Décisions | Sommaires
ACJC/893/2023 du 27.06.2023 sur JTPI/4076/2023 ( SML ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/16798/2022 ACJC/893/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 27 JUIN 2023 |
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 7ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 mars 2023, comparant par Me Daniel ZAPPELLI, avocat, Vafadar Sivilotti Zappelli, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,
et
B______ SA, sise ______ (VD), intimée, comparant en personne.
A. Par jugement JTPI/4076/2023 du 30 mars 2023, reçu par les parties le 11 avril 2023, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 3'635 fr. 30 TTC avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er juin 2017 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 300 fr. (ch. 2), compensés avec l'avance fournie par B______ SA (ch. 3) et mis à la charge de chacune des parties par moitié (ch. 4), condamné A______ SA à verser 150 fr. à B______ SA (ch. 5), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).
B. a. Par acte du 21 avril 2023, A______ SA forme recours à la Cour de justice contre le jugement précité, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition précitée à concurrence de 427 fr. 68 TTC avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 novembre 2016 et à la condamnation de sa partie adverse en tous les frais judiciaires et dépens.
b. Dans sa réponse du 10 mai 2023, B______ SA conclut au rejet du recours.
Elle allègue nouvellement que C______ SA (qui lui avait cédé la créance déduite en poursuite) avait résilié de manière anticipée le contrat la liant à A______ SA, à la suite d'une vaine mise en demeure envoyée le 6 décembre 2016. Celle-ci n'avait pas pu être produite, aucune copie n'étant disponible.
c. Dans sa réplique du 15 mai 2023, A______ SA soulève l'irrecevabilité des allégations nouvelles précitées, qu'elle conteste à titre subsidiaire. Elle persiste dans ses conclusions.
d. Les parties ont été informées le 1er juin 2023 de ce que la cause était gardée à juger, B______ SA n'ayant pas fait usage de son droit de dupliquer.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis au Tribunal.
a. Le 11 avril 2014, D______ SARL, reprise par fusion en mai 2022 par C______ SA, d'une part, et A______ SA en tant que cliente, d'autre part, ont conclu un "Contrat de mise à disposition de matériel et/ou d'abonnement de télésurveillance et/ou maintenance" (ci-après: le contrat) pour une durée de 48 mois moyennant des mensualités de 213 fr. 84 TTC, payables par mois et d'avance, la première mensualité étant due lors de la signature du procès-verbal de réception du matériel.
L'art. 11 du contrat disposait notamment qu'en cas de retard de paiement des mensualités, D______ SARL se réservait le droit, après une vaine mise en demeure par courrier, de résilier le contrat de manière anticipée, ce qui entraînerait le paiement par le client d'une indemnité conventionnelle correspondant aux loyers restant dus à la date du premier impayé, qui deviendraient immédiatement exigibles dans leur totalité.
b. Le procès-verbal de réception du matériel a été signé par A______ SA le 17 avril 2014, de sorte qu'il est admis que les 48 mensualités devaient être versées d'avril 2014 à mars 2018.
A______ SA les a payées d'avril 2014 à avril 2015 (13 mensualités).
c. Le 16 décembre 2016, D______ SARL a adressé à A______ SA une facture 2______ de 7'549 fr. 20, TVA à 8 % (559 fr. 20) incluse, comprenant 7'484 fr. 40 TTC correspondant à 35 mensualités relatives aux mois de mai 2015 à mars 2018 (213 fr. 84 x 35) dus à titre de "SOLDE FINAL CONTRAT", ainsi que 64 fr. 80 à titre de "FRAIS ADMINISTRATIFS".
Il est admis devant la Cour que la mention "SOLDE FINAL CONTRAT" signifiait que le contrat avait été résilié de manière anticipée par D______ SARL.
d. Le 17 mars 2017, la créance résultant de la facture précitée a été cédée à B______ SA.
e. Sur réquisition de cette dernière, l'Office des poursuites de Genève a notifié le 15 octobre 2021 à A______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 7'549 fr. 20 plus intérêts à 5 % dès le 16 décembre 2016 à titre de "créance(s) cédée(s) par C______ SA, rue 3______ no. ______ à [code postal] E______ GE / Facture n° 2______ du 16.12.2016" (poste 1), 625 fr. 75 à titre de "frais art. 103/106 CO" (poste 2) et 40 fr. à titre de "taxe réquisition + rch adresse/solvabilité" (poste 3).
La poursuivie y a formé opposition.
f. Par acte du 25 août 2022, B______ SA a requis du Tribunal, avec suite de frais judiciaires et dépens, le prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition précitée à concurrence de 7'549 fr. 20 avec intérêts à 5 % l'an dès le 16 décembre 2016.
Elle a fait valoir que sa partie adverse, alors qu'elle s'était engagée à verser 48 mensualités, n'en avait payées que 13, puisqu'elle avait cessé tout paiement en avril 2015, alors que le contrat courait jusqu'en avril 2018, de sorte que 35 mensualités demeuraient impayées.
g. Lors de l'audience du Tribunal du 16 janvier 2023, B______ SA n'était ni présente ni représentée.
A______ SA a reconnu devoir deux mensualités, soit celles de novembre et décembre 2016, de sorte que la mainlevée provisoire pouvait être prononcée à concurrence de 427 fr. 68, avec suite de frais judiciaires et dépens. Les autres mensualités étaient prescrites, respectivement n'étaient pas exigibles. Il n'y avait pas de titre de mainlevée pour les postes 2 et 3 du commandement de payer.
Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.
h. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que le contrat valait reconnaissance de dette s'agissant du paiement des mensualités restant dues, soit celles de mai 2015 à mars 2018. Ces redevances étaient exigibles lors de la notification du commandement de payer. Il n'était en revanche pas établi que les redevances étaient devenues exigibles avant leur échéance par mois et d'avance, soit lors de l'établissement de la facture du 16 décembre 2016, les allégués des parties et les pièces produites ne permettant pas de retenir que le contrat avait été valablement dénoncé. Il fallait ainsi considérer que seules les redevances périodiques de mai 2015 à octobre 2016 était prescrites lorsque B______ SA avait intenté la poursuite, étant précisé qu'il fallait retenir la date de l'établissement du commandement de payer du 12 octobre 2021, la date du dépôt de la réquisition de poursuite n'ayant pas été alléguée. En définitive, la poursuivie restait devoir les mensualités de novembre 2016 à mars 2018 soit 3'635 fr. TTC.
Compte tenu de l'issue de la procédure, les frais judiciaires, arrêtés à 300 fr. devaient être répartis à raison de la moitié à charge de chacune des parties. Pour les mêmes motifs, il n'y avait pas lieu d'allouer des dépens.
1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).
La décision - rendue par voie de procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) - doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification (art. 321 al. 2 CPC), par un recours écrit et motivé (art. 130 et 131 CPC), adressé à la Cour de justice.
Interjeté dans le délai et la forme prévus par la loi, le recours est en l'espèce recevable.
1.2 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant que les griefs formulés et motivés par le recourant (art. 320 CPC; HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd. 2010, n. 2307).
Le recours étant instruit en procédure sommaire, la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC). Le principe de disposition est applicable (art. 58 al. 1 CPC).
2. Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).
Ainsi, l'allégation nouvelle de l'intimée, selon laquelle une mise en demeure aurait été envoyée à la recourante le 6 décembre 2016, avant la résiliation anticipée du contrat, n'est pas recevable. En toute hypothèse, cette allégation n'est pas établie par pièce, l'intimée alléguant qu'elle n'était pas en mesure de produire le courrier de mise en demeure.
3. Le jugement attaqué n'est pas critiqué en tant qu'il admet que les 18 mensualités relatives aux mois de mai 2015 à octobre 2016 (sur les 33 litigieuses) étaient prescrites.
La recourante fait grief au Tribunal d'avoir retenu qu'il n'était pas établi que l'intimée avait résilié le contrat de manière anticipée et avait cessé de fournir ces prestations à compter de la résiliation intervenue en décembre 2016. Elle fait valoir que l'exigibilité des 15 mensualités qui n'étaient pas échues en décembre 2016, soit celles de janvier 2017 à mars 2018, devrait être examinée au regard des conditions d'exigibilité de la peine conventionnelle de l'art. 11 du contrat, qui exigeait une "vaine mise en demeure par courrier".
L'intimée soutient que, dans la mesure où il y a eu vaine mise en demeure et résiliation anticipée du contrat, il n'était pas nécessaire de prouver que les prestations avaient été exécutées au-delà de novembre 2016, puisqu'elles n'avaient de toute façon pas à l'être.
3.1 Aux termes de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).
Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1).
3.1.1 Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité. Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement, c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1017/2017 du 12 septembre 2018 consid. 4.1.1).
Le contrat de leasing vaut titre à la mainlevée pour le paiement des mensualités si leur montant était déterminable au moment de la signature (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2ème éd. 2022, n. 173 ad art. 82 LP).
Un contrat écrit fixant une peine conventionnelle constitue, avec la preuve de l'inexécution de la prestation promise, une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 208 ad art. 82 LP).
3.1.2 Pour justifier la mainlevée de l'opposition, la créance doit être exigible au plus tard au moment de l'introduction de la poursuite, c’est-à-dire lors de la notification du commandement de payer (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 95 ad art. 82 LP).
Lorsque l'exigibilité est soumise à l'exercice d'un droit (formateur) d'avertissement ou de dénonciation, le créancier doit établir l'exigibilité en produisant une copie de la dénonciation envoyée. La preuve que la résiliation a bien été reçue par le débiteur ne doit en revanche être apportée que si celui-ci conteste la réception (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 99 ad art. 82 LP).
3.2 En l'espèce, la facture du 16 décembre 2016 - seule indiquée sur le commandement de payer comme titre de la créance, à l'exclusion du contrat du 11 avril 2014 - mentionne que les 35 mensualités facturées (de mai 2015 à mars 2018) sont dues à titre de "SOLDE FINAL CONTRAT". Dans la mesure où lors de l'établissement de la facture les 15 mensualités litigieuses (de janvier 2017 à mars 2018) n'étaient pas exigibles, cette dernière mention ne pouvait que signifier que le contrat avait été résilié de manière anticipée et que la créancière réclamait ces mensualités à titre de peine conventionnelle. Ce qui précède est d'ailleurs expressément admis par l'intimée devant la Cour.
Il incombait ainsi à la recourante d'établir l'exigibilité de la créance en produisant une copie de la lettre de mise en demeure prévue à l'art. 11 du contrat, ce qu'elle n'a pas fait. Elle n'a d'ailleurs même pas allégué dans sa requête du 25 août 2022 que la cocontractante de la recourante avait notifié à celle-ci une mise en demeure écrite avant de dénoncer le contrat de manière anticipée.
Au vu de ce qui précède, c'est à tort que le Tribunal a prononcé la mainlevée provisoire à concurrence de 3'635 fr. 30 TTC (mensualités de novembre 2016 à mars 2018; 17 x 213 fr. 84).
Le recours sera donc admis. Le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera annulé et, dans la mesure où la cause est en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), la mainlevée provisoire sera prononcée à concurrence du montant admis par la recourante, soit 427 fr. 70 (mensualités de novembre et décembre 2016, exigibles respectivement les 1er novembre et 1er décembre 2016 ; 2 x 213 fr. 84). L'intérêt moratoire à 5 % sera alloué à compter du 15 novembre 2016, date moyenne.
4. 4.1 Il y a lieu de statuer à nouveau sur les frais de première instance, selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 et 318 al. 3 par analogie CPC).
Les frais judiciaires de première instance, arrêtés par le premier juge à juste titre à 300 fr. (art. 48 OELP), seront répartis à raison de 280 fr. à charge de l'intimée et de 20 fr. à charge de la recourante. Ils seront compensés avec l'avance de 300 fr. fournie, qui demeure acquise à l'Etat de Genève et la recourante versera 20 fr. à l'intimée (art. 111 al. 1 et 2 CPC).
L'intimée versera à la recourante 380 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens réduits (art. 85 et 89 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).
4.2 Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 450 fr. (art. 48 et 61 OELP), compensés avec l'avance fournie par la recourante, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), et mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). L'intimée versera 450 fr. à la recourante (art. 11 al. 2 CPC).
Elle lui versera également, à titre de dépens de recours, 400 fr., débours et TVA compris (art. 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 21 avril 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/4076/2023 rendu le 30 mars 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16798/2022-7 SML.
Au fond :
Annule le jugement attaqué et, statuant à nouveau :
Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 427 fr. 70 avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 15 novembre 2016.
Arrête les frais judiciaires de première instance à 300 fr., les met à charge de B______ SA à concurrence de 280 fr. et à charge de A______ SA à concurrence de 20 fr. et les compense avec l'avance effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ SA à verser à B______ SA 20 fr. à titre de restitution partielle de l'avance de frais.
Condamne B______ SA à verser à A______ SA 380 fr. à titre de dépens de première instance.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de recours à 450 fr., les met à charge de B______ SA et les compense avec l'avance effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.
Condamne B______ SA à verser à A______ SA 450 fr. à titre de restitution de l'avance de frais et 400 fr. à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Laura SESSA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.