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Décisions | Chambre civile

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C/3383/2021

ACJC/520/2023 du 17.04.2023 sur JTPI/15238/2022 ( OS )

Normes : CPC.99
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3383/2021 ACJC/520/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 17 AVRIL 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (Italie), appelant d'un jugement rendu par la 7ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 décembre 2022 et cité sur requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens, comparant par Me Mattia DEBERTI, avocat, NOMEA Avocats SA, avenue de la Roseraie 76A, 1205 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée et requérante sur requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens, comparant par Me Olivier WEHRLI, avocat, PONCET TURRETTINI, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement du 21 décembre 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure simplifiée, a débouté A______ de sa demande tendant à ce que B______ soit condamnée à lui verser le montant de 14'244 fr. 80, avec intérêt à 5% l'an dès le 15 mai 2019 (ch. 1 du dispositif), mis à la charge de A______ les frais judiciaires, arrêtés à 2'100 fr. (ch. 2 à 4) et condamné celui-ci à payer à B______ le montant de 3'400 fr. TTC à titre de dépens (ch. 5).

Le Tribunal a considéré, en substance, que A______ qui invoquait la responsabilité de B______ en sa qualité d'administratrice de la société C______ Sàrl qui l'avait employé, n'avait pas déterminé, ni même allégué, quel dommage aurait subi la société en raison du retard du prononcé de la faillite, s'étant contenté d'alléguer son propre dommage correspondant à la créance admise à l'état de collocation. Il n'avait pas non plus allégué et a fortiori démontré la date à laquelle la faillite de C______ SARL aurait dû être prononcée ni le découvert de celle-ci à la valeur de liquidation à cette date-là, ni le découvert de celle-ci à la valeur de liquidation à la date de la faillite, puisque l'on ne pouvait pas se fonder sur les bilans à la valeur d'exploitation. Enfin, A______ n'avait pas requis qu'une expertise soit ordonnée afin de déterminer le découvert de la société à la valeur de liquidation à ces deux dates. N'ayant ainsi pas établi le dommage que la société aurait subi en raison de l'avis tardif de surendettement, l'une des conditions de l'article 754 CO n'était pas remplie.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 31 janvier 2023, A______ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et à la condamnation de B______ à lui verser la somme de 14'244 fr. 80, avec intérêts à 5% dès le 15 mai 2019, avec suite de frais.

b.a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 9 février 2023, B______ a formé une requête de sûretés en garantie des dépens et conclu à ce que A______ soit condamné à verser à ce titre une somme de 3'368 fr. 60 dans un délai de dix jours dès la notification de la décision sur sûretés.

Elle a allégué que A______ avait indiqué être domicilié au no. ______, rue 1______ à D______, dans le canton de Glaris. Il ressortait toutefois des pièces qu'elle produisait que le précité n'était plus domicilié à cette adresse depuis le 30 novembre 2017, date à laquelle il avait déménagé à E______, dans le canton de Zurich, commune qu'il avait quittée le 30 novembre 2018. Depuis cette date, il avait un domicile inconnu à l'étranger. Il avait ainsi volontairement passé sous silence son déménagement à l'étranger et souhaitait visiblement qu'il reste inconnu. Ces circonstances permettaient de retenir que A______ avait volontairement caché son domicile et de présumer qu'il éluderait ses obligations de s'acquitter des dépens en cas de confirmation du jugement du Tribunal. Au vu de la valeur litigeuse de 14'244 fr., les sûretés devaient être fixées à 3'368 fr. 60, débours et TVA compris.

b.b. Invité à se déterminer, A______ a conclu au rejet de cette requête, avec suite de frais. Il a exposé qu'il était domicilié à F______, dans la périphérie de la ville italienne de G______, ce qui ressortait des pièces qu'il produisait, à savoir une copie de sa carte d'identité, d'un extrait de compte bancaire et d'une fiche de salaire, précisant à cet égard qu'il travaillait pour la troupe européenne de "H______", ce qui l'amenait à voyager à travers l'Europe de novembre à avril. Il n'avait pas eu l'intention de cacher son déménagement à l'étranger, mais avait omis de le mentionner, étant rappelé qu'il se battait depuis 2016 contre la société C______ Sàrl pour obtenir le paiement de son salaire. Il était domicilié en Italie, partie à la Convention de la Haye de 1954 relative à la procédure civile, et disposait d'un revenu provenant de son emploi, de sorte qu'il n'y avait aucun risque qu'il ne s'acquitte pas d'éventuels dépens.

b.c. B______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

b.d En l'absence de duplique, les parties ont été informées le 4 avril 2023 de ce que la cause était gardée à juger sur la question des sûretés en garantie des dépens.

EN DROIT

1. 1.1 La requête de sûretés a été déposée selon la forme prescrite, de sorte qu'elle est recevable.

1.2 La requête de sûretés est soumise à la procédure sommaire (ACJC/244/2018 du 26 février 2018 consid. 1.2; ACJC/794/2017 du 16 juin 2017; ACJC/818/2015 du 8 juillet 2015 consid.2.5.1; ACJC/1405/2012 du 28 septembre 2012 consid. 1; Rüegg/Rüegg, Basler Kommentar ZPO, 3ème éd. 2017, n. 4 ad art. 100 CPC) et le juge se fondera essentiellement sur les allégations et preuves des parties (ACJC/938/2015 du 20 août 2015 consid. 2.1).

2. La requérante fonde sa requête sur l'art. 99 al. 1 let. d CPC, la mention inexacte de son domicile par le cité faisant craindre qu'il cache à nouveau un changement d'adresse, ce d'autant qu'il voyage fréquemment en Europe pour son travail.

2.1 Selon l'art. 99 al. 1 CPC, également applicable en appel et en recours cantonal (ATF 141 III 554 consid. 2.5.1; arrêt 4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.2 et 2.3), le demandeur (respectivement l'appelant ou le recourant) doit, sur requête du défendeur (respectivement de l'intimé), fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens lorsque d'autres raisons que celles mentionnées font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés (let. d).

L’art. 99 al. 1 lit. d CPC constitue une clause générale qui permet de prendre en considération toute circonstance propre à accroître sensiblement le risque que les dépens restent sinon impayés (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 38 ad art. 99 CPC). Parmi les cas qui peuvent entrer dans le cadre de cette clause générale figurent par exemple les motifs mentionnés à l'art. 190 al. 1 LP, qui vise notamment le cas du débiteur qui n’a pas de résidence connue ou qui a pris la fuite dans l’intention de se soustraire à ses engagements (Schmid/Sørensen, in Kurzkommentar ZPO, 3ème éd., 2021, n. 12 ad art. 99 CPC).

L'art. 221 al. 1 let. a CPC dispose que la demande doit contenir la désignation des parties, soit leur nom et adresse, et le cas échéant, celle de leur représentant. Les noms et adresses en question doivent être complets et exacts, pour permettre notamment les communications et notifications ultérieures, mais aussi la vérification de la compétence et la détermination du droit applicable, qui peuvent dépendre du domicile des parties (Tappy, op. cit., n. 7 ad art. 221 CPC).

2.2 En l'espèce, l'appelant a indiqué à plusieurs reprises dans le cadre de la présente procédure, introduite en 2021, une adresse à laquelle il n'habitait plus depuis plusieurs années. Une telle erreur n'avait pourtant manifestement pas pu lui échapper à la lecture des actes de procédure la mentionnant, que son conseil n'a pas pu manquer de lui soumettre. Il a donc failli à une de ses obligations procédurales importante.

Son adresse actuelle est désormais connue, mais il ne peut être exclu qu'il ait changé plusieurs fois de domicile depuis son départ pour l'Italie en 2018 et qu'il déménage une nouvelle fois, en Italie ou dans un autre pays, étant amené à voyager à travers l'Europe pour son travail. Eu égard au fait qu'il n'avait pas mentionné sa véritable adresse dans le cadre de la présente procédure, le risque existe qu'il ne signale pas un éventuel déménagement, que ce soit volontairement ou par négligence.

L'absence de domicile connu de l'appelant rendrait tout recouvrement d'une éventuelle créance de la requérante extrêmement difficile, voire impossible.

Dans ces circonstances, le versement des sûretés en garantie des dépens doit être admis dans son principe. Les sûretés n'étant pas dues en raison de la nationalité du cité ou de son domicile à l'étranger, mais du fait qu'il pourrait omettre de signaler un changement d'adresse, l'art. 17 de la Convention de La Haye du 1er mars 1954 relative à la procédure civile (RS 0.274.12) n'est pas applicable.

3. Reste à fixer le montant desdites sûretés.

3.1 Les sûretés doivent couvrir en principe les dépens présumés que l'appelant aurait à verser à l'intimé en cas de perte totale du procès (Tappy, op. cit. n. 7 ad art. 100 CPC; Rüegg/Rüegg, op. cit., n. 5 ad art. 99 CPC). Selon l'art. 95 al. 3 CPC, les dépens comprennent les débours nécessaires (let. a), le défraiement d'un représentant professionnel (let. b) et lorsqu'une partie n'a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie (let. c).

Le tarif des frais, qui comprend celui des dépens, est fixé par les cantons (art. 95 al. 1 et 96 CPC).

Selon le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du canton de Genève, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse, laquelle est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC). Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 RTFMC; art. 20 al. 1 LaCC).

Pour une valeur litigieuse au-delà de 10'000 fr. et jusqu'à 20'000 fr., le défraiement d'un représentant professionnel est de 2'400 fr. plus 15% de la valeur litigieuse dépassant 10'000 fr. (art. 85 RTFMC).

Pour les procédures d'appel ou de recours, le défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'article 85 RTFMC (art. 90 RTFMC).

Les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC). La juridiction fixe les dépens d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée (art. 26 al. 1 LaCC).

3.2 En l'espèce, la valeur litigieuse pertinente pour le calcul des sûretés peut être chiffrée à 14'244 fr.

En application des art. 85 RTFMC, le défraiement auquel la requérante pourrait prétendre en cas de gain du procès serait, en chiffres ronds, de 3'036 fr., soit un chiffre compris entre 1'122 fr. et 2'245 fr. après réduction selon l'art. 90 RTFMC (à laquelle la requérante n'a pas procédé dans son calcul) et ajout des débours et de 7,7% de TVA.

Au vu de ce qui précède, le montant des sûretés en garantie des dépens sera fixé, au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce et notamment sa difficulté et l'ampleur du travail qu'il implique, à 2'000 fr.

Les sûretés ainsi fixées devront être fournies par le cité en espèces, auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire, ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse (art. 100 al. 1 CPC) et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt (art. 101 al. 1 CPC).

Si les sûretés ne devaient pas être versées à l'échéance d'un délai supplémentaire, la Cour n'entrera pas en matière sur l'appel (art. 101 al. 1 et 3 CPC).

4. Le cité, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires de la présente décision (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 300 fr. (art. 21 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Il sera condamné à verser ce montant à la requérante.

Le cité sera également condamné aux dépens de la requérante, arrêtés à 800 fr. (art. 85 et 88 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens formée par B______ dans la cause C/3383/2021.

Au fond :

Condamne A______ à fournir des sûretés en garantie des dépens d'appel de B______ à hauteur de 2'000 fr., en espèces auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse.

Impartit à A______ un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt pour constituer les sûretés ainsi fixées.

Dit que si les sûretés ne devaient pas être versées à l'échéance d'un délai supplémentaire, la Cour n'entrera pas en matière sur l'appel.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la présente décision à 300 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de même montant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 300 fr. à titre de frais judiciaires.

 

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 800 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Valérie BOCHET MARCHAND, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.