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Décisions | Sommaires

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C/5367/2023

ACJC/34/2024 du 08.01.2024 sur JTPI/9744/2023 ( SML ) , JUGE

Normes : LP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5367/2023 ACJC/34/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 8 JANVIER 2024

 

Entre

A______/B______ HOLDING SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 septembre 2023, représentée par Me François BELLANGER, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,

et

FONDATION C______, sise ______ [ZH], intimée, représentée par Me Jean-Yves SCHMIDHAUSER, avocat, SJA AVOCATS SA, place des Philosophes 8, 1205 Genève.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/9744/2023 du 11 septembre 2023, reçu par A______/B______ HOLDING SA le 14 septembre 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n. 1______, à concurrence de 611'839 fr. 10 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2022 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., qu'il a compensés avec l'avance effectuée par FONDATION C______ (ch. 2) et mis à la charge de A______/B______ HOLDING SA, cette dernière étant condamnée à rembourser ce montant à FONDATION C______ (ch. 3) ainsi qu'à lui verser 6'074 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 25 septembre 2023, A______/B______ HOLDING SA a formé recours contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Elle a conclu sous suite de frais judiciaires et dépens, principalement, à ce que la Cour rejette la requête de mainlevée provisoire formée par FONDATION C______ le 10 mars 2023 dans le cadre de la poursuite n. 1______ et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle a également déposé un bordereau regroupant les pièces utiles à son recours, lesquelles ont toutes été produites en première instance, dont la pièce 8, soit la preuve d'un versement bancaire intervenu le 23 septembre 2021 d'un montant de 8'077 fr. 50 par A______/E______ HOLDING SA.

b. Par arrêt du 29 septembre 2023, la Cour a admis la requête formée par A______/B______ HOLDING SA tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et dit qu'il serait statué sur les frais liés à la procédure dans l'arrêt rendu sur le fond.

c. Par réponse du 9 octobre 2023, FONDATION C______ a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, préalablement, à l'irrecevabilité de la pièce 8 produite à l'appui du recours et, principalement, au rejet du recours.

d. Par réplique spontanée du 20 octobre 2023, A______/B______ HOLDING SA a persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées le 8 novembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. FONDATION C______ est une fondation inscrite au Registre du commerce, sise à Zurich, ayant pour but le placement et la gestion en commun de fonds immobiliers qui lui sont confiés par des investisseurs immobiliers.

b. A______/B______ HOLDING SA est une société anonyme, sise à Genève, ayant pour but de participer à toutes entreprises commerciales, financières, mobilières et immobilières dans le sens d'une holding.

c. La société précitée appartient au Groupe A______, dirigé par D______.

Ce groupe compte également les sociétés A______/E______ HOLDING SA et A______/F______ SA, ayant pour but, respectivement, toutes activités de prise de participations directes et indirectes dans toutes sociétés ou entreprises, dans le sens d'une société holding, à l'exclusion de toutes opérations prohibées par la LFAIE, s'agissant de la première, et l'acquisition et l'exploitation d'hôtels, restaurants et établissements publics en tout genre, s'agissant de la seconde.

d. Le 25 octobre 2017, G______ SA, en qualité de bailleresse, et H______ SA, en qualité de locataire, ont signé un contrat de bail à loyer portant sur une surface commerciale de 4'107m2, un local/dépôt de 257m2, une terrasse de 250m2 ainsi que 5 places de parc sur la parcelle n. 2______ sise route 3______ no. ______, [code postal] I______ [GE].

Ce contrat a été conclu pour une durée de 15 ans à compter de la mise à disposition des locaux par la bailleresse à la locataire.

Le montant annuel du loyer initial a été fixé à 1'433'004 fr. HT, frais accessoires en sus.

Le bail est soumis à la TVA.

La clause 1.4 de ce contrat prévoit que le loyer est payable par mois d'avance et que le locataire bénéficie de 10 mois de gratuité de loyer net minimum la première année favorisant la période de lancement de l'hôtel.

A teneur de l'article 4 des conditions générales, faisant partie intégrante du contrat de bail selon son art. 13.8, "lorsque le locataire est en retard de plus de dix jours dans le paiement d'une mensualité et qu'il a fait l'objet d'une vaine mise en demeure écrite lui impartissant un délai de paiement de dix jours au minimum, le bailleur peut exiger que le loyer et les provisions ou forfaits pour les frais accessoires soient acquittés trimestriellement à l'avance, dès le mois suivant l'échéance fixée dans la mise en demeure ou que des sûretés ou des sûretés complémentaires à la garantie fournie à la conclusion lui soient fournies à concurrence d'un montant équivalent à six mois de loyer".

e. Le 3 juillet 2018, G______ SA a, par acte notarié, vendu la parcelle n. 2______ ainsi que le bâtiment en cours de construction et ses parkings intérieurs à FONDATION C______.

f. Par avenant n. 1 du 11 décembre 2019, le contrat de bail du 25 octobre 2017 a été modifié afin de tenir compte de l'ajout de trente places de parking supplémentaires.

Le loyer annuel a alors été porté à 1'523'004 fr. HT et hors frais accessoires.

g. Par transfert de bail du 22 avril 2020, la locataire H______ SA a transféré à A______/E______ HOLDING SA les droits et obligations découlant du contrat de bail du 25 octobre 2017 et de son avenant du 11 décembre 2019.

h. Par avenant n. 2 du 17 juin 2020, A______/B______ HOLDING SA s'est portée caution solidaire pour garantir la totalité des engagements de la locataire, soit A______/E______ HOLDING SA, envers FONDATION C______ à concurrence d'un montant maximal de 3'800'000 fr.

Il est précisé que ladite caution est valable durant cinq ans, du 15 septembre 2020 au 14 septembre 2025.

La prise de possession des locaux par la locataire a été reportée au 15 septembre 2020 avec un début d'activité prévu pour le 15 janvier 2021 (art. 3).

A teneur de l'article 4, la gratuité de loyer stipulée à l'article 1.4 du contrat de bail était maintenue à 10 mois de loyer dès la mise à disposition des locaux fixée au 15 septembre 2020. Le premier versement du loyer était donc exigible au plus tard le 15 juillet 2021.

i. Par avenant n. 3 du 11 août 2021, FONDATION C______ et A______/E______ HOLDING SA ont maintenu le loyer annuel total de 1'523'004 fr.

L'article 1 de cet avenant prévoit le report de paiement des loyers. A teneur de cette clause, l'article 1.4 du contrat de bail et l'article 4 de l'avenant du 12 juin 2020 sont modifiés en ce sens que les loyers des mois de juillet-août 2021 (15 juillet au 15 août), août-septembre 2021 (15 août au 15 septembre), septembre-octobre 2021 (15 septembre au 15 octobre) et octobre-novembre 2021 (15 octobre au 15 novembre) ne seraient pas exigibles aux dates prévues par ces articles mais seraient reportés et répartis sur les loyers des douze mois de l'année 2022.

j. Par courrier recommandé du 5 avril 2022, A______/E______ HOLDING SA et A______/B______ HOLDING SA ont été mises en demeure de verser, dans les trente jours, la somme de 1'247'628 fr. 50, à titre de loyers et frais accessoires impayés pour la période du 1er août 2021 au 30 avril 2022.

Le courrier précisait que si par la suite le loyer n'était pas payé par mois d'avance, il deviendrait exigible par trimestre d'avance.

k. Par avis de majoration de loyer du 16 septembre 2022, le loyer annuel a été porté à 1'590'726 fr. 60 + TVA dès le 1er novembre 2022.

l. Il est admis que A______/E______ HOLDING SA a pris du retard dans le paiement des loyers.

m. FONDATION C______ a alors fait notifier, le 25 octobre 2022, trois commandements de payer, poursuites n. 4______, 5______ et 1______, respectivement à A______/E______ HOLDING SA, A______/F______ SA et A______/B______ HOLDING SA portant tous les trois sur les sommes suivantes : (1) 1'841'584 fr. 85 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2022 au titre de "montants exigibles au 3 octobre 2022, selon contrat de bail du 25 octobre 2017, avenant no 1 du 11 décembre 2019, transfert de bail du 22 avril 2020, avenant no 2 du 17 juin 2020 et avenant no 3 du 11 août 2021 portant sur diverses surfaces dans l'immeuble sis 3______ no. ______ (bâtiment "C") à I______ [GE]" et (2) 500 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 3 octobre 2022 au titre de "dommage supplémentaire, selon l'article 106 CO".

A______/E______ HOLDING SA, A______/F______ SA et A______/B______ HOLDING SA y ont formé opposition le jour même.

n. Le 10 mars 2023, FONDATION C______ a requis du Tribunal la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______/B______ HOLDING SA à concurrence de 1'206'056 fr. 81 plus intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2022 (échéance moyenne), sous déduction des montants de 152'844 fr. 60 (valeur au 16 décembre 2022), de 158'922 fr. 70 (valeur au 27 janvier 2023) et 158'922 fr. 70 (valeur au 27 février 2023).

Elle a fait valoir que le montant de 1'841'584 fr. 85 inscrit dans le commandement de payer se décomposait de la manière suivante : 1'230'206 fr. 40 à titre de loyers dus au 31 août 2022, 152'844 fr. 60 pour le loyer et les charges du mois de septembre 2022 et 458'533 fr. 85 pour les loyers et charges des mois d'octobre à décembre 2022 inclus.

Elle a notamment produit un document intitulé "Situation des soldes du 01.07.2022 au 31.08.2022" établie par la régie en charge de l'immeuble en question, lequel indique des loyers en retard d'un montant total de 1'230'206 fr. 40 (soit 1'142'253 fr. + 87'953 fr. 50 de TVA), ainsi qu'un document intitulé "Détails des paiements comptabilisés pour la période du 1er décembre 2019 au 30 novembre 2022", qui indique des montants mensuels de 136'689 fr. 60 dus à titre de loyers (respectivement 142'767 fr. 70 pour le mois de novembre) et de 16'155 fr. à titre d'acomptes de charges, et un solde impayé total de 1'047'134 fr. 10 au 30 novembre 2022.

Selon FONDATION C______, à ce montant de 1'047'134 fr. 10 devaient s'ajouter le loyer et les charges dus pour le mois de décembre 2022 (soit 158'922 fr. 71, TVA comprise), augmentant ainsi l'arriéré à 1'206'056 fr. 81. Depuis lors, trois paiements supplémentaires avaient été effectués, soit un versement de 152'844 fr. 60 le 16 décembre 2022, et deux versements de 158'922 fr. 70 chacun les 27 janvier et 27 février 2023.

o. Par réponse du 14 juillet 2023, A______/B______ HOLDING SA a conclu au rejet de la requête de mainlevée provisoire.

Elle s'est notamment prévalue de l'inexigibilité de la créance invoquée par FONDATION C______ en raison de son extinction par le paiement, de l'inexigibilité des créances relatives aux frais accessoires en raison de l'absence d'un titre de mainlevée et de l'inexigibilité des montants réclamés pour les loyers de novembre et décembre 2022 en raison de l'absence de mise en demeure préalable.

Elle a notamment allégué s'être acquittée des montants suivants : 8'077 fr. 50 le 23 septembre 2021, 198'407 fr. 10 le 30 mars 2022, 198'407 fr. 10 le 14 avril 2022, 198'407 fr. 10 le 11 mai 2022, 198'407 fr. 10 le 20 mai 2022, 16'155 fr. le 21 juillet 2022, 198'407 fr. 10 le 12 septembre 2022, 152'844 fr. 60 le 4 octobre 2022, 152'844 fr. 60 (recte : 162'118 fr. 40) le 2 novembre 2022, 158'922 fr. 70 le 21 novembre 2022, 152'844 fr. 60 le 16 décembre 2022, 158'922 fr. 70 le 26 janvier 2023, 158'922 fr. 70 le 27 février 2023, 158'922 fr. 70 le 20 mars 2023, 158'922 fr. 70 le 14 avril 2023 et 158'922 fr. 70 le 15 mai 2023 et 158'922 fr. 70 le 15 mai 2023 (recte : le 14 juillet 2023).

Elle a fourni des justificatifs de paiement pour tous les versements susmentionnés, excepté celui du 23 septembre 2021. Plusieurs de ces versements ont été effectués par A______/F______ SA, à savoir ceux des 21 juillet 2022, 12 septembre 2022, 4 octobre 2022, 2 novembre 2022, 21 novembre 2022, 16 décembre 2022, 26 janvier 2023 (il est toutefois indiqué que ce montant est "payable par A______/E______ HOLDING SA"), 27 février 2023 (il est toutefois indiqué que ce montant est "payable par A______/E______ HOLDING SA"), 20 mars 2023, 15 mai 2023 (il est toutefois indiqué que ce montant est "payable par A______/E______ HOLDING SA") et 14 juillet 2023.

p. Par déterminations du 21 juillet 2023, reçues par le Tribunal le 24 juillet 2023, FONDATION C______ a modifié ses conclusions, requérant la mainlevée provisoire de l'opposition au commandement de payer, poursuite n. 1______, à concurrence de 1'259'343 fr. 66 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2022 (échéance moyenne), sous déduction des montants de 158'922 fr. 70 (valeur au 21 novembre 2022), de 152'844 fr. 60 (valeur au 16 décembre 2022) et de 158'922 fr. 70 (valeur au 27 février 2023).

Elle a précisé explicitement que la période durant laquelle la locataire ne s'était pas acquittée des loyers dus s'étendait du 15 juillet 2021 au 31 août 2022. Elle a admis que A______/E______ HOLDING SA avait prouvé avoir versé 793'628 fr. 40 au 31 août 2022 (soit quatre versements de 198'407 fr. 10 intervenus les 30 mars, 14 avril, 11 mai et 20 mai 2022). En imputant l'intégralité des montants versés sur les loyers dus, un montant "minimum" de 1'051'681 fr. 20 TTC demeurait dû à titre de loyer au 31 août 2022 (1'845'309 fr. 60 TTC – 793'628 fr. 40). Pour la période de septembre à décembre 2022, le total des loyers dus s'élevait à 558'914 fr. 16 (546'758 fr. 40 TTC + 12'156 fr. 20 vu la majoration de loyer). La créance s'élevait donc à un montant total de 1'610'595 fr. 36 TTC.

Elle a également admis que A______/E______ HOLDING SA avait versé 198'407 fr. 10 le 12 septembre et 152'844 fr. 60 le 4 octobre 2022, soit avant la notification du commandement de payer, réduisant ainsi le montant de l'arriéré à 1'259'343 fr. 66 fr.

En revanche, des autres versements effectués après la notification du commandement de payer, dont se prévalait A______/B______ HOLDING SA, seuls les montants versés les 21 novembre 2022 (158'922 fr. 70), 16 décembre 2022 (152'844 fr. 60) et 27 février 2023 (158'922 fr. 70) devaient être pris en compte, ces montants ayant été expressément affectés au paiement de loyers passés.

FONDATION C______ a produit un chargé de pièces complémentaires.

q. Dans ses déterminations du 7 août 2023, A______/B______ HOLDING SA a persisté dans ses conclusions. Elle a notamment produit la preuve d'un versement bancaire intervenu le 23 septembre 2021 d'un montant de 8'077 fr. 50 par A______/E______ HOLDING SA.

r. Le Tribunal a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger par avis du 9 août 2023.

EN DROIT

1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

La décision - rendue par voie de procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) - doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification (art. 321 al. 2 CPC), par un recours écrit et motivé (art. 130 et 131 CPC), adressé à la Cour de justice.

Interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, le recours est en l'espèce recevable.

1.2 Saisie d'un recours, l'autorité doit examiner s'il y a eu violation du droit ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). En tant que voie de droit extraordinaire, le recours a uniquement pour fonction de vérifier la conformité au droit de la décision, et non de continuer la procédure de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 3 et les références citées). L'autorité de recours contrôle la conformité au droit de la décision attaquée, dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles se trouvait l'autorité de première instance (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2516).

1.3 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

L'intimée prétend que la pièce 8 produite à l'appui du recours ne figurerait pas déjà au dossier et serait irrecevable. Or, celle-ci a été versée à la procédure de première instance par la recourante, à l'appui de ses déterminations du 7 août 2023. Dans la mesure où, lorsqu'une audience a lieu après un premier échange d'écritures ou si un second échange d'écritures est ordonné, comme ce fut le cas en l'espèce, il est admis que des faits nouveaux et des offres de preuves nouvelles soient introduits au début des débats principaux par application analogique de l'art. 229 CPC (ATF 144 III 117 consid. 2.2), il n'y a pas lieu d'écarter cette pièce, qui a été valablement introduite en procès par la recourante.

2. La recourante a formulé un certain nombre de griefs à l'égard de l'état de fait retenu par le Tribunal, en particulier quant au contenu du courrier du 5 avril 2022.

Ces critiques, bien qu'invoquées sous l'angle de la constatation manifestement inexacte des faits, portent en réalité sur l'appréciation des preuves et l'appréciation juridique des faits et seront examinées ci-dessous.

3. Le Tribunal a considéré que les différents documents dont se prévalait l'intimée, pris dans leur ensemble, constituaient une reconnaissance de dette de la créance poursuivie. Dans la mesure où la recourante s'était portée caution solidaire pour garantir les engagements de A______/E______ HOLDING SA, la bailleresse pouvait la poursuivre pour les arriérés de loyers. S'agissant de l'exigibilité de la créance, le contrat prévoyait que le loyer était payable par mois d'avance. Il pouvait néanmoins être dû par trimestre d'avance en cas de retard de paiement des mensualités et après vaine mise en demeure du bailleur. Compte tenu de la mise en demeure du 5 avril 2022, les loyers de juillet 2021 à décembre 2022 étaient dès lors tous exigibles. Sur cette base, le Tribunal a arrêté le montant total des loyers à payer sur la période du 15 juillet 2021 au 31 décembre 2022 à 2'404'224 fr., TVA comprise, en tenant compte de la majoration de loyer intervenue le 16 septembre pour le 1er novembre 2022.

Le premier juge a ensuite tenu compte de certains versements qu'il a déduits de ce montant, soit un montant global de 801'705 fr. 90 (couvrant les versements des 23 septembre 2021, 30 mars 2022, 14 avril 2022, 11 mai 2022 et 20 mai 2022). En revanche, les autres versements effectués avant cette date par A______/F______ SA devaient être écartés, puisqu'il s'agissait d'une entité non partie au contrat de bail et qu'aucun justificatif ne précisait que celle-ci avait payé pour le compte de A______/E______ HOLDING SA.

Le Tribunal a ensuite détaillé les montants expressément admis par la bailleresse, soit 152'844 fr. 60 versés le 16 décembre, 158'922 fr. 70 versés le 27 janvier 2023, 158'922 fr. 70 versés le 27 février 2023, 198'407 fr. 10 versés 12 septembre 2022, 152'844 fr. 60 versés le 4 octobre 2022, 158'922 fr. 70 versés le 21 novembre 2022 et 152'844 fr. 60 versés le 16 décembre 2022.

Après déduction de ces différents paiements (dont le total a été chiffré à 1'792'384 fr. 90 par le Tribunal), le solde des arriérés de loyers s'élevait à 611'839 fr. 10 (2'404'224 fr. – 1'792'384 fr. 90). La mainlevée provisoire a par conséquent été prononcée à concurrence de ce montant, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2022 (échéance moyenne).

La recourante fait grief au premier juge d'avoir retenu que le montant de 1'247'628 fr. 50 indiqué dans le courrier du 5 avril 2022 correspondait aux loyers et frais accessoires impayés pour la période du 1er août 2021 au 30 avril 2022. La teneur de ce courrier était contredite par les pièces produites. De plus, ce courrier de "mise en demeure" ne tenait pas compte du report des loyers prévu par l'avenant n. 3, ni des paiements effectués les 23 septembre 2021, 30 mars 2022 et 14 avril 2022.

La "mise en demeure" du 5 avril 2022 était nulle, puisqu'elle portait sur le paiement d'un montant erroné et qu'elle n'était pas accompagnée d'un bulletin de versement ou d'un décompte. Cela avait pour conséquence l'inexigibilité des loyers de novembre et de décembre 2022 conformément à l'art. 257d CO.

La recourante soutient par ailleurs que la procédure sommaire ne pouvait s'appliquer en l'espèce dans la mesure où le Tribunal avait dû, tout comme les parties, se livrer à un travail laborieux pour déterminer à quelles périodes correspondaient les créances invoquées à l'appui de la poursuite n. 1______, et où la locataire n'avait pas connaissance du montant de l'arriéré de loyer, ni quelles mensualités de loyer demeuraient impayées à divers stades de la procédure. Lorsque la recourante s'était vu notifier, le 25 octobre 2022, le commandement de payer litigieux, elle ne pouvait comprendre "à quelles périodes, ni à quelles prestations périodiques pour quel objet du bail se rapportait cette créance de 1'841'584 fr. 85". Au vu de la complexité de la situation, de "l'enchevêtrement de parties et de documents contractuels", la somme d'argent visée par la poursuite n'était pas déterminée et encore moins aisément déterminable, de même que son exigibilité n'était pas clairement établie. Elle ne répondait dès lors pas aux exigences requises pour être qualifiée de reconnaissance de dette.

Les paiements effectués par A______/F______ SA les 21 juillet et 2 novembre 2022 avaient été écartés à tort par le Tribunal car d'autres versements opérés par la même société avaient été admis par l'intimée.

L'avis de majoration du 16 septembre 2022 était nul.

3.1 Conformément à l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

3.1.1 La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée provisoire examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance - et lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 145 III 160 consid. 5.1 et la référence; arrêt du Tribunal fédéral 5A_272/2022 du 4 août 2022 consid. 6.1.2 et les références).

3.1.2 Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.2.1). Elle peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en résultent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et la référence; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.2.1).

Le contrat de bail vaut reconnaissance de dette dans la poursuite en recouvrement du loyer et des frais accessoires dûment convenus et chiffrés. Le contrat de bail vaut titre de mainlevée pour le montant du loyer initial. Un avis de majoration du loyer qui n'est pas signé par le locataire ne vaut pas titre de mainlevée, même si le locataire n'a pas contesté la majoration (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 160 et 162 ad art. 82 LP; Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 515).

Si la reconnaissance prévoit que la TVA est due en sus du montant reconnu, la mainlevée devra être prononcée également pour le montant de la TVA déterminé selon les règles légales (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 50 ad art. 82 LP).

3.1.3 Pour que la mainlevée provisoire soit prononcée (art. 82 LP), il faut que le poursuivant soit au bénéfice d'une reconnaissance de dette qui, outre les caractéristiques relatives à l'obligation de payer du débiteur, réunisse les trois identités, soit l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné, et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_58/2015 du 28 avril 2015 consid. 3, non publié aux ATF 141 III 185).

Selon l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP, la réquisition de poursuite énonce le titre et sa date; à défaut de titre, la cause de l’obligation. L'une des fonctions des indications contenues dans le commandement de payer est de répondre à un besoin de clarté et d'individualiser la prétention réclamée par voie d'exécution afin que le poursuivi puisse prendre position (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_8/2016 du 21 juin 2016 consid. 4.2; 5A_1001/2015 du 22 juin 2016 consid. 5.3.2, publié in BlSchK 2018 p. 4; 5A_586/2008 du 22 octobre 2008 consid. 3).

Lorsque la poursuite tend au recouvrement de prestations périodiques (tels que les loyers), la réquisition de poursuite doit indiquer avec précision les périodes pour lesquelles ces prestations sont réclamées. Même si elles dérivent d'une même cause juridique, elles ne sont pas moins des créances distinctes, soumises à leur propre sort. Cette exigence répond à un besoin de clarté et d'information du poursuivi quant à la prétention alléguée afin de lui permettre de prendre position. Le poursuivi ne doit pas être contraint de former opposition pour obtenir, dans une procédure de mainlevée subséquente ou un procès en reconnaissance de dette, les renseignements sur la créance qui lui est réclamée (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2; 121 III 18 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_970/2019 du 3 décembre 2020 consid. 4.2).

Le débiteur peut savoir à quoi s'en tenir sans que le commandement de payer et la requête de mainlevée ne le renseignent de façon spécifique sur le détail de chaque créance, dans la mesure où il dispose d'éléments suffisamment clairs et cohérents quant à la teneur de la créance en poursuite (arrêt du Tribunal fédéral 5P.149/2005 du 21 décembre 2005 consid. 2.3).

3.1.4 La créance doit être exigible au plus tard au moment de l'introduction de la poursuite, à savoir lors de la notification du commandement de payer (arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.2.1; 2C_781/2020 du 28 décembre 2020 consid. 5.2; 5A_785/2016 du 2 février 2017 consid. 3.2.2).

L'exigibilité (art. 75 CO) signifie que le créancier peut exiger la prestation et que le débiteur doit l'exécuter. Le moment où la prestation est exigible est déterminé en premier lieu par la convention des parties (ATF 148 III 145 consid. 4.1.2).

Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO). Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (art. 102 al. 2 CO).

En droit du bail, il est prévu que le locataire paie le loyer et, le cas échéant, les frais accessoires, à la fin de chaque mois, mais au plus tard à l’expiration du bail, sauf convention ou usage local contraires (art. 257c CO). Cette règle est toutefois de nature dispositive, de sorte que les parties peuvent, contractuellement, y déroger.

Les dispositions paritaires romandes pour habitations, généralement désignées sous l’appellation « contrat-cadre romand » (CCR, annexe 2.1), sont entrées en vigueur le 1er octobre 2001. Leur validité a été prolongée jusqu’au 30 juin 2020. Le contrat-cadre romand s’applique de manière obligatoire aux baux d’habitations des cantons signataires – ou dans les districts désignés par ces derniers – indépendamment de la date de conclusion du bail. Il ne s’applique pas notamment aux baux commerciaux. Le contrat-cadre règle expressément les conditions auxquelles le bailleur de locaux d’habitation peut exiger le paiement trimestriel et d’avance, en lieu et place d’un paiement mensuel : le locataire doit accuser un retard de dix jours dans le paiement du loyer. Par ailleurs, le bailleur doit lui avoir adressé une mise en demeure. Ce n’est que lorsque le locataire n’obtempère pas dans le délai comminatoire que le bailleur pourra procéder, à futur, à l’encaissement trimestriel et par avance du loyer (Bieri, Commentaire pratique – Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 28 ad art. 257c CO).

3.1.5 Le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP). Il peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil – exceptions ou objections – qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2 et la référence; 131 III 268 consid. 3.2).

Le poursuivi peut rendre vraisemblable que l'extinction de la dette est intervenue à la suite d'un paiement. L'imputation du paiement s'opère selon les art. 85 ss CO (Veuillet/Abbet, op. cit., n. 123-124 ad art. 82 LP).

3.1.6 Selon l'art. 2 al. 1 CC, chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi. L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi (art. 2 al. 2 CC). Cette règle permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes. L'exercice d'un droit est manifestement abusif lorsqu'il est contraire au but de ce droit ou crée une injustice manifeste. Il y a ainsi abus de droit lorsqu'une institution est utilisée, de façon contraire au droit, pour la réalisation d'intérêts que cette institution n'a pas pour but de protéger (ATF 133 II 6 consid. 3.2; 131 III 535 consid. 4.2; 107 Ia 206 consid. 3).

3.2.1 En l'espèce, c'est à tort que la recourante estime que la procédure sommaire ne peut s'appliquer. Comme l'a à juste titre relevé le premier juge, une reconnaissance de dette peut résulter d'un ensemble de pièces. Ainsi, le fait que l'accord de la recourante de payer à l'intimée un montant déterminé à titre de loyer résulte de plusieurs documents contractuels (contrat de bail et ses différents avenants, notamment l'avenant n. 2 du 17 juin 2020 par lequel elle s'est engagée en qualité de caution solidaire) ne fait pas obstacle à l’application de la procédure sommaire à la présente cause.

La recourante ne saurait pas non plus tirer argument du fait que différentes parties se sont succédées dans le cadre du contrat de bail ou qu'elle dispose de moyens de défense (preuves de paiement).

Quoi qu'il en soit, il résulte de ce qui suit que la situation d'espèce n'apparaît pas complexe au point de renvoyer l'intimée à agir devant le juge du fond.

3.2.2 Le contrat de bail du 25 octobre 2017 et les différents documents postérieurs (avenants et transfert de bail), tous signés, valant titre de mainlevée, l'intimée était en effet au bénéfice d'une reconnaissance de dette lui permettant de requérir la mainlevée provisoire de l'opposition formée par la recourante au commandement de payer qui lui a été notifié, le loyer convenu y étant dûment chiffré.

En revanche, l'avis de majoration de loyer du 16 septembre 2022, qui n'est pas signé par la locataire, ne peut constituer un titre de mainlevée. C'est donc à tort que le premier juge a tenu compte de la hausse de loyer pour arrêter le montant de la créance. Vu ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner si cette majoration est nulle, comme le soutient la recourante.

Il résulte donc de ces titres, la volonté de cette dernière, vu son engagement en qualité de caution solidaire, de payer à l'intimée un montant mensuel de 136'689 fr. 60, TVA comprise, à titre de loyer.

3.2.3 Pour que la reconnaissance de dette en question constitue un titre de mainlevée provisoire, elle doit encore réunir les trois identités rappelées ci-avant, et en particulier l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui est présenté, remise en cause par la recourante, qui soutient ignorer à quoi précisément correspond le montant qui lui est réclamé dans le cadre de la poursuite litigieuse.

Le commandement de payer notifié à la recourante précise que le montant dont le paiement est réclamé, soit 1'841'584 fr. 85, correspond aux "montants exigibles au 3 octobre 2022, selon contrat de bail du 25 octobre 2017, avenant no 1 du 11 décembre 2019, transfert de bail du 22 avril 2020, avenant no 2 du 17 juin 2020 et avenant no 3 du 11 août 2021 portant sur diverses surfaces dans l'immeuble sis 3______ no. ______ (bâtiment C) à I______ [GE]". La recourante ne saurait dès lors prétendre qu'elle ignorait la cause de l'obligation.

Certes, la période concernée ne résulte pas avec précision du commandement de payer puisqu'elle n'indique pas le début des arriérés de loyers impayés. Celle-ci, soit la période du 15 juillet 2021 au 31 décembre 2022, a toutefois été précisée par l'intimée dans le cadre de la procédure de mainlevée.

En tout état, la recourante ne pouvait l'ignorer, même au moment de recevoir le commandement de payer, celle-ci n'ayant jamais prétendu ne pas avoir eu connaissance des divers documents contractuels. Or, la fin de gratuité du bail au 14 juillet 2021 résultait précisément de ceux-ci, en particulier de l'avenant n. 2 qu'elle a elle-même signé en qualité de caution solidaire. La recourante n'allègue pas non plus qu'elle ignorait l'existence de retard dans le paiement des loyers.

Dans ces circonstances, il faut admettre que la cause de la créance, ainsi que la période pour laquelle les loyers étaient réclamés, était reconnaissable pour la recourante.

Les autres conditions d'identité n'étant – à juste titre – pas remises en cause par la recourante, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que l'ensemble de titres dont disposait l'intimée constituait un titre de mainlevée provisoire valable.

3.2.4 Reste toutefois à examiner si la créance était exigible au moment de la notification du commandement de payer, la recourante soutenant que les loyers de novembre et décembre 2022 n'étaient pas exigibles en octobre 2022, en raison de la nullité de la mise en demeure du 5 avril 2022.

L'exigibilité des loyers dus pour la période de juillet 2021 à octobre 2022 n'est en revanche pas contestée.

Selon le contrat de bail, le loyer est payable par mois d'avance. Toutefois, lorsque le locataire est en retard de plus de dix jours dans le paiement d'une mensualité et a fait l'objet d'une vaine mise en demeure lui impartissant un délai de paiement de dix jours au minimum, le bailleur peut exiger que le loyer (et les provisions ou forfaits pour les frais accessoires) soit acquitté trimestriellement à l'avance, dès le mois suivant l'échéance fixée dans la mise en demeure.

Dans le courrier du 5 avril 2022, la recourante a été mise en demeure de verser le montant de 1'247'628 fr. 50 dans les trente jours, dit montant étant réclamé à titre de loyers et frais accessoires impayés pour la période du 1er août 2021 au 30 avril 2022. Si, par la suite, le loyer n'était pas payé par mois d'avance, il deviendrait exigible par trimestre d'avance.

La recourante estime que cette mise en demeure ne devrait entraîner aucune conséquence dans la mesure où le montant qui y est réclamé pour paiement ne serait pas correct.

Avant toute chose, il doit être relevé qu'en retenant dans son état de fait que le montant visé par la mise en demeure du 5 avril 2022 correspondait aux loyers et frais accessoires impayés pour la période allant du 1er août 2021 au 30 avril 2022, le Tribunal n'a pas procédé à une constatation manifestement inexacte des faits comme le soutient la recourante, celui-ci s'étant contenté de rapporter la teneur dudit courrier.

Les règles en matière de résiliation de bail en cas de demeure du locataire, en particulier l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_306/2015 du 14 octobre 2014, dont se prévaut la recourante pour soutenir que l'avis comminatoire du 5 avril 2022 serait nul ne trouvent pas application dans le cas d'espèce. En effet, ces exigences quant au degré de précision d'un avis comminatoire ont été posées pour statuer sur l'efficacité d'un congé, soit une question étrangère au cas d'espèce. Les critiques de la recourante à cet égard tombent dès lors à faux.

Il est admis que la recourante (respectivement la locataire) était en retard dans le paiement des loyers lorsque le courrier du 5 avril 2022 lui a été adressé, celle-ci ne s'étant pas acquittée des loyers des mois de janvier à mars 2022 (le premier paiement étant intervenu le 30 mars 2022, exception faite du montant de 8'077 fr. 50 versé le 23 septembre 2021), pas plus que des loyers dus pour la période du 16 novembre au 31 décembre 2021. Par ailleurs, il résulte expressément de cette mise en demeure que le loyer deviendrait exigible par trimestre d'avance en cas de défaut de paiement par mois d'avance, possibilité prévue par l'art. 4 des conditions générales du bail, et la recourante ne prétend pas s'être acquittée desdits loyers dans les délais.

Contrairement à ce que prétend la recourante, il n'était pas exigible de l'intimée qu'elle procède en deux temps (d'abord adresser une mise en demeure, puis notifier sa volonté d'obtenir le paiement du loyer par trimestre d'avance) pour qu'elle puisse exiger le paiement des loyers par trimestre d'avance, la convention des parties ne le prévoyant pas. La jurisprudence vaudoise citée par celle-ci (arrêt de la Chambre des recours du canton de Vaud n. CREC I 25 mars 2010/151), qui traite d'un contrat de bail faisant référence aux dispositions paritaires romandes et aux règles et usages locatifs du canton de Vaud, en aucun cas transposable ici, ne lui est d'aucun secours, étant rappelé que les dispositions paritaires romandes ne s'appliquent pas aux baux commerciaux.

Dans ces conditions, les loyers des mois de novembre et décembre 2022 étaient bien exigibles au moment où le commandement de payer a été notifié à la recourante.

La période couverte par la poursuite s'étendait donc bien du 15 juillet 2021 au 31 décembre 2022. Les loyers dus durant cette période s'élèvent à 2'392'068 fr. (17,5 mois x 136'689 fr. 60).

3.2.5 Le Tribunal a retenu que la recourante avait rendu vraisemblable sa libération à hauteur de 1'792'384 fr. 90.

Ce montant est critiqué par la recourante, qui, à raison, reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte des paiements effectués par A______/F______ SA les 21 juillet (16'155 fr.) et 2 novembre 2022 (162'118 fr. 40), établis par pièces.

En effet, certains des montants acquittés par A______/F______ SA ont été admis par l'intimée et, par conséquent, retenus par le premier juge, soit ceux versés les 12 septembre 2022, 4 octobre 2022, 21 novembre 2022, 16 décembre 2022, 26 janvier 2023 et 27 février 2023. Sur ces six versements, deux indiquaient expressément qu'ils étaient "payable[s] par A______/E______ HOLDING SA".

L'intimée prétend sans convaincre que ces paiements auraient été admis dans l'ignorance de leur libellé exact et de leur donneur d'ordre. Elle a toutefois fait notifier un commandement de payer à A______/F______ SA pour les loyers impayés par A______/E______ HOLDING SA, ce qui permet de retenir que, contrairement à ce qu'elle prétend, A______/F______ SA était impliquée dans une certaine mesure dans le bail litigieux.

Par ailleurs, les parties n'ont jamais soutenu que l'intimée et A______/F______ SA seraient liées par une autre relation juridique, dans le cadre de laquelle ces paiements seraient intervenus et il ne résulte pas du dossier que l'intimée aurait interpellé la locataire, la recourante ou A______/F______ SA au sujet de ces paiements. L'intimée apparaît dès lors de mauvaise foi lorsqu'elle refuse que ces montants qui, selon toute vraisemblable, ont été versés en vue du paiement des loyers litigieux, viennent en déduction de l'arriéré réclamé.

Enfin, contrairement à ce que fait valoir l'intimée, il n'y a pas lieu d'écarter le versement du 23 septembre 2021 en 8'077 fr. 50 porté en déduction des arriérés, la recourante ayant produit la preuve de ce paiement en première instance.

Ainsi, en tenant compte des deux versements supplémentaires mentionnés ci-avant, c'est un montant total de 1'970'658 fr. 30 (1'792'384 fr. 90 + 178'273 fr. 40) qui doit être déduit de la créance de 2'392'068 fr.

3.2.6 Le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera par conséquent annulé et la mainlevée provisoire sera prononcée à concurrence de 421'409 fr. 70 (2'392'068 fr. – 1'970'658 fr. 30) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2022, étant précisé que l'échéance, arrêtée à une date moyenne, n'a pas été remise en cause par les parties.

4. 4.1 Si l’instance de recours statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC, applicable par analogie: Jeandin in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd., 2019, n. 9 ad art. 327 CPC)

En l'espèce, le montant des frais judiciaires arrêté par le Tribunal, soit 1'000 fr., est conforme aux normes applicables (art. 48 al. 1 OELP) et n'est pas critiqué en tant que tel. Au vu de l'annulation partielle du jugement entrepris, ces frais seront mis à la charge de la recourante à hauteur de 700 fr. et à la charge de l'intimée à hauteur de 300 fr. (art. 106 al. 2 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais fournie par l'intimée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), et la recourante sera condamnée à lui verser la somme de 700 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires (art. 111 al. 2 CPC).

Pour les mêmes motifs, la recourante sera condamnée à payer à l'intimée un montant réduit de 3'000 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens de première instance (art. 106 al. 2; art. 23 al. 1 LaCC).

Les chiffres 2 à 4 du dispositif du jugement entrepris seront réformés en ce sens.

4.2 Les frais judiciaires de recours, comprenant les frais de la présente décision et ceux de la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'700 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance versée par la recourante d'un montant de 1'700 fr., qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Au vu de l'issue du litige et compte tenu du fait que la recourante obtient partiellement gain de cause, puisque la mainlevée n'est accordée qu'à concurrence de 421'409 fr. 70 sur le total de 735'366 fr. 81 fr. en capital pour lequel elle était requise initialement [1'206'056 fr. 81 – (152'844 fr. 60 + 158'922 fr. 70 + 158'922 fr. 70)], lesdits frais seront laissés à sa charge à hauteur de 1'200 fr. et mis à la charge de l'intimée à hauteur de 500 fr. (art. 106 al. 2 CPC), montant que l'intimée sera condamnée à verser à la recourante à titre de restitution partielle de son avance (art. 111 al. 2 CPC).

La recourante sera, en outre, condamnée à verser à l'intimée un montant réduit de 2'000 fr. à titre de dépens de recours, débours et TVA compris (art. 96 et 105 al. 2 CPC; art. 25 et 26 LaCC), ce montant tenant notamment compte de l'issue du litige (art. 106 al. 2 CPC; art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 25 septembre 2023 par A______/B______ HOLDING SA contre le jugement JTPI/9744/2023 rendu le 11 septembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5367/2023-4 SML.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Cela fait, statuant à nouveau:

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n. 1______, à concurrence de 421'409 fr. 70 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2022.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 1'000 fr. et les compense avec l'avance effectuée par FONDATION C______.

Les met à la charge de A______/B______ HOLDING SA à hauteur de 700 fr. et de FONDATION C______ à hauteur de 300 fr.

Condamne A______/B______ HOLDING SA à verser à FONDATION C______ 700 fr. à titre de frais judiciaires de première instance.

Condamne A______/B______ HOLDING SA à verser à FONDATION C______ 3'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'700 fr., les met à la charge de A______/B______ HOLDING SA à hauteur de 1'200 fr. et à la charge de FONDATION C______ à hauteur de 500 fr.

Les compense avec l'avance versée par A______/B______ HOLDING SA.

Condamne FONDATION C______ à verser 500 fr. à A______/B______ HOLDING SA à titre de frais judiciaires de recours.

Condamne A______/B______ HOLDING SA à verser 2'000 fr. à FONDATION C______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.