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Décisions | Sommaires

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C/7692/2022

ACJC/511/2023 du 13.04.2023 sur JTPI/15269/2022 ( SML ) , MODIFIE

Normes : LP.82; CO.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7692/2022 ACJC/511/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 13 AVRIL 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 décembre 2022, comparant en personne,

et

B______ SÀRL, sise ______, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/15269/2022 du 22 décembre 2022, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______ (chiffre 1 du dispositif), mis les frais judiciaires, arrêtés à 100 fr., à la charge de cette dernière (ch. 2 et 3) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 10 janvier 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ recourt contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut au rejet de la requête de mainlevée requise à son encontre par B______ SARL, au remboursement du montant de 450 fr. et au paiement d'une indemnisation pour le préjudice moral subi.

A l'appui de son recours, elle produit des pièces figurant déjà au dossier de première instance.

b. Invitée à répondre par écrit, B______ SARL ne s'est pas déterminée.

c. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par avis du greffe de la Cour du 13 février 2023.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. Le 2 octobre 2020, A______ a conclu avec la société B______ SARL un "Contrat d'abonnement pour particuliers" portant sur une protection juridique au prix de 34 fr. 90 par mois, soit 418 fr. par année.

Ce contrat était conclu pour une durée d'une année dès le 1er décembre 2020.

b. Le contrat précité renvoyait expressément aux Conditions Générales d'Abonnement (CGA), lesquelles contenaient notamment les clauses suivantes :

- "Procédure de rappel": Dès le 16ème jour dès la signature du contrat et faute de paiement du prix de l'abonnement, l'abonné est placé en procédure de rappel. Un premier rappel sera envoyé au client, avec un émolument de 25 fr. et un délai de paiement supplémentaire. Faute de paiement dans le délai de paiement supplémentaire imparti, un second rappel sera envoyé au client, avec un émolument supplémentaire de 50 fr. et un nouveau délai de paiement [ ].

- "Résiliation du Contrat par le client": Le client peut résilier le contrat moyennant un préavis de 3 mois avant la fin du contrat, par lettre écrite adressée au cabinet. Faute de résiliation parvenue au moins 3 mois avant la fin du contrat, celui-ci est renouvelé tacitement pour une année supplémentaire.

- "Renouvellement": Le client reçoit le courrier de renouvellement une fois le délai de préavis passé. Il doit s'acquitter sous 15 jours de la cotisation annuelle afin de mettre son compte à jour avant la nouvelle année.

c. Par courrier du 1er novembre 2021, la société B______ SARL a indiqué à A______ que sa protection juridique était (tacitement) renouvelée pour une année et lui a adressé une facture de 450 fr. 20 (TVA incluse).

d. Des rappels de paiement ont été signifiés les 22 novembre et 6 décembre 2021.

e. A défaut de paiement, la société B______ SARL a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur le prix de l'abonnement conclu (450 fr. 20) et les frais de rappels (75 fr.). Cette dernière y a formé opposition totale.

f. Par acte du 21 avril 2022, la société B______ SARL a requis la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité, à concurrence de 450 fr. 20 avec intérêts à 5 % dès le 2 novembre 2021 et de 75 fr.

g. Dans sa réponse datée du 1er décembre 2022, A______ a conclu au rejet de la mainlevée contestant la créance à la base de la poursuite pour inexécution. Elle a expliqué que la société B______ SARL n'avait jamais exécuté les prestations dues contractuellement et qui lui avaient été promises, ayant dû au final agir seule dans ses démarches juridiques. En outre, elle a sollicité le remboursement de la cotisation annuelle dont elle s'était acquittée pour l'année 2021, ainsi que le paiement d'une indemnisation pour le préjudice moral subi.

A l'appui de ses affirmations, elle a produit des pièces comprenant de nombreux échanges de courriels entre les parties.

h. Lors de l'audience du 9 décembre 2022, la société B______ SARL n'était ni présente ni représentée, comme elle l'avait annoncé par courrier.

A______ s'est, pour sa part, opposée à la mainlevée, se référant aux explications contenues dans sa réponse et à ses annexes.

i. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le contrat conclu entre les parties valait titre de mainlevée et que la poursuivie n'avait fait valoir aucun argument ou moyen libératoire susceptible de faire obstacle à la mainlevée.


 

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté en temps utile et selon les formes prescrites, le recours est recevable.

1.2 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

1.3 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition, alors que la créance à la base de la poursuite n'est, selon elle, pas fondée.

2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 148 III 145 consid. 4.1.1; 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_688/2022 du 23 novembre 2022 consid. 4.1.1.).

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_39/2023 du 24 février 2023 consid. 5.2.3: 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.2.1).

Dans un contrat bilatéral, la question de la fourniture de la prestation du poursuivant ne constitue donc pas à un moyen libératoire au sens de l'art. 82 al. 2 LP que le débiteur devrait rendre vraisemblable. Elle relève de la contestation d'une exigence mise à l'admission d'un contrat bilatéral parfait comme titre de mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 al. 1 LP (ATF 145 III 20 consid. 4.3.2 et 4.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_446/2018 du 25 mars 2019 consid. 5).

Ainsi, lorsque, pour faire échec à la mainlevée fondée sur un contrat bilatéral, le poursuivi allègue que le poursuivant, qui doit prester en premier, n'a pas ou pas correctement exécuté sa propre prestation (exception d'inexécution au sens de l'art. 82 CO) et que son affirmation n'est pas sans consistance, la mainlevée ne peut être accordée que si le créancier est en mesure de prouver immédiatement le contraire (ATF 136 III 627 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_446/2018 du 25 mars 2019 consid. 5; 5A_465/2014 du 20 août 2014 consid. 7.2.1.2; 5A_326/2011 du 6 septembre 2011 consid. 3.2 et 3.3 Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2ème éd., 2022, n. 147 s ad art. 82 LP).

2.1.2 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 80 ss LP) est une procédure sur pièces ("Urkundenprozess") (art. 254 al. 1 CPC), dont le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 145 III 160 consid. 5.1; 142 III 720 consid. 4.1.1). Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res judicata) quant à l'existence de la créance (ATF 148 III 225 consid. 4.1.1; 140 III 48 consid. 3; 136 III 583 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2019 du 24 février 2020 consid. 3.1).

Le juge de la mainlevée n'a pas à trancher de délicates questions de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important, la décision sur de telles questions étant réservée au juge du fond (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 106 ad art. 84 LP).

2.2 En l'espèce, il est constant que les parties ont conclu un contrat portant sur une protection juridique, en vertu duquel l'intimée s'est engagée à fournir, sous certaines conditions, des prestations juridiques à la recourante, contre règlement d'une cotisation annuelle. Il n'a pas été allégué ni a fortiori rendu vraisemblable qu'une rémunération supplémentaire au paiement de la cotisation était due en cas de services rendus.

Si le contrat précité est certes susceptible de constituer un titre de mainlevée provisoire, encore faut-il que les conditions d'exigibilité de la créance soient établies, à savoir que les prestations donnant lieu à rémunération aient été fournies.

A cet égard, la poursuivie a, dès le début de la procédure, allégué que la poursuivante n'avait pas exécuté les prestations contractuelles qui lui incombaient et auxquelles elle s'était engagée. Son affirmation n'est pas dépourvue de toute consistance dès lors qu'elle est documentée par pièces. En effet, il ressort des nombreux échanges de courriels versés au dossier que la recourante a, entre août et septembre 2021, soumis trois cas à l'intimée en demandant expressément à cette dernière un "soutien juridique" et a réitéré sa demande d'intervention, notamment par courriels des 26 octobre et 9 novembre 2021. L'intimée n'a jamais exclu ces demandes de la couverture d'assurance et a même informé la recourante, par écrit le 12 novembre 2021, que la rédaction de courriers se ferait par le juriste en charge de son dossier dès le retour de ce dernier, lequel était alors absent. Des échanges de courriels ont encore eu lieu par la suite entre les parties, au cours desquels la recourante s'est plainte de l'inaction de l'intimée, tandis que cette dernière a confirmé sa prise en charge, par courriel du 22 décembre 2021. Le dossier ne comporte cependant aucun courrier rédigé par l'intimée ni tout autre document justifiant d'une quelconque démarche entreprise, la recourante ayant finalement procédé par elle-même par-devant les différentes juridictions et tiers.

Par cette argumentation, la recourante a contesté une condition d'exigibilité de la créance invoquée à son encontre - et non fait valoir un moyen libératoire -, de sorte qu'il appartenait à l'intimée poursuivante d'établir avoir correctement exécuté sa prestation, conformément à la jurisprudence susmentionnée.

Or, l'intimée n'a fourni aucune explication à ce sujet, que ce soit sur l'exécution de sa prestation ou sur les éventuelles raisons excluant la prise en charge des cas qui lui ont été soumis, ne se présentant pas à l'audience tenue devant le Tribunal et renonçant à se déterminer par écrit devant la Cour.

Il s'ensuit que l'objection d'inexécution soulevée par la recourante est, en l'état, rendue vraisemblable, sans que l'intimée n'établisse avoir entièrement fourni la prestation convenue.

Dans ces circonstances, le contrat conclu entre les parties ne peut valoir reconnaissance de dette et donc titre de mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 LP.

Le recours sera par conséquent admis, le jugement annulé et il sera statué à nouveau, en ce sens que la mainlevée provisoire requise sera refusée (art. 327 al. 3 let. b CPC).

Pour le surplus, les prétentions en paiement et en indemnisation émises par la recourante excèdent le pouvoir d'examen du juge de la mainlevée, qui ne statue que sur le sort de la poursuite, les questions de droit matériel étant réservées au juge du fond. Il ne sera dès lors pas statué sur ces points.

3. 3.1 Lorsque l'autorité de recours statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC applicable par analogie; Jeandin, in Commentaire romand CPC, 2019, n° 9 ad art. 327 CPC).

En l'espèce, le montant de l'émolument fixé par le premier juge à 100 fr., conformément à l'art. 48 OELP, n'est pas remis en cause par les parties, de sorte qu'il sera confirmé. Les frais seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de même montant fournie par cette dernière, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

3.2 Les frais judiciaires du recours, arrêtés à 250 fr. (art. 48 et 61 OELP), seront mis à la charge de l'intimée. Ils seront partiellement compensés avec l'avance fournie par la recourante à hauteur de 150 fr., qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera donc condamnée à rembourser à sa partie adverse 150 fr. à titre de restitution de l'avance fournie (art. 111 al. 2 CPC) et à verser 100 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires de recours.

Il ne sera pas alloué de dépens de recours, la recourante comparant en personne et ne justifiant pas de démarches en permettant l'octroi (art. 95 al. 3 let c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2023 par A______ contre le jugement JTPI/15269/2022 rendu le 22 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7692/2022-2 SML.

Au fond :

Annule les chiffres 1 et 3 du dispositif de ce jugement et statuant à nouveau :

Déboute la société B______ SARL de sa requête en mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______, formée le 21 avril 2022 à l'encontre de A______.

Met les frais judiciaires de première instance, arrêtés à 100 fr., à la charge de B______ SARL et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance fournie par cette dernière, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de recours :

Arrête les frais judiciaires de recours à 250 fr., les met à la charge de B______ SARL et dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance fournie par A______.

Condamne en conséquence B______ SARL à verser 150 fr. à A______, ainsi que 100 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pourvoir judiciaire, à titre de frais judiciaires de recours.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.