Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/14132/2020

ACJC/1580/2021 du 26.11.2021 sur JTPI/6382/2021 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14132/2020 ACJC/1580/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du 26 novembre 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 mai 2021, comparant par Me Philippe GRUMBACH, avocat, GRUMBACH SARL, rue Saint-Léger 6, case postale 181, 1211 Genève 4, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par Me Magda KULIK, avocate, KULIK SEIDLER, rue du Rhône 116, 1204 Genève, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/6382/2021 du 18 mai 2021, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a débouté A______ de toutes ses conclusions (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires – arrêtés à 4'000 fr. – à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, les compensant à due concurrence avec l'avance versée par A______ et condamnant B______ à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 2'000 fr. et A______ à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 1'000 fr. (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour le 4 juin 2021, A______ appelle de ce jugement dont elle sollicite l'annulation, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Cela fait, elle conclut à ce que la Cour fasse interdiction à B______ de disposer de quelque manière que ce soit des avoirs qui se trouvent sur les portefeuilles n° 1_____ et n° 2_____ détenus auprès de la banque C______ SA, sauf pour s'acquitter de sa contribution d'entretien ou de toute autre contribution d'entretien pouvant être due ultérieurement, ordonne le blocage des avoirs qui se trouvent sur les portefeuilles susmentionnés avec l'interdiction faite à C______ SA de se dessaisir de ces fonds sauf sur présentation d'un jugement définitif et exécutoire lui ordonnant de le faire à l'exception des montants nécessaires pour le règlement par B______ de sa contribution d'entretien, fasse interdiction à ce dernier de disposer de quelque manière que ce soit des avoirs qui se trouvent sur le portefeuille n° 3_____ détenu auprès de C______ SA, ordonne le blocage des avoirs qui se trouvent sur le portefeuille susmentionné avec l'interdiction faite à l'établissement précité de se dessaisir de ces fonds sauf sur présentation d'un jugement définitif et exécutoire lui ordonnant de le faire, fasse interdiction à B______ de disposer de quelque manière que ce soit de l'appartement sis 4_____ à Genève et ordonne l'inscription de cette interdiction au registre foncier. Elle requiert le prononcé de ces mesures sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

Elle conclut également à ce que la Cour condamne B______ à produire les relevés de comptes bancaires en son nom et celui des époux ou dont il ou les époux seraient les ayants droit économiques sur les cinq dernières années dont notamment les comptes n° 1_____, n° 3_____ et n° 5_____ auprès de C______ SA, le compte dénommé "D______" et tout compte bancaire sur lequel B______ a transféré les avoirs prélevés sur le portefeuille n° 1_____.

Elle conclut enfin à ce que la Cour condamne B______ en tous les frais et dépens de la procédure de première instance.

Elle produit une nouvelle pièce, à savoir un avis d'annulation d'audience du Tribunal de police du 5 mai 2021.

b. Dans sa réponse, B______ conclut à ce que la Cour déclare irrecevable l'allégué n° 49 de l'appel formé par A______ le 4 juin 2021 relatif aux assurances vie de l'intimé comme supposément nouveau, déboute cette dernière de toutes ses conclusions, condamne son épouse à lui verser un montant de 13'354 fr. 81 à titre de dépens d'appel et la condamne à tous les frais judiciaires d'appel.

Il produit une nouvelle pièce, à savoir un décompte des honoraires de ses conseils pour l'activité déployée du 30 juin 2021 au 9 juillet 2021.

c. Les parties ont encore répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives. A______ a en outre ajouté une conclusion préalable tendant à ce que la Cour déclare irrecevables les allégués nouveaux du mémoire réponse de B______, soit notamment les allégués n° 15, 23 et 79 relatifs à la remise d'information à l'appelante et au transfert de certains fonds.

d. Les parties ont encore chacune transmis à la Cour des observations spontanées, persistant dans leurs conclusions.

e. Elles ont été informées par pli du greffe de la Cour du 5 octobre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______, né le ______ 1939 à E______ (Maroc), et A______, née le ______ 1942 à F______ (France), tous deux de nationalité française, se sont mariés le ______ 1979 à G______ (France).

b. Les époux n'ont pas conclu de contrat de mariage.

c. Une enfant est issue de cette union, H______, née le ______ 1979.

d. B______ a eu deux enfants d'un précédent mariage, I______, né en 1958 et aujourd'hui décédé, qui a lui-même eu deux enfants, J______ et K______, et L______, née en 1962.

e. A______ a également eu deux enfants d'un précédent mariage, soit M______, née en 1969, et N______, né en 1973.

f. Les époux A/B______ se sont installés à Genève en 1999.

g. Ils vivent séparés depuis le 13 juillet 2018, date à laquelle A______ a quitté le domicile conjugal, sis 4_____, à Genève.

h. Le 4 janvier 2019, A______ a sollicité des mesures protectrices de l'union conjugale auprès du Tribunal de première instance.

i. Le 20 mars 2019, B______ a déposé une requête en divorce auprès du Tribunal de Grande Instance de F______ (France).

Par arrêt du 7 janvier 2021, la Cour d'Appel de F______ a constaté la compétence du juge français pour connaître du divorce des parties et des obligations alimentaires.

j. Le 23 avril 2019, A______ a déposé, dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale pendante, une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, sollicitant du Tribunal qu'il fasse interdiction à son époux de disposer de quelque manière que ce soit des avoirs qui se trouvaient sur les portefeuilles n° 1_____ et n° 3_____ auprès de C______SA et que ces avoirs soient bloqués. Elle a conclu également à ce que le Tribunal fasse interdiction à B______ de disposer de quelque manière que ce soit du domicile conjugal à Genève, avec mention de l'interdiction au registre foncier, ainsi que du bateau de marque O______.

k. Par décision du même jour, les mesures superprovisionnelles ont été rejetées.

l. Par jugement JTPI/10903/2019 du 30 juillet 2019, le Tribunal, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment ordonné l'inventaire de l'ensemble des biens des époux par acte authentique et dit qu'il appartiendrait aux parties de désigner l'officier public qui dresserait ledit inventaire, autorisé les époux B______ et A______ à vivre séparés, attribué au premier la jouissance du domicile conjugal, condamné celui-ci à verser à A______, par mois et d'avance, dès le 4 janvier 2019, 59'200 fr. au titre de contribution à son entretien, sous déduction des montants déjà versés à ce titre, soit 140'000 fr. et prononcé lesdites mesures pour une durée indéterminée.

Sur les mesures requises en restriction du pouvoir de disposer, le Tribunal a considéré que A______ n'avait pas rendu vraisemblable que son époux s'apprêtait à vider ses comptes ou à dilapider sa fortune. Aucun élément objectif ne permettait non plus de craindre que B______ ne s'acquitterait pas de la contribution d'entretien due à son épouse.

m. Par arrêt ACJC/95/2020 du 14 janvier 2020, la Cour a confirmé le jugement précité ramenant toutefois le montant de la contribution d'entretien à 57'500 fr. du 4 janvier 2019 au 14 octobre 2019, puis l'augmentant à 60'300 fr. dès le 15 octobre 2019. A______ n'avait pas formé appel contre le refus de prononcer les mesures en restriction du pouvoir de disposer.

n. Par arrêt du Tribunal fédéral 5A_170/2020 du 26 janvier 2021, le recours en matière civile de B______ a été admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la Cour afin qu'elle statue dans le sens des considérants, notamment concernant l'établissement des charges de chacun des époux. La Cour a statué sur renvoi le 22 juin 2021 (ACJC/812/2021). Cette cause est pendante au Tribunal fédéral à nouveau.

o. Le 5 juin 2020, A______ a assigné B______ et P______, notaire, devant le Tribunal judiciaire de F______ (France), concluant notamment à ce que ce dernier constate que la somme de EUR 26'976'906.- correspondant au produit de la vente des actions de la société Q______ lui revient en pleine propriété et à ce qu'il constate que les portefeuilles ouverts dans les livres de C______ SA n° 1_____ et 3_____ ainsi que les contrats d'assurances vie sont en copropriété entre les parties à hauteur de EUR 44'261'111.-.

p. Par messages téléphoniques des 4 et 14 juillet 2020, B______ a spontanément transmis des estimations de son portefeuille n° 1_____ auprès de C______ SA à son épouse.

q. Par requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles déposée au greffe du Tribunal le 21 juillet 2020, A______ a conclu, en dernier lieu, à ce que le Tribunal fasse interdiction à B______ de disposer de quelque manière que ce soit des avoirs qui se trouvaient sur les portefeuilles n° 1_____ et n° 2_____ détenus auprès de C______ SA, sauf pour s'acquitter de sa contribution d'entretien ou de toute autre contribution d'entretien pouvant être due ultérieurement, ordonne le blocage des avoirs qui se trouvaient sur les portefeuilles susmentionnés avec l'interdiction faite à l'établissement bancaire précité de se dessaisir de ces fonds, sauf sur présentation d'un jugement définitif et exécutoire lui ordonnant de le faire à l'exception des montants nécessaires pour le règlement par B______ de sa contribution d'entretien, fasse interdiction à ce dernier de disposer de quelque manière que ce soit des avoirs qui se trouvaient sur le portefeuille n° 3_____ détenu auprès de C______ SA, ordonne le blocage des avoirs qui se trouvaient sur le portefeuille susmentionné avec l'interdiction faite à l'établissement bancaire précité de se dessaisir de ces fonds, sauf sur présentation d'un jugement définitif et exécutoire lui ordonnant de le faire, fasse interdiction à B______ de disposer de quelque manière que ce soit de l'appartement sis 4_____, à Genève, et ordonne l'inscription de cette interdiction au registre foncier. Elle a requis le prononcé de ces mesures sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

Elle a également sollicité la condamnation de B______ à produire les relevés de comptes bancaires en son nom et celui des époux ou dont il ou les époux seraient les ayants droit économiques sur les cinq dernières années dont notamment les comptes n° 1_____, n° 3_____ et n° 5_____ auprès de C______SA, le compte dénommé "D______" et tout compte bancaire sur lequel B______ a transféré les avoirs prélevés sur le portefeuille n° 1_____.

r. Par ordonnance rendue le 22 juillet 2020, le Tribunal a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles et réservé le sort des frais.

s. Dans sa réponse, B______ a conclu au déboutement de son épouse de toutes ses conclusions.

t. Les parties ont été entendues par le Tribunal les 14 octobre 2020, 16 décembre 2020, 1er mars 2021 et 19 avril 2021.

Lors de l'audience du 19 avril 2021, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions, et le Tribunal a gardé la cause à juger.

u. La situation financière de B______ se présente de la manière suivante :

u.a B______, retraité depuis 1992, est un homme d'affaires qui a créé et participé à la création de sociétés d'informatique, dont Q______, qu'il a revendues pour plusieurs millions de francs français.

Il est propriétaire du domicile conjugal sis au centre-ville de Genève, composé de huit pièces, dont la jouissance lui a été attribuée par le jugement JTPI/10903/2019 du 30 juillet 2019. Cet appartement a été acheté 2'000'000 fr. en l'an 2000.

Il est également propriétaire d'un appartement de 80 m2 à R______ (France), acheté en 1977.

Il est titulaire auprès de C______ SA du portefeuille n° 1_____, sur lequel S______, petit-fils de B______ bénéficie d'une procuration, dont le solde s'élevait à :

-       EUR 41'721'045.26 le 1er janvier 2020;

-       EUR 27'595'807.45 le 2 juillet 2020;

-       EUR 28'049'256.17 le 31 août 2020;

-       EUR 26'360'268.07 le 31 décembre 2020;

-       EUR 26'181'978.20 le 25 février 2021;

-       EUR 27'245'845.35 le 9 avril 2021.

Selon l'estimation du portefeuille de ce compte au 31 août 2020, entre le 1er janvier et le 31 août 2020, la performance du compte était de -3,84% et la variation négative de la fortune s'est élevée à EUR 1'353'251.96.

B______ est également titulaire auprès de C______ SA du portefeuille n° 2_____ dont le solde s'élevait à :

-       EUR 17'086.82 le 1er janvier 2020;

-       EUR 8'563'763.59 le 31 août 2020;

-       EUR 4'657'243.87 le 31 décembre 2020;

-       EUR 4'657'627.24 le 25 février 2021;

-       EUR 4'762'077.08 le 12 avril 2021.

Selon l'estimation du portefeuille de ce compte au 31 août 2020, entre le 1er janvier et le 31 août 2020, la performance du compte était de -3,89% et la variation négative de la fortune s'est élevée à EUR 164'644.78.

B______ est également titulaire d'un compte dénommé "D______", qui correspond à une participation dans un fonds dénommé T______.

Il possède trois assurances vie auprès de U______, de V______ et de W______, dont les valeurs de rachat s'élevaient respectivement à EUR 1'902'073.- au 31 décembre 2019, EUR 3'678'795.- au 31 décembre 2020 et EUR 25'297'927.- au 20 janvier 2020.

B______ est également propriétaire d'un bateau de marque O_______ estimé au prix de 180'000 fr. ainsi que d'un bateau de marque X______ d'une valeur d'environ EUR 65'000.-. Il affirme n'avoir aucune intention de s'en séparer.

u.b Les époux sont copropriétaires d'une résidence secondaire de luxe à Y______, en Corse, soit une maison de 400 m2 avec un grand jardin et une piscine, achetée au prix de EUR 2'800'000.-, financé au moyen d'un crédit de EUR 3'030'717.-.

Ils sont également associés dans la SCI Z______, à hauteur de 490 parts pour B______ et 10 parts pour A______. Cette société détient le compte n° 3_____ auprès de C______SA, dont le solde s'élevait à :

-       EUR 2'093'436.49 le 1er janvier 2020;

-       EUR 1'916'834.01 le 31 août 2020;

-       EUR 1'971'988.61 le 31 mars 2021.

Il ressort de l'estimation de fortune du portefeuille n° 3_____, que la performance du compte entre le 1er janvier et le 31 août 2020 était de -8,49% et que la variation négative de fortune s'est élevée à EUR 177'768.67.

u.c S'agissant de la situation financière de A______, elle a cessé son activité de ______en 1999 lorsque les époux sont venus s'installer en Suisse. Elle perçoit une allocation de retraite de EUR 1'532.50, un revenu locatif de EUR 1'715.- et une rente AVS de 378 fr. par mois ainsi qu'une contribution d'entretien mensuel de l'ordre de 60'000 fr. A______ a reconnu que son époux lui versait sa contribution d'entretien de manière régulière depuis début 2020.

v. Il ressort des avis de débits produits que le compte n° 1_____ auprès de C______SA a été débité des montants suivants :

-       EUR 6'500'000.- le 5 mai 2020 en faveur du compte n° 2_____ de B______;

-       USD 1'910'586.13 le 5 mai 2020 en faveur du compte n° 2_____ de B______;

-       EUR 500'000.- le 19 mai 2020 en faveur du compte n° 2_____ de B______;

-       EUR 206'947.- le 21 septembre 2020 en faveur du compte n° 2_____ de B______;

-       USD 1'876'589.- le 21 septembre 2020 en faveur du compte n° 2_____ de B______.

v.a A______ allègue que son époux est en train de faire disparaître une partie très importante des avoirs bancaires qui se trouvent sur le compte n° 1_____ avec le retrait d'un montant total de EUR 12'045'919.- entre le 1er janvier et le 13 juillet 2020.

Elle a déclaré, à ce titre, au Tribunal que B______ lui avait fait part spontanément des mauvaises performances de ce compte et lui avait envoyé des estimations. Elle avait ensuite découvert que l'argent était sur un compte – qu'elle ne connaissait pas – auprès de la même banque. B______ lui avait expliqué qu'il avait voulu retirer cet argent à la gestion de son petit-fils, S______. Elle s'était ainsi inquiétée, vu l'absence de réponses claires de son époux à sa question de savoir où avait disparu la somme précitée. Elle avait toujours accès à la comptable en charge de la comptabilité du ménage mais en revanche n'avait plus accès aux renseignements bancaires depuis la séparation, alors que tel était le cas auparavant.

A______ allègue que les avoirs qui se trouvent actuellement en main de son époux proviennent de la vente des participations des deux époux dans la société Q______. Elle avait été propriétaire de la moitié des actions de cette société lors de leur mariage. Son époux avait acquis l'essentiel de ses actions par la suite. Ayant subi des violences conjugales durant la vie commune, elle avait été contrainte par son époux de signer des documents qu'elle n'avait jamais pu lire ni conserver, raison pour laquelle elle avait déclaré les invalider en mars 2019. Elle a produit le courrier d'invalidation des actes adressé à son époux ainsi que l'assignation devant la justice française de son époux et du notaire ayant orchestré la signature de ces documents, par laquelle elle réclamait que sa propriété soit constatée sur un montant de EUR 26'976'906.- et que la propriété commune des parties soit constatée sur un montant de EUR 44'261'111.-.

v.b De son côté, B______ nie avoir fait subir à son épouse des violences conjugales et allègue en avoir lui-même été victime. Il nie également toute disparition d'espèces ou dilapidation de fortune. Il allègue que sa fortune était déjà faite lorsqu'il a épousé A______ et que celle-ci a ensuite signé quatre actes authentiques aux termes desquels elle reconnaissait que toute la fortune qu'il avait acquise était un bien propre. Il a produit lesdits actes signés par les parties, datés de 1983, 1990, 1996 et 2016. Selon une déclaration du notaire ayant instrumenté la signature de ces actes, ceux-ci avaient été signés en toute connaissance de cause, sans objection de la part de A______.

S'agissant des retraits pour un montant total de EUR 12'045'919.- effectués au débit du portefeuille n° 1_____ entre le 1er janvier et le 13 juillet 2020, B______ allègue que les montants de EUR 6'500'000.-, USD 1'910'586.13 (soit la contrevaleur de EUR 1'748'670.-) et EUR 500'000.-, soit EUR 8'748'670.- en tout, ont été transférés sur son compte n° 2_____ au sein du même établissement bancaire en raison du fait qu'il ne souhaitait plus confier la gestion des titres du portefeuille n° 1_____ à son petit-fils, S______, précisant vouloir une gestion conservatrice et prudente de son patrimoine. Concernant le solde de EUR 3'297'248.-, il avait octroyé un prêt de EUR 1'600'000.- à la fille des parties, ce qui ressort du contrat de prêt du 15 janvier 2020 signé entre B______ et H______. Il avait ensuite fait plusieurs donations, soit 200'000 fr. à sa fille L______ (soit EUR 189'311.78) – ce qui ressort d'un avis de débit du 29 avril 2020 – et à ses enfants et petits-enfants pour un montant total de EUR 175'148.97. Il avait également versé la contribution d'entretien à son épouse, soit 368'892 fr. (EUR 346'726.-) entre le 1er janvier et le 13 juillet 2020, ce qui résulte de divers avis de débits versés au dossier. Il avait encore payé des charges du yacht (EUR 146'038.21) et de la villa en Corse (EUR 39'712.40), conformément aux extraits de la comptabilité du ménage produits. Il s'était acquitté d'honoraires en faveur de différents mandataires pour EUR 186'626.95 et 14'871 fr. 88, ce qui ressort également des extraits de comptabilité du ménage ainsi que de divers avis de débits produits. A cela s'ajoutaient des virements internes (EUR 22'000.-) qu'il avait effectués et une performance négative du portefeuille précité de 5,51%. La différence de EUR 433'555.23 concernait ses dépenses personnelles.

B______ a expliqué au Tribunal que son épouse avait accès à tous les renseignements et il ne lui avait jamais rien caché. Il avait toujours vécu en dessous de ses moyens, avait suivi une gestion de bon père de famille et vivait depuis 30 ans grâce à son capital.

w. Le compten° 2_____ a été débité des montants suivants :

-       EUR 2'000'000.- le 20 novembre 2020 en faveur de L______;

-       EUR 2'000'589.50 le 15 décembre 2020 en faveur de K______, dont EUR 950'000.- octroyés à titre de prêt;

-       EUR 2'000'721.70 le 15 décembre 2020 en faveur de J______ BENHAMOU, dont EUR 950'000.- octroyés à titre de prêt.

Par courrier du 18 janvier 2021, B______ a expliqué que dans le but d'éviter des conflits inutiles entre ses héritiers, il avait souhaité rétablir l'équilibre entre ses enfants avant son décès. Cette planification successorale était prévue depuis plus de trois ans et était intervenue entre le 20 novembre 2020 et le 15 décembre 2020. Elle n'avait aucune incidence sur les prétentions de A______ compte tenu de sa fortune globale, étant précisé qu'une importante partie de celle-ci demeurait bloquée dans ses assurances vie d'une valeur totale d'EUR 30'878'795.- au 20 janvier 2020. Les portefeuilles n° 1_____, n° 2_____ et n° 3_____ et les assurances vie totalisaient un montant de EUR 63'813'140.-, sans compter les biens immobiliers.

x. A______ allègue également que B______ risque de vendre l'appartement de Genève, qui ne constitue plus le domicile conjugal, et de quitter Genève afin de se soustraire à ses obligations pécuniaires. B______ soutient qu'il n'a aucune intention de vendre son appartement à Genève auquel il est très attaché.

y. Par courrier du 1er février 2021,A______ a expliqué que les actifs des assurances vie de son époux ne couvraient pas ses prétentions et qu'elle n'avait aucun droit de regard sur celles-ci dont elle n'était pas souscriptrice et qui faisaient l'objet de clauses bénéficiaires déterminées.

z. Selon les extraits du Grand Livre des dépenses du ménage, produits par les parties, les dépenses de la famille se sont élevées à EUR 5'741'881.84 en 2016, EUR 6'464'933.88 en 2017 et EUR 725'099.08 en 2018.

Les époux sont au bénéfice de l'imposition sur la dépense (forfait fiscal) selon une convention conclue avec l'Administration fiscale genevoise fixant le montant de leurs dépenses déterminantes (revenu taxable) à 455'000 fr. pour les périodes fiscales 2014 à 2018.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que A______ avait rendu vraisemblable son droit à une contribution d'entretien en sa faveur ainsi que de prétentions dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Elle n'avait en revanche rendu vraisemblable ni que son époux serait en train de dilapider sa fortune et celle du couple ni qu'il serait dans l'impossibilité de faire face à ses obligations envers elle ni encore qu'il avait l'intention de se départir du domicile conjugal. S'agissant de la demande en reddition de compte, le Tribunal a considéré que les documents produits dans le cadre de la procédure par B______ étaient suffisants pour que son épouse ait déjà une bonne idée des fortunes.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions sur mesures provisionnelles (art. 276 et 308 al. 1 let. b CPC), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). Le délai d'introduction de l'appel est de 10 jours (art. 271 let. a CPC par renvoi de l'art. 276 al. 1 CPC; art. 248 let. d et 314 al. 1 CPC).

Le litige portant exclusivement sur des questions patrimoniales, il est de nature pécuniaire (ATF 133 III 393 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_42/2013 du 27 juin 2013 consid. 1.1; 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 1; 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 1; 5A_511/2010 du 4 février 2011 consid. 1.1).

La valeur litigieuse minimale est manifestement atteinte, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Formé en temps utile, suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable. Il en va de même de la réponse de l'intimé (art. 314 al. 1 CPC), de la réplique et duplique (art. 316 al. 2 CPC) et des déterminations spontanées subséquentes.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle ne traite en principe que les griefs soulevés dans la motivation écrite contre la décision de première instance (art. 311 al. 1 et 312 al. 1 CPC), à moins que les vices juridiques soient tout simplement évidents (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_380/2016 du 1er novembre 2016 consid. 3.3.3; 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5).

1.4 Les mesures provisionnelles sont ordonnées à la suite d'une procédure sommaire (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_661/2011 du 10 février 2012 consid. 2.3). La cognition du juge des mesures provisionnelles est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit et les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 3.2).

1.5 La cause est régie par le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

1.6 Les parties ne contestent, à juste titre, pas la compétence des autorités judiciaires genevoises (art. 10 let. b et 46 LDIP) et l'application du droit suisse (art. 48 al. 1 et 62 al. 2 LDIP) au présent litige.

2. Les parties ont allégué des faits dont la recevabilité est contestée. Elles ont également produit de nouvelles pièces.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Il faut distinguer les "vrais nova" des "pseudo nova". Les "vrais nova" sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu'après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (cf. ATF 138 III 788 consid. 4.2; Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Les "pseudo nova" sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés. Leur admissibilité est largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être invoqués dans la procédure de première instance. Il appartient au plaideur d'exposer en détails les motifs pour lesquels il n'a pas pu présenter le "pseudo nova" en première instance déjà (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.3).

2.2 En l'espèce, s'agissant de l'allégué n° 49 de l'appel, il ne s'agit pas d'un allégué nouveau puisque celui-ci ressort du courrier de l'appelante au Tribunal du 1er février 2021. Il est recevable.

Concernant les allégués n° 15 et 79 du mémoire réponse de l'intimé, ils sont également recevables puisqu'il s'agit d'un fait allégué par l'appelante en première instance et qui était initialement contesté mais que l'intimé admet dorénavant en appel, à savoir le fait que l'intimé a spontanément transmis à l'appelante en juillet 2020 les estimations du compte n° 1_____.

S'agissant de l'allégué n° 23 du mémoire réponse de l'intimé, soit le fait que ce dernier a spontanément informé son épouse du transfert de certains fonds sur un autre compte dans le but de retirer ceux-ci du pouvoir de gestion à son petit-fils, il ne s'agit pas d'un nouvel allégué puisque celui-ci ressort de l'audition des parties du 14 octobre 2020. Il sera par conséquent également déclaré recevable.

Concernant les pièces produites par les parties, elles sont postérieures à la mise en délibération de la cause par le premier juge et ont été produites à l'appui du mémoire d'appel et du mémoire réponse, soit sans retard. Elles sont donc recevables, de même que les allégués qui s'y rapportent.

3. L'appelante reproche au premier juge d'avoir refusé d'ordonner les mesures de blocage sollicitées, retenant qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable la mise en danger de ses intérêts économiques ainsi que ses prétentions en liquidation du régime matrimonial.

3.1.1 L'art. 178 CC prévoit que le juge peut, à la requête de l'un des époux, restreindre le pouvoir de l'autre de disposer de certains de ses biens sans le consentement de son conjoint et ordonner les mesures de sûreté appropriées.

Celles-ci peuvent consister notamment dans le blocage des avoirs bancaires ou le dépôt, puis le blocage, d'espèces ou d'autres objets de prix auprès des tribunaux, des banques ou des tiers compétents à cet effet (arrêt du Tribunal fédéral 5A_259/2010 du 26 avril 2010 consid. 7.3.2.1). En outre, à titre de mesure de sûreté indirecte, l'injonction peut être assortie de la menace de l'amende pour insoumission à une décision de l'autorité, selon l'article 292 CP (arrêt du Tribunal fédéral 5A_852/2013 du 28 mars 2011 consid. 3.2).

L'art. 178 CC tend à éviter qu'un époux, en procédant à des actes de disposition volontaires, se mette dans l'impossibilité de faire face à ses obligations pécuniaires envers son conjoint, que celles-ci découlent des effets généraux du mariage (devoir d'entretien, prétention de l'époux au foyer) ou du régime matrimonial (acquittement de récompenses, participation aux acquêts). L'époux qui demande de telles mesures de sûretés doit rendre vraisemblable, sur la base d'indices objectifs, l'existence d'une mise en danger sérieuse et imminente de ses prétentions en raison du fait que son conjoint dilapide ou tente de dissimuler ses biens (arrêts du Tribunal fédéral 5A_949/2016 du 3 avril 2017 consid. 4.1; 5A_823/2013 du 8 mai 2014 consid. 4.1; 5A_852/2010 du 28 mars 2011 in SJ 2012 I 34).

Il convient en particulier de rendre vraisemblable que, du fait du comportement de l'époux requis, des difficultés surviendront dans le recouvrement des créances découlant de l'entretien de la famille et de la liquidation du régime matrimonial (ATF 118 II 378 consid. 3a et 3b in JdT 1995 I 43). La vraisemblance doit également porter sur les prétentions de l'époux requérant (Chaix, Commentaire romand, Code civil I, 2010, n. 4 ad art. 178 CC).

Le juge ne doit pas exiger une preuve stricte d'un danger imminent et se contentera à cet égard d'une simple vraisemblance. Cette vraisemblance peut notamment résulter d'un refus de renseignement ou de la dissimulation de faits importants de la part de l'autre conjoint (ATF 118 II 381 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_866/2016 du 3 avril 2017 consid. 4.1.1). Peuvent également constituer de tels indices des retraits bancaires inhabituellement importants, des donations substantielles, le fait de nouer une relation sentimentale, la parution d'une annonce de remise de commerce ou de vente immobilière, le refus de communiquer des renseignements sur le patrimoine ou la transmission d'informations inexactes sur ce sujet (Chaix, op. cit., n. 4 ad art. 178 CC).

3.1.2 Selon l'art. 169 al. 1 CC, un époux ne peut, sans le consentement exprès de son conjoint, ni résilier le bail, ni aliéner la maison ou l’appartement familial, ni restreindre par d’autres actes juridiques les droits dont dépend le logement de la famille.

L'art. 169 CC s'applique en principe pendant toute la durée du mariage et un époux peut encore l'invoquer après l'introduction d'une procédure de divorce; la séparation (de fait) des époux, fondée ou non, reposant sur une décision judiciaire ou non, n'enlève pas à elle seule sa qualité au logement de la famille (ATF 118 II 489 consid. 2; 114 II 396 consid. 5a in JdT 1990 I 261; Scyboz, Commentaire romand, Code civil I, n. 19 ad art. 169 CC).

3.2 En l'espèce, il y a lieu d'examiner tout d'abord si l'appelante a rendu vraisemblable le fait d'être titulaire de prétentions découlant des effets généraux du mariage et/ou du régime matrimonial avant d'examiner si le comportement de l'intimé permet de rendre vraisemblable que l'appelante rencontrera des difficultés dans le recouvrement desdites prétentions.

3.2.1 Il n'est pas contesté que l'appelante est titulaire d'une prétention à l'encontre de l'intimé en paiement d'une contribution d'entretien de l'ordre de 60'000 fr. par mois en l'état ainsi que d'une prétention en liquidation du régime matrimonial. Les parties s'opposent toutefois sur le montant de cette dernière, le Tribunal ayant retenu que l'appelante n'avait pas rendu vraisemblable le montant réclamé devant les autorités françaises, à savoir EUR 26'976'906.-, en sus de la moitié de EUR 44'261'111.-.

A cet égard, il y a lieu de relever, à l'instar de ce qu'a retenu le Tribunal, que l'appelante a signé, entre 1983 et 2016, pas moins de quatre actes authentiques aux termes desquels elle reconnaissait que la fortune découlant des actions des sociétés informatiques constituait un bien propre de l'intimé. Il ressort en outre d'une attestation du notaire ayant instrumenté les actes que ceux-ci ont été signés en pleine connaissance de cause par les parties. Contrairement à ce que prétend l'appelante, il n'y a aucune raison de douter de la teneur de cette attestation, même si ledit notaire a été assigné en justice par l'appelante, le notaire étant un officier public. Bien que l'appelante ait produit un courrier de 2019 par lequel elle déclarait invalider lesdits actes ainsi qu'une assignation en justice à ce sujet, elle n'a pas rendu vraisemblable le fait qu'elle avait signé ces documents à plusieurs années d'intervalle sous la contrainte et/ou que ceux-ci seraient nuls, aucune condamnation n'étant intervenue en l'état. En outre, les violences conjugales alléguées réciproquement par les parties – à supposer qu'elles soient avérées – ne permettent pas non plus de rendre vraisemblable la thèse de la contrainte subie, à quatre reprises, au moment de la signature des actes précités et devant notaire. Enfin, l'éventuelle application du droit français à la liquidation du régime matrimonial ne permet pas non plus de constater la contrainte ou la nullité des actes authentiques signés par les parties. En effet, le fait que le droit français interdise à un époux de disposer seul à titre gratuit des biens de la communauté implique l'existence de ladite communauté, laquelle n'est ici pas rendue vraisemblable au vu des actes authentiques signés. Ainsi, c'est à raison que le Tribunal a retenu que seule la prétention de l'appelante sur la moitié des EUR 44'261'111.- apparaît vraisemblable.

3.2.2 En ce qui concerne les actes de disposition de l'intimé, il est établi que la fortune de la famille est principalement détenue par l'intimé et que celle-ci a diminué entre le 1er janvier et le 31 août 2020. Cela étant, contrairement à ce que prétend l'appelante, elle ne rend pas vraisemblable que cette diminution résulte de la volonté de son époux de dissimuler ou de dilapider sa fortune et/ou celle des époux. Au contraire, il ressort du dossier que l'intimé a apporté des explications crédibles s'agissant des virements litigieux et de la diminution de la fortune familiale ainsi que fourni les pièces justificatives. Il a tout d'abord démontré qu'un montant de EUR 8'651'450.- (EUR 6'500'000.- + EUR 1'651'450.- [contrevaleur de USD 1'910'586.13 au 5 mai 2020] + EUR 500'000.-) avait été transféré d'un compte à un autre compte à son nom. Puis, il a expliqué la différence des avoirs en compte qui représentait environ EUR 5'300'000.- ([EUR 41'721'045.26 + EUR 17'086.82 + EUR 2'093'436.49] – [EUR 28'049'256.17 + EUR 8'563'763.59 + EUR 1'916'834.01]), à savoir qu'il avait prêté EUR 1'600'000.- à l'une de ses filles, avait subi des pertes à hauteur de EUR 1'695'665.41 (EUR 1'353'251.96 + EUR 164'644.78 + EUR 177'768.67) et avait effectué une donation de EUR 189'311.78 à une autre de ses filles. En outre, il s'était acquitté de la contribution d'entretien en faveur de l'appelante d'un montant de EUR 346'726.- et avait également payé divers mandataires pour un montant de EUR 186'626.95 et 14'871 fr. 88.

Pour les autres montants débités (frais du bateau et de la villa en Corse, donations en faveur des enfants et petits-enfants de l'intimé et dépenses personnelles de l'intimé), totalisant environ EUR 1'468'300.-, bien que ceux-ci ne soient justifiés que par des tableaux établis par la comptable de la famille – soit des documents dont la force probante est faible –, ils apparaissent crédibles et raisonnables au vu des dépenses habituelles de la famille entre 2016 et 2018, lesquelles ont varié entre EUR 725'000.- et EUR 6'400'000.- par année selon les extraits du Grand Livre figurant au dossier, et de la fortune globale de la famille qui s'élevait à plus de EUR 74'000'000.- au 31 août 2020 (EUR 28'049'256.17 [compte bancaire] + EUR 8'563'763.59 [compte bancaire] + EUR 1'916'834.01 [compte bancaire] + EUR 1'895'030.- [appartement à Genève; contrevaleur de 2'000'000 fr.] + EUR 2'800'000.- [villa en Corse] + EUR 1'902'073.- [assurance-vie] + EUR 3'678'795.- [assurance-vie] + EUR 25'297'927.- [assurance-vie] + EU 170'552.- [bateau; contrevaleur de 180'000 fr.] + EUR 65'000.- [bateau]), sans compter la valeur de l'appartement à R______.

S'agissant de la planification successorale à laquelle a procédé l'intimé, en particulier les donations en faveur de ses enfants et petits-enfants en novembre et décembre 2020, à l'instar de ce qu'a retenu le premier juge, elle apparaît raisonnable au vu de la fortune globale de la famille et plus particulièrement celle de l'intimé.

3.2.3 S'agissant du comportement de l'intimé allégué par l'appelante pour rendre vraisemblable qu'il serait sur le point de procéder à d'autres actes de disposition, il doit être concédé à l'appelante que l'intimé entretient une certaine opacité sur sa situation financière. Il a toutefois produit l'essentiel des documents bancaires, sollicités par l'appelante ou de manière spontanée, afin de justifier ses explications, de sorte qu'un tel comportement va à l'encontre d'une volonté vraisemblable de léser les intérêts financiers de l'appelante. Concernant la prétendue volonté de l'intimé de vendre l'appartement de Genève, elle n'est pas non plus rendue vraisemblable. Le fait que l'intimé se soit renseigné à ce propos par le passé ne permet pas encore de constater un début de concrétisation de cette idée. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend l'appelante, ledit appartement constitue toujours le domicile conjugal, et ce jusqu'au prononcé du divorce. En effet, le fait d'avoir attribué, sur mesures protectrices de l'union conjugale, la jouissance exclusive de celui-ci à l'intimé n'est pas suffisant pour supprimer la qualification de domicile conjugal dudit appartement et la protection en découlant. En ce qui concerne la régularité du paiement de la contribution d'entretien, il apparaît à la lecture du dossier que l'intimé se conforme aux décisions de justice y relatives, à tout le moins depuis le début de l'année 2020, ce que l'appelante admet. Pour le surplus, les comportements de l'intimé soulevés par l'appelante ne constituent que des allégations contestées (i.e. volonté de priver l'appelante de tout produit de la liquidation du régime matrimonial, volonté de l'intimé de se soustraire à un rappel d'impôts des époux, volonté de l'intimé de déshériter l'appelante, etc.) – que la Cour ne saurait tenir pour vraisemblables – ou un comportement procédural de l'intimé (i.e. absence à deux audiences pour des raisons de santé) ne permettant pas pour autant de déduire une volonté de l'intimé de se soustraire à ses obligations découlant du divorce.

Par ailleurs, l'essentiel de la fortune de l'intimé est constitué d'assurances vie actuellement bloquées. L'appelante n'a pas rendu vraisemblable qu'elle ne pourrait pas devenir titulaire ou bénéficiaire d'une ou plusieurs desdites assurances – bien qu'elle n'ait pas été la souscriptrice initiale – aux termes d'un jugement de divorce l'ordonnant. La somme desdites assurances (plus de EUR 30'000'000.-) est de surcroît suffisante pour couvrir la prétention en liquidation du régime matrimonial de l'appelante rendue vraisemblable à hauteur de la moitié de EUR 44'261'111.-.

Enfin, il apparaît que, depuis le 1er janvier 2021, le solde des comptes est resté stable et a même augmenté.

3.3 Compte tenu des éléments qui précèdent, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que l'appelante n'avait pas rendu vraisemblable une mise en danger de ses intérêts financiers et l'a déboutée de ses conclusions en restriction du pouvoir de disposer.

Le jugement attaqué sera confirmé à cet égard.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir refusé de donner suite à sa requête en reddition de compte.

4.1 Selon l'art. 170 CC, chaque époux peut demander à son conjoint qu'il le renseigne sur ses revenus, ses biens et ses dettes (al. 1). Le juge peut astreindre le conjoint du requérant ou des tiers à fournir les renseignements utiles et à produire les pièces nécessaires (al. 2).

Ce droit à l'information est limité à la durée du mariage et prend fin avec l'entrée en force du jugement de divorce (Barrelet, CPra Matrimonial, 2015, n. 9 ad art. 170 CC).

L'époux demandeur doit rendre vraisemblable l'existence d'un intérêt digne de protection (ATF 132 III 291 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_566/2016 du 2 février 2017 consid. 4.2.3), notamment lorsque des considérations tenant à l'entretien ou au partage de patrimoine peuvent être invoquées (arrêt du Tribunal fédéral 5A_918/2014 du 17 juin 2015 consid. 4.2.2; Deschenaux/Steinauer/Baddeley, Les effets du mariage, 2017, n. 268, p. 223).

Ceci exclut les demandes de renseignements chicanières ou manifestant une pure curiosité et limite le devoir du conjoint requis à la fourniture des renseignements utiles et à la production des pièces nécessaires. Il faut en outre respecter le principe de la proportionnalité (ATF 132 III 291 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_918/2014 précité consid. 4.2.2).

Il suffit en principe que le conjoint requis renseigne "à grands traits" son époux sur sa situation financière. Les détails de la totalité des mouvements d'un compte ou des fluctuations de la valeur de ses biens n'ont à être communiqués que si des circonstances particulières le justifient. Le même principe s'applique à l'état de la fortune, aux revenus et aux transactions spécifiques qui ont eu lieu dans le passé (Deschenaux/Steinauer/Baddeley, op. cit., p. 174).

Le droit du conjoint a en règle générale pour objet la situation patrimoniale au moment de la requête. Selon la prétention juridique invoquée, le conjoint a toutefois le droit d'être renseigné sur d'anciennes transactions (cf. art. 208 al. 1 CC par exemple; Leuba, Commentaire romand CC I, 2010, n. 11 ad art. 170 CC).

Le devoir d'information porte sur tous les renseignements et les documents demandés nécessaires et adéquats pour permettre à l'époux demandeur de se faire une idée précise de la situation financière de son conjoint. L'étendue s'apprécie dès lors dans chaque cas, en fonction des circonstances et du but recherché (Barrelet, op. cit., n. 16 et 19 ad art. 170 CC).

4.2 En l'espèce, l'appelante sollicite la production des relevés de comptes bancaires de l'intimé et des époux ou dont il ou les époux seraient les ayants droit économiques sur les cinq dernières années dont notamment les comptes n° 1_____, n° 3_____ et n° 5_____ auprès de C______ SA, le compte dénommé "D______" et tout compte bancaire sur lequel l'intimé a transféré les avoirs prélevés sur le portefeuille n° 1_____, conclusion que le Tribunal a intégralement rejetée, considérant que les pièces déjà produites étaient suffisantes pour renseigner l'appelante sur la fortune de son époux.

L'appelante allègue avoir besoin de ces documents pour justifier le fait que des montants importants ont disparu. Certes, les documents produits par l'intimé ne constituent pas des relevés complets et détaillés des comptes bancaires de ce dernier mais uniquement des estimations de ses portefeuilles à certaines dates ou des avis de débits. Ces documents permettent toutefois de suivre l'évolution des soldes desdits comptes et, à l'aide des autres documents produits (i.e. contrats de prêts, comptabilité du ménage, etc.), de comprendre et de justifier l'utilisation des fonds telle qu'expliquée par l'intimé. Les avis de débits fournis permettent également de savoir à qui les montants ont été versés. Ils sont dès lors suffisants pour renseigner l'appelante sur l'utilisation des fonds par l'intimé. L'appelante ne soutient au demeurant pas avoir besoin de ces documents pour une autre raison. Il n'y a ainsi pas lieu de condamner l'intimé à produire les documents demandés par l'appelante. C'est à juste titre que le Tribunal l'a déboutée de ses conclusions.

Le jugement querellé sera par conséquent confirmé sur ce point également.

5. 5.1 Dès lors que la quotité des frais de première instance n'a pas été remise en cause en appel, que ceux-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales (art. 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC; art. 5 et 31 du Règlement fixant le tarif des greffes en matière civile, RTFMC – RS/GE E 1 05.10) et compte tenu de l'issue du litige, le jugement entrepris sera intégralement confirmé.

5.2.1 Les frais judiciaires sont fixés et répartis d'office (art. 105 al. 1 CPC). Ils sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 al. 1 1ère phrase CPC). La Cour peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

5.2.2 En l'espèce, les frais de la procédure d'appel seront arrêtés à 5'000 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et compensés partiellement avec l'avance fournie par l'appelante, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Ils seront mis à la charge de l'appelante vu l'issue du litige (art. 106 al. 1 CPC). Celle-ci sera condamnée à payer 2'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, au titre de solde des frais judiciaires.

Elle sera en outre condamnée aux dépens à hauteur de 5'000 fr. en faveur de l'intimé. A cet égard, il n'y a pas lieu de donner suite à la conclusion de l'intimé en paiement d'un montant de 13'354 fr. 81 à titre de dépens d'appel, ce montant étant excessif et principalement dû au choix de l'intimé de se faire représenter par deux conseils de deux études distinctes, choix qu'il n'y a pas lieu de faire supporter à l'appelante.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/6382/2021 rendu le 18 mai 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14132/2020.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance de frais de 3'000 fr. versée par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 2'000 fr. au titre de solde des frais judiciaires d'appel.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 5'000 fr. au titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.