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Décisions | Sommaires

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C/158/2023

ACJC/942/2023 du 30.06.2023 sur JTPI/2366/2023 ( SFC ) , CONFIRME

Normes : LP.174
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/158/2023 ACJC/942/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 30 JUIN 2023

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 février 2023, comparant par Me Patricia MICHELLOD, avocate, rue Nicole 3, Case postale 1075, 1260 Nyon 1, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______, sis ______ [VS], intimé, comparant en personne.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2366/2023 du 16 février 2023, reçu par A______ SA le 24 février 2023, le Tribunal de première instance, statuant sur requête de B______, a prononcé la faillite de A______ SA (ch. 1 du dispositif) et l'a condamnée à verser à sa partie adverse 150 fr. à titre de frais judiciaires (ch. 2 et 3).

B. a. Le 6 mars 2023, A______ SA a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et rejette la requête de faillite.

Elle a établi avoir payé la dette poursuivie, intérêts et frais compris, et a fait valoir qu'elle était solvable.

Elle a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

b. Par décision du 14 mars 2023, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.

c. Le B______ ne s'est pas déterminé sur le recours dans le délai imparti pour ce faire par la Cour.

d. Les parties ont été informées le 30 mai 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. La situation financière de A______ SA est la suivante:

a. A______ SA, inscrite au Registre du commerce depuis le ______ 2012, a comme but social l'acquisition, l'administration, la gestion, le courtage et la réalisation de participations à toutes entreprises, le financement de ces opérations ainsi que toutes activités de conseil.

Son capital social est de 100'000 fr. et son administrateur et actionnaire unique est C______.

b. A teneur de son extrait des poursuites au 10 mars 2023, A______ SA fait l'objet, en plus de la poursuite en cause dans la présente procédure, de dix poursuites en cours, introduites entre avril 2022 et février 2023, pour un montant total de 35'261 fr.

Deux de ces poursuites sont au stade de la commination de faillite. La plupart de ces poursuites émanent de créanciers de droit public (Confédération suisse, Caisse de compensation, Ville de Genève, Etat de Genève).

A ces poursuites s'ajoutent 47 actes de défaut de biens pour un total non éteint de 463'511 fr. 54 délivrés depuis avril 2021

c. A______ SA a produit des états financiers non audités et non accompagnés de pièces justificatives pour 2021 et 2020.

Ces documents sont rédigés de manière peu claire et leur lecture est difficile. Il résulte cependant de ceux-ci, et des explications fournies par la débitrice, que, en 2021, celle-ci avait des dettes pour un montant de 341'380 fr. environ, lequel n'était pas couvert par les actifs de la société, composés en grande partie de créances à l'encontre de C______ et de tiers.

Selon les document fournis, en 2020, la société a réalisé un bénéfice d'exploitation de 27'429 fr. 18. En 2021, son déficit a été de 218'102 fr. 56.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).

En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par la recourante sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours ou dans le délai qui lui a été imparti par la Cour et servent à établir que la dette a été payée ainsi que sa solvabilité.

2. 2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1; 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25).

Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 précité, ibidem; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).

2.2 En l'espèce, la recourante a payé la dette pour laquelle elle était poursuivie par l'intimé, de sorte que la première condition pour annuler le jugement de faillite est remplie.

Reste à examiner si elle a rendu vraisemblable qu'elle est solvable.

A cet égard, la recourante fait valoir que son actionnaire, C______, lui doit 370'000 fr. et que ce montant suffit à couvrir ses dettes de 341'380 fr. Il entendait s'acquitter de ce montant avec les contributions versées par son épouse pour l'entretien de leurs deux enfants et par le produit de la vente du bien immobilier dont il est propriétaire avec celle-ci. Cette vente, dont elle ignorait la date de réalisation, devait rapporter environ 350'000 fr. à son actionnaire unique. Elle n'avait plus d'employé depuis 2023. Elle avait entamé des négociations avec ses créanciers. Elle avait conclu au printemps 2023 des contrats qui devaient lui rapporter des revenus de 264'000 euros par an. Elle finalisait des opérations immobilières avec un bénéfice prévu de 300'300 euros et C______ avait obtenu un prêt en 123'500 fr. de la part d'un tiers, lequel serait utilisé à rembourser les dettes de la société.

Il ressort des documents produits que la recourante a nombreuses dettes pour un montant important. Les dix poursuites pendantes à son encontre totalisent à elles seules 35'261 fr., étant précisé que deux d'entre elles sont au stade de la commination de faillite, ce qui constitue un indice d'insolvabilité.

Les difficultés financières de la recourante ne sont pas récentes, mais datent au contraire de plusieurs années, comme l'atteste le fait que 47 actes de défaut de biens ont été délivrés à son encontre depuis 2021, pour un montant total de 463'511 fr. 54.

Les documents comptables produits par la recourante ne permettent pas de rendre vraisemblable sa solvabilité. Ils ont peu de force probante, car ils ne sont ni audités, ni signés, ni étayés par des pièces justificatives. Ils ne concernent de plus pas la situation actuelle de la recourante puisqu'ils sont datés de 2021. En tout état de cause, leur lecture confirme que la situation de celle-ci est gravement obérée, puisqu'elle est surendettée et fait des pertes d'exploitation depuis 2021.

Aucun document fourni ne permet par ailleurs de considérer que l'actionnaire de la recourante sera en mesure de rembourser à court terme ses dettes envers celle-ci. Les contributions dues par l'épouse de celui-ci sont destinées à l'entretien des enfants et non au remboursement de sa dette envers la recourante. Les allégations de celle-ci selon lesquelles, d'une part, C______ touchera prochainement un montant en lien avec la vente de la maison qu'il détient avec son épouse et, d'autre part, qu'il consacrera ce montant à rembourser ses dettes envers sa société ne sont quant à elles attestées par aucun élément concret.

Les pièces produites par la recourante à l'appui de ses allégations relatives à des rentrées imminentes de fonds ne sont pas non plus probantes. L'un des contrats dont elle se prévaut est conclu avec une société française D______, dont C______ est le gérant, et dont on ignore si elle est solvable. Les documents relatifs à la vente d'un bien immobilier entre deux clients de la recourante ne sont pas non plus convaincants. En particulier, l'on ne sait pas si la vente projetée aura effectivement lieu. Même si celle-ci se réalisait, le montant prévu de 50'300 euros est largement insuffisant pour rembourser les dettes de la recourante. Il en va de même du montant que la recourante espère recevoir en application du contrat conclu avec un dénommé E______, domicilié aux Etats-Unis. En tout état de cause, aucune pièce n'atteste du versement effectif des sommes prévues contractuellement.

Le fait que la recourante a licencié tous ses employés n'atteste pas non plus de la santé de sa situation financière et de sa capacité à réaliser des revenus suffisants pour couvrir ses charges et rembourser ses dettes. Les récents échanges de courriels en lien avec de prétendus arrangement de paiement avec l'Office cantonal des assurances sociales et l'intimé ne confirment pas non plus la conclusion de plans de remboursement concrets et réalisables de ses dettes envers ces institutions.

Il ressort de ce qui précède que la recourante manque de liquidités depuis plusieurs années et accumule les dettes et que rien ne permet de retenir que cette situation est susceptible d'évoluer favorablement à court terme.

La recourante n'a dès lors pas rendu sa solvabilité vraisemblable. Une des conditions posées par l'art. 174 al. 2 LP fait ainsi défaut.

Le recours doit par conséquent être rejeté et la faillite confirmée.

3. Lorsque l'effet suspensif octroyé par l'autorité de recours porte également sur la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite, et non seulement sur le caractère exécutoire du jugement de faillite, et que l'autorité rejette en fin de compte le recours contre la faillite, le moment de l'ouverture de la faillite est différé à la date du prononcé de l'arrêt de seconde instance. L'autorité doit par conséquent fixer à nouveau ce moment (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).

La faillite de la recourante sera dès lors confirmée, avec effet à la date du prononcé du présent arrêt.

4. La recourante, qui succombe, supportera les frais de son recours, arrêtés à 220 fr., couverts par l'avance de frais déjà opérée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 61 al. 1 OELP, art. 105 al. 1 et 111 al. 1 CPC).

L'intimé n'ayant pas répondu au recours, il ne se justifie pas de lui allouer des dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 6 mars 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/2366/2023 rendu le 16 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/158/2023-5 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ SA prenant effet le 30 juin 2023 à 12 heures.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 220 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente (art. 74 al. 2 let. d LTF).