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Décisions | Sommaires

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C/22464/2022

ACJC/1138/2023 du 05.09.2023 sur JTPI/6798/2023 ( SML ) , CONFIRME

Normes : CPC.178; LP.82.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22464/2022 ACJC/1138/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 5 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 23ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 juin 2023, comparant par Me Betsalel ASSOULINE, avocat, DN Avocats, rue Robert-Céard 6, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Olivier WASMER, avocat, Grand'Rue 8, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/6798/2023 du 12 juin 2023, reçu par A______ le 15 juin suivant, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 400 fr. compensés avec l'avance de frais fournier, mis à la charge du précité, condamné à les rembourser B______ (ch. 2 et 3), ainsi que 600 fr. à titre de dépens (ch. 4).

En substance, le Tribunal a considéré que la reconnaissance de dette produite, rédigée par B______, avait été signée par A______. Dite signature, même si elle n'était pas identique à cette figurant sur les documents officiels produits, présentait toutefois des similitudes. On ne pouvait toutefois pas retenir qu'il s'agirait d'une contrefaçon. La précitée disposait d'un titre de mainlevée provisoire, A______ n'ayant pas rendu vraisemblable que la reconnaissance de dette ne portait pas sa signature.

B. a. Par acte du 26 juin 2023 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu à ce que la Cour dise que le titre produit ne constituait pas un titre de mainlevée et condamne B______ aux frais et dépens.

Il a produit une nouvelle pièce (n. 1) et a formé de nouveaux allégués.

b. B______ ne s'est pas déterminée.

c. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 10 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 21 juillet 2021, A______ et B______ ont signé un document, rédigé à la main sur un papier quadrillé, à teneur duquel le premier nommé reconnaissait devoir à la seconde un montant de 11'300 fr., qu'il s'engageait à rembourser à raison de mensualités de 950 fr. chacune, le 27 de chaque mois durant douze mois, le premier versement devant intervenir le 27 août 2021.

b. A la requête de B______, l'Office cantonal des poursuites a notifié le 16 février 2022 à A______ un commandement de payer, poursuite n° 2______, pour la somme de 11'300 fr., plus intérêts à 5% dès le 27 août 2021.

Le poursuivi y a formé opposition.

c. Par courrier du 10 octobre 2022, le conseil de B______, invoquant la reconnaissance de dette signée le 8 février 2022, d'un montant de 11'300 fr., a invité A______ à lui faire parvenir une proposition de remboursement. A défaut, une requête en mainlevée de l'opposition formée à la poursuite serait déposée.

Par pli du 25 octobre 2022, le conseil précité, se référant à deux courriels que lui avait adressés A______ (non versés à la procédure), l'a mis en demeure de verser la somme de 11'300 fr. avec intérêts à 5% depuis le 27 août 2021.

d. Par requête du 8 novembre au Tribunal, B______ a conclu au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité.

e. A l'audience du Tribunal du 10 mars 2023, le conseil de B______ a persisté dans ses conclusions.

Le conseil de A______ a contesté la reconnaissance de dette versée à la procédure et a versé deux titres, soit une copie de la carte d'identité et du permis de conduire de l'intéressé. Il a déclaré que le précité n'avait pas souvenir d'avoir signé "un tel document" et être certain de ne pas l'avoir rédigé. Bien que ressemblante, la signature figurant sur la pièce n'était pas exactement la même que celle de son client. Par ailleurs, le montant du prêt avait été remboursé; la pièce le confirmant se trouvait dans un classeur en possession de B______. Il a conclu au rejet de la requête, sous suite de frais et dépens.

Le conseil de B______ a souligné que jusqu'alors, A______ n'avait pas prétendu que la signature figurant dans la reconnaissance de dette ne serait pas la sienne, ni que le prêt aurait été remboursé.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

f. La signature figurant sur la carte d'identité de A______ n'est pas identique à celle du permis de conduire.

Celle apposée sur le commandement de payer est similaire, mais différente en plusieurs points des précitées.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit, en procédure sommaire, être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise, le recours est recevable.

1.3 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Il s'ensuit que les nouveaux allégués et la pièce nouvelle produite sont irrecevables.

1.4 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307). En particulier, s'agissant d'une procédure de mainlevée provisoire, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du
7 octobre 2005 consid. 2.1).

1.5 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition est un «Urkundenprozess», dont le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire; le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1). Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites (ATF 100 III 48 consid. 3) et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res iudicata) quant à l'existence de la créance (ATF 136 III 583 consid. 2.3 p. 587). La décision du juge de la mainlevée ne prive donc pas les parties du droit de soumettre à nouveau la question litigieuse au juge ordinaire (art. 79 et 83 al. 2 LP;ATF 136 III 528 consid. 3.2; arrêt du tribunal fédéral 5A_89/2019 du1er mai 2019 consid. 5.1.2, publié in SJ 2019 I p. 400).

1.6 La procédure de mainlevée n'a un caractère sommaire au sens propre qu'en ce qui concerne les moyens libératoires du débiteur. Par conséquent, s'agissant de l'existence du titre de mainlevée, l'application de la procédure sommaire
(art. 251 let. a CPC) n'implique pas en soi un abaissement du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Le degré de preuve requis est donc, à cet égard, celui de la preuve stricte (ATF 144 III 552 consid. 4.1.4).

Par ailleurs, la procédure de mainlevée d'opposition est soumise à la maxime des débats (art. 55 CPC, art. 255 CPC a contrario; arrêt du Tribunal fédéral 5A_734/2018 du 4 décembre 2018 consid. 4.3.5 et les références). Le juge doit examiner d'office l'existence et le caractère exécutoire du titre de mainlevée (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 103 ad art. 84 LP).

2. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'il n'avait pas rendu vraisemblable que le document produit ne portait pas sa signature et qu'il s'agissait d'une reconnaissance de dette, valant titre de mainlevée.

2.1.1 Selon l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1). 

Pour que la reconnaissance de dette constitue un titre de mainlevée provisoire, il doit notamment y avoir identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans le titre. Cette question est examinée d'office par le juge de la mainlevée
(ATF 142 III 720 consid. 4.1; 139 III 444 précité consid. 4.1.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.1; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 73ss ad art. 82 LP; Abbet/Veuillet, op. cit., n. 129 ad art. 82 LP).

2.1.2 Lorsque le poursuivi conteste l'authenticité de la signature apposée sur la reconnaissance de dette valant titre de mainlevée provisoire, il doit rendre vraisemblable la falsification. En effet, dans le système de la mainlevée provisoire voulu par le législateur, à moins que le titre produit par le créancier poursuivant ne soit d'emblée suspect - ce que le juge vérifie d'office -, le titre bénéficie de la présomption (de fait) que les faits qui y sont constatés sont exacts et que les signatures qui y sont apposées sont authentiques. Le juge prononce la mainlevée provisoire si la falsification n'est pas rendue vraisemblable séance tenante. Lorsqu'il statue ainsi selon la simple vraisemblance, il doit, en se basant sur des éléments objectifs, avoir l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement. Pour convaincre le juge, le poursuivi ne peut donc pas se contenter de contester l'authenticité de la signature; il doit démontrer, au moyen de pièces ou d'autres moyens de preuve immédiatement disponibles, qu'il est plus vraisemblable que la signature soit fausse qu'authentique (ATF 132 III 140 consid. 4.1.2 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_435/2015 du 13 octobre 2015 consid. 3.2.1.2).

Toutefois, pour refuser sans arbitraire le moyen libératoire du poursuivi, le juge n'a pas à être convaincu que l'imitation de la signature est exclue; il suffit que celle-ci ne soit pas plus vraisemblable que son authenticité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_435/2015 précité consid. 3.2.2).

2.1.3 A teneur de l'art. 178 CPC - applicable également en procédure de mainlevée d'opposition (Schweizer, in CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 10 ad art. 178 CPC) -, la partie qui invoque un titre doit en prouver l'authenticité si la partie adverse le conteste sur la base de motifs suffisants. La seule contestation de l'authenticité ne suffit pas : elle doit reposer sur des motifs suffisants, soit des circonstances concrètes qu'il appartient à la partie adverse d'exposer, qui sont de nature à susciter auprès du juge des doutes sérieux quant à l'authenticité du contenu du titre ou de sa signature. Ce n'est que si la partie adverse parvient à susciter de tels doutes que la partie se prévalant du titre supporte le fardeau de la preuve de son authenticité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_197/2016 du 4 août 2016 consid. 4.2 et les références citées).

L'art. 178 CPC consacre ainsi le principe de la libre appréciation des preuves par le juge (Schweizer, op. cit., n. 2 ad art. 178 CPC). En présence de doutes sérieux quant à l'authenticité d'un titre, le juge pourra administrer les preuves d'office, en exigeant cas échéant la production de l'original du titre dont seule une copie aurait été produite - conformément à l'art. 180 al. 1 CPC, également applicable en procédure de mainlevée d'opposition (Schweizer, op. cit., n. 9 ad art. 178, n. 3 ad art. 180 CPC; Muller, Schweizerische Zivilprozessordnung Kommentar, Brunner/Gasser/Schwander [éd.], 2ème éd., 2016, n. 8 ad art. 178 CPC). Il s'agit d'un cas d'application de l'art. 153 al. 2 CPC, lequel prévoit - en dérogation à la maxime des débats - une administration des preuves d'office lorsqu'il existe des motifs sérieux de douter de la véracité d'un fait non contesté (Muller,, ibid.). En pareil cas, le juge devra interpeller la partie qui s'en prévaut et l'inviter à rapporter la preuve complète de son authenticité (art. 56 et 154 CPC; Muller,, op. cit., n. 9 ad art. 178 CPC; arrêt HC/2017/692 [décision n. 208] de la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois du 8 juin 2017 consid. 5.2).

2.2 Dans le présent cas, l'intimée a produit à l'appui de sa requête une reconnaissance de dette établie le 21 juillet 2021, signée par les parties. La recourant a allégué en première instance ne pas se souvenir avoir signé ce document, sans autre précision, et que la signature y figurant était similaire à la sienne, sans toutefois être "exactement la même". Il résulte des titres produits par le recourant que les signatures apposées sur sa carte d'identité et son permis de conduire sont ressemblantes, sans être pour autant identique. Par ailleurs, sa signature figurant sur le commandement de payer est encore différente des deux précitées. Au vu de ce qui précède, le fait que la signature apposée sur la reconnaissance de dette soit similaire mais non identique n'est pas de nature à susciter des doutes sérieux quant à l'authenticité de sa signature.

C'est par conséquent à raison que le premier juge a considéré que la signature apposée sur la reconnaissance de dette du 21 juillet 2021 était plus vraisemblablement authentique que contrefaite et que ce titre valait titre de mainlevée provisoire. Le recourant n'ayant fait valoir aucun moyen libératoire, c'est à bon droit que le Tribunal a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer.

Ce constat scelle l'issue du recours. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner si le premier juge était fondé à considérer que le recourant avait tardé à réagir, en n'alléguant l'absence d'identité de sa signature qu'au jour de l'audience.

2.3 Infondé, le recours sera rejeté.

3.  Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 600 fr. (art. 48 et 61 OELP), compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Il ne se pas alloué de dépens à l'intimée qui ne s'est pas déterminée devant la Cour.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2023 par A______ contre le jugement JTPI/6798/2023 rendu le 12 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22464/2022–23 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 600 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.