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Décisions | Sommaires

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C/683/2023

ACJC/909/2023 du 03.07.2023 sur JTPI/2812/2023 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/683/2023 ACJC/909/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 3 JUILLET 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], recourant contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 mars 2023, comparant en personne,

et

B______ SA, sise ______[VD], intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2812/2023 du 2 mars 2023, reçu par A______ le 13 mars 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur requête de B______ SA, a prononcé la faillite du précité (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires - arrêtés à 150 fr. et compensés avec l'avance versée par la requérante - à la charge de A______ et condamné celui-ci à rembourser ce montant à B______ SA (ch. 2 et 3).

B. a. Le 23 mars 2023, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et rejette la requête de faillite.

Il a établi avoir payé la dette poursuivie, intérêts et frais compris, et a fait valoir qu'il était solvable.

b. Par décision du 14 avril 2023, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.

c. Par ordonnance du même jour, la Cour a imparti à A______ un délai de dix jours pour déposer les pièces justifiant de sa solvabilité (comptes de l'année courante et des deux exercices précédents, contrats en cours, etc.) et se prononcer sur la liste des actes de défaut de biens et des poursuites en cours jointe à l'ordonnance.

d. Aucune pièce n'ayant été produite dans le délai fixé, la Cour, par ordonnance du 8 mai 2023, a imparti un ultime délai de dix jours à A______ pour déposer les pièces justifiant de sa solvabilité et se prononcer sur la liste des actes de défaut de biens et des poursuites en cours.

e. Le 23 mai 2023, A______ a produit ses comptes de pertes et profits pour les exercices 2021 et 2022, ainsi qu'un très bref extrait ("page de synthèse de téléversement") de ses déclarations fiscales 2021 et 2022.

f. Par courrier du 8 juin 2023, B______ SA a précisé qu'elle n'avait pas d'observations à formuler au sujet du recours.

g. La cause a été gardée à juger le 12 juin 2023, ce dont les parties ont été avisées le même jour.

C. Les faits suivants résultent de la procédure :

a. A______ est inscrit au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2020 comme titulaire de l'entreprise individuelle "A______ - C______", qui a comme but social ______ .

b. Le 1er septembre 2022, sur réquisition de B______ SA, l'Office des poursuites a notifié à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur les somme de 1'218 fr. 45 avec intérêts à 5% dès le 17 mai 2022 (factures de primes LAMal pour les mois de janvier à mars 2022), 17 fr. 50 (intérêts jusqu'au 16 mai 2022) et 40 fr. (frais administratifs).

Ce commandement de payer est demeuré libre d'opposition.

c. Le 18 octobre 2022, B______ SA a fait notifier à A______ une commination de faillite.

d. Par requête formée devant le Tribunal le 18 janvier 2023, B______ SA a requis la mise en faillite de A______.

e. Aucune des parties n'a comparu à l'audience du Tribunal du 2 mars 2023.

f. Il résulte encore du dossier les faits suivants :

f.a A teneur de son extrait des poursuites au 5 avril 2023, A______ fait l'objet - sans compter la poursuite n° 1______ - de douze poursuites en cours, introduites entre septembre 2021 et février 2023, pour un montant total de plus de 16'000 fr. Deux de ces poursuites, portant respectivement sur des créances de 2'543 fr. 22 et 2'013 fr. 80, se trouvent au stade de la commination de faillite. Trois poursuites sont en voie de continuation, pour des contraventions totalisant 320 fr., et cinq poursuites sont au stade de l'ouverture, pour un montant total de 8'425 fr. 25, l'une d'elles ayant été initiée par l'administration fiscale cantonale.

Entre 2020 et 2022, une vingtaine d'autres poursuites - dont plusieurs relatives à des primes d'assurance ou à des contraventions pour de faibles montants - ont été initiées pour un total d'environ 7'400 fr. Elles ont été acquittées soit en mains de l'Office soit en mains du créancier.

f.b Devant la Cour, A______ a produit des états financiers non audités et non accompagnés de pièces justificatives.

Selon le compte de pertes et profits de l'entreprise individuelle au 31 décembre 2021, le chiffre d'affaires ("total des produits") de l'exercice s'est élevé à 89'994 fr., les charges à 61'058 fr. 90 fr. (18'355 fr. ["charges de matière"] + 42'703 fr. 90 [frais généraux]) et le bénéfice à 28'935 fr. 10.

Selon le compte de pertes et profits 2022, le chiffre d'affaires du dernier exercice s'est élevé à 86'290 fr., les charges à 51'109 fr. 92 (5'343 fr. 37 + 45'766 fr. 55) et le bénéfice net à 35'180 fr. 08.

Aucun bilan n'a été produit.

f.c A______ a déjà fait l'objet de deux faillites, prononcées respectivement le 14 juin 2021 et le 24 novembre 2022. Suite aux recours formés par le précité, ces faillites ont été annulées par arrêts de la Cour des 5 juillet 2021 et 15 décembre 2022.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).

En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par le recourant sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours ou dans le délai qui lui a été imparti par la Cour et servent à établir que la dette a été payée ainsi que sa solvabilité.

2. 2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1; 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25).

Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 précité, ibidem; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).

2.2 En l'espèce, le recourant a payé la dette pour laquelle il était poursuivi par l'intimée, de sorte que la première condition pour annuler le jugement de faillite est remplie.

Reste à examiner s'il a rendu vraisemblable qu'il était solvable.

A cet égard, il convient de relever tout d'abord que les documents comptables produits par le recourant ne permettent pas de rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces documents sont en effet dénués de valeur probante, dans la mesure où ils ne sont ni audités, ni signés, ni accompagnés de pièces justificatives. Ils sont de surcroît incomplets, le recourant s'étant abstenu de produire les bilans de l'entreprise. Il n'a dès lors produit aucun titre permettant de considérer qu'il disposerait de liquidités objectivement suffisantes pour payer ses dettes exigibles. S'il ressort des comptes de pertes et profits versés au dossier que le bénéfice de l'entreprise a augmenté en 2022, cela n'a manifestement pas suffi pour permettre au recourant de faire face à ses échéances de paiement, puisqu'il a continué à accumuler des poursuites en 2022 et 2023. Au surplus, le recourant n'a fourni aucune explication s'agissant de la situation actuelle de l'entreprise. Il n'a pas allégué avoir réglé des poursuites durant la présente procédure de recours, pas plus qu'il n'a établi de plan de désendettement.

En tout état de cause, il ressort de l'extrait du registre des poursuites versé à la procédure que le recourant fait l'objet de poursuites exécutoires à son encontre, soit deux comminations de faillite et trois poursuites en voie de continuation; certaines de ces poursuites portent sur de faibles montants. A cela s'ajoutent six nouvelles poursuites récemment introduites pour une somme totale de 8'425 fr. 25. La situation du recourant est ainsi obérée et il n'est pas rendu vraisemblable qu'il s'agirait de difficultés passagères, étant souligné que la faillite du recourant a déjà été prononcée à deux reprises, en juin 2021 et novembre 2022.

Il résulte de ce qui précède que le recourant manque de liquidités depuis plusieurs années et rien ne permet de retenir que cette situation serait susceptible d'évoluer favorablement à court terme.

Le recourant ayant échoué à rendre sa solvabilité vraisemblable, une des conditions posées par l'art. 174 al. 2 LP fait donc défaut.

Le recours doit par conséquent être rejeté et la faillite confirmée.

Compte tenu de l'effet suspensif accordé, la faillite prendra effet à la date du prononcé du présent arrêt (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).

3. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de son recours, arrêtés à 220 fr., couverts par l'avance de frais déjà opérée qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 61 al. 1 OELP, art. 105 al. 1 et 111 al. 1 CPC).

L'intimée ayant renoncé à se déterminer sur le recours, il ne se justifie pas de lui allouer des dépens de recours (art. 95 al. 3 let. b CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 23 mars 2023 par A______ contre le jugement JTPI/2812/2023 rendu le 2 mars 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/683/2023-5 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ prenant effet le 3 juillet 2023 à 12 heures.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 220 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente (art. 74 al. 2 let. d LTF).