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C/18988/2023

ACJC/427/2024 du 26.03.2024 sur OSQ/48/2023 ( SQP ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18988/2023 ACJC/427/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 26 MARS 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 décembre 2023, représentée par Me Pierre OCHSNER, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représentée par Me Ludovic JORDAN, avocat, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12.

 


EN FAIT

A. Par jugement OSQ/48/2023 du 13 décembre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré recevable l’opposition formée le 2 octobre 2023 par A______ contre l’ordonnance de séquestre rendue le 18 septembre 2023 dans la cause C/18988/2023 (chiffre 1 du dispositif), au fond, l'a rejetée (ch. 2), a arrêté à 1'000 fr. le montant des frais judiciaires, mis à la charge de A______, compensés avec l'avance fournie par celle-ci, laquelle a été condamnée à payer à B______ le montant de 1'000 fr. à titre de dépens (ch. 3 et 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions.

B. a. Par acte déposé le 26 décembre 2023 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, qu'elle a reçu le 15 décembre 2023, concluant à son annulation, cela fait, à l'admission de l'opposition formée par elle, à ce que soit ordonnée la levée du séquestre découlant de l'ordonnance de séquestre rendue par le Tribunal le 18 septembre 2023, au profit de B______ et à son encontre, à concurrence de 1'04'267 fr., sous suite de frais et dépens de première et seconde instances.

b. Par réponse du 22 janvier 2023, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la précitée en tous les frais et dépens et au paiement des frais d'exécution du séquestre.

c. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 12 février 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants ressortent du dossier.

a.    C______ est propriétaire de la parcelle n°1______ de la commune de D______ [GE] depuis 1972. Feu son épouse était propriétaire de la parcelle contiguë n° 2______, aujourd'hui en mains commune de la communauté héréditaire de la défunte, à savoir C______ et les deux filles du couple, A______ et E______.

Un bâtiment d'habitation était érigé sur la parcelle no 1______. Dès la fin des années 1970, C______ l'a mis à la disposition gratuite de A______ et de son époux, B______.

b.   A la fin des années 1980, C______ a décidé de démolir ce bâtiment et de construire une nouvelle villa sur la parcelle no 1______, toujours destinée à l'habitation des précités.

c.    La nouvelle villa a été achevée dans le courant de l'année 1991. Elle empiète sur la parcelle contiguë no 2______ à raison de quelque 90 m2 de sa surface construite.

C______ a fait inscrire au Registre foncier une servitude personnelle de superficie, en faveur de A______ et B______, à charge de sa parcelle no 1______.

d.   Le divorce des époux a été prononcé par jugement partiel du ______ mai 2007. Par jugement ultérieur sur liquidation du régime matrimonial du ______ mars 2011, confirmé sur ces trois points par arrêt définitif de la Cour de justice du 9 décembre 2011, le Tribunal a ordonné le transfert en faveur de B______ de la part de copropriété de A______ sur l'immeuble sis sur les parcelles nos 1______ et 2______ de la commune de D______, subordonné ce transfert à la reprise par le seul B______ des dettes hypothécaires grevant ce bien et subordonné également ce transfert au paiement par B______ à A______ d'une soulte de 1'972'826 fr. 75.

e.    En novembre 2007, C______ a contracté un emprunt de 1'388'438 fr. pour la remise de la propriété des trois cédules hypothécaires grevant sa parcelle no 1______, dont A______ et B______ étaient codébiteurs solidaires.

f. En octobre 2016, C______ a sommé A______ et B______ de lui payer 1'388'438 fr., faute de quoi il exigerait le retour anticipé du droit de superficie grevant sa parcelle.

A______ et B______ n'ont pas donné suite à cette sommation, de sorte que C______ a initié une procédure à leur encontre.

g.    Par jugement n° JTPI/16027/2018 du 12 octobre 2018, le Tribunal a ordonné le retour anticipé de la servitude litigieuse en faveur de C______ (ch. 1), ordonné au conservateur du Registre foncier de modifier l'inscription de ladite servitude en ce sens que C______ en était le nouveau bénéficiaire (ch. 2) et condamné A______ et B______, pris solidairement, à payer à C______ les sommes de 1'388'438 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 5 novembre 2010 (ch. 3), de 48'240 fr. au titre de remboursement de ses avances de frais et de 43'082 fr. à titre de dépens (ch. 4 et 5).

Le Tribunal a considéré qu'il y avait consorité passive simple, au sens de l’art. 71 CPC, lorsque plusieurs défendeurs, dont les droits et obligations reposaient sur un complexe de fait et un fondement juridique semblables, étaient conjointement actionnés par un demandeur. Dans ce contexte, les éventuelles prétentions récursoires dont disposerait un défendeur contre un codéfendeur sur la base de leurs rapports internes ne devaient être réglées par le juge que si le droit matériel le commandait. En dehors de ces cas, le droit de procédure civile ne prévoyait pas la possibilité, pour le juge statuant sur une demande dirigée contre des consorts passifs simples, de régler dans le même jugement les éventuelles prétentions récursoires formées entre les codéfendeurs. Celles-ci devaient en principe faire l’objet d’un procès séparé ultérieur. Dans le cas d'espèce, A______ avait conclu à la condamnation de B______ à la relever de toutes les prétentions en paiement formées contre elle par C______ et, en conséquence, à la condamnation du premier à lui payer toutes les sommes qu’elle serait potentiellement condamnée à payer au second. Le droit matériel n’imposait pas de régler les prétentions récursoires de A______ contre B______, fondées sur leurs rapports internes de mandants conjoints et de codébiteurs solidaires, et le code de procédure civile ne prévoyait pas cette possibilité. En tout état, les prétentions récursoires de A______ n'avaient pas été chiffrées, de sorte qu'elles seraient irrecevables.

Par arrêt n° ACJC/884/2019 du 18 juin 2019, la Cour a rejeté l'appel formé par B______, confirmé le jugement de première instance et condamné le précité à payer à A______ et à C______ le montant de 15'000 fr. chacun à titre de dépens.

Le 7 juillet 2020 le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par B______ et l'a condamné à payer à A______ et à C______ le montant de 200 fr. chacun à titre de dépens, les frais judiciaires de 16'000 fr. étant également mis à sa charge.

h.   En date du 4 novembre 2020, B______ et C______ ont conclu une convention qui, à teneur de son préambule, avait pour but de mettre un terme définitif au litige les opposant depuis de nombreuses années devant le Tribunal de première instance, la Cour de Justice et le Tribunal fédéral.

C______ acceptait ainsi de recevoir, au titre de ce qui lui était dû en capital, intérêts, frais et dépens, un montant forfaitaire de 1'815'000 fr. (art. 1) que B______ s’engageait à payer à raison de 1'600'000 fr. à la signature de la convention, 50'000 fr. le 31 janvier 2021 et 165'000 fr. le 31 décembre 2021 (art. 2). B______ était autorisé à demeurer gratuitement dans la villa jusqu'au 31 janvier 2021 (art. 3).

Moyennant bonne et fidèle exécution de la convention, les parties se donnaient réciproquement quittance pour solde de tout compte et de toute prétention (art. 5).

B______ a payé à C______ 1'600'000 fr. le 5 novembre 2020, 50'000 fr. le 20 janvier 2021 et le solde de 165'000 fr. le 22 décembre 2021.

i. Par courrier du 11 novembre 2020, B______ a rappelé à A______ qu'elle était codébitrice solidaire pour moitié de la dette due à C______ et l'a invitée à lui faire une proposition de remboursement.

A______ lui a répondu le 23 décembre 2020 que ces questions pourraient être abordées une fois la maison libérée et restituée par B______.

j. A la requête de B______, l'Office des poursuites a notifié le 1er juin 2023 à A______ un commandement de payer, poursuite n° 3______, pour les montants de 692'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 novembre 2020, de 50'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 22 décembre 2021 et de 165'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 22 décembre 2021, au titre de remboursement de sa part de dette solidaire envers B______ selon jugement du Tribunal du 12 octobre 2018.

A______ a formé opposition au commandement de payer.

k.   Le 15 septembre 2023, B______ a formé une requête en séquestre auprès du Tribunal à l'encontre de A______, concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que le séquestre soit autorisé à concurrence de 907'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 novembre 2020 de la part, respectivement, la valeur économique, revenant à A______ sur le bien-fonds en propriété commune n° 4______ de la commune de F______ [GE] ainsi que sur la part, respectivement la valeur économique, revenant à A______ sur le bien-fonds en propriété commune n° 2______ de la commune de D______.

Il a fondé son séquestre sur l'article 271 al. 1 ch. 6 LP, sa créance correspondant au remboursement de la part de dette solidaire selon jugement JTPI/16027/2018 du 12 octobre 2018, qu'il avait payée partiellement le 5 novembre 2020.

Par ordonnance de séquestre du 18 septembre 2023, le Tribunal a ordonné le séquestre requis.

l. Par acte adressé au Tribunal le 2 octobre 2023, A______ a formé opposition contre l'ordonnance de séquestre et conclu, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à la levée du séquestre.

Elle a contesté l'existence d'un cas de séquestre au motif qu'à teneur de la convention du 4 novembre 2020, la créance de C______ résultant en partie du jugement du 12 octobre 2018, de l'arrêt de la Cour et de celui du Tribunal fédéral avait été novée, de sorte qu'elle était entièrement libérée de toute dette envers son père. Autrement dit, la subrogation n'existait pas car la créance de C______ envers elle était éteinte. Elle a également fait valoir qu'en 2001 puis en 2020, B______ avait repris seul le paiement des intérêts puis celui de la dette, la libérant tant de sa dette envers C______ que de celle envers son ex-époux. Enfin, elle considérait qu'il était contraire à la bonne foi de retenir que la convention visait à faire perdurer la solidarité.

m. Dans ses déterminations du 6 novembre 2023, B______ a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet de l'opposition.

Il a allégué que la subrogation avait été démontrée et que le jugement rendu le 13 octobre 2018, confirmé par la Cour de justice et le Tribunal fédéral, constituait un titre de mainlevée définitive pour le montant de la dette qu'il avait payé en sus de sa part. La convention du 4 novembre 2020 ne mentionnait pas la création d'une nouvelle dette, ni le fait que la dette de A______ serait éteinte. La créance découlant du jugement n'avait pas été novée. Il a ajouté qu'aucune reprise ou remise de dette n'avait été convenue entre les parties ou réalisée par acte concluant. Enfin, le courrier qu'il avait adressé à l'opposante le 11 novembre 2020 et la réponse de cette dernière démontraient que le principe de la solidarité n'avait pas été abandonné.

n.   Lors de l'audience du Tribunal du 13 novembre 2023, A______ a déposé une pièce, soit un document daté du 11 novembre 2023, signé par C______, aux termes duquel celui-ci "confirme avoir définitivement renoncé et ainsi éteint les créances" dont il était titulaire auprès de sa fille, renonciation et extinction étant intervenues au plus tard le 4 novembre 2020, lors des discussions relatives à la convention conclue à cette date.

Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

A l’issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a notamment retenu que dans la mesure où, par jugement du 12 octobre 2018, A______ et B______ avaient été condamnés à payer solidairement divers montants en faveur de C______ et où B______ avait payé au-delà de sa part, celui-ci était subrogé dans les droits du créancier, de sorte que le jugement rendu constituait un titre de mainlevée définitive en sa faveur. Le séquestre, fondé sur l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, avait été ordonné à bon droit. Le Tribunal a écarté les objections de A______, tirés de la novation de la créance, de la prétendue reprise de dette par B______ seul, et de la réelle et commune intention des parties, aux termes de la convention conclue en 2001, de ce que le précité soit seul débiteur de la dette.

 

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris étant une décision statuant sur opposition à séquestre, seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 278 al. 1 LP et 321 al. 2 CPC).

Déposé dans le délai et selon les formes requis par la loi, le recours est recevable.

1.2 La procédure sommaire étant applicable, la Cour statue en se fondant sur la simple vraisemblance des faits (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_870/2010 du 15 mars 2011 consid. 3.2; sur la simple vraisemblance en général, cf. ATF 130 III 321 consid. 3.3) et après un examen sommaire du droit (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1).

La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases aux maximes de disposition et des débats (art. 58 al. 2 CPC ; art. 255 CPC a contrario).

1.3 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP).

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir considéré que le débiteur subrogé aux droits du créancier selon l'art. 149 al. 1 CO disposait d'un titre de mainlevée définitive à l'encontre du codébiteur solidaire. Elle soutient qu'en tout état, il n'y avait pas eu subrogation, compte tenu de la convention du 4 novembre 2020.

2.1.1 Selon l'art. 271 al. 1 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsqu'il possède contre ce dernier un titre de mainlevée définitive (ch. 6), ou lorsque le débiteur n’habite pas en Suisse et qu’il n’y a pas d’autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu’elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l’art. 82, al. 1 LP (ch. 4).

Le créancier qui invoque le cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP n'a pas à rendre vraisemblable sa créance, laquelle découle du titre produit (arrêts du Tribunal fédéral 5A_824/2020 du 12 février 2021 consid. 3.4.2.2; 5A_521/2018 du 12 août 2019 consid. 3.3).

2.1.2 Si le contraire ne résulte de leurs obligations, chacun des débiteurs solidaires doit prendre à sa charge une part égale du paiement fait au créancier. Celui qui paie au-delà de sa part a, pour l’excédent, un recours contre les autres (art. 148 al. 1 et 2 CO).

L’action récursoire est ouverte contre tous les codébiteurs solidaires, y compris contre celui qui bénéficie d’une remise de dette. En effet, le créancier ne peut pas influencer à cet égard les rapports internes entre les débiteurs solidaires. En revanche, si les règles internes de répartition conduisent au résultat que l’un des débiteurs ne doit en définitive supporter aucune part de la dette solidaire, aucun recours n’est possible contre lui. En outre, le défendeur à l’action récursoire peut soulever toutes les exceptions et objections qui résultent des rapports internes et celles tirées de l’invalidité de la dette solidaire (romy, CR CO I, n. 8 ad art. 148 CO).

Le débiteur solidaire qui jouit d’un recours est subrogé aux droits du créancier jusqu’à concurrence de ce qu’il lui a payé (art. 149 al. 1 CO).

L’action récursoire pour l’excédent prévue à l'art. 148 CO est renforcée par une subrogation aux droits du créancier selon l'art. 149 CO, lequel s’applique exclusivement à la solidarité parfaite. Le débiteur qui désintéresse le créancier est subrogé, par la loi, dans les droits de ce dernier jusqu’à concurrence de l’étendue de son droit de recours. Il devient lui-même titulaire des droits du créancier contre les autres codébiteurs. Il acquiert la créance avec ses accessoires et ses moyens de preuves.

Les rapports entre l’action récursoire et la subrogation suscitent des controverses doctrinales, notamment quant à savoir si elles constituent des fondements distincts et concurrents aux créances du débiteur-payeur contre ses codébiteurs. La créance récursoire et la créance subrogée sont distinctes en ce sens qu’elles peuvent être soumises à des modalités différentes, par exemple quant aux intérêts moratoires ou à la prescription. Elles ne sont toutefois pas indépendantes puisque l’existence d’un droit de recours déterminé selon les règles de l'art. 148 CO est en effet une condition préalable à la naissance de la subrogation selon l'art. 149 CO. Celle-ci facilite et assure l’action récursoire en ce qu’elle met le subrogé au bénéfice des sûretés (gage ou cautionnement p.ex.) garantissant la dette principale et des autres accessoires de la dette. En outre, cette subrogation ne vaut qu’à concurrence du droit de recours dont jouit le débiteur-payeur selon l'art. 148 CO, soit seulement pour la quote-part qu’il peut réclamer aux autres codébiteurs selon leurs rapports internes. En revanche, elle est exclue contre le débiteur au bénéfice d’une remise de dette (CO 147 N 6; dans ce cas-là, le débiteur qui a payé ne dispose contre le débiteur solidaire libéré par le créancier que d’une action récursoire propre fondée sur les rapports internes (Romy, CR CO I, n. 1-3 ad art. 149 CO).

2.1.3 Selon l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du tribunal la mainlevée définitive de l'opposition.

Seul un jugement condamnatoire constitue un titre de mainlevée (ATF 134 III 656 consid. 5.4). La mainlevée ne peut donc être octroyée que si le jugement condamne le débiteur à payer une somme d'argent déterminée ou aisément déterminable (ATF 143 III 564 consid. 4.3.2; 138 III 583 consid. 6.1.1; 134 III 656 consid. 5.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_123/2021 du 23 juillet 2021 consid. 4.1.2.1 et la référence citée).

La personne désignée comme créancière dans la décision et le poursuivant doivent être identiques. Le juge doit examiner d’office l’identité du poursuivant avec l’ayant droit du jugement. Un jugement par lequel un débiteur solidaire est condamné au paiement ne lui permet pas d’obtenir la mainlevée définitive de l’opposition contre ses coobligés pour sa créance récursoire, s’il a trop payé. La mainlevée définitive de l’opposition peut être requise pour la créance récursoire, puisqu’il y a alors un cas de subrogation (art. 149 al. 1 CO), pour autant que la décision ait également fixé la répartition interne. Lorsque la répartition interne ne résulte pas de la décision, celui qui a payé en trop ne peut se prévaloir de l’art. 148 al. 1 CO, car les dispositions légales sur l’obligation de verser des prestations ne donnent pas droit à la mainlevée définitive (Staehelin, BSK SchKG, n. 33 ad art. 80 et les références citées).

La question est débattue de savoir si un cessionnaire du créancier d’une créance constatée par jugement peut également requérir la mainlevée définitive de l’opposition. La mainlevée définitive de l’opposition doit être accordée dans un tel cas, à condition que l’ayant droit puisse prouver par titre la cession (vogt, KUKO SchKG, n. 17 ad art. 80 SchKG). Une partie de la doctrine soutient cependant que si aucune objection à la cession n’était rendue vraisemblable (art. 82 al. 2 LP), il faudrait seulement prononcer la mainlevée provisoire; le débiteur pourrait alors contester la validité de la cession dans le procès en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) (staehelin-BSK SchKG, n. 35 ad art. 80 LP).

2.1.4 Selon l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu'on est en présence d'un cas de séquestre (ch. 2) et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).

La procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) est une procédure sommaire au sens propre; elle présente les trois caractéristiques de simple vraisemblance des faits, examen sommaire du droit et décision provisoire. Elle a en outre un objet et un but particulier: le séquestre, auquel le débiteur s'oppose, est une mesure conservatoire, soit la mise sous mains de justice de biens du débiteur, qui permet de garantir une créance pendant la durée de la procédure de validation du séquestre (art. 279 LP). En tant que procédure spécifique de la LP, la procédure d'opposition au séquestre est aussi une procédure sur pièces (art. 256 al. 1 CPC). C'est au cours de l'action civile en reconnaissance de dette (en validation du séquestre) qui suivra, soumise à une procédure avec un examen complet en fait et en droit, que les parties pourront faire valoir tous leurs moyens de preuve (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_377/2022 du 27 septembre 2022 consid. 3.2.1; 5A_582/2012 du 11 février 2013 consid. 3.2; 5A_365/2012 du 17 août 2012 consid. 5.1, non publié in ATF 138 III 636).

2.2 En l'espèce, le jugement sur la base duquel le séquestre a été ordonné, confirmé par arrêts de la Cour et du Tribunal fédéral, a condamné la recourante et l'intimé, pris solidairement, à payer à C______ notamment la somme de 1'388'438 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 5 novembre 2010. Dans le cadre de cette procédure, l'intimé n'a pas pris de conclusions récursoires contre l'appelante, et le Tribunal n'a pas statué sur celles de l'appelante envers l'intimé, considérant qu'il ne lui appartenait pas de le faire. Ainsi, quand bien même il faudrait admettre qu'il y a eu subrogation de l'intimé pour, à tout le moins, partie de la créance objet du jugement du 12 octobre 2018, celui-ci ne vaudrait pas titre de mainlevée définitive pour la prétention récursoire de l'intimé à l'encontre de la recourante. En effet, celui-ci n'a pas prouvé par titre la subrogation, en particulier l'étendue de celle-ci, le jugement étant muet à cet égard.

Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n'était pas fondé à ordonner le séquestre sur la base de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, le créancier requérant n'étant pas au bénéfice d'un titre de mainlevée définitive.

Même à admettre que le jugement du 12 octobre 2018 vaudrait titre de mainlevée provisoire pour l'action récursoire de l'intimé à l'encontre de la recourante (afin de permettre à celle-ci de la contester dans le cadre de l'action en libération de dette), le séquestre devrait être levé, les autres conditions de l'art. 271 al. 1 ch. 4 n'étant pas données.

L'intimé ne soutient d'ailleurs pas qu'il existerait un autre cas de séquestre que celui de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP.

Le recours est dès lors fondé, de sorte que le jugement entrepris sera annulé. Il sera statué à nouveau en ce sens que l'opposition à séquestre sera admise et la mesure levée.

Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les autres griefs de la recourante.

3. 3.1 Si l’instance de recours statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC, applicable par analogie: Jeandin in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd., 2019, n. 9 ad art. 327 CPC).

En l'espèce, le montant des frais judiciaires arrêté par le Tribunal, soit 1'000 fr., est conforme aux normes applicables (art. 48 al. 1 OELP) et n'est pas critiqué en tant que tel. Au vu de l'annulation du jugement entrepris, ces frais seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais fournie par la recourante, et demeurerons acquis à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera condamné à rembourser 1'000 fr. à la recourante.

L'intimé sera en outre condamné à verser à la recourante la somme de 2'000 fr. débours et TVA compris, à titre de dépens de première instance (art. 106 al. 2; art. 23 al. 1 LaCC), au regard de l'activité déployée par le conseil de celle-ci et de la complexité de la cause.

Les chiffres 2 à 4 du dispositif du jugement entrepris seront réformés en ce sens.

3.2 Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 1'500 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance versée par la recourante, et demeureront acquis à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Ces frais seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe, compensés avec l'avance fournie par la recourante, et l'intimé sera condamné à les verser à cette dernière (art. 111 al. 2 CPC).

L'intimé sera en outre condamné à verser à la recourante un montant de 1'500 fr. à titre de dépens de recours, débours et TVA compris (art. 96 et 105al. 2 CPC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 26 décembre 2023 par A______ contre le jugement OSQ/48/2023 rendu le 13 décembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18988/2023–S1 SQP.

Au fond :

Annule les chiffres 2 à 4 du dispositif de ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau:

Admet l'opposition à séquestre.

Annule en conséquence l'ordonnance de séquestre rendue par le Tribunal de première instance le 18 septembre 2023 et lève ce séquestre.

Arrête les frais judiciaires à 1'000 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ à verser à A______ la somme de 1'000 fr. à titre de remboursement de son avance.

Condamne également B______ à verser à A______ 1'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'500 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ à verser à A______ la somme de 1'500 fr. à titre de remboursement de son avance.

Condamne également B______ à verser à A______ 1'500 fr. à titre de dépens de première instance.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.