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Décisions | Sommaires

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C/1185/2023

ACJC/1082/2023 du 25.08.2023 sur JTPI/4567/2023 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1185/2023 ACJC/1082/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 25 AOÛT 2023

 

Entre

A______ SA, sise c/o M. B______, ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 avril 2023, agissant en personne,

 

Et

Monsieur C______, domicilié ______ (VD), intimé, comparant par Me Olivier BASTIAN, avocat, Rue du Centre 2 bis, Case postale 192, 1025 St-Sulpice (VD), en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/4567/2023 du 24 avril 2023, expédié pour notification aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance a condamné A______ SA à remettre à C______ un exemplaire du rapport de gestion et du rapport de révision pour l'année 2021 dès notification du jugement (ch. 1), sous menace de la peine de l'art. 292 CP (dont le texte a été rappelé; ch. 2), a déclaré irrecevables les conclusions reconventionnelles de A______ SA (ch. 3), a arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., compensés avec l'avance fournie, les a mis à la charge de la précitée, condamnée à en rembourser C______ ainsi qu'à verser à celui-ci 1'000 fr. à titre de dépens (ch. 4 et 5), et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

Il a retenu qu'en tout état, C______ était actionnaire à raison de 10% de A______ SA, comme le stipulait le procès-verbal d'assemblée générale de la société du 2 décembre 2021, signé par le précité et par l'autre actionnaire et unique administrateur de la société; que l'actionnaire était dès lors fondé à obtenir les rapports de gestion et de révision sollicités.

B.            Par acte du 8 mai 2023, A______ SA a conclu à l'annulation de cette décision, cela fait au renvoi de la cause au Tribunal pour tenue d'une audience de comparution personnelle des parties et au déboutement de C______ des fins de ses conclusions, subsidiairement à l'annulation des chiffres 1, 2 et 4 à 6 du dispositif du jugement, cela fait au déboutement de C______ des fins de ses conclusions, plus subsidiairement à ce que des débats avec comparution personnelle des parties soient ordonnés, avant annulation des chiffres précités et déboutement de C______ des fins de ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a formé des allégués nouveaux et produit des titres nouveaux (antérieurs au dépôt de la requête).

C______ a conclu à la confirmation de la décision déférée.

Par avis du 29 juin 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a. C______ a exploité un laboratoire dentaire à D______ (VD), sous la forme d'une entreprise individuelle à l'enseigne "Laboratoire dentaire C______" jusqu'en ______ 2019. A cette date, les actifs et les passifs de l'entreprise individuelle ont été repris par E______ Sàrl, société à responsabilité limitée inscrite au Registre du commerce vaudois, dont l'associé gérant était C______. E______ Sàrl est entrée en liquidation en août 2022.

A______ SA, société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois en ______ 2019, a pour administrateur unique B______. Son capital de 100'000 fr. est libéré à concurrence de 50'000 fr. Selon l'art. 6 de ses statuts, les actions nominatives non entièrement libérées ne peuvent être transférées qu'avec le consentement de la société, à moins qu'elles ne soient acquises par voie de succession, partage successoral, de droit matrimonial ou d'exécution forcée; la société ne peut refuser son consentement que si la solvabilité de l'acheteur est douteuse et si la garantie exigée par la société n'est pas fournie

b. Le 28 avril 2021, C______ d'une part, A______ SA d'autre part ont conclu un contrat de cession des parts sociales de E______ Sàrl.

Le même jour, C______ d'une part, B______ (en sa qualité d'actionnaire à 100% du capital actions de A______ SA) d'autre part ont conclu un contrat intitulé "Vesting pour la vente des actions de A______ SA". Il était notamment convenu: "Le nouvel actionnaire [i. e C______] acquiert progressivement et sans contrepartie financière 30% […] des actions de la société A______ SA selon le calendrier ci-dessous: 10% à partir du 31 décembre 2020, 10% à partir du 31 décembre 2021, 10% à partir du 31 décembre 2022", et "Une assemblée générale des actionnaires sera convoquée à l'occasion de laquelle les décisions résultant du changement dans l'actionnariat seront prises".

c. Le 12 juillet 2021, B______ a adressé à C______ un mail récapitulant des discussions que ceux-ci avaient eues le même jour, soit notamment qu'ils discuteraient ultérieurement "au sujet de la récupération des 20% des actions de A______ selon le contrat signé le 14 avril 2021 (recte : 28 avril 2021)".

Le 16 septembre 2021, il a fait de même s'agissant d'une séance tenue la veille; il en résulte que les parties avaient arrêté un prix d'achat "des 10% des actions de la société A______" de 37'500 fr.

Le 20 octobre 2021, il a adressé un courriel à C______, lui indiquant notamment qu'il ne serait plus vendeur de 10% des actions de A______ SA, sauf paiement de 37'500 fr. avant le 15 novembre 2021.

d. Le 2 décembre 2021, B______, "président" et C______, "secrétaire", ont signé un document intitulé: "A______ SA. Procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 2 décembre 2021". Il énonce notamment: "Tous les actionnaires et administrateurs se sont réunis en assemblée générale ordinaire. L'assemblée est présidée par Monsieur B______. Monsieur C______ est désigné comme secrétaire de l'assemblée. Suite aux multiples échanges et discussions au sujet des actions de la société A______, les actionnaires ont convenu que le contrat de vente des actions du 28 avril 2021 […] est formellement annulé. Monsieur C______ conserve 10% des actions de la société A______. Monsieur B______ conserve 90% des actions de la société A______".

e. Par courrier de son conseil du 17 février 2022, C______ a déclaré invalider l'engagement pris le 2 décembre 2021 pour cause de vice du consentement. Il a dès lors requis le transfert, sous trente jours dès réception du courrier, de la tranche de 10% des actions qui devait lui revenir à compter du 31 décembre 2021.

f. Par lettre du 19 février 2022 adressée à "E______ Sàrl A l'att. de M. B______", C______ a notamment requis les comptes de A______ SA.

Le 30 septembre 2022, il a réitéré sa requête.

Par courrier du 10 octobre 2022, B______ a communiqué à C______: "A______ SA ne vous reconnaît pas le statut d'actionnaire […]. A______ SA n'a jamais donné son consentement et/ou son approbation au transfert des actions. Elle a refusé le transfert des actions conformément à ses statuts et aux dispositions légales".

Sur quoi, les parties ont échangé des correspondances, persistant dans leurs positions respectives.

g. Le 26 janvier 2023, C______ a saisi le Tribunal d'une requête par laquelle il a conclu à ce que A______ SA soit condamnée à lui transmettre un exemplaire du rapport de gestion et un exemplaire du rapport de révision, ainsi lui donner accès à ses livres et correspondance sous la menace de la peine de l'art. 292 CP, sous suite de frais et dépens.

Par ordonnance du 7 février 2023, le Tribunal a imparti un délai à A______ SA pour déposer une réponse écrite et des pièces nécessaires.

A______ SA a, entre autres conclusions irrecevables, conclu au rejet de la requête. Elle a notamment allégué que, le 2 décembre 2021, C______ avait conservé 10% des actions de la société, mais n'avait pas effectué le transfert de la somme convenue de 37'500 fr. pour l'acquisition de 10% des actions de la société, et avait ainsi implicitement renoncé à son droit de rachat et manqué l'opportunité de devenir actionnaire de sorte que le transfert des actions n'avait jamais eu lieu.

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

 

 

EN DROIT

1. Selon l'art. 308 CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (al. 1 let. a). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (al. 2).

Le droit de faire valoir devant le juge le droit aux renseignements et à la consultation de l'art. 697 al. 4 CO tend à protéger les intérêts patrimoniaux de l'actionnaire, de sorte qu'un différend à ce sujet est de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_364/2017 du 28 février 2018 consid. 1.1; 4A_36/2010 du 20 avril 2010, consid. 1.1). Le calcul de la valeur litigieuse de la requête en renseignements ou en consultation doit tenir compte de son caractère préparatoire (cf. ATF 123 III 261 consid. 4a); lorsqu'est contestée une décision de l'assemblée générale approuvant les comptes de la société, la valeur litigieuse peut être estimée par référence au poste litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_404/2011 du 7 novembre 2011 consid. 1.1).

En l'espèce, la requête ne comporte pas de mention de valeur litigieuse. Compte tenu de sa finalité, soit en amont d'une éventuelle action en annulation des décisions prises par l'assemblée générale, il sera retenu que la valeur litigieuse de la cause est supérieure à 10'000 fr. Dès lors, la voie de l'appel est ouverte.

L'appel a été interjeté auprès de l'autorité compétente dans le délai utile de dix jours (art. 250 let. c ch. 7 et 314 al. 1 CPC). Il sera admis qu'il est suffisamment motivé, de sorte qu'il est recevable..

1.2. L'action fondée sur l'art. 697 aCO, qui relève de la procédure sommaire (art. 250 let. c ch. 7 CPC), est soumise à la maxime des débats (art. 255 let. b CPC a contrario) et au principe de disposition (art. 58 CPC).

Le degré de preuve n'est pas limité à la vraisemblance (ATF 132 III 71 consid. 2) et les moyens de preuve ne sont pas limités aux titres (art. 254 al. 2 let. b CPC; cf. ATF 144 III 100 consid. 6; 120 II 352 consid. 2b).

2. L'appelante a formulé des allégués nouveaux et produit des pièces nouvelles.

2.1. L'art. 317 al. 1 CPC prévoit que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (arrêt 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.1). S'agissant des vrais nova, la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudo nova, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2. L'appelante n'a pas exposé les raisons qui l'auraient empêchée de formuler ses allégués de fait ou de déposer ses titres nouveaux, datant d'avant le début de la présente procédure, au Tribunal. Ceux-ci sont dès lors irrecevables.

3. L'appelante se plaint de ce que le Tribunal aurait violé l'art. 256 CPC en ordonnant une procédure écrite. Elle se prévaut d'un droit à la tenue d'une audience publique garanti par les art. 6 CEDH et 30 al. 3 Cst.

3.1. L'art. 256 al. 1 CPC prévoit que le tribunal peut renoncer aux débats et statuer sur pièces à moins que la loi n'en dispose autrement.

Le caractère écrit ou oral de la procédure est laissé à la libre appréciation du tribunal, ce qui permet de tenir compte du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2014 du 19 août 2014 consid. 4.1).

3.2. En l'occurrence, le Tribunal a requis une réponse écrite. L'appelante, certes agissant en personne, a déposé un acte rédigé sur sept pages, comportant une réfutation des allégués de l'intimé ainsi qu'un propre état de fait assorti d'appréciations, de même que des conclusions. Elle a produit des pièces. Elle s'est encore déterminée par écrit sur la réplique de l'intimé.

Elle a ainsi pu s'exprimer à satisfaction de droit, dans le respect des règles de procédure applicables. Elle n'expose au demeurant pas les arguments qu'elle aurait été dans l'impossibilité d'exprimer par écrit dans ses actes destinés au Tribunal, ni ne prétend qu'elle aurait sollicité de cette autorité la tenue d'une audience.

Le grief est ainsi sans fondement.

Pour les mêmes motifs, il ne sera pas fait droit à la conclusion tendant à ce que la Cour ordonne des débats, l'appelante n'exposant au demeurant pas non plus les moyens de droit nouveaux qu'elle n'aurait pas pu développer dans son acte d'appel.

4. L'appelante fait encore grief au Tribunal d'avoir d'une part retenu que l'intimé avait la qualité d'actionnaire, d'autre part d'avoir violé l'art. 685 CO.

4.1. Cette dernière disposition prévoit que les actions nominatives qui ne sont pas intégralement libérées ne peuvent être transférées qu’avec l’approbation de la société, sauf s’il s’agit d’actions acquises par succession, partage successoral, en vertu du régime matrimonial ou dans une procédure d’exécution forcée (al. 1). La société ne peut refuser son approbation que si la solvabilité de l’acquéreur est douteuse et que les sûretés exigées par la société n’ont pas été fournies (al. 2).

C'est en principe le conseil d'administration qui est compétent pour se prononcer sur l'agrément d'un acquéreur d'actions nominatives non intégralement libérées, à moins que cette compétence n'ait été transférée statutairement à l'assemblée générale (art. 716 al. 1 CO).

4.2. En l'espèce, l'appelante, sous couvert d'une mauvaise application de l'art. 685 al. 1 CO, se limite à répéter sa propre version des faits, selon laquelle elle aurait, légitimement, refusé l'approbation du transfert des actions visé dans le contrat d'avril 2021.

A bien comprendre son argumentation pour le surplus, elle conteste la qualité d'actionnaire de l'intimé, faute pour ce dernier d'avoir versé le montant convenu par les parties, postérieurement audit contrat mais antérieurement au 2 décembre 2021, pour 10% des actions.

Ce faisant, elle ne s'aventure pas à expliquer pour quelle raison, à cette dernière date, le document portant procès-verbal de la société spécifie clairement que l'intimé a conservé 10% des actions; cette spécification correspond au demeurant à son allégué de première instance. Elle tente uniquement d'alléguer qu'elle ne serait pas liée par ce document, qui ne serait pas un procès-verbal de son assemblée générale, mais un accord entre B______ agissant en personne et l'intimé. Cet allégué est nouveau en appel, partant irrecevable, et en tout état l'argument qui en est tiré serait sans portée, au vu du texte clair du document.

Partant, le premier juge a retenu à raison que le procès-verbal du 2 décembre 2021 valait approbation du transfert de 10% du capital-actions à l'intimé, qui avait ainsi la qualité d'actionnaire de la société.

Pour le surplus, l'appelante ne remet pas en cause le raisonnement du Tribunal, qui a fait droit aux conclusions de l'intimé.

Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué sera confirmé.

5. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de son appel (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'000 fr. (art. 26 RTFMC), compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Elle versera en outre à l'intimé 800 fr. (art. 84, 85, 88, 90 RTFMC) à titre de dépens.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 8 mai 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/4567/2023 rendu le 24 avril 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1185/2023-5 SFC.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 1'000 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de A______ SA.

Condamne A______ SA à verser à C______ 800 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.