

Mes enfants, je vous demande de ne pas vous disputer autour de ce patrimoine que votre père et moi avons construit pour vous.

 

Fait à Genève le dix-sept mars deux mille treize

 

C______"

l.      C______ a déposé ce testament à K______ (France), auprès de Me L______, notaire.

m. B______ a déclaré au Tribunal que sa mère avait décidé de retourner voir la notaire qui s'était occupée de l'usufruit du chalet au décès de son époux car elle avait confiance en cette personne. Les biens immobiliers situés en France et en Espagne n'ayant pas été déclarés fiscalement en Suisse, sa mère ne souhaitait par ailleurs pas consulter son notaire genevois, Me M______.

Elle avait discuté avec sa mère de sa volonté que le chalet en France et la maison en Espagne restent dans la famille car ce patrimoine était, selon sa mère, "l'œuvre d'une vie" qu'elle avait bâti avec son époux. Sa mère avait dû lui faire part de son projet de rédiger un nouveau testament un à deux mois avant le rendez-vous avec la notaire. Selon B______, son frère était au courant du testament, ce que l'intéressé a nié, affirmant n'en avoir eu connaissance que le 10 octobre 2017, lorsque sa sœur lui en avait remis une copie.

B______ a encore déclaré avoir elle-même conduit sa mère chez Me L______ à deux reprises. Elle n'avait pas assisté au rendez-vous et était restée dans la salle d'attente. Sa mère et la notaire avaient rédigé un premier document mais elle n'avait pas eu connaissance du projet à ce moment-là. Sa mère était ensuite venue au second rendez-vous avec son projet. Elle ne savait pas si celui-ci avait été modifié dans l'intervalle. Sa mère avait déposé le projet lors de ce rendez-vous et elle avait alors eu connaissance de l'acte.

B______ ignorait ce que la notaire avait dit ou fait pour s'assurer de l'état de sa mère. Elle imaginait toutefois que si la notaire avait constaté un problème, elle lui en aurait fait part. La notaire ne lui avait pas demandé de procéder à un quelconque examen médical pour s'assurer du discernement de sa mère. Elle lui avait en revanche dit qu'elle avait constaté que sa mère était plus sereine après avoir pris ces dispositions.

B______ a précisé avoir interrogé la notaire sur le fait que sa mère n'était qu'usufruitière du chalet. La notaire lui avait répondu que sa mère pouvait prendre une décision à ce sujet si elle le désirait.

A______ a contesté ce qui précède. Il a déclaré au Tribunal qu'après le décès de son père, sa mère, sa sœur et lui-même s'étaient rendus auprès de Me L______. Celle-ci leur avait appris que seul F______ était propriétaire du chalet et que C______ pouvait dès lors devenir soit usufruitière de ce bien, soit propriétaire à raison d'un quart aux côtés de ses enfants. C______ avait été fâchée et avait eu une réaction démesurée, ce qui lui avait fait se rendre compte qu'elle commençait à avoir des troubles cognitifs. Etant donné que l'entretien avec la notaire s'était mal passé, cela l'étonnait que sa mère ait décidé de la recontacter. Il pensait que sa mère ne l'avait jamais rencontrée, contrairement à ce qu'affirmait sa sœur, et n'avait pas établi de projet d'acte, rien de tel ne résultant de la note d'honoraires de la notaire qu'il avait produite.

n.   Le 8 avril 2013, la Dresse N______ a informés les enfants de C______ que celle-ci était atteinte de démence sénile et de la maladie d'Alzheimer, diagnostic dont elle avait déjà fait part de manière provisoire à B______ par téléphone le 1er février 2013.

o.    Le 17 septembre 2013, C______ a signé une procuration générale en faveur de sa fille par-devant Me M______.

p.   Au mois de décembre 2015, elle est entrée en EMS, où elle est décédée le ______ 2017.

q.   Au mois de février 2018, le cabinet de notaires français a transmis à Me M______ le testament établi par C______ le 17 mars 2013.

D. a. Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance le 28 mars 2018, introduite au fond le 21 novembre 2018, A______ a conclu principalement à ce que soit constatée la nullité absolue du testament de C______ daté du 17 mars 2013, subsidiairement à ce que la nullité de ce testament soit prononcée.

Il a fait valoir que le testament avait été rédigé à une époque où C______ effectuait des tests pour déterminer sa capacité de discernement, laquelle était altérée. Le contenu de l'acte était en outre problématique car la défunte soumettait sa succession au droit français, alors qu'elle n'était ni ressortissante française, ni domiciliée dans ce pays. Elle souhaitait en outre que le chalet en France soit la propriété de son fils alors qu'elle n'avait qu'un usufruit sur ce bien et ne pouvait donc pas en disposer.

La défunte obéissait par ailleurs à sa fille, qui s'occupait notamment de gérer ses comptes bancaires, et se pliait à toutes ses volontés. Sur décision de sa fille, elle avait ainsi révoqué, au mois d'avril 2013, un accès "e-banking" sur son compte ouvert auprès de [la banque] O______ qu'elle avait octroyé à son fils quelques semaines auparavant. Elle avait également fait don de sa voiture à sa petite-fille J______ au mois de février 2012 et lui versait 500 fr. par mois en raison du fait que celle-ci vivait chez elle et s'occupait d'elle, ce qui ne se justifiait aucunement. Ces évènements s'étaient déroulés à la même époque que la rédaction du testament, ce qui démontrait que sa mère était devenue incapable de manifester sa propre volonté et ne disposait donc plus de sa capacité de discernement.

b.   B______ a conclu au rejet de la requête.

Elle a fait valoir qu'elle s'occupait de sa mère presque quotidiennement, tout comme sa fille J______, et contrairement à son frère, qu'elle estimait très détaché de la situation. Elle gérait également toutes les questions administratives et financières. L'état de santé de sa mère avait évolué normalement eu égard à son âge et ses problèmes de mémoire n'emportaient pas une absence de capacité de discernement. Aucun médecin n'avait d'ailleurs affirmé qu'elle ne disposait plus de cette capacité. Le fait que sa mère avait demandé à ses enfants dans son testament de ne pas se disputer autour du patrimoine qu'elle avait construit pour eux avec son époux démontrait qu'elle avait pleinement conscience de ce qu'elle écrivait. Sa mère avait également signé un mandat pour cause d'inaptitude en sa faveur le 17 septembre 2013 par devant Me M______, lequel s'était assuré qu'elle avait la capacité de lui donner un tel pouvoir. Concernant l'accès e-banking accordé à A______, sur demande de celui-ci, il l'avait été à la même époque que la rédaction du testament. Il était donc contradictoire de prétendre que C______ n'avait plus sa capacité de discernement pour rédiger le testament mais qu'elle l'avait pour accorder cet accès. Elle avait regretté d'avoir cédé à la pression de son fils, raison pour laquelle elle avait retiré l'accès quelques jours plus tard.

S'agissant de la donation de sa voiture à sa petite-fille, il s'agissait de la volonté propre de C______, qui n'avait plus l'utilité de son véhicule. Il en allait de même du versement de 500 fr. par mois, qui était justifié par l'assistance que lui prodiguait sa petite-fille.

c.    Le Tribunal a tenu une audience de débats d'instruction le 15 novembre 2020.

Lors de cette audience, A______ a notamment requis l'audition de E______ en tant que témoin, sans communiquer ses coordonnées exactes. Il a contesté l'allégué de B______ selon lequel C______ avait établi son testament par-devant Me L______, offrant en preuve son audition ainsi que la note d'honoraires de la notaire, produite sous pièce 55 du chargé qu'il avait déposé à l'audience.

d.   Par ordonnance de preuves ORTPI/402/2021 du 19 avril 2021, le Tribunal a notamment déclaré irrecevable la réquisition de A______ tendant à faire auditionner E______ en tant que témoin à l'appui des allégués 50 de la demande et ad 15 de la réponse.

Le Tribunal a considéré que A______ n'avait pas satisfait à l'obligation résultant de l'art. 221 al. 1 let. e CPC d'indiquer, au plus tard avant l'ouverture des débats principaux, les coordonnées exactes du témoin (nom, prénom et adresse). Les allégués de la demande étaient en outre imprécis et insuffisamment décomposés, ce qui empêchait de comprendre quelle partie des allégués multiples était offerte en preuve. Le mémoire ne permettait pas non plus au Tribunal de déterminer ce que le témoin avait vu, fait ou constaté et dans quelle mesure il avait une connaissance directe des faits offerts en preuve. L'offre d'audition de ce témoin ne satisfaisait dès lors pas la condition de précision de l'allégation déduite de l'art. 221 al. 1 let. d et e CPC.

e.    Le Tribunal a tenu des audiences de débats principaux les 3 juin, 30 septembre et 14 octobre 2021, lors desquelles il a procédé à l'interrogatoire des parties et auditionné divers témoins. Il ressort des déclarations des précités les éléments pertinents suivants, outre ceux déjà intégrés ci-dessus :

e.a B______ a déclaré qu'entre 79 et 80 ans, sa mère avait commencé à oublier régulièrement où elle rangeait ses clés ou son sac et l'appelait pour l'aider à les retrouver. Selon A______, sa mère ne faisait pas qu'oublier où elle avait rangé son sac ou ses clés mais était incapable d'accomplir des actes de la vie quotidienne, ce depuis le décès de son époux. Les troubles étaient plus intenses et avaient commencé bien plus tôt que ce qu'admettait sa sœur.

e.b P______, épouse de A______, interrogée en qualité de témoin, a déclaré n'avoir eu aucun contact avec les soignants de C______.

Elle a confirmé que son époux n'était pas au courant du testament de sa mère avant son décès. Il avait appelé le cabinet de notaires en France pour l'informer du décès de sa mère et son interlocuteur était déjà informé par B______, laquelle voulait s'assurer que l'enveloppe soit toujours dans le coffre. Après ce téléphone, il avait fait part de son étonnement à son épouse.

Quelques jours plus tard, il avait eu un rendez-vous avec sa sœur pour discuter des affaires de leurs parents. Il était revenu choqué de cette entrevue, au cours de laquelle il avait appris l'existence du testament.

e.c Me M______, entendu en qualité de témoin, a confirmé avoir été mandaté pour s'occuper de la succession du père des parties en 2009, puis de leur mère en 2017.

Il a confirmé avoir reçu une expédition conforme du testament d'un notaire en France. Il avait ainsi établi un procès-verbal de dépôt du testament.

Il avait eu des contacts avec les deux parties. Il ne se souvenait pas exactement, mais il avait probablement expliqué à A______ qu'un testament établi en France devait être transmis à un notaire en Suisse, au domicile du défunt, afin qu'il puisse être transmis à la Justice de paix pour l'accomplissement des formalités nécessaires.

Il avait expliqué aux enfants que ce document constituait une règle de partage plutôt qu'un testament au sens strict. Il avait également relevé que la succession ne pouvait probablement pas être soumise dans son ensemble au droit français dès lors que la défunte n'était pas française. A son sens, le testament exprimait en outre un souhait de la défunte, qui ne souhaitait pas imposer ses choix. Il avait pour cette raison proposé une convention d'interprétation du testament aux parties, comme il l'avait déjà fait lors du décès de feu F______. B______ avait accepté cette proposition.

e.d J______, fille de B______, interrogée en qualité de témoin, a confirmé qu'elle avait habité chez sa grand-mère d'octobre 2012 à mars 2015. Elle y passait la semaine et dormait chez sa mère les vendredis et samedis soirs. Sa grand-mère le lui avait demandé car elle se sentait seule depuis le décès de son époux. Elle avait une relation très forte avec elle. Elle prenait le goûter avec elle lorsqu'elle revenait de l'école, préparait le repas du soir avec elle, lui rappelait de prendre ses médicaments. Elle lui tenait compagnie.

Au début de son séjour, sa grand-mère prenait sa voiture pour faire ses courses seule. A cette époque, la témoin n'avait pas constaté de problème particulier. A partir de 2014, sa grand-mère avait commencé à avoir des difficultés pour finir ses tâches, oubliant qu'elle les avait commencées.

En discutant avec sa grand-mère, la témoin avait appris l'existence du testament. Sa grand-mère l'avait rédigé pour aller dans le sens de ce qu'avait souhaité son époux, soit que la maison en Espagne revienne à sa fille et le chalet en France à son fils. Elle lui avait dit qu'elle avait parlé de ce testament à son fils. Ce testament n'avait jamais fait polémique. La témoin n'en avait toutefois jamais discuté ni avec sa mère ni avec son oncle.

La témoin s'est souvenue d'une dispute lors d'un repas de famille entre son beau-père, Q______, et son oncle. Son beau-père avait tenté une démarche pour que son oncle se rapproche de sa mère, avec laquelle les relations étaient tendues depuis quelques temps. Son oncle avait crié, insulté son beau-père et quitté le restaurant. Son beau-père lui avait expliqué que son oncle était fâché en raison du testament qui le déshéritait. Elle était étonnée d'une telle réaction car selon les discussions qu'elle avait eues avec sa grand-mère, rien ne justifiait une telle réaction.

e.e Q______, compagnon de B______ depuis seize ans, entendu en qualité de témoin, a déclaré s'être disputé avec A______ lors d'un repas de famille en 2015. Il tentait de le rapprocher de sa sœur, avec laquelle les relations étaient tendues. Celui-ci avait refusé, reprochant à sa sœur d'avoir vidé un compte bancaire espagnol de leurs parents. Il avait tenté de lui expliquer que la banque souhaitait clôturer le compte car il n'était pas possible de garder ouvert un compte au nom d'un défunt. Le ton était monté, A______ l'avait insulté et il s'était levé. Il avait évoqué un testament fait à son encontre.

Selon Q______, C______ était consciente des tensions existantes entre ses enfants, ce qui la peinait. Elle ne voulait pas qu'il y ait de disputes entre eux. Il l'avait entendue parler à B______ de sa volonté d'établir un testament répartissant les biens immobiliers familiaux. Dans l'esprit de C______, il était clair que le chalet en France devait revenir à son fils et la maison en Espagne à sa fille. Elle avait tenu ces propos devant lui. Il avait aussi entendu B______ dire à plusieurs reprises à sa mère de ne rien faire sans en parler d'abord à A______. Cela s'était passé au moins deux ans avant l'altercation lors du repas de famille. Ces propos avaient été tenus de manière régulière et récurrente en 2013 et 2014, époque où C______ était encore très vive d'esprit. Généralement, ces sujets étaient abordés sur question d'un membre de la famille, en particulier B______. Lui-même n'avait pas participé activement à la conversation car ces questions relevaient de la sphère intime des personnes concernées.

Q______ ne se rappelait pas avoir entendu C______ dire qu'elle avait parlé du testament à A______.

A cette époque, il avait régulièrement des conversations pointues avec C______. A partir de 2015, cela n'était plus possible, elle n'était plus la même personne. Il la trouvait fatiguée, un vide intérieur s'était installé en elle. Il ne pouvait pour autant la qualifier de "démente".

e.f Le Dr I______, interrogé en qualité de témoin, a déclaré que C______ avait été sa patiente depuis 1991 jusqu'à son décès en 2017. A partir du moment où elle avait été adressée au CAPPA, ce dernier l'avait suivie pour ses soucis cognitifs; lui-même s'était chargé de son suivi somatique. Il l'avait vue deux fois en 2013, à savoir les 5 mars et 3 juillet, et deux fois en 2014. En 2015, elle avait été hospitalisée à la suite d'une attaque cérébrale. A sa sortie, elle était allée en institution jusqu'à son décès.

L'IRM effectuée le 24 janvier 2013 avait mis en évidence une légère atrophie cortico sous-corticale, à mettre en relation avec l'âge de C______, mais qui n'était pas en soi significative. Cette IRM ne permettait donc pas de conclure à une atteinte valant dégénérescence cérébrale.

En comparant ses propres constatations avec le rapport des HUG établi le 2 avril 2013, il a relevé que l'état de C______ s'était dégradé. Par exemple, au test de l'horloge, son score était de 0 alors qu'un an auparavant, il était de 5/7. Le diagnostic de maladie d'Alzheimer d'intensité modérée dont faisait état le rapport était compatible avec ses propres observations car une année auparavant, il avait estimé que cette maladie se trouvait à un stade entre léger et modéré.

A la lecture du rapport des HUG, on pouvait admettre que C______ était atteinte dans sa capacité de comprendre les choses et de se déterminer. Puisqu'il y avait une atteinte vasculaire objectivée, une démence mixte était probable. Il était fréquent à cette âge que les deux pathologies se recoupent, à savoir la démence et la maladie d'Alzheimer.

Il avait rendu visite à C______ en juin 2014 et avait pu avoir une conversation avec elle, mais pas très élaborée. Il l'avait revue en octobre 2014 et elle allait clairement moins bien. Elle se plaignait d'adopter depuis plusieurs mois des comportements bizarres et illogiques. Lors des deux rendez-vous qu'il avait eus avec elle en 2013, elle n'avait pas émis de plaintes particulières et se sentait bien, ce qui ne signifiait toutefois rien quant à l'importance de ses facultés cognitives.

Il n'était pas persuadé que C______ ait compris toutes les questions qu'il lui avait posées à ces occasions, ni qu'elle ait apporté des réponses adéquates. Elle ne lui avait toutefois pas paru aussi désorientée et angoissée qu'en 2014. Il lui était cependant difficile d'avoir, sur la base de ces deux visites [de 2013], une opinion très arrêtée sur l'étendue de ses facultés intellectuelles à ce moment, ce d'autant moins que lesdites visites portaient sur son suivi somatique.

Sur le plan psychique, l'évolution de C______ était ordinaire. En 2013, la question d'un placement en institution ne se posait pas.

Il avait appris que le CAPPA lui avait prescrit un traitement contre la maladie d'Alzheimer dès 2015.

f.     Par ordonnance de preuve ORTPI/1438/2021, le Tribunal a déclaré irrecevable le fait nouveau articulé par A______ lors de l'audience du 3 juin 2021 et les pièces 109 à 112 déposées par le précité lors de cette audience.

g.    Le Tribunal a gardé la cause à juger au terme de l'audience de plaidoiries finales du 20 janvier 2022, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté contre une décision finale (308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.2 Sont également recevables la réponse de l'intimée ainsi que les réplique et duplique des parties, déposées dans les délais légaux, respectivement impartis à cet effet (art. 312 al. 2, 316 al. 1 CPC).

1.3 Conformément au droit inconditionnel de réplique, les observations spontanées déposés par les parties les 20 octobre, 4 novembre, 18 novembre et 1er décembre 2022 sont recevables en tant que celles-ci s'y prononcent sur les arguments contenus dans leurs déterminations respectives (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1).

1.4 La valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. étant atteinte eu égard à la valeur de la succession en cause, la présente cause est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 243 al. 1 CPC a contrario).

1.5.1 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3), sur les points que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5).

1.5.2 En l'espèce, l'appelant a formulé, dans son appel, divers griefs à l'encontre des faits retenus dans le jugement querellé, en relation avec la retranscription du témoignage du Dr I______ et du rapport de E______. Ces critiques étant en partie fondées, l'état de fait du présent arrêt a été dressé en conséquence.

Les autres griefs de l'appelant relatifs à l'appréciation des déclarations des témoins J______ et Q______ seront traités, dans la mesure nécessaire, au considérant 7.4.

2. 2.1 La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

L'art. 317 al. 1 CPC prévoit que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (arrêt 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.1). S'agissant des vrais nova ("echte Noven"), la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudo nova ("unechte Noven"), il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l'espèce, les pièces produites par l'appelant devant la Cour ne sont pas nouvelles dès lors qu'il s'agit d'actes de la procédure de première instance ou de pièces produites devant le Tribunal. Ces pièces sont donc recevables, indépendamment de la réalisation des conditions susmentionnées.

Les parties ont allégué, dans leurs réplique et duplique respectives ainsi que dans leurs observations spontanées, de nombreux faits nouveaux, concernant principalement les circonstances dans lesquelles avait été rédigé puis déposé le testament litigieux. S'agissant de pseudo nova, il incombait aux parties d'exposer les raisons pour lesquelles elles ne pouvaient pas, malgré toute la diligence requise, alléguer les faits en question dans leurs écritures de première instance. Les parties ne faisant rien valoir de tel, ces faits sont irrecevables.

3. 3.1 La présente cause présente un caractère international en raison du fait que l'appelant est domicilié à l'étranger. Le dernier domicile de la de cujus s'étant trouvé à Genève, la Cour de céans est compétente à raison du lieu pour trancher le présent litige (art. 86 al. 1 LDIP).

3.2 En vertu de l'article 90 LDIP, la succession d'une personne qui avait son dernier domicile en Suisse est régie par le droit suisse (al. 1). Un étranger peut toutefois soumettre sa succession par testament ou pacte successoral au droit de l'un de ses États nationaux. Ce choix est caduc si, au moment de son décès, le disposant n'avait plus cette nationalité ou avait acquis la nationalité suisse (al. 2).

En l'espèce, le Tribunal a retenu, aux termes du jugement entrepris, que la défunte, en tant que double nationale suisse et espagnole, n'avait, en application de l'art. 90 al. 2 LDIP, ni le droit de faire une professio juris en faveur du droit étranger, ni celui de choisir le droit français, puisqu'elle n'avait pas la nationalité française. Son testament ne recelait en outre pas une volonté suffisamment explicite de soumettre la succession au droit français. Le droit suisse s'appliquait dès lors au présent litige. Ce point du jugement entrepris n'est, à raison, pas critiqué par les parties, de sorte qu'il n'y sera pas revenu.

4. A titre liminaire, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir versé dans un formalisme excessif en déclarant sa requête tendant à l'audition de E______ irrecevable. Il ne s'en prend pas aux autres éléments de motivation développés par le Tribunal, pas plus qu'il ne soutient qu'il aurait, dans ses conclusions finales, persisté à requérir cette audition.

4.1 L'appel, écrit et motivé, est introduit dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 CPC). La motivation constitue une condition de recevabilité de l'appel prévue par la loi, qui doit être examinée d'office (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Lorsque la partie appelante ne satisfait pas à l'exigence susmentionnée le tribunal supérieur n'entre pas en matière sur l'appel (arrêts du Tribunal fédéral 5A_209/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.2.1; 4A_659/2011 précité, ibidem).

Il est de jurisprudence que si une décision comporte une double motivation (i.e deux motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, suffisant chacune à sceller le sort de la cause), il incombe au recourant, sous peine d'irrecevabilité, de démontrer que chacune d'elles est contraire au droit (en application de l'art. 42 LTF, cf. ATF 138 III 728 consid. 3.4; 136 III 534 consid. 2). Cette jurisprudence trouve également application sous l'empire du CPC (cf. art. 311 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2018 du 8 octobre 2019 consid. 3.2).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a écarté l'audition de E______ par une double motivation, à savoir l'absence d'indication des coordonnées exactes du témoin et l'imprécision des allégués à l'appui desquels ce témoin était cité, ce qui empêchait d'apprécier la pertinence du moyen de preuve proposé (cf. En fait, let. D.c). L'appelant n'attaque que le premier pan de cette motivation, ce qui n'est pas conforme aux exigences de motivation applicables au stade de l'appel. Le grief soulevé est ainsi irrecevable.

5. S'agissant du fond du litige, le Tribunal a retenu, dans le jugement entrepris, que l'action en constat de nullité du testament du 17 mars 2013 était recevable dès lors qu'elle n'était soumise à aucun délai et que l'appelant justifiait d'un intérêt digne de protection. Les conclusions subsidiaires de l'appelant tendant à l'annulation du testament étaient également recevables dès lors qu'elles avaient été formulées le 28 mars 2018, soit dans le délai d'un an à compter du jour où l'appelant avait eu connaissance de la disposition et de la cause de nullité (art. 521 al. 1 CC). Contrairement à ce qu'affirmait l'intimée, il n'avait en effet pas été démontré que l'appelant avait eu connaissance du contenu exact du testament avant le décès de sa mère. La demande était ainsi recevable dans son ensemble.

Le Tribunal a ensuite exposé que le testament ne mentionnait ni l'intégralité des biens successoraux, ni la valeur de la masse successorale. Il n'emportait pas non plus d'institution d'héritier, ni ne fixait de parts dérogeant à la dévolution légale. Il se limitait à exprimer le souhait de la défunte de répartir les actifs immobiliers acquis par les deux époux de manière paritaire entre l'appelant et l'intimée, chacun d'eux devant disposer de l'un de ces deux biens pour lui seul. Il ne visait ainsi ni à avantager l'un des enfants au détriment de l'autre, ni à lui donner un bien immobilier en sus de sa part légale. Il ne constituait donc pas un legs préciputaire mais uniquement une règle de partage au sens de l'art. 608 al. 3 CC, laquelle était du reste présumée par la loi et la jurisprudence.

En l'espèce, ces points du jugement entrepris ne sont, à juste titre, aucunement critiqués en appel.

6. 6.1 S'agissant de la prétendue nullité ou inexistence du testament litigieux, le Tribunal a tout d'abord retenu que, contrairement à ce que soutenait l'appelant, l'invalidité de l'élection de droit en faveur du droit français contenue dans l'acte ne constituait ni un motif d'inexistence, ni un motif de nullité, pas plus qu'il ne justifiait l'annulation de l'acte. Ce point n'étant pas disputé, il n'y a pas lieu d'y revenir.

Selon le Tribunal, l'argument de l'appelant, d'après lequel la défunte avait poursuivi un but juridiquement impossible en voulant lui attribuer le chalet, alors qu'elle n'en était plus qu'usufruitière, était également infondé. Il n'était en effet ni allégué, ni démontré, que l'usufruit sur le chalet français, résultant de la convention d'interprétation de la succession du père des parties, eût été valablement constitué du vivant de la défunte, ni que les droits de propriété de l'appelant et de l'intimée sur cet immeuble eussent été effectivement restreints à la nue-propriété et inscrits selon les formes du droit français. Il n'était ainsi pas démontré que la défunte n'avait aucun droit réel ou personnel sur le chalet en France au moment de tester, étant rappelé que cette question ne relevait pas du droit suisse mais du droit français, applicable en tant que droit du lieu de situation de l'immeuble (cf. art. 99 al. 1 LDIP). Le testament devant s'interpréter comme une simple règle de partage, il n'avait au demeurant pas pour objet de transmettre un actif successoral, mais uniquement de fixer une règle de répartition des deux biens immobiliers acquis par les époux et se trouvant encore en indivision. Le fait que la maison en Espagne revienne à l'intimée et le chalet en France à l'appelant n'était donc pas l'expression d'un acte de disposition impossible, mais d'une volonté de voir répartis ainsi ces deux biens au moment du partage. Il n'y avait ainsi aucune cause d'inexistence ou de nullité absolue entachant le testament en lien avec le chalet en France. A supposer que la défunte se soit trouvée dans l'erreur sur la possibilité d'inclure ou non dans le partage le chalet en France, ce que l'appelant ne soutenait toutefois pas, et qu'il faille amputer le testament de la règle de partage relative audit chalet, l'acte contiendrait quoi qu'il en soit une clause de partage valable relative à la maison en Espagne, de sorte qu'il devrait être maintenu. Il n'y avait dès lors pas lieu de constater la nullité ou d'annuler tout ou partie du testament pour ces motifs

6.2 En l'espèce, l'appelant se limite à faire valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, il résulterait de l'extrait du registre des hypothèques produit en première instance que la défunte avait été inscrite audit registre en qualité d'usufruitière de la totalité du chalet situé en France et ses enfants en tant que nus propriétaires en indivision à raison d'une moitié chacun. Ce grief est fondé. L'appelant ne tire toutefois aucune déduction de cette circonstance s'agissant du raisonnement du Tribunal rappelé ci-dessus. Il ne soutient notamment pas que le testament aurait dû être déclaré (partiellement) nul dès lors qu'il visait un but impossible, à savoir l'attribution en sa faveur d'un bien lui appartenant déjà pour moitié et dont la défunte ne pouvait plus disposer en vertu du droit français au moment de l'établissement de l'acte litigieux. En l'absence de grief motivé, il n'y a pas lieu d'examiner cette question plus avant, de sorte qu'il est acquis que le testament ne devait pas être déclaré nul au motif que la défunte ne pouvait pas disposer du chalet situé en France en faveur de l'appelant.

7. 7.1 Concernant l'action en annulation du testament découlant de la prétendue incapacité de tester de la défunte, le Tribunal a considéré que les indications du Dr I______ ne permettaient pas de se déterminer sur la capacité de discernement de l'intéressée au moment de la rédaction du testament, pas plus qu'en lien avec un acte de ce type. Le rapport médical des HUG du 2 avril 2013 faisait certes état de difficultés cognitives, corroborées par les constatations des proches, et du début d'une certaine dégénérescence. Les difficultés de la défunte à finir une tâche commencée ou ses troubles de la mémoire n'étaient toutefois pas suffisants pour renverser la présomption de capacité de discernement. Il appartenait donc à l'appelant d'établir que la défunte ne disposait pas de ladite capacité au moment de la rédaction du testament. Or, il résultait des témoignages de son beau-fils et de sa petite-fille que la défunte était lucide sur les tensions existant entre ses enfants et qu'elle avait émis le souhait dans son testament que ceux-ci ne se disputent pas autour du patrimoine qu'elle avait construit pour eux avec son époux. Ces témoins avaient également confirmé qu'elle avait plusieurs fois évoqué son souhait quant au partage du patrimoine, de manière claire et libre. Aucun élément ne permettait de remettre en doute sa capacité de discernement à ce propos, étant rappelé que ladite capacité constituait une notion relative et devait être analysée en fonction de la nature de l'acte. Lesdits témoins avaient par ailleurs expliqué que les difficultés cognitives de la défunte ne s'étaient aggravées que postérieurement à la rédaction du testament. Il s'ensuivait que l'appelant avait échoué à apporter la preuve requise.

Le Tribunal a encore considéré que, à supposer que l'incapacité de discernement de la défunte doive être présumée, l'administration des preuves avait démontré que, pour ce qui était de la rédaction du testament du 17 mars 2013, seule question ici pertinente, la capacité de discernement de la testatrice était préservée. Ceci était démontré par la substance même du testament. Cet acte ne contenait en effet pas de propos délirants ou incompréhensibles. Il réitérait en outre le souhait exprimé par la défunte de son vivant de voir le patrimoine immobilier des époux réparti équitablement entre les deux enfants. Il révélait enfin une lucidité préservée du conflit existant entre les précités. La défunte devait dès lors être considérée comme capable de discernement au moment de la rédaction de cet acte et l'appelant débouté de ses conclusions tendant à son annulation.

7.2 L'appelant reproche en substance au premier juge d'avoir admis la capacité de discernement de la défunte sur la base d'une appréciation arbitraire des preuves. Celui-ci s'était en effet fondé essentiellement sur les témoignages J______ et Q______, lesquels devaient être pris avec circonspection, dès lors qu'ils émanaient de proches de l'intimée. Ils étaient en outre en contradiction flagrante avec plusieurs éléments du dossier, notamment les constatations du Dr I______ et les rapports médicaux rendus durant la période considérée, lesquels faisaient état d'une maladie d'Alzheimer d'intensité modérée, d'une démence mixte et du fait que la défunte était atteinte dans sa capacité de comprendre les choses et de se déterminer. Il était dès lors difficilement imaginable que la défunte ait été en mesure, à la date du 17 mars 2013, d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets du testament litigieux.

A cela s'ajoutait que le testament ne contenait aucune erreur d'orthographe, et ce alors que le rapport de E______ mentionnait que la défunte était confrontée à de graves difficultés orthographiques. Il ressortait en outre des enquêtes que la défunte n'abordait la question du testament qu'à la suite de sollicitations des membres de sa famille, en particulier de l'intimée. A supposer que la défunte ait disposé des capacités requises, sa volonté ne pouvait dès lors être considérée comme libre. Le Tribunal aurait dès lors dû, en toute hypothèse, annuler le testament sur la base de l'art. 519 al. 1 ch. 2 CC.

7.3.1 Pour disposer valablement par testament, il faut être capable de discernement (art. 467 CC), c'est-à-dire ne pas être privé de la faculté d'agir raisonnablement en raison, notamment, de troubles psychiques ou de déficience mentales (art. 16 CC). Les dispositions pour cause de mort faites par une personne incapable de disposer au moment de l'acte peuvent être annulées (art. 519 al. 1 ch. 1 CC).

Est capable de discernement au sens de l'art. 16 CC, toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables. Sous réserve des exceptions prévues par la loi, les actes de celui qui est incapable de discernement n'ont pas d'effets juridiques (art. 18 CC).

Afin de protéger la confiance et la sécurité des transactions, le législateur part néanmoins du principe qu'une personne adulte est capable d'agir raisonnablement, sans qu'il soit nécessaire d'apporter d'autre preuve. Celui qui invoque l'inefficacité d'un acte pour cause d'incapacité de discernement doit ainsi prouver l'un des états de faiblesse décrits à l'art. 16 CC et l'altération de la capacité d'agir raisonnablement qui en est la conséquence (preuve principale; ATF 144 III 264 consid. 6.1.2 et les références). Cette preuve n'est soumise à aucune prescription particulière (ATF 124 III 5 consid. 1b; 117 II 231 consid. 2b et les références), mais son degré est abaissé à la vraisemblance prépondérante lorsqu'il s'agit d'apprécier la capacité d'une personne décédée, une preuve absolue de l'état mental de cette personne étant, par la nature même des choses, impossible à rapporter (ATF 144 III précité consid. 5.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2019 du 4 octobre 2019 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Lorsqu'il est avéré qu'au moment d'accomplir l'acte litigieux, une personne se trouve durablement dans un état de faiblesse d'esprit au sens de l'art. 16 CC, qui, selon l'expérience générale de la vie, la prive d'agir raisonnablement, elle est alors présumée dépourvue de la capacité d'agir raisonnablement en rapport avec l'acte litigieux. Cette présomption de fait concerne les personnes, qui, au moment de l'acte, se trouvent dans un état durable d'altération mentale liée à l'âge ou à la maladie (ATF 144 III 264 consid. 6.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2019 précité, consid. 4.2.1 et l'arrêt cité).

Dans un arrêt antérieur, le Tribunal fédéral a également considéré qu'en présence d'un diagnostic de "démence sénile" posé par plusieurs médecins, il y avait lieu, selon l'expérience générale de la vie, de présumer l'incapacité de discernement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_191/2012 consid. 4.1.2 et l'arrêt cité; d'un avis plus nuancé: Leuba, in Code civil II, Commentaire romand, 2ème éd. 2016, n° 39 ad art. 467 CC, selon laquelle l'incapacité de discernement peut être présumée lorsque le disposant souffre d'une maladie dégénérative à un stade avancé ou d'un état sérieux de sénilité).

La présomption d'incapacité liée à un état général d'altération mentale peut néanmoins être renversée en établissant que la personne intéressée a accompli l'acte litigieux dans un moment de lucidité (ATF 124 III 5 précité, ibidem). Elle peut également l'être en démontrant que, dans le cas concret, à savoir en fonction de la nature et de l'importance de l'acte déterminé, la personne était en mesure d'agir raisonnablement (caractère relatif de la capacité de discernement; ATF 144 III précité consid. 6.1.3). La contre-preuve que la personne décédée a agi dans un intervalle lucide étant difficile à rapporter, la jurisprudence facilite la preuve: il suffit de prouver que la personne concernée, malgré une incapacité générale de discernement au vu de son état de santé, était au moment déterminant capable de discernement avec une vraisemblance prépondérante (ATF 124 III précité, ibidem; arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2019 précité, consid. 4.2.2 et l'arrêt cité).

L'incapacité d'agir raisonnablement n'est en revanche pas présumée et doit être prouvée (preuve principale) lorsque la personne, dans un âge avancé, est simplement fragile, atteinte dans sa santé physique et temporairement confuse, lorsqu'elle souffre d'absences consécutives à une attaque cérébrale ou qu'elle est simplement confrontée à des trous de mémoire liés à l'âge (arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2019 précité, consid. 4.3 et l'arrêt cité).

On peut donc imaginer qu'une personne dont la capacité de discernement est généralement réduite puisse tout de même exercer certaines tâches quotidiennes et soit capable de discernement pour les actes qui s'y rapportent; pour des affaires plus complexes, en revanche, on pourra dénier sa capacité de discernement. La rédaction d'un testament compte parmi les actes les plus exigeants, surtout s'il s'agit de dispositions compliquées (ATF 124 III 5 précité, consid. 1a). Pour juger de la capacité de discernement, il ne faut cependant pas se demander si les dispositions prises sont sages, justifiées au vu des circonstances, ou simplement équitables; une disposition absurde peut tout au plus être tenue pour un indice d'un défaut de discernement (ATF 124 III 5 précité, consid. 4c/cc; 117 II 231 précité consid. 2a). La capacité de disposer pour cause de mort doit donc exister eu égard à l'acte en question et au moment où il est accompli (arrêt du Tribunal fédéral 5A_384/2012 consid. 6.1.1). De simples règles de partage, des institutions d'héritiers, des legs, la nomination d'un exécuteur testamentaire ou la suppression d'une disposition testamentaire sont généralement qualifiés de dispositions simples (Gros, La capacité de discernement de l'adulte en droit privé, 2019, n° 708, p. 305; dans le même sens: Leuba, in Code civil II, Commentaire romand, 2ème éd. 2016, n° 21 ad art. 467 CC).

7.3.2 Les constatations relatives à l'état de santé mentale d'une personne, la nature et l'importance d'éventuels troubles de l'activité de l'esprit, le fait que la personne concernée pouvait se rendre compte des conséquences de ses actes et pouvait opposer sa propre volonté aux personnes cherchant à l'influencer, relèvent de l'établissement des faits. En revanche, la conclusion que le juge en a tirée quant à la capacité, ou non, d'agir raisonnablement, relève du droit (ATF 124 III 5 précité consid. 4; 117 II 231 précité consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2019 précité, consid. 4.4 et l'arrêt cité).

La preuve de la capacité, respectivement de l'incapacité de discernement, peut être apportée par tous moyens. Ce sont avant tout les faits survenus avant l'adoption de l'acte ou au même moment qui sont pertinents; les faits postérieurs ne sont à prendre en considération que s'ils ont un lien avec le discernement au moment de la confection de l'acte (Leuba, op. cit., n° 41 ad art. 467 CC).

Par nature, les possibilités d'administrer la preuve concernant la capacité de discernement d'une personne décédée sont limitées. Les expertises présentent l'inconvénient que l'expert ne peut pas se fonder sur un examen du disposant, mais doit se référer à d'autres bases, telles l'anamnèse ou les informations fournies par des tiers. Les déclarations de témoins ne sont pas toujours fiables, car les maladies mentales qui ne s'expriment pas sous des formes aiguës, mais sous forme de diminution générale des facultés mentales, restent peu visibles pour l'observateur non averti. Le juge du fond doit se fonder sur des indices, sur des données d'expérience factuelles et dans ce cadre, dans une large mesure sur ses connaissances (arrêt du Tribunal fédéral 5A_763/2018 du 1er juillet 2019 consid. 4.3 et les arrêts cités).

7.4 En l'espèce, le Dr I______, médecin traitant de la défunte, a constaté l'apparition de troubles de compréhension et de la mémoire chez sa patiente dès 2009. Il a objectivé ces troubles au mois de janvier 2012, l'intéressée ayant obtenu un score de 21/30 au test du MMS et de 5/7 à celui de l'horloge, ce qui reflétait la limite entre une atteinte cognitive légère et modérée.

Le rapport établi par le psychologue E______ a confirmé la dégradation des facultés cognitives de la défunte. Les tests effectués au mois de mars 2013 ont révélé, notamment, un score global sévèrement déficitaire de l'efficience intellectuelle (96/144 à l'échelle de Mattis), un déficit sévère de mémoire antérograde, une désorientation temporelle, des capacités langagières altérées et un ralentissement significatif de la vitesse de traitement de l'information, ce qui suggérait une démence mixte, à savoir une démence neurodégénérative de type Alzheimer d'intensité modérée, associée à une démence d'origine vasculaire. Le médecin traitant de la défunte a jugé ce diagnostic compatible avec ses propres constatations, selon lesquelles la précitée souffrait déjà de la maladie d'Alzheimer au début de l'année 2012. Il a estimé qu'à la lecture du rapport susmentionné, il pouvait être admis que la défunte était atteinte dans sa capacité de comprendre les choses et de se déterminer. La Dresse N______ a posé, à la même époque, un diagnostic similaire, à savoir une maladie d'Alzheimer associée à une démence sénile. Il résulte donc de ce qui précède que les facultés mentales de la défunte étaient déjà durablement altérées au mois de mars 2013, lorsque celle-ci a rédigé le testament litigieux.

Aucun des praticiens susnommés ne s'est cependant prononcé sur la présence ou l'absence de capacité de discernement de la défunte. L'atteinte à la capacité de comprendre les choses et de se déterminer évoquée par le médecin traitant de la défunte ne saurait en effet équivaloir à l'absence d'une telle capacité. Tant ce médecin que le psychologue E______ ont en outre évoqué une maladie d'Alzheimer à un stade modéré et non avancé, lequel ne permet pas encore, selon Leuba, de présumer l'incapacité de discernement du sujet (cf. supra consid. 7.3.1, 4ème § in fine).

En tout état de cause, la question de savoir si le degré d'atteinte des facultés cognitives de la défunte justifiait de présumer que celle-ci ne disposait plus de la capacité d'agir raisonnablement à l'époque des faits litigieux, peut rester indécise. A supposer qu'une telle incapacité doive être présumée, il conviendrait de toute manière d'admettre que l'intéressée disposait des facultés nécessaires pour établir le testament querellé (caractère relatif de la capacité de discernement; cf. supra consid. 7.3.1, 5ème §).

Ainsi que l'a relevé à juste titre le Tribunal, il résulte tout d'abord des déclarations de l'intimée, ainsi que de celles des témoins Q______ et J______, que la règle de partage contenue dans le testament correspondait au souhait exprimé de manière claire, déterminée et récurrente par la défunte et rencontrait celui déjà formulé par son époux. La défunte était en outre restée, selon le témoignage Q______, lucide quant aux tensions existant entre ses deux enfants au sujet de la répartition du patrimoine familial. L'établissement du testament litigieux était dès lors cohérent avec son vœu de prévenir les conflits pouvant surgir entre ses enfants après son décès. Le seul fait que la défunte ait évoqué à plusieurs reprises cette règle de partage avec des membres de sa famille, généralement sur question de ceux-ci, ne permet pas de retenir qu'elle aurait rédigé le testament en raison des sollicitations dont elle aurait été l'objet – lesquelles n'ont en tout état de cause pas été démontrées – et que l'acte pour cause de mort ne serait dès lors pas le fruit d'une volonté libre.

Bien que les facultés mentales de la défunte fussent déjà altérées au moment des faits litigieux, il ne résulte pas non plus des témoignages recueillis que la défunte n'aurait alors plus été en mesure de saisir les conséquences de son acte. Les témoins Q______ et J______ ont en effet tous deux relaté les conversations – parfois "pointues" – qu'ils avaient à cette époque avec la défunte, ce qui permet de supposer que celle-ci était moins débordée par ses troubles cognitifs dans le cadre familial qu'à l'extérieur (cf. à ce sujet le rapport E______, qui évoquait, à l'examen, une anxiété péjorant probablement les capacités cognitives).

Les déclarations susmentionnées émanent certes de personnes proches de la défunte et pouvant être intéressées à l'issue du présent litige. Elles ne recèlent toutefois aucun élément qui permettrait de douter de leur objectivité, ce d'autant moins que les témoins J______ et Q______ ont tous deux déclaré qu'ils n'étaient pas intervenus dans les discussions que l'intimée avait eues avec la défunte au sujet de son testament. Les preuves pouvant être administrées pour évaluer la capacité de discernement d'une personne décédée étant par nature limitées, il ne saurait dès lors être reproché au Tribunal d'avoir pris ces déclarations en considération pour contrebalancer l'impression qui se dégageait du rapport psychologique, comprenant au demeurant le tempérament déjà relevé ci-dessus.

La conviction que la défunte était encore en mesure d'apprécier les conséquences de son acte et d'agir en conséquence trouve également une assise dans le fait que le moment auquel l'intéressée a décidé de rédiger le testament litigieux – à savoir un à deux mois avant son établissement selon les déclarations de l'intimée – coïncide avec celui auquel elle a commencé à bénéficier d'un traitement antidépresseur et d'une aide à domicile, ce qui a contribué à améliorer son état de santé. La règle de partage fixée dans le testament étant d'une simplicité évidente et correspondant à un souhait formé de longue date par la défunte, son établissement ne supposait en outre pas la même capacité de comprendre les choses et de se déterminer que la rédaction de dispositions pour cause de mort complexes.

L'argument de l'appelant, selon lequel le testament n'aurait pas été rédigé librement par la défunte, au motif qu'il ne comportait aucune faute d'orthographe, alors que la précitée souffrait de sévères difficultés d'écriture, n'emporte pour le surplus pas conviction. L'absence de fautes d'orthographes dans le testament peut en effet s'expliquer par le fait que la défunte avait, comme déclaré par l'intimée, rédigé un premier projet de testament avec la notaire lors du premier rendez-vous, projet qui ne comportait vraisemblablement pour cette raison pas de fautes. Elle avait ensuite mis ce projet au net à domicile avant de le déposer chez la notaire lors de sa seconde visite. Dès lors qu'il contestait cette explication plausible, l'appelant était tenu d'apporter la contre-preuve, en sollicitant par exemple l'audition de la notaire, ce qu'il n'a pas fait; la simple référence à la note d'honoraires de la notaire n'était pas suffisante à cet égard.

Il convient de relever, sur ce dernier point, qu'en l'absence d'un allégué précis de l'appelant lors de l'audience de débats d'instruction (cf. En fait let. D.c), la déclaration du précité à l'audience de débats principaux, selon laquelle la note d'honoraires de la notaire ne faisait pas état de conseils au sujet de la rédaction d'un testament, mais seulement du dépôt d'un testament olographe pour quelques euros (cf. En fait let. C.m in fine), constituait un fait nouveau irrecevable à ce stade de la procédure (art. 229 al. 1 CPC). Le Tribunal n'a dès lors, à juste titre, pas pris cette circonstance en considération dans le jugement querellé, ce que l'appelant n'a du reste pas critiqué dans son appel.

Les autres circonstances entourant le dépôt du testament qu'allègue l'appelant constituant, comme relevé supra (cf. consid. 2.2), des nova irrecevables au stade de l'appel, il n'y a pas lieu d'examiner si elles permettent de conclure, comme le soutient l'appelant, à l'invalidité de l'acte.

L'appelant ne fait pour le surplus pas grief au Tribunal de ne pas avoir pris en considération les circonstances périphériques qu'il avait alléguées en première instance (révocation par la défunte de l'accès à l'e-banking qu'elle avait donné à l'appelant quelques semaines plus tôt; versement injustifié d'un salaire de 500 fr. par mois par la défunte à sa petite-fille J______) et qui démontraient, selon lui, l'influence de l'intimée sur la défunte. Dès lors qu'il n'en tire aucune conséquence dans son appel, l'influence de ces circonstances sur la rédaction du testament litigieux ne sera pas examinée plus avant dans le présent arrêt.

Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris retient à raison que C______ était capable de discernement au moment de la rédaction du testament du 17 mars 2013. L'appelant a donc été débouté à juste titre de ses conclusions en annulation de cet acte. Le jugement attaqué sera par conséquent confirmé.

8. 8.1.1 Le Tribunal statue sur les frais - soit les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) - dans la décision finale (art. 104 al. 1 CPC). Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC).

8.1.2 Les frais judiciaires comprennent notamment l'émolument forfaitaire de conciliation, l'émolument forfaitaire de décision et les frais d'administration des preuves (art. 95 al. 2 CPC). Lorsque la valeur litigieuse est comprise entre 100'001 fr. et 1'000'000 fr., l'émolument forfaitaire de décision est compris entre 5'000 fr. et 30'000 fr. (art. 17 RTFMC).

La valeur du litige est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC). Lorsque celles-ci tendent à l'annulation d'un testament, cette valeur correspond au montant supplémentaire qui écherra au demandeur en cas de victoire. Si c'est un héritier légal qui agit, il s'agit de la part qu'il recevrait si les biens de la succession devaient être partagés selon les règles de la succession légale (ATF 78 II 181, JdT 1952 I 502: un quart du legs attaqué; 81 II 413 consid. 1, JdT 1956 I 546: trois quarts de la valeur nette de la succession, sous déduction de la valeur brute de l'usufruit qui la grève; arrêt du Tribunal fédéral 5A_763/2018 précité, consid. 8.3.1.3.1 et les références).

8.2 En l'espèce, le Tribunal a arrêté la valeur litigieuse en fonction de celle des deux biens immobiliers visés par le testament, soit 250'000 fr. La part légale échéant à l'appelant en cas d'annulation dudit testament correspondant à la moitié de ce montant, la valeur litigieuse doit dès lors être fixée à 125'000 fr.

Au vu des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et du travail qu'elle a impliqué, les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 9'000 fr. (art. 5, 35 RTFMC). Dès lors qu'il succombe, l'appelant devra supporter ces frais, lesquels seront compensés avec l'avance du même montant qu'il a versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

8.3 Vu la valeur litigieuse de 125'000 fr. et compte tenu de l'activité déployée par le conseil de l'intimée devant la Cour, les dépens d'appel seront fixés à 10'000 fr. (art. 85, 90 RTFMC), montant que l'appelant sera condamné à verser à l'intimée (art. 111 al. 2 CPC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 8 avril 2022 contre le jugement JTPI/2801/2022 rendu le 4 mars 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7323/2018-10.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 9'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance effectuée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 10'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.