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Décisions | Sommaires

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C/17303/2022

ACJC/597/2023 du 08.05.2023 sur JTPI/14931/2022 ( SML ) , JUGE

Normes : CPC.138.al1; CPC.59.al1; CPC.59.al2.letC; CPC.66
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17303/2022 ACJC/597/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 8 MAI 2023

 

Entre

A______, sise ______ (VD), recourante contre un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 décembre 2022, comparant en personne,

et

"B______, domiciliée p.a. M. C______", c/o M. D______, ______ [GE], intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/14931/2022 du 12 décembre 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, considérant que les titres produits ne valaient pas titre de mainlevée définitive, a débouté A______ [caisse de compensation professionnelle] de ses conclusions en mainlevée définitive (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 300 fr., compensés avec l'avance fournie, laissés à la charge de la précitée (ch. 2 et 3) et a dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 12 janvier 2023 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu à ce que la Cour prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer.

Elle a versé de nouvelles pièces et a formé de nouveaux allégués (n. 9 à 11).

b. B______ n'a pas déposé de réponse dans le délai imparti.

c. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 20 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 13 janvier 2020, B______, se désignant comme une association active dans le marketing et la publicité, a signé un bulletin d'adhésion à A______.

Il y est mentionné que l'adresse du siège de B______ se situe au chemin 1______ no. ______ à E______ [VD], la personne de contact étant "M. C______", et que la précitée occupe un employé, pour un salaire annuel estimé à 144'000 fr.

b. Selon les informations figurant sur le site de l'Office fédéral de la statistique, l'association est active, son siège se trouvant c/o C______, chemin 1______ no. ______ à E______. Elle est assujettie à la TVA depuis janvier 2019.

c. Le 15 mars 2022, A______ a adressé à B______ un décompte de cotisations relatives au 1er trimestre de l'année 2022, d'un montant de 7'703 fr. 75, portant une référence au numéro "IDE 2______/CHE – 3______".

d. Par pli du 5 mai 2022, A______ a adressé un rappel à B______, d'un montant de 7'903 fr. 75 (7'703 fr. 75 ainsi que 200 fr. de taxe de sommation).

e. A la requête de A______, sise à Genève, l'Office cantonal des poursuites a notifié à C______, débiteur, un commandement de payer, poursuite n° 4______, pour la somme de 7'692 fr., avec intérêts à 5% dès le 24 juin 2022.

Opposition y a été formée.

f. Le 9 septembre 2022, A______ a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée définitive de cette opposition, dirigée contre "B______, p.a. C______ c/o D______, rue 5______ no. ______, [code postal] Genève".

Elle a notamment produit, outre le bulletin d'adhésion du 13 janvier 2020, la facture du 15 mars 2022, le rappel du 5 mai 2022 et le commandement de payer, une situation de compte au 1er septembre 2022, mentionnant "B______, [code postal] Genève".

g. Le 20 octobre 2022, le Tribunal a cité les parties à comparaître à une audience fixée le 12 décembre 2022.

Cette citation a été envoyée par pli recommandé à "B______, p.a. C______ c/o D______, rue 5______ no. ______, [code postal] Genève".

A l'issue du délai de garde échéant le 31 octobre 2022, le pli a été retourné au Tribunal.

L'étiquette apposée par la Poste sur l'enveloppe contenant ladite citation n'indique pas pour quel motif le pli n'a pas pu être remis à son destinataire. Une seconde étiquette mentionne une case postale concernant C______.

h. A l'audience du Tribunal du 12 décembre 2022, aucune partie n'était présente ni représentée.

i. Le Tribunal a rendu son jugement le même jour, lequel a été expédié aux parties par plis recommandés du 5 janvier 2023.

Le pli a été adressé à B______ à une case postale.

Il a été retourné au Tribunal. Le dossier ne comporte pas de trace de ce retour, ni des éventuelles suite qui y auraient été données.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée de l'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 251 let. a et 321 al. 1 et 2 CPC). Déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret Bortolaso/Aguet, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n. 2307).

1.4 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

S'agissant d'une procédure de mainlevée définitive, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Lausanne, 1999, no 22 ad art. 80 LP). Dans cette mesure, la Cour applique librement le droit.

2.  Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

En l'espèce, les pièces nouvelles (n. 9 et 11) sont irrecevables, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant. La Cour examinera la cause sur la base du dossier dont disposait le Tribunal. En revanche, la pièce n. 10 constitue un fait notoire, de sorte qu'elle est recevable.

3. La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer et d'avoir considéré que les titres produits ne valaient pas titre de mainlevée définitive, que le décompte produit avait été adressé "A la Direction de B______", que le bulletin d'adhésion avait été établi au nom de "Association B______", que le numéro IDE CHE-3______ indiqué par la recourante était introuvable sur zefix.ch et que le commandement de payer avait été notifié à C______.

3.1.1 Les citations, les ordonnances et les décisions sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception (art. 138 al. 1 CPC).

L'acte est réputé notifié, en cas d'envoi recommandé, lorsque celui-ci n'a pas été retiré : à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification (art. 138 al. 3 let. a CPC).

La notification fictive d'un pli recommandé ne s'applique à l'échéance du délai de garde de sept jours que dans l'hypothèse où le destinataire devait, vraisemblablement, s'attendre à recevoir une communication d'une autorité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_454/2012 du 22 août 2012 consid. 4.2.1 et les références citées). Ce devoir existe dès que le destinataire est partie à une procédure ayant cours (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 = JdT 2005 II 87). Ainsi, c'est seulement à partir de la litispendance que naît une relation procédurale contraignant les parties à se comporter selon les règles de la bonne foi, c'est-à-dire, notamment, à veiller à ce que les actes officiels concernant la procédure puissent leur être notifiés (ATF 138 III 225 consid. 3.1 = JdT 2012 II 457).

En matière de droit des poursuites, le Tribunal fédéral a jugé que l'instance de mainlevée consécutive à l'interruption de la procédure de poursuite par l'effet d'une opposition constitue une nouvelle procédure. Le débiteur ne doit pas s'attendre, en raison de la seule notification d'un commandement de payer et de l'opposition qu'il a formée à cet égard, à une procédure de mainlevée ni à la notification de décisions dans ce contexte. C'est pourquoi la fiction de notification ne joue pas de rôle pour le premier envoi notifié au débiteur en relation avec la mainlevée (ATF 138 III 225 consid. 3.1 = JdT 2012 II 457; 130 III 396 consid. 1.2.3 = JdT 2005 II 87; arrêts du Tribunal fédéral 5A_710/2010 du 28 janvier 2011 consid. 3.1; 5A_552/2011 du 10 octobre 2011 consid. 2.1).

Les règles de la citation, permettant aux parties d'assister à l'audience, visent à garantir au débiteur son droit d'être entendu, institué par les art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC (ATF 131 I 185 consid. 2.1 et la jurisprudence citée; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2010 du 21 avril 2010 consid. 3.1; Bohnet, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 34 ad art. 133 CPC).

Le droit d'être entendu accorde aux parties le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à leur détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; 129 II 497 consid. 2.2).

L'atteinte causée par le défaut d'une citation valablement notifiée est d'une gravité telle qu'elle ne peut pas être réparée devant l'instance de recours (ATF 138 III 225 consid. 3.3 et les références).

La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques; elle peut aussi être constatée en procédure de recours (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 132 II 342 consid. 2.1; 122 I 97 consid. 3a), y compris en dépit de l'irrecevabilité éventuelle du recours (arrêt du Tribunal fédéral 7B.20/2005 du 14 septembre 2005 consid. 1.3 non publié aux ATF 131 III 652).

3.1.2 En application de l'art. 59 al. 1 et al. 2 let. c CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action, au nombre desquelles figure la capacité d'être partie (art. 66 CPC) et d'ester en justice (art. 67 CPC). Le juge examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

Aux termes de l'art. 66 CPC, la capacité d'être partie est subordonnée soit à la jouissance des droits civils, soit à la qualité de partie en vertu du droit fédéral.

Une demande déposée par – ou contre – une partie qui n'a pas la capacité d'être partie – en d'autres termes qui n'existe pas – doit ainsi être déclarée irrecevable, faute d’instance valable (Bohnet, Commentaire Romand, CPC, 2019, n. 71 art. 59 CPC).

3.1.3 Une association, au sens des art. 60 ss CC, acquiert la personnalité juridique dès qu'elle exprime dans ses statuts la volonté d'être organisée corporativement (art. 60 al. 1 CC; cf. ATF 87 I 301 spéc. p. 304). L'inscription au Registre du commerce est en principe facultative (art. 61 al. 1 CC), sauf dans deux hypothèses (art. 61 al. 2 CC). Qu'elle soit obligatoire ou non, l'inscription n'a qu'un effet déclaratif. Ce n'est donc pas l'inscription qui crée la personnalité juridique (ATF 100 III 19 consid. 2; 88 II 209 consid. I.2b).

3.2 En l'espèce, le bulletin d'adhésion porte une signature pour une association B______, avec mention d'un siège social dans le canton de Vaud (E______). Ce siège résulte également des informations figurant sur le site internet de la Confédération (Office fédéral de la statistique) et de la pièce produite par la recourante.

En dépit de la connaissance de ce siège, la recourante a saisi le Tribunal d'une requête dirigée contre l'association en cause, en mentionnant une adresse à Genève, sans aucune explication.

La citation à comparaître à l'audience de mainlevée devant le Tribunal n'a pas été reçue par la partie intimée, sans que le dossier ne comporte d'indication à ce sujet. Il s'ensuit que l'intimée n'a pas été valablement convoquée à l'audience, ce qui emporte violation de son droit d'être entendue.

Par ailleurs, à teneur des pièces (recevables) du dossier, rien ne permet de déterminer qu'il existerait une association dotée de la personnalité juridique, et partant, de la capacité d'être partie à la procédure. La recourante n'a pas produit, devant le Tribunal, les statuts de l'association en cause, seuls propres à établir la personnalité juridique de celle-ci. Par conséquent, il n'est pas établi que l'intimée disposerait de la capacité d'être partie à la procédure, ce qui entraîne l'irrecevabilité de la demande formée par la recourante.

Il sera également relevé qu'en tout état, le commandement de payer mentionne comme débiteur C______ qui n'est pas la personne recherchée par la recourante, sans que celle-ci ait expliqué dans sa requête pour quel motif elle avait fait notifier à C______ ladite poursuite et non à l'intimée. Sur la base de ce qui précède, il sera retenu qu'il n'y a pas d'identité entre le poursuivi et le débiteur engagé par le bulletin d'adhésion dont se prévaut la recourante.

3.3 Le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera par conséquent annulé et, la cause étant en état d'être jugée (art. 327 al. 2 let. b CPC), il sera statué en ce sens que la requête formée le 9 septembre 2022 par la recourante sera déclarée irrecevable.

4.  La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais de la procédure de recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 450 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui ne s'est pas déterminée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 12 janvier 2023 par A______ contre le jugement JTPI/14931/2022 rendu le 12 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17303/2022-1 SML.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau sur ce point :

Déclare irrecevable la requête en mainlevée définitive formée le 9 septembre 2022 par A______ contre B______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions de recours.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 450 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.