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Décisions | Sommaires

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C/30089/2024

ACJC/454/2025 du 31.03.2025 sur JTPI/2824/2025 ( SFC ) , CONFIRME

Normes : LP.191
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/30089/2024 ACJC/454/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 31 MARS 2025

 

Pour

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 février 2025, représenté par Me Michel BUSSARD, avocat, SIASSI McCUNN BUSSARD, avenue de Champel 29, case postale 344, 1211 Genève 12.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2824/2025 du 20 février 2025, reçu par A______ le 27 février 2025, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la déclaration d'insolvabilité déposée le 6 février 2025 par A______ (ch. 1 du dispositif), l'a condamné aux frais judiciaires en 50 fr. (ch. 2) et l'a débouté de toutes autres conclusions (ch. 3).

B. a. Le 10 mars 2025, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et prononce sa faillite personnelle, avec suite de frais et dépens.

Il a déposé des pièces nouvelles et formé des allégués nouveaux.

b. La cause a été gardée à juger par la Cour le 18 mars 2025.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ est inscrit au Registre du commerce de Genève comme administrateur unique des société B______ SA et C______ SA, actives notamment dans le domaine des prestations de services et de l'informatique.

b. Le 6 février 2025, il a requis du Tribunal sa mise en faillite personnelle, faisant valoir qu'il touchait un salaire de 1'259 fr. 05 par mois et que, suite à un grave accident, sa situation n'avait fait qu'empirer, de sorte qu'il ne pouvait plus rembourser ses dettes.

Il a indiqué au Tribunal que son compte personnel présentait un solde de 964 fr. 37 et qu'il pourrait réunir 5'000 fr. en vendant une partie de ses biens.

Le Tribunal a retenu, sans que cela ne soit contesté devant la Cour, que A______ fait l'objet de 18 poursuites, pour un total de 340'151 fr. Une poursuite portant sur 35'333 fr. 09 est notamment au stade de la saisie, la créancière étant [la caisse maladie] D______.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 al. 1 LP par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP).

Le recours a été interjeté dans le délai utile de 10 jours (art. 174 al. 1 LP) et selon la forme prescrite. Il est partant recevable.

1.2 En vertu de l'art. 174 al. 1 2ème phrase LP – applicable par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP –, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance. Cette disposition spéciale de la loi, au sens de l'art. 326 al. 2 CPC, vise les faits nouveaux improprement dits (faux nova ou pseudo-nova), à savoir ceux qui existaient déjà au moment de l'ouverture de la faillite et dont le premier juge n'a pas eu connaissance pour quelque raison que ce soit; ces faits peuvent être invoqués sans restriction et prouvés par pièces, pour autant qu'ils le soient dans le délai de recours (ATF 139 III 491 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_243/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1, publié in SJ 2019 I p. 376).

Les allégations et pièces nouvelles du recourant, relatives à des faits antérieurs au jugement attaqué, sont ainsi recevables.

1.3 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP).

2. Le Tribunal a retenu que toute possibilité de règlement amiable des dettes du recourant paraissait exclue. Celui-ci ne disposait cependant pas de biens à réaliser au profit des créanciers. Il ressortait de ses allégations et des pièces produites qu'il disposait tout au plus d'un montant de 2'464 fr. à consacrer à ses créanciers, alors que le montant de ses dettes était de 340'151 fr. Ce montant n'était pas suffisant pour allouer un dividende aux créanciers, de sorte que le prononcé de la faillite n'aurait pour effet que de soustraire le recourant à des saisies pour des dettes antérieures à son prononcé. Il ne disposait ainsi pas d'intérêt digne de protection à la déclaration de sa faillite, ce qui entraînait le rejet de sa requête.

A______ fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, il pourrait réunir un montant de 7'500 fr. en liquidant des biens saisissables dont il est propriétaire et qui ne sont pas absolument nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. A ce montant s'ajoutait le solde de son compte bancaire en 1'438 fr. 44 au 18 février 2025.

2.1.1 Aux termes de l'art. 191 LP, le débiteur peut lui-même requérir sa faillite en se déclarant insolvable en justice (al. 1); lorsque toute possibilité de règlement amiable des dettes selon les art. 333 ss est exclue, le juge prononce la faillite (al. 2).

La faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur offre à celui-ci d'importants avantages. En effet, les saisies à son encontre (même les saisies de salaire) tombent. En outre, cette institution lui procure immédiatement la tranquillité nécessaire pour se reprendre financièrement: déjà après l'ouverture de la faillite, il peut disposer librement de son salaire courant (c'est-à-dire les versements devenus exigibles après l'ouverture de la faillite). De plus, il peut à nouveau être poursuivi pour les créances nées avant la faillite uniquement après son retour à meilleure fortune (Amon/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 9ème éd., 2013, § 38 n. 22-23).

Le requérant n'a pas un droit inconditionnel au prononcé de sa faillite (ATF 133 III 614 consid. 6.1.2). Pour que la faillite puisse être prononcée ensuite d'une déclaration d'insolvabilité en justice, il faut que se réalise une condition positive, soit un état d'insolvabilité, et que, simultanément, ne soit satisfaite aucune condition négative, à savoir la possibilité de règlement amiable des dettes, un ajournement de la décision de faillite en raison d'un sursis concordataire ou extraordinaire, une procédure de faillite déjà en cours, une procédure de détermination de retour à meilleure fortune en cours ou un abus de droit manifeste au sens de l'art. 2 al. 2 CC (Cometta, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 4 ad art. 191 LP).

L'interdiction de l'abus de droit est applicable à tout l'ordre juridique, donc également en matière de poursuites et faillite. Dans la procédure de faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur, le juge doit ainsi vérifier d'office l'application de ce principe à la lumière des circonstances particulières du cas d'espèce (ATF 118 III 27, 113 III 2 consid. 2a).

A titre d'exemple, un débiteur commet un abus de droit lorsqu'il requiert sa faillite, en sachant que la masse en faillite ne comprendrait aucun actif ou lorsqu'il souhaite par ce moyen faire tomber une saisie de salaire (ATF 145 III 26 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_776/2008 du 15 janvier 2009 consid. 2.1 in fine; cf. également ATF 123 III 402 consid. 3a/aa = JdT 1999 II 102, p. 103).

La faillite volontaire prévue à l'art. 191 LP n'est pas une procédure visant à régler la problématique du surendettement des particuliers obérés. Si l'on devait agréer la demande de faillite volontaire de chaque débiteur qui poursuit le but de faire tomber une saisie sur ses revenus, l'art. 93 LP serait pratiquement vidé de sa substance; il ne saurait y avoir libre choix entre la saisie des revenus et la déclaration d'insolvabilité, car les intérêts des créanciers doivent également être pris en compte; dans ce domaine, il ne peut s'agir de faire triompher uniquement le point de vue du débiteur (ATF 145 III 26 consid. 2.2 et les références citées).

2.1.2 En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, lorsqu'il a tiré des déductions insoutenables des éléments recueillis, ou encore lorsqu'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée (ATF 138 I 305 consid. 4.3; 137 I 58 consid. 4.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_583/2014 du 23 janvier 2014 consid. 1.1).

Il ne suffit pas d'affirmer que le premier juge a "arbitrairement" retenu un fait; il faut au contraire décrire l'élément de fait taxé d'arbitraire, puis se référer aux pièces du dossier qui contredisent l'état de fait arrêté par le premier juge. Il ne suffit pas de présenter sa propre version des faits ou d'opposer son appréciation des preuves à celle du premier juge (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 138 III 232 consid. 4.1.2 in JdT 2012 II 511; 137 III 226 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, le recourant fait valoir nouvellement qu'il pourrait vendre des biens lui appartenant, ce qui lui rapporterait 7'500 fr. supplémentaires qu'il pourrait consacrer à désintéresser ses créanciers. Il produit à l'appui de cette allégation une liste établie par ses soins comprenant trois ordinateurs datant de 2021 et 2017, un téléviseur datant de 2014, des costumes datant de 2014 et 2016, des livres, des magazines, 4 tapis, 1 table E______ de 2017, un canapé F______ et 2 stocks de catelles.

Cette liste, qui n'est corroborée par aucune pièce probante, ne suffit cependant pas à rendre vraisemblable les allégations du recourant.

Le fait que le solde de son compte bancaire soit passé de 964 fr. 37 à 1'438 fr. 44 selon l'extrait de compte du recourant au 18 février 2025 n'est quant à lui pas déterminant.

Même à supposer que le recourant soit en mesure de disposer d'un montant de 6'438 fr. 44 (5'000 fr. + 1'438 fr. 44), au lieu du montant de 5'964 fr. 37 retenu par le Tribunal (5'000 fr. + 964 fr. 37), cela ne suffirait pas pour offrir un dividende aux créanciers du recourant.

Après déduction de l'avance de frais en 3'500 fr., le solde de 2'938 fr. 44 serait insuffisant au regard du fait que le recourant admet avoir 340'151 fr. de dettes.

Il en résulte que, comme l'a retenu le Tribunal, le prononcé de la faillite aurait pour seul effet de soustraire le recourant à des saisies pour des dettes antérieures à son prononcé, sans que le versement d'un dividende pour les créanciers puisse être envisagé, ce qui est constitutif d'abus de droit.

Les conditions nécessaires à l'application de l'art. 191 LP ne sont donc pas réunies.

Le recours sera dès lors rejeté.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judicaires, arrêtés à 75 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance qu'il a fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/2824/2025 rendu le 20 février 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/30089/2024–5 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 75 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.