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Décisions | Chambre civile

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C/8735/2022

ACJC/334/2023 du 07.03.2023 sur OTPI/837/2022 ( SDF ) , CONFIRME

Descripteurs : DIVORCE;MESURE PROVISIONNELLE;OBLIGATION DE FAIRE;PAPIER DE LÉGITIMATION
Normes : CPC.261.al1; CPC.343.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8735/2022 ACJC/334/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 7 MARS 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 décembre 2022, comparant par Me Camille MAULINI, avocate, Collectif de défense, boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Lida LAVI, avocate, Lavi Avocats, Grand-Rue 8, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1981, ressortissante suisse, et B______, né le ______ 1979, de nationalité britannique, se sont mariés le ______ 2014 à C______ (Genève).

De cette union sont issues deux enfants, soit :

- D______, née le ______ 2014, et

- E______, née le ______ 2018.

b. Les époux se sont séparés dans le courant du mois d'octobre 2018.

c. La vie séparée a été organisée par des mesures protectrices prononcées par jugement rendu le 12 août 2019 par le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), par lequel ce dernier a, notamment, attribué la garde des enfants à la mère, réservé un droit de visite au père et instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, ces dispositions ayant été confirmées par la Cour par arrêt ACJC/515/2020 du 17 mars 2020.

B. a. Par acte déposé le 6 mai 2022 au Tribunal, B______ a formé une demande unilatérale en divorce.

b. Lors de l'audience tenue le 17 juin 2022 par le Tribunal, la mère a, à la demande de B______, accepté de déposer les passeports suisses des enfants auprès du Service de protection des mineurs (ci-après : le SPMi) de manière à permettre au père d'en disposer lorsqu'il se rend en Grande-Bretagne avec les enfants.

Pour sa part, le père a déclaré qu'une fois de retour en Suisse, il redéposerait les passeports suisses des enfants auprès du SPMi. Il a pris note qu'"il serait encore plus simple de renouveler, respectivement d'obtenir des passeports britanniques pour les enfants".

c. Lors de l'audience tenue le 7 octobre 2022 par le Tribunal, le père a déclaré, sur la demande de son épouse, qu'il signerait les documents nécessaires pour renouveler le passeport de D______. Il a également indiqué avoir suivi la suggestion du Tribunal et entamé les démarches en vue de l'obtention de passeports britanniques pour les enfants.

d. Par acte adressé le 13 décembre 2022 au Tribunal, A______ a requis le prononcé de mesures superprovisionnelles. Elle a allégué que B______ était demeuré en possession des passeports suisses des filles et qu'elle en avait besoin pour partir en voyage au Maroc avec les enfants le 23 décembre suivant, sollicitant en conséquence qu'il soit ordonné au père de restituer les passeports des enfants, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

e. Par ordonnance rendue le 14 décembre 2022, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a donné acte aux parents de leur engagement à déposer au SPMi les passeports suisses des enfants aussitôt qu'ils n'en auront plus l'utilité, ceci pour permettre, le moment venu, à l'autre parent d'utiliser les passeports pour partir notamment en voyage avec les enfants, les y condamnant sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., mis à charge des parties par moitié chacune, condamnant B______ à verser 100 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire et dispensant provisoirement A______ du paiement de sa part de frais judiciaires (100 fr.), dès lors qu'elle plaidait au bénéfice de l'assistance judiciaire, sous réserve de l'application de l'art. 123 CPC (ch. 2), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a retenu que le père (qui était en possession des passeports des enfants depuis l'été 2022) ne les avait pas restitués au SPMi et que la mère en avait besoin pour se rendre au Maroc avec les filles le 23 décembre 2022. Le premier juge a considéré qu'il n'était pas en mesure de permettre à B______ de se déterminer sur la requête, faute d'un délai suffisant, mais que cela n'était pas nécessaire, puisque l'intéressé avait d'ores et déjà donné son consentement à ladite restitution. Il a, par égalité de traitement entre les parents, ordonné aux deux parties d'honorer leur engagement, sous la menace de la peine fixée à l'art. 292 CP.

C. a. Par acte adressé le 22 décembre 2022 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de cette ordonnance, dont elle a sollicité l'annulation des chiffres 1 et 2 de son dispositif.

Cela fait, elle a conclu à ce que B______ soit condamné à restituer les passeports des enfants aussitôt qu'il n'en a plus l'utilité pour un déplacement en vacances, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, avec suite de l'ensemble des frais judiciaires et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles, à savoir sa correspondance avec le SPMi entre le 15 et le 21 décembre 2022.

b. Par réponse du 5 janvier 2023, B______ a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise, avec suite de frais judiciaires et dépens d'appel.

Il a, notamment, allégué que les démarches en vue de l'obtention des passeports britanniques des enfants étaient extrêmement longues et qu'elles n'avaient pas encore abouti.

Il a produit de nouvelles pièces, à savoir des courriers et des documents en lien avec la question des passeports des enfants établis entre le 13 janvier 2022 et le 19 décembre 2022, dont il ressort, en particulier, que :

- par courriel adressé le 13 janvier 2022 au SPMi, B______ s'est plaint du fait que la mère ne respectait pas l'organisation prévue pour le transfert des enfants pendant les vacances et la remise de leurs passeports et qu'elle empêchait les contacts téléphoniques entre le père et ses filles, et

- le père s'est à nouveau plaint auprès du SPMi, par courriels des 10 et 16 juin 2022, du fait que, bien que les filles résidaient alors avec lui depuis un mois et demi, la mère ne lui avait toujours pas remis les passeports des enfants malgré de nombreuses demandes en ce sens, qu'il avait dû annuler un week-end en France avec ses filles et qu'il n'était pas en mesure d'organiser les vacances d'été au Royaume-Uni.

c. Les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 27 janvier 2023.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les dix jours à compter de la notification de la décision attaquée, s'agissant de mesures provisionnelles qui sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

Dès lors qu’en l’espèce, le litige porte sur la remise au SPMi des passeports suisses des enfants, soit sur une affaire non pécuniaire, la voie de l'appel est ouverte indépendamment de la valeur litigieuse (arrêts du Tribunal fédéral 5A_781/2015 du 14 mars 2016 consid. 1 et 5A_331/2015 du 20 janvier 2016 consid. 1).

En l'espèce, l'appel, formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1 et 311 al. 1 CPC), est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée dès lors qu'elle concerne les enfants mineures des parties (art. 296 al. 1 et al. 3 CPC), de sorte que la Cour n'est liée ni par les conclusions des parties sur ce point (art. 296 al. 3 CPC) ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

La cognition du juge des mesures provisionnelles est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit. Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

1.3 Les parties ont produit de nouvelles pièces en appel.

1.3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsque la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des novas en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

1.3.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites en appel sont recevables, dès lors qu'elles concernent les enfants des parties.

2. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir erré en retenant que l'accord qu'elle avait donné lors de l'audience du 17 juin 2022 était un accord de principe quant à une remise des passeports des enfants au SPMi de manière générale. Selon elle, il ne portait que sur la remise desdits documents au SPMi pour les vacances du mois de juillet 2022 de l'intimé avec les enfants en Grande-Bretagne. Elle souligne qu'elle est le parent gardien, qu'il n'existe aucun risque découlant du fait qu'elle serait en possession des passeports des enfants et que, les ayant toujours remis au père pour les voyages prévus à l'étranger, cette détention n'avait jamais posé de problème. Alors que le Tribunal n'a à aucun moment indiqué qu'il retenait que la mère aurait empêché la transmission de ces documents en défaveur d'un projet de vacances du père, elle considère que le premier juge l'a arbitrairement condamnée sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP au même titre que le père.

Le père relève que la mère a systématiquement refusé de lui donner les passeports des enfants jusqu'à l'audience du 17 juin 2022, ce qui avait engendré l'annulation de vacances en famille et des stress et contrariétés matérielles inutiles. C'est pour cette raison et afin de lui permettre de se déplacer plusieurs fois par année à l'étranger avec ses filles que, lors de cette audience, le juge avait amené la mère à accepter un accord de principe sur le dépôt desdits documents auprès du SPMi. Au vu du comportement de la mère et faute d'avoir entendu le père, le Tribunal avait respecté l'égalité de traitement entre les parties en prenant acte de l'engagement des parties et en les condamnant toutes deux sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

2.1 L'art. 261 al. 1 CPC prévoit que le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque la partie requérante rend vraisemblable qu'une prétention lui appartenant est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être, et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable.

2.2 Lorsque la décision prescrit une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer, le tribunal de l'exécution peut prendre diverses mesures prévues à l'art. 343 al. 1 CPC. Il peut notamment assortir la décision de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (art. 343 al. 1 let. a CPC) ou prévoir une amende d’ordre de 1'000 fr. au plus pour chaque jour d’inexécution (let. c).

Cette mesure relève de la contrainte indirecte, dont la finalité vise à briser la résistance du débiteur récalcitrant et à obtenir qu'il s'exécute. Elle n'a pas un caractère pénal, mais vise à faire pression sur la partie succombante (Jeandin, Commentaire romand - CPC, 2019, n. 11 ad art. 343 CPC).

Le juge doit prendre les mesures d'exécution adéquates et proportionnées aux circonstances; entre plusieurs solutions, l'autorité d'exécution choisira la moins dommageable et la moins onéreuse (Staehlin, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2013, n. 14 ad art. 343 CPC; Bommer, ZPO Handkommentar, 2010, n. 3 ad art. 343 CPC).

Dans l'hypothèse où des circonstances font apparaître que l'exécution de la décision sera exécutée sans problème, il n'apparaît pas insoutenable de renoncer à menacer la partie qui succombe de la sanction prévue par cette norme pénale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_839/2010 du 9 août 2011 consid. 6.3).

2.3 En l'occurrence, contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne ressort pas du procès-verbal de l'audience du 17 juin 2022 que son accord était limité à la remise des passeports des enfants pour le seul déplacement du père et des enfants en Grande-Bretagne en juillet 2022, de sorte que c'est à raison que le Tribunal a pris acte de l'engagement des deux parents - et non seulement du père - à déposer lesdits documents au SPMi après leur usage.

Si, comme l'a relevé à raison le Tribunal lors de cette audience, cette problématique serait résolue par l'obtention de passeports britanniques en faveur de leurs filles, l'issue des démarches entamées en ce sens par l'intimé n'est pas connue de la Cour, de sorte que les mesures prononcées par le premier juge demeurent en l'état nécessaires.

Vu le comportement de rétention des passeports de la mère avant l'audience du 17 juin 2022, il se justifie de maintenir la condamnation de celle-ci sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

Par conséquent, le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera confirmé.

3. L'appelante a conclu à ce que l'intimé soit condamné à l'ensemble des frais judiciaires et dépens.

Elle n'a pas motivé son appel sur la question des frais de la procédure de première instance.

3.1 Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 1ère phrase CPC). Le juge peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

3.2 Dès lors que ni la quotité ni la répartition des frais judiciaires et des dépens de première instance n'ont été valablement remises en cause en appel (l'appelante n'ayant pas motivé son appel sur cette question) et que ceux-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales par le Tribunal (art. 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC; art. 2 et 31 RTFMC), le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

3.3 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 800 fr. (art. 31 et 37 RTFMC).

Pour des motifs d'équité liés à la nature et à l'issue du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties (art. 95, 104 al. 1, 105, 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC).

Par conséquent, l'intimé sera condamné à verser la somme de 400 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dans la mesure où l'appelante plaide au bénéfice de l'assistance juridique, sa part des frais judiciaires (400 fr.) sera provisoirement supportée par l'Etat (art. 122 al. 1 let. b CPC), étant rappelé que le bénéficiaire de l'assistance juridique est tenu au remboursement des frais judiciaires mis à la charge de l'Etat dans la mesure de l'art. 123 CPC (art. 19 RAJ).

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 décembre 2022 par A______ contre les chiffres 1 et 2 du dispositif de l'ordonnance OTPI/837/2022 rendue le 14 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8735/2022.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 800 fr. et les met à la charge des parties par moitié chacune.

Condamne B______ à verser la somme de 400 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Laisse provisoirement la part des frais de A______, soit 400 fr., à la charge de l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens de l'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités selon l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.