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Décisions | Sommaires

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C/21362/2022

ACJC/659/2023 du 12.05.2023 sur JTPI/1800/2023 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21362/2022 ACJC/659/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 12 MAI 2023

 

Entre

CAISSE AVS A______, sise ______ [VD], recourante contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 février 2023, comparant en personne,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/1800/2023 du 6 février 2023, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), a débouté CAISSE AVS A______ de ses conclusions en mainlevée définitive (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., mis à la charge de celle-ci et les a compensés avec l'avance fournie (ch. 2 et 3).

Le Tribunal a retenu que CAISSE AVS A______ n'avait pas produit de titre de mainlevée définitive, en particulier les décisions de taxation.

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 17 février 2023, CAISSE AVS A______ (ci-après: A______ ou la recourante) forme recours contre ce jugement, reçu le 14 février 2023, concluant à son annulation et au prononcé de la mainlevée définitive.

Elle produit une situation de compte du 24 octobre 2022 actualisée car comportant nouvellement les frais de mainlevée du 4 novembre 2022.

b. Invité à se déterminer sur le recours par pli recommandé du 6 mars 2023 du greffe de la Cour, B______ n'a pas répondu.

c. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 30 mars 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis au Tribunal.

a. Le 12 juin 2008, B______ a signé un bulletin d'adhésion (pour personne de condition indépendante) à la A______, à la Caisse AVS de la A______ et à la Caisse C______, dont il ressort qu'il était inscrit au Registre du commerce, sous la raison sociale D______ (entreprise individuelle), de siège dans le canton de Vaud, et était seul employé.

b. Le 6 avril 2022, A______ a adressé à B______ une facture de cotisations personnelles, pour un montant de 2’869 fr. 65. Il y était indiqué au verso, sous la rubrique "Moyens de droit" : "Vous avez la possibilité de former opposition contre la présente décision auprès de la Caisse dans un délai de 30 jours à compter de sa notification. L'opposition écrite doit être motivée et contenir des conclusions.".

c. Un rappel, pour le montant de 2’869 fr. 65, augmenté d'une taxe de sommation de 50 fr., a été envoyé à B______ le 7 juillet 2022 par A______. Il était précisé : "Le rappel vaut décision de sommation au sens de l'art. 34a RAVS. Vous avez la possibilité de former opposition contre le prélèvement de la taxe de sommation auprès de la Caisse dans un délai de 30 jours à compter de sa notification. L'opposition écrite doit être motivée et contenir des conclusions".

d. Le 19 octobre 2022, un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 2’824 fr. 20 plus intérêts à 5% dès le 16 août 2022 (poste 1), due à titre de "Facture de cotisations personnelles 2020 ( ) du 6 avril 2022 ( ) selon la décision du 5 août 2022", ainsi que sur les montants de 88 fr. 25 (intérêts de retard arrêtés au 15 août 2022, poste 2), 50 fr. (produit des frais de sommation, amendes et frais de taxation d'office, poste 3) et 7 fr. 80 (cotisation fédérative A______, poste 4) a été notifié à B______ à la requête de A______.

Opposition y a été formée.

e. Le 24 octobre 2022, A______ a établi une situation de compte à cette date, relative à la poursuite n° 1______.

f. Le 25 octobre, elle a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer précité, faisant valoir que sa décision, ainsi que la sommation y relative, n'avaient pas fait l'objet d'une opposition ou d'un recours en temps utile, qu'elles étaient entrées en force conformément à l'art. 54 LPGA et valaient titre de mainlevée définitive selon
l'art. 54 al. 2 LPGA.

Etaient joints à la requête le bulletin d'adhésion du 12 juin 2008, la facture du 6 avril 2022, le rappel du 7 juillet 2022, le commandement de payer, poursuite n° 1______, et la situation de compte au 24 octobre 2022, ainsi qu'une copie de l'art. 41bis du Règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS).

g. Lors de l'audience devant le Tribunal du 6 février 2023, A______ n'était ni présente ni représentée.

B______ a contesté les montants dus, au motif qu'ils se basaient sur des décisions erronées.

Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

A Genève, la Chambre civile de la Cour de justice est l'instance compétente pour connaître d'un recours (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Le recours a été formé dans le délai et la forme prescrits la loi, de sorte qu'il est recevable.

2. Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret Bortolaso/Aguet, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n. 2307).

Par ailleurs, la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC). En outre, la maxime de disposition s'applique (art. 58 al. 1 CPC).

S'agissant d'une procédure de mainlevée définitive, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1). Dans cette mesure, la Cour applique librement le droit.

3. Les pièces nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Il en va ainsi de l'état de situation au 24 octobre 2022, dans la mesure de son actualisation.

4. 4.1.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Le juge doit vérifier d'office l'identité du poursuivant et du créancier et l'identité du poursuivi et du débiteur désignés dans le titre de mainlevée, ainsi que l'identité de la créance déduite en poursuite et de la dette constatée par jugement (Gillieron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 13 ad art. 81 LP, arrêt du Tribunal fédéral 5P_174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1). La requête en mainlevée doit ainsi être rejetée lorsque la cause de l'obligation figurant sur le commandement de payer et dans le titre de mainlevée ne sont pas identiques (Staehelin, Commentaire bâlois, SchKG I, 1998, n. 37 ad art. 80 LP).

Le juge de la mainlevée doit également examiner d'office non seulement l'existence d'un titre à la mainlevée définitive et son caractère exécutoire
(ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; Gillieron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite 1999 p. 1220 n. 22).

Dans le cadre de la procédure sommaire de mainlevée définitive, le juge n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui lui est soumis. Il n'a à vérifier ni l'existence matérielle de la créance ni l'exactitude matérielle du jugement. Il ne lui appartient pas davantage de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important, dont la connaissance ressort exclusivement au juge du fond (ATF 124 III 501 consid. 3a; 113 III consid. 1b).

4.1.2 Est exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP le prononcé qui a non seulement force exécutoire, mais également force de chose jugée (formelle Rechtskraft) - qui se détermine exclusivement au regard du droit fédéral -, c'est-à-dire qui est devenu définitif, parce qu'il ne peut plus être attaqué par une voie de recours ordinaire qui, de par la loi, a un effet suspensif (ATF 131 III 404 consid. 3; 131 III 87 consid. 3.2).

Selon l'art. 336 CPC, une décision est exécutoire lorsqu'elle est entrée en force et que le Tribunal n'a pas suspendu l'exécution (al. 1 let. a) et lorsqu'elle n'est pas encore entrée en force mais que son exécution anticipée a été prononcée (al. 1 let. b). Le tribunal qui a rendu la décision à exécuter en atteste sur demande le caractère exécutoire (al. 2).

A l'instar de ce qui prévalait avant l'entrée en vigueur du CPC, l'attestation du caractère exécutoire du jugement, ne possède qu'une valeur déclarative et sert avant tout de moyen de preuve, l'attestation faisant présumer le caractère exécutoire de la sentence (Jeandin, in Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/ Schweizer/Tappy [éd.], 2019, n. 9 ad art. 336 CPC; Staehelin, op. cit., n. 17 ad art. 80 LP).

En matière de mainlevée, la production d'une telle attestation n'est que facultative, le caractère exécutoire de la décision pouvant être démontré d'une autre manière, par exemple lorsqu'il ressort des circonstances que le poursuivi n'a pas contesté le caractère exécutoire du jugement ou qu'il n'avait aucun motif de le contester ou encore que plusieurs années se sont écoulées depuis la communication de la décision (Staehelin, op. cit., n. 55 ad art. 80 LP).

4.1.3 Sont assimilées à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).

A teneur de l'art. 12 al. 2 de la Loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS - RS 831.10), sont tenus de payer des cotisations tous les employeurs ayant un établissement stable en Suisse ou occupant dans leur ménage des personnes obligatoirement assurées.

Les cotisations sont payées à la caisse par les employeurs par trimestre lorsque la masse salariale n'excède pas 200'000 fr. par an (art. 34 al. 1 let. a RAVS).

Les personnes tenues de payer des cotisations qui ne les versent pas ou ne remettent pas le décompte relatif aux cotisations paritaires dans les délais prescrits recevront immédiatement une sommation écrite de la caisse de compensation. La sommation est assortie d'une taxe de 20 à 200 fr. (art. 34a RAVS).

L'art. 35 RAVS prévoit que pendant l'année, les employeurs doivent verser périodiquement des acomptes de cotisations. Pour fixer les acomptes, la caisse de compensation se base sur la masse salariale probable (al. 1). Les employeurs sont tenus d'informer la caisse de compensation chaque fois que la masse salariale varie sensiblement en cours d'année (al. 2).

Les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsqu'elles ne peuvent plus être attaquées par une opposition ou un recours, l'opposition ou le recours n'a pas d'effet suspensif ou lorsque l'effet suspensif attribué à une opposition ou à un recours a été retiré (art. 54 al. 1 de la Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1)

Les décisions et les décisions sur opposition exécutoires qui portent condamnation à payer une somme d'argent ou à fournir des sûretés sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l'art. 80 de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (art. 54 al. 2 LPGA).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la preuve de la notification d'un acte peut résulter de l'ensemble des circonstances, en particulier de l'absence de réaction de l'intéressé, qui non seulement ne conteste pas lors de l'audience de mainlevée avoir reçu la décision à l'origine de la poursuite, mais fait défaut à cette audience, admet implicitement avoir reçu la décision en question (arrêts du Tribunal fédéral 5A_339/2011 du 26 août 2011 consid. 3; 5D_173/2008 du 20 février 2009 consid. 5.1).

4.1.4 Le juge doit ordonner la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).

4.2.1 Dans le présent cas, la recourante a notifié une décision de cotisations à l'intimé, le 6 avril 2022, portant sur 2’869 fr. 65, puis, alors que le délai pour former opposition à ladite décision était échu, une sommation de payer, les cotisations n'ayant pas été acquittées. Ces décisions ont été adressées à l'intimé à l'adresse de son domicile. Conformément à la jurisprudence rappelée ci-avant, il sera retenu que l'intimé a implicitement admis avoir reçu ladite décision, dès lors qu'il n'a pas contesté que tel soit le cas, faisant valoir seulement à l'audience du Tribunal que celle-ci était erronée. Par ailleurs, il ne résulte pas des titres versés à la procédure que l'intimé aurait formé opposition à la décision du 6 avril 2022, de sorte que celle-ci est définitive et exécutoire. Conformément aux art. 80 LP et 54 LPGA, la décision de cotisation constitue un titre de mainlevée définitive, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal. L'absence de production d'une attestation du caractère exécutoire ne modifie pas cette appréciation.

En ce qui concerne les montants en poursuite, la somme de 2’824 fr. 20 repose sur des cotisations personnelles dues pour l'année 2020. La recourante était fondée à réclamer des frais de sommation, de 50 fr., tels que prévus par l'art. 34a RAVS, ainsi que des intérêts moratoires (et intérêts de retard). En revanche, le montant de la cotisation ne repose sur aucun titre valable.

Le cumul des intérêts et intérêts moratoires n'est pas contraire à l'interdiction de l'anatocisme (art. 105 al. 3 CO), dès lors que le montant des intérêts n'est pas incorporé à celui de la dette principale, et que les intérêts à 5% ont été demandés pour la période postérieure, soit dès le 16 août 2022.

En revanche, il sera rappelé que les frais du commandement de payer suivent le sort de la poursuite (art. 68 al. 1 LP), de sorte qu'ils ne font pas l'objet de la mainlevée d'opposition.

4.2.2 Dès lors, le recours sera admis dans les limites de ce qui précède. L'affaire étant en état d'être jugée, il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC), dans le sens que la mainlevée définitive sera prononcée pour les postes 1 à 3 du commandement de payer, poursuite n° 1______.

5. L'intimé, qui succombe, sera condamné aux frais des deux instances (art. 106 al. 1 et 3 CPC).

En vertu de l'art. 61 al. 1 OELP, la juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite (art. 251 CPC) peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance.

Le premier juge a fixé l'émolument de première instance - non contesté en tant que tel - à 200 fr. Partant, l'émolument de la présente décision sera fixé à 300 fr. et mis à la charge de l'intimé, compensé avec l'avance de frais du même montant fournie par la recourante, acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé sera en conséquence condamné à verser la somme de 500 fr. à titre de remboursement des avances de frais à la recourante.


Il ne sera pas alloué de dépens à la recourante qui comparaît en personne, les démarches effectuées ne le justifiant pas (art. 95 al. 3 let. c CPC a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 17 février 2023 par CAISSE AVS A______ contre le jugement JTPI/1800/2023 rendu le 6 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21362/2022-12 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau:

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, pour les postes 1 à 3.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première et seconde instance à 500 fr., les met à la charge de B______, et dit qu'ils sont compensés avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ à verser à CAISSE AVS A______ la somme de 500 fr. en remboursement des avances opérées.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.