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Décisions | Sommaires

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C/21691/2022

ACJC/1113/2023 du 29.08.2023 sur OTPI/183/2023 ( SP ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21691/2022 ACJC/1113/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 29 AOÛT 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______[VD], recourante contre une ordonnance rendue par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 mars 2023, comparant par Me Pierre-Xavier LUCIANI, avocat, rue du Petit-Chêne 18, case postale 6681, 1002 Lausanne, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

1)   B______ SA, sise ______[GE],

2)   Monsieur C______, domicilié ______[GE],

3)   Monsieur D______ et Madame E______, domiciliés ______[GE], intimés, comparant tous par Me Marc-Ariel ZACHARIA, avocat, Lemania Law avocats, rue de Hesse 16, 1204 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

4)   Monsieur F______ et Madame G______, domiciliés ______[GE], autres intimés, comparant en personne,

5)   Monsieur H______ et Madame I______, domiciliés ______[GE], autres intimés, comparant en personne.


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/183/2023 du 15 mars 2023, expédiée pour notification aux parties le 21 mars 2023, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête formée par A______ SA (ch. 1), révoqué son ordonnance superprovisionnelle du 2 novembre 2022 (ch. 2), dit que les chiffres précédents ne seraient exécutoires qu'après expiration du délai d'appel ou en cas d'appel à condition que l'effet suspensif n'ait pas été octroyé (ch. 3), a arrêté les frais judiciaires à 1'800 fr., compensés avec l'avance opérée, et mis à la charge de A______ SA (ch. 4), condamnée en outre à verser à B______ SA, C______, D______ et E______, solidairement, 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 5), dit qu'il ne serait pas alloué de dépens à H______, I______, F______ et G______ (ch. 6), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

Le Tribunal a retenu que le respect du délai légal de quatre mois n'avait pas été rendu vraisemblable, seuls cas échéant de menus travaux ayant été conduits le 13 juillet 2022, alors qu'une facture finale (libellant des "CFC - Bâtiment" achevés à 100%) avait été établie le 15 avril 2022.

B.            Par acte du 3 avril 2023 à la Cour de justice, A______ SA a formé appel contre l'ordonnance précitée. Elle a conclu à l'annulation de celle-ci, cela fait à ce que soit ordonné au Conservateur du Registre foncier l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs sur la parcelle 1______ de la commune de J______, copropriété à raison d'un cinquième chacun de C______, D______ et E______, H______ et I______, F______ et G______ et B______ SA pour un montant de 23'277 fr. 50 avec intérêts à 5% l'an dès le 25 mai 2022, sur la parcelle 2______ de la commune de J______ propriété de C______ pour un montant de 6'492 fr. 60 avec intérêts à 5% l'an dès le 25 mai 2022, sur la parcelle 3______ de la commune de J______ propriété de B______ SA pour un montant de 8'430 fr. 80 avec intérêts à 5% dès le 25 mai 2022, à ce qu'il soit dit que l'hypothèque légale provisoire serait valable jusqu'à l'échéance d'un délai de six mois dès droit connu sur le sort du litige, à ce qu'un délai lui soit imparti pour faire valoir son droit, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a formé des allégués nouveaux (un de ses camions aurait été présent sur le chantier durant quelques heures pendant quatre jours en mai 2022, ainsi qu'entre 9h22 et 14h 51 le 13 juillet 2022; 4,880 kilos de béton provenant de "J______" auraient été mis en décharge le 14 juillet 2022) et produit trois pièces nouvelles, à savoir deux rapports de trajets d'un de ses camions et un bulletin de livraison d'une entreprise tierce relative à des bulletins de livraison.

B______ SA, C______, D______ et E______ ont conclu à la confirmation de la décision déférée, respectivement à ce que le gage soit réduit à 34'728 fr. 05, répartis à raison de 21'161 fr. 35 sur la parcelle 1______ de la commune de J______ propriété pour un cinquième de F______ et G______, H______ et I______, B______ SA, C______ ainsi que D______ et E______, de 7'664 fr. 30 sur la parcelle 3______ de la commune de J______ propriété de B______ SA, de 5'902 fr. 40 sur la parcelle 2______ propriété de C______. Ils ont requis le prononcé d'une amende pour téméraire plaideur.

Ils ont déposé à nouveau leurs déterminations spontanées au Tribunal du 17 mars 2023 ainsi que la pièce qui y était jointe, ainsi que deux pièces nouvelles (soit des tables de référence physique, et des listes de prix de décharge).

H______, I______, F______, G______ ne se sont pas déterminés.

A______ SA a répliqué, persistant dans ses conclusions.

C.           La cause a été gardée à juger le 31 mai 2023;

a.    A______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce vaudois, qui a pour but tous travaux de construction, de rénovation totale, de génie civil, de terrassement et d'entreprise générale.

b.   B______ SA, C______, H______ et I______, ainsi que les époux D______/E______ sont propriétaires respectifs des parcelles 3______, 2______, 4______ et 5______, et copropriétaires de la parcelle 1______ (également propriété des propriétaires de la parcelle 6______, soit F______ et G______) de la commune de J______.

Les parcelles 2______ à 3______ sont propriétaires à raison d'un cinquième chacune de la parcelle 7______ de la même commune.

c.    Le 8 octobre 2021, A______ SA a conclu un contrat de sous-traitance avec une entreprise tierce concernant des travaux de terrassement, canalisations extérieures, maçonnerie, et béton armé relatifs à la construction de cinq villas contiguës sur les parcelles 2______ à 3______ précitées, pour un montant total de 250'000 fr.

Des factures ont régulièrement été adressées à ladite entreprise tierce, qui les a acquittées pour un montant total de 167'000 fr.

En définitive, une facture n° 8______ d'un montant de 21'161 fr. 35 est demeurée impayée.

d.   Le 25 avril 2022, A______ SA a envoyé à B______ SA une facture n° 9______ d'un montant de 14'724 fr. 75 pour la réalisation d'acrotères, demeurée impayée à raison de 7'664 fr. 35.

Le même jour, elle a envoyé à C______ une facture n° 10_____ d'un montant de 7'215 fr. 90 pour la réalisation d'acrotères, demeurée impayée à raison de 5'902 fr. 35.

e.    A______ SA affirme avoir achevé les travaux le 13 juillet 2022, par le décoffrage des bords de dalle, la fermeture du puits de lumière, la mise en sécurité sur les escaliers et le nettoyage général du chantier.

Elle a produit une copie d'un rapport journalier établi à la date susvisée. La rubrique "description des travaux" énonce trois opérations libellées en portugais ("Fechar reservavoes velux etc. ", "Recocher betao em todo chantier" et "Limpeza do chantier", dont la traduction, non fournie par A______ SA, a été établie ainsi par le Tribunal: "Fermeture d'un velux, ramassage du béton et nettoyage du chantier"; les colonnes "contremaître" et "manœuvre" portent chacune l'indication du chiffre "875" en regard de la première opération, tandis que la rubrique "régie rapport n°" est remplie par la mention "17.50", celle de "total des heures" par le chiffre "2" et celle "effectif du personnel" est vide.

Selon B______ SA, C______, D______ et E______, les travaux étaient achevés le 22 avril 2022, comme en attestait une facture établie à cette date par A______ SA à l'attention de l'entreprise tierce, portant la mention "situation finale". L'administrateur de A______ SA avait annoncé, par téléphone du 12 juillet 2022, à l'architecte mandaté que des ouvriers passeraient le lendemain pour récupérer du matériel et procéder à du nettoyage. Il n'y avait plus eu d'activité sur le chantier depuis plus d'un mois avant l'appel téléphonique. L'intervention de deux heures du 13 juillet 2022, ressortant du rapport journalier produit, ne correspondait pas à la description des travaux allégués pour cette date par A______ SA.

f.                       Le 1er novembre 2022, A______ SA a saisi le Tribunal d'une requête en inscription provisoire d'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, à titre superprovisionnel et provisionnel, dirigée contre B______ SA, C______, D______ et E______, H______, I______, F______, G______.

g.    Par ordonnance du 2 novembre 2022, le Tribunal a donné droit aux conclusions superprovisionnelles de A______ SA, admettant l'inscription d'une créance de 10'725 fr. sur les parts de copropriété 5______-1, 5______-2, 6______-1 et 6______-2, ainsi que 23'277 fr. 50 sur la part de copropriété 1______, de 29'387 fr. 50 sur la part de copropriété 2______, de 21'450 fr. sur la part de copropriété 4______, et de 45'897 fr. 25 sur la part de copropriété 3______.

B______ SA, C______, D______ et E______, ainsi que les propriétaires de la parcelle 6______ ont conclu au rejet de la requête, subsidiairement à la réduction de la valeur du gage à 34'728 fr. 05. H______, I______, F______, G______ ont conclu au rejet de la requête.

Le 25 janvier 2023, le Tribunal a informé les parties de ce qu'il retenait la cause à juger sous quinze jours.

Par acte du 6 février 2023, A______ SA a réduit ses conclusions en inscription d'une hypothèque légale provisoire à 23'277 fr. 50 sur la parcelle 1______, à 6'492 fr. 60 sur la parcelle 2______, à 8'430 fr. 80 sur la parcelle 3______, avec intérêts à 5% dès le 25 mai 2022.

B______ SA, C______, D______ et E______ se sont déterminés, persistant dans leurs conclusions.

A______ SA a encore répliqué le 3 mars 2023 (l'acte reçu par le Tribunal le 7 mars 2023 a été transmis le lendemain aux autres parties), persistant dans ses conclusions du 6 février 2023.

Aux termes d'une écriture déposée au Tribunal le 17 mars 2023, B______ SA, C______, D______ et E______ ont derechef persisté dans leurs conclusions et formé des allégués nouveaux en lien avec une pièce nouvellement produite (courriel adressé le 29 avril 2022 par A______ SA notamment à B______ SA et C______, comportant notamment la phrase suivante: "Nous avons terminé les travaux sur votre chantier il y a maintenant une semaine […] Nous souhaitons réaliser la réception des travaux lundi ou mardi de la semaine prochaine").

EN DROIT

1. 1.1 L'ordonnance querellée a été rendue sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) et selon la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La maxime des débats (art. 55 CPC et art. 255 CPC a contrario) et le principe de disposition (art. 58 CPC) sont applicables.

2. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale étant soumise à la procédure sommaire (art. 248 let. d et 249 let. d ch. 5 CPC), l'autorité peut s'en tenir à la vraisemblance des faits allégués et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, in JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 2.2).

3.1 L'appelante a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles. Elle soutient que le rapport du 13 juillet 2022 qu'elle avait déposé en première instance suffisait à rendre vraisemblable la date d'achèvement des travaux - qu'elle ne pouvait anticiper contestée par sa partie adverse - , ce qui la conduisait à devoir fournir des titres supplémentaires. Ses parties adverses auraient fait preuve de mauvaise foi.

Les intimés qui ont participé à la procédure d'appel ont également déposé des pièces nouvelles.

3.1.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Les pseudo nova sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés. Leur admissibilité est largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être invoqués dans la procédure de première instance. Il appartient au plaideur d'exposer en détails les motifs pour lesquels il n'a pas pu les présenter en première instance déjà (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.3).

3.1.2 La procédure sommaire est introduite par une requête (art. 252 al. 1 CPC). Lorsque la requête ne paraît pas manifestement irrecevable ou infondée, le tribunal donne à la partie adverse l'occasion de se déterminer oralement ou par écrit (art. 253 CPC).

Aucune des parties ne doit s'attendre à ce que le tribunal ordonne un deuxième échange d'écritures ou des débats oraux. Dans cette mesure, les parties n'ont pas le droit de s'exprimer deux fois sur le fond. En principe, la clôture du dossier intervient après une seule prise de position (ATF 144 III 117 consid. 2.2).

Il s'ensuit que la partie requérante doit proposer toutes ses preuves avec sa requête (Bohnet, Commentaire romand CPC, 2019, n° 9 ad art. 252 CPC). Ce n'est que si une audience a lieu après un premier échange d'écritures ou si un second échange d'écritures est ordonné que le Tribunal fédéral et certains auteurs de doctrine admettent que des faits nouveaux et des offres de preuve nouvelle peuvent encore être introduits, par application analogique de l'art. 229 CPC (ATF 144 III 117 consid. 2.2; Bohnet, op. cit., n° 9 ad art. 252 CPC).

Cela ne change cependant rien au fait que les parties, en vertu des art. 6 par. 1 CEDH et 29 al. 2 Cst., ont le droit de se déterminer, dans un délai approprié, sur toute écriture du tribunal ou de la partie adverse, indépendamment du fait que celle-ci contienne ou non des éléments nouveaux et importants (arrêt du Tribunal fédéral 5A_82/2015 du 16 juin 2015 consid. 4.1). Toutefois, ce droit de réplique permet de préciser, voire de compléter, ses arguments, mais pas de présenter des nouveaux allégués ou offres de preuve. En ce cas, ces nova sont écartés du dossier, la réplique n'étant prise en considération que pour le reste (arrêt du Tribunal fédéral 4A_557/2017 du 21 février 2018 consid. 2.1 à 2.3).

Les tribunaux doivent indiquer de manière explicite s'ils ordonnent formellement un second échange d'écritures ou s'ils se contentent de réserver le droit à la réplique (ATF 146 III 237 consid 3.2).

3.2 En l'occurrence, les allégués nouveaux et les titres nouveaux de l'appelante auraient pu être formulés respectivement produits en première instance. La supposée attitude procédurale des intimés est à cet égard indifférente, la partie qui saisit le juge ayant la charge de rendre vraisemblable (en alléguant d'emblée les faits pertinents et produisant les pièces utiles) sa prétention en inscription d'une hypothèque légale provisoire. Les pièces nouvellement déposées sont ainsi irrecevables. En tout état elles sont dépourvues de pertinence, comme il le sera développé ci-dessous.

Les pièces nouvelles des intimés sont liées à celles nouvellement déposées par l'appelante, de sorte que le sort qui leur sera réservé sera identique. Peu importe que certaines de ces pièces aient déjà été déposées au Tribunal, puisque ce dépôt a eu lieu à l'occasion d'une réplique spontanée, qui ne permettait pas l'allégation de faits nouveaux ni la production de pièces nouvelles.

4. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu qu'elle avait rendu vraisemblable la date d'achèvement des travaux.

4.1 Aux termes de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, peuvent requérir l'inscription d'une hypothèque légale, les artisans et entrepreneurs employés à la construction ou à la destruction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages, au montage d'échafaudages, à la sécurisation d'une excavation ou à d'autres travaux semblables, sur l'immeuble pour lequel ils ont fourni des matériaux et du travail ou du travail seulement, que leur débiteur soit le propriétaire foncier, un artisan ou un entrepreneur, un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l'immeuble.

L'inscription doit être obtenue au plus tard dans les quatre mois qui suivent l'achèvement des travaux (art. 839 al. 2 CC). Il s'agit d'un délai de péremption qui ne peut être ni suspendu ni interrompu, mais il peut être sauvegardé par l'annotation d'une inscription provisoire (ATF 126 III 462 consid. 2c/aa; arrêt du Tribunal fédéral 5A_518/2020 du 22 octobre 2020 consid. 3.1).

En matière d'inscription provisoire de l'hypothèque des artisans et entrepreneurs, il incombe à l'artisan ou à l'entrepreneur de rendre vraisemblable le droit allégué en donnant au juge des éléments suffisants quant à sa qualité d'entrepreneur ou d'artisan, au travail, respectivement aux matériaux fournis, à l'immeuble objet des travaux, au montant du gage et, enfin, au respect du délai de quatre mois (Steinauer, Les droits réels, tome III, 2012, n° 2897).

Selon l'art. 961 al. 3 CC, le juge statue sur la requête et autorise l'inscription provisoire si le droit allégué lui paraît exister. Vu la brièveté et la nature péremptoire du délai de l'art. 839 al. 2 CC, l'inscription provisoire de l'hypothèque légale ne peut être refusée que si l'existence du droit à l'inscription définitive du droit de gage paraît exclue ou hautement invraisemblable. Le juge tombe dans l'arbitraire lorsqu'il rejette la requête en présence d'une situation de fait ou de droit mal élucidée, qui mérite un examen plus ample que celui auquel il peut procéder dans le cadre d'une instruction sommaire; en cas de doute, lorsque les conditions de l'inscription sont incertaines, il doit ordonner l'inscription provisoire (ATF 102 Ia 81 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5D_116/2014 du 13 octobre 2014 consid. 5.3).

L'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne peut être inscrite que si le montant du gage est rendu vraisemblable par la reconnaissance du propriétaire ou par la décision du juge (art. 839 al. 3 et 961 al. 3 CC). Concernant le montant du gage, ce qui est déterminant, ce n'est pas que la prétention soit avérée, mais que son existence et son montant soient rendus vraisemblables (arrêt du Tribunal fédéral 5A_102/2007 du 29 juin 2007 consid. 2.1).

Il y a achèvement des travaux quand tous les travaux qui constituent l'objet du contrat d'entreprise ont été exécutés et que l'ouvrage est livrable. Ne sont considérés comme travaux d'achèvement que ceux qui doivent être exécutés en vertu du contrat d'entreprise et du descriptif, et non les prestations commandées en surplus sans qu'on puisse les considérer comme entrant dans le cadre élargi du contrat. Des travaux de peu d'importance ou accessoires, différés intentionnellement par l'artisan ou l'entrepreneur, ou bien encore des retouches (remplacement de parties livrées mais défectueuses, correction de quelque autre défaut) ne constituent pas des travaux d'achèvement (ATF 102 II 206 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_282/2016 du 17 janvier 2017 consid. 4.1 et les références, publié in SJ 2017 I 265 et in RNRF 2019 p. 109). Les travaux effectués par l'entrepreneur en exécution de l'obligation de garantie prévue à l'art. 368 al. 2 CO n'entrent pas non plus en ligne de compte pour la computation du délai (ATF 106 II 22 consid. 2b). En revanche, lorsque des travaux indispensables, même d'importance secondaire, n'ont pas été exécutés, l'ouvrage ne peut pas être considéré comme achevé; des travaux nécessaires, notamment pour des raisons de sécurité, même de peu d'importance, constituent donc des travaux d'achèvement. Les travaux sont ainsi jugés selon un point de vue qualitatif plutôt que quantitatif (ATF 125 III 113 consid. 2b; 106 II 22 consid. 2b et 2c). Le délai de l'art. 839 al. 2 CC commence à courir dès l'achèvement des travaux, et non pas dès l'établissement de la facture (ATF 102 II 206 consid. 1b/aa); il s'ensuit que, lorsque des travaux déterminants sont encore effectués après la facturation et ne constituent pas des travaux de réparation ou de réfection consécutifs à un défaut de l'ouvrage, ils doivent être pris en compte pour le dies a quo du délai Le fait que l'entrepreneur présente une facture pour son travail donne toutefois à penser, en règle générale, qu'il estime l'ouvrage achevé (ATF 101 II 253; arrêt du Tribunal fédéral 5A_518/2020 du 22 octobre 2020 consid. 3.1).

4.2 La maxime des débats étant applicable in casu, il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC) et contester les faits allégués par la partie adverse, le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC). Le demandeur supporte le fardeau de l'allégation objectif et le fardeau de la preuve (art. 8 CC). Si un fait pertinent n'a pas été allégué par lui ou par sa partie adverse, il ne fait pas partie du cadre du procès et le juge ne peut pas en tenir compte, ni ordonner l'administration de moyens de preuve pour l'établir. La partie qui supporte les fardeaux de l'allégation objectif et de la preuve d'un fait supporte l'échec de l'allégation, respectivement de la preuve de ce fait (arrêts du Tribunal fédéral 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.3 et 4A_560/2020 du 27 septembre 2021 consid. 5.1.2).

4.3 En l'espèce, l'appelante se borne à répéter ses propres allégués selon lesquels les travaux auraient été achevés le 13 juillet 2022 seulement. Elle ne tente pas de contester la traduction qu'a opérée le Tribunal du rapport journalier sur lequel elle a fonde ses allégués initiaux. Il en résulte pourtant une description des travaux autre que celle qu'elle avance. Elle ne s'attache pas non plus à faire valoir que ce rapport pourrait être lu différemment de la version proposée par les intimés, ni ne soumet d'explication relative au fait qu'elle a, le 15 avril 2022, fait elle-même état d'une "situation finale" et des travaux achevés à 100%.

Comme l'a pertinemment retenu le premier juge, les travaux de ramassage de béton et de nettoyage de chantier résultant du rapport du 13 juillet 2022 représentent de menus travaux, au regard de l'entier de ceux qui résultent des factures produites et qui, selon ce qu'a indiqué l'appelante elle-même le 22 avril 2022, étaient alors achevés à 100%. Aucune explication n'a au demeurant été donnée sur l'important laps de temps entre ces dates,

Les pièces nouvellement produites en appel, à supposer qu'elles aient été recevables, n'auraient pas conduit à une autre conclusion; en effet, ni la présence, sur le chantier, d'un camion durant quelques heures le 13 juillet 2022 ni un bulletin de décharge d'une quantité de quatre kilos de béton ne sont propres à rendre vraisemblable l'allégué de l'appelante selon lequel des travaux - prétendument à qualifier de travaux d'achèvement - de décoffrage de bords de dalle, de fermeture de puits de lumière, de mise en sécurité des escaliers et de nettoyage général du chantier auraient été réalisés.

Il s'ensuit que le Tribunal a retenu à bon droit que le respect du délai de quatre mois prévu par l'art. 839 al. 2 CC n'avait pas été rendu vraisemblable.

L'ordonnance attaquée sera dès lors confirmée.

5. Selon l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l'amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive.

Agit de manière téméraire, par exemple, celui qui bloque une procédure en multipliant les recours abusifs (ATF 111 Ia 148 consid. 4) ou celui qui dépose un recours manifestement dénué de toute chance de succès dont s'abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi (ATF 120 III 107 consid. 4b).

En l'occurrence, les chances de succès de l'appel étaient ténues, sans pour autant qu'il puisse être retenu que la Cour aurait été saisie de manière abusive. Il n'y a ainsi pas lieu au prononcé d'une amende disciplinaire.

6. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de son appel (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 960 fr. (art. 26 RTFMC), compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Elle versera en outre aux intimés qui se sont déterminés en appel, solidairement, 1'000 fr. à titre de dépens (art. 84, 85, 88, 90 RTFMC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 3 avril 2023 par A______ SA contre l'ordonnance OTPI/183/2023 rendue le 15 mars 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21691/2022–16 SP.

Au fond :

Confirme cette ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 960 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de A______ SA.

Condamne A______ SA à verser à B______ SA, C______, D______ et E______, solidairement, 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.