Décisions | Sommaires
ACJC/694/2024 du 28.05.2024 sur JTPI/2488/2024 ( SML ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/24224/2023 ACJC/694/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 28 MAI 2024 |
Entre
ETAT DE GENEVE, SOIT POUR LUI LA PERCEPTION DE L'AFC, Service du contentieux, sis rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3, recourant contre un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 février 2024,
et
A______ SÀRL, sise ______, intimée.
A. Par jugement JTPI/2488/2024 rendu le 19 février 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous déduction, pour ce qui est du poste n° 1 du commandement de payer, d'un montant de 10 fr. (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 150 fr., compensés avec l'avance effectuée par l'ETAT DE GENEVE, SOIT POUR LUI LA PERCEPTION DE L'AFC, mis la charge de A______ SÀRL, condamnée à les verser à la précitée (ch. 2 et 3) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).
Le Tribunal a retenu que le bordereau de taxation produit valait titre de mainlevée définitive. Par ailleurs, la sommation préalable était une condition de la poursuite relative à la dette fiscale constatée dans le bordereau. Le "montant dû en capital et frais" ressortant de la sommation était supérieur de 10 fr. au montant constaté par le bordereau, sans que cette majoration ne soit justifiée d'aucune manière par une décision formelle préalable. Il se justifiait donc de faire droit à la requête, sous déduction du montant de 10 fr., pour le poste 1.
B. a. Par acte du 1er mars 2024, l'ETAT DE GENEVE, SOIT POUR LUI LA PERCEPTION DE L'AFC (ci-après: l'AFC) a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation, et, cela fait, au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ SÀRL pour l'intégralité des montants figurant sur le commandement de payer, poursuite n° 1______. sous suite de dépens.
b. A______ SÀRL ne s'est pas déterminée dans le délai imparti.
c. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 15 avril 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier de première instance.
a. L'AFC a adressé à A______ SÀRL, le 26 janvier 2023, un bordereau "Impôt fédéral direct 2021 - taxation d'office", portant la référence 2______, pour un montant de 570 fr.
Il est mentionné au dos de ce document qu'en cas de non-paiement dans le délai légal de 30 jours, chaque rappel, sommation donne lieu à la perception d'un émolument administratif (art. 2 let. c REmAFC, référence D 3 19.03). Chaque introduction d'une procédure d'exécution forcée donne lieu à la perception d'un émolument (OELP, référence RS 281.35).
b. Par pli recommandé du 18 mars 2023, l’AFC a adressé à la précitée un rappel de paiement, pour la somme de 570 fr., plus 10 fr. de frais de rappel et 1 fr. 50 d'intérêts moratoires, soit 581 fr. 50 au total.
c. Le 22 avril 2023, l'AFC a envoyé à A______ SÀRL, par pli recommandé, une sommation de payer 623 fr. 70 dans un délai de 30 jours dès la notification, soit 580 fr. correspondant au "montant dû en capital et frais", 40 fr. de frais de sommation et 3 fr. 70 relatifs aux intérêts dus au 1er mai 2023.
d. Le 11 août 2023, l'Office cantonal des poursuites a notifié à A______ SÀRL, à la requête de l'AFC, un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 620 fr. plus intérêts à 4% dès le 14 juin 2023 (2______/IFD/2021/1, Bordereau 3______ exp. le 31.01.2023), de 6 fr. 65 (intérêts moratoires au 14.06.2023) et 40 fr. (frais de poursuite), auquel opposition totale a été formée.
e. Par requête reçue au Tribunal le 8 novembre 2023, l'AFC a sollicité la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer précité, et l'allocation de dépens.
f. Lors de l'audience devant le Tribunal du 16 février 2024, aucune des parties n'était présente ni représentée.
1. En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).
La décision - rendue par voie de procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) - doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification (art. 321 al. 2 CPC) par un recours écrit et motivé (art. 130 et 131 CPC), adressé à la Cour de justice.
Interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, le recours est en l'espèce recevable.
2. Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant que les griefs formulés et motivés par le recourant (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).
3. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir déduit du poste n° 1 du commandement de payer le montant de 10 fr. au motif qu'il n'était justifié d'aucune manière par une décision formelle préalable.
3.1 Selon l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Sont assimilés à des jugements les décisions des autorités administratives Suisse (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).
L'impôt fédéral direct est perçu par le canton dans lequel la taxation a été effectuée sur la base de la taxation (art. 160 e t 162 al. 1 de loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 [LIFD - RS 642.11]). Dans la procédure de poursuite, les décisions et prononcés de taxation qui sont entrés en force, produisent les mêmes effets qu'un jugement exécutoire (art. 165 al. 3 LIFD, 36 al. 4 de loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 [LPGIP - D 3 18]).
Le règlement fixant les émoluments de l'administration fiscale cantonale prévoit un émolument de 40 fr. pour chaque rappel avec suivi d'envoi en parenthèse ce qui correspond aux courriers envoyés en A+ et en recommandé), et de 10 fr. pour chaque rappel ordinaire de paiement (art. 2 let. c et i du Règlement fixant les émoluments de l'administration fiscale cantonale [REmAFC – RSGE D 3 19.03]).
Dans un arrêt paru aux ATF 148 III 225, consid. 4.2.4, le Tribunal fédéral a retenu que pour obtenir la mainlevée définitive, soit l'autorité administrative de recouvrement doit rendre une décision indépendante pour les émoluments, soit l'autorité qui rend la décision initiale doit prévoir dans son dispositif le paiement d'éventuels frais supplémentaires, déterminés et chiffrés, dus de manière conditionnelle en cas d'inexécution.
3.2 En l'espèce, la poursuite porte sur un montant de 620 fr., soit 570 fr., plus 10 fr. de frais de rappel et 40 fr. de frais de sommation, ces deux derniers montants étant prévus par l'art. 2 let. c et i REmAFC, mentionné au verso du bordereau valant titre de mainlevée définitive, ce qui est suffisant au regard de la jurisprudence précitée. Il est vrai qu'il n'est pas fait référence au verso du bordereau à la lettre i de l'article précité, mais cela ne suffit pas, sous peine de faire preuve de formalisme excessif, pour considérer que le montant de 10 fr. ne serait pas dû, car ne remplissant pas les conditions posées par dite jurisprudence. Par ailleurs, il sera relevé que tant le rappel de paiement que la sommation ont été adressés à l'intimée par plis recommandés, donnant droit à un émolument de 40 fr. (et non pas seulement de 10 fr.).
Peu importe également que dans la sommation le montant réclamé au titre de l'impôt soit de 580 fr. et non de 570 fr., puisque seul ce dernier montant a été pris en compte dans le commandement de payer.
Le grief est fondé, de sorte que le recours sera admis et le jugement entrepris annulé. Il sera statué à nouveau, en ce sens que la mainlevée définitive de l'opposition sera prononcée pour l'entier du montant figurant au poste 1 du commandement de payer, poursuite n° 1______.
4. Les frais judiciaires de première et seconde instance, de 300 fr. au total, seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).
Il ne sera pas alloué de dépens à la recourant qui comparaît en personne, et dont les démarches n'en justifient pas l'octroi.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 1er mars 2024 par ETAT DE GENEVE, SOIT POUR LUI LA PERCEPTION DE L'AFC contre le jugement JTPI/2488/2024 rendu le 19 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24224/2023-14 SML.
Au fond :
Annule ce jugement.
Cela fait, statuant à nouveau, prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de première et seconde instance à 300 fr., dit qu'ils sont compensés avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève.
Condamne A______ SÀRL à verser à ETAT DE GENEVE, SOIT POUR LUI LA PERCEPTION DE L'AFC la somme de 300 fr. à titre de remboursement des avances.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.