Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/15944/2016

ACJC/71/2022 du 21.01.2022 sur JTPI/10960/2021 ( OO )

Recours TF déposé le 28.02.2022, rendu le 06.10.2022, CONFIRME, 4A_99/2022
Normes : CPC.99.al1.letb; CPC.99.al1.letd
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15944/2016 ACJC/71/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 21 JANVIER 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er septembre 2021, comparant par
Me Lucien FENIELLO, avocat, Perréard de Boccard, Rue du Mont-Blanc 3, Case postale, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Daniel KINZER, avocat, CMS von Erlach Partners SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale,
1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 1er septembre 2021, le Tribunal de première instance a, en substance, condamné A______ SA à verser à B______ la somme de 45'844 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2010 ainsi qu'aux frais de la procédure, soit 18'200 fr. à titre de frais judiciaires et 18'000 fr. à titre de dépens.

B. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 13 octobre 2021, A______ SA a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu, en substance, au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais.

C. a. Par acte déposé à la Cour le 9 novembre 2021, B______ a formé une requête en fourniture de sûretés. Elle a conclu à ce que A______ SA soit invitée à fournir à ce titre un montant à dire de justice, mais non inférieur à 4'418 fr., plus TVA, subsidiairement à ce que la procédure soit suspendue jusqu'à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du moment où une décision rendue dans la cause C/1______/2021 sera entrée en force de chose jugée.

Elle a invoqué à l'appui de sa requête que le site internet de A______ SA n'était pas mis à jour, que le profil LinkedIn de son unique administrateur ne mentionnait pas cette position, mais uniquement celle de directeur de C______ SA, société sœur dont le siège se situait aux Iles Caïmans, que l'organe de révision de A______ SA mentionné au registre du commerce avait changé de nom, puis fait faillite et que A______ SA refusait de lui transmettre une copie de ses comptes, malgré le fait que le Tribunal avait admis sa requête en consultation par jugement du 13 septembre 2021, contre lequel A______ SA avait formé appel. Ces éléments démontraient selon elle la vraisemblance de l'insolvabilité de A______ SA, subsidiairement l'existence de motifs propres à accroître sensiblement le risque que les dépens restent impayés. Si la Cour devait toutefois considérer que ces éléments n'étaient pas suffisants, il y aurait lieu de considérer que la consultation des comptes de A______ SA faisant l'objet de la cause C/1______/2021 permettra de lever tout doute, de sorte qu'il conviendrait de suspendre la procédure jusqu'au moment où A______ SA lui aura fourni les éléments qui lui sont nécessaires pour compléter sa requête en fourniture de sûretés.

Par acte expédié le même jour à la Cour, B______ a complété sa requête en fourniture de sûretés. Elle a allégué que A______ SA avait été condamnée par arrêt du Tribunal fédéral du 17 janvier 2020 à lui verser une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. A______ SA ayant refusé d'honorer sa dette après y avoir été invitée, elle lui avait notifié un commandement de payer auquel elle avait formé opposition. B______ s'est toutefois rétractée le 23 décembre 2021 au motif que le paiement des dépens avait été effectué le 14 août 2021.

b. A______ SA a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais. Elle a soutenu que les éléments invoqués par cette dernière ne rendaient aucunement vraisemblable son absence d'activité ou son insolvabilité. Elle conteste par ailleurs que B______ dispose d'un intérêt digne de protection à consulter ses documents comptables.

c. Les parties ont été informées par avis de la Cour du 13 janvier 2022 de ce que la cause était gardée à juger sur requête de sûretés.

EN DROIT

1. 1.1 La requête de sûretés a été déposée selon la forme prescrite, de sorte qu'elle est recevable.

1.2 La requête de sûretés est soumise à la procédure sommaire (ACJC/244/2018 du 26 février 2018 consid. 1.2; ACJC/794/2017 du 16 juin 2017; ACJC/818/2015 du 8 juillet 2015 consid.2.5.1; ACJC/1405/2012 du 28 septembre 2012 consid. 1; Rüegg/Rüegg, Basler Kommentar ZPO, 3ème éd. 2017, n. 4 ad art. 100 CPC). Le juge se fondera essentiellement sur les allégations et preuves des parties (ACJC/938/2015 du 20 août 2015 consid. 2.1).

2. La requérante soutient que la citée est, si ce n'est insolvable, à tous le moins en difficulté financière, ce qui justifie la fourniture de sûretés sur la base de l'art. 99 al. 1 let b ou d CPC.

2.1 Selon l'art. 99 al. 1 CPC, le demandeur - ou l'appelant en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.2) - doit, sur requête du défendeur, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens notamment lorsqu'il paraît insolvable (let. b) ou que d'autres raisons font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés (let. d).

Est insolvable au sens de l'art. 99 al. 1 let. b CPC la personne qui ne dispose ni des liquidités nécessaires pour faire face à ses dettes exigibles, ni du crédit lui permettant de se procurer les moyens nécessaires (ATF 111 II 206 consid. 1). Au sens de cette norme, il suffit, selon le Code de procédure civile, que l'intéressé paraisse insolvable. La vraisemblance suffit et la preuve peut être rapportées par indices (Tappy, Commentaire romand, CPC, 2ème éd., 2019, n. 29 ad art. 99 CPC). Le texte de l'art. 99 al. 1 let. b CPC précise que l'insolvabilité est vraisemblable lorsque l'intéressé fait l'objet d'une déclaration de faillite, d'une procédure concordataire en cours ou d'actes de défaut de biens délivrés. Peu importe qu'il s'agisse d'actes de défaut de biens provisoires et un seul suffit malgré le pluriel utilisé dans le texte légal (Tappy, op. cit., n. 28 ad art. 99 CPC).

Selon l'art. 99 al. 1 let. d CPC, le demandeur doit par ailleurs fournir des sûretés en garantie des dépens lorsque d'autres raisons que celles figurant sous lettres a à c font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés. Cette disposition est une clause générale. Celle-ci peut notamment être réalisée lorsque les indices de difficultés financières sont insuffisants pour que le demandeur apparaisse insolvable au sens de l'art. 99 al. 1 let. b CPC. Tel peut par exemple être le cas si une partie fait l'objet de multiples commandements de payer pour des causes diverses, si elle a eu besoin d'un sursis ou d'une remise concernant les frais d'une autre procédure ou si elle fait l'objet de saisies de salaire en cours. Dans le cadre d'une action en libération de dette notamment, laquelle est fréquemment intentée par un mauvais payeur cherchant à gagner du temps, les indices précités revêtiront un poids particulier (Tappy, op. cit., n. 32 et 39 ad art. 99 CPC). L'existence du risque considérable de non-paiement des dépens au sens de l'art. 99 al. 1 let. d CPC est laissée à l'appréciation du juge (arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2014 du 10 septembre 2014 consid. 3).

2.2 En l'espèce, l'intimée, requérante en fourniture de sûretés en garantie des dépens, ne soutient pas que l'appelante, citée dans le cadre de la requête en fourniture de sûretés, ferait l'objet d'une déclaration de faillite, d'une procédure concordataire en cours ou d'actes de défaut de biens. Elle n'a par ailleurs pas rendu vraisemblable qu'elle ferait l'objet de nombreuses poursuites.

Le fait que le site internet de la citée ne comporte pas les éléments que la requérante estime devoir y figurer ou comporte des liens erronés ou à des sites qui ne semblent pas avoir le moindre rapport avec l'activité de la citée ne donne encore aucune indication sur la situation financière de cette dernière. Il en va de même du profile LinkedIn de l'administrateur de la citée ou de la faillite de l'organe de révision de cette dernière.

Enfin, le fait que la citée s'oppose à la requête en consultation des comptes formée par la requérante peut avoir de nombreuses raisons, autres que celle de vouloir cacher sa situation financière. Il n'appartient par ailleurs pas à la Cour de trancher dans le cadre de la présente décision le litige entre les parties à cet égard.

Il sera relevé pour le surplus que la requérante se limite à mentionner les éléments précités et à affirmer qu'ils permettent de considérer que la citée n'a plus d'activité économique, sans expliquer pourquoi, ce qui n'est pas d'emblée évident.

Enfin, dans la mesure où la fourniture de sûretés en garantie des dépens est soumise à la procédure sommaire et que la présente cause a été initiée en 2016 déjà, il n'est pas adéquat de suspendre la procédure dans l'attente de l'issue de la cause C/1______/2021 dont il ne peut être affirmé que son issue est proche.

En définitive, la requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens formée par l'intimée sera rejetée.

3. L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires de la présente décision (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 300 fr. (art. 21 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimée sera également condamnée aux dépens de l'appelante, arrêtés à 800 fr. (art. 85 et b88 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens :

Déclare recevable la requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens formée par B______ dans la cause C/15944/2016.

La rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Arrête de les frais judiciaires à 300 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ SA 800 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président ; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges ; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.