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C/4446/2022

ACJC/412/2023 du 21.03.2023 sur JTPI/13335/2022 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.82; CO.84.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4446/2022 ACJC/412/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 21 MARS 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 novembre 2022, comparant par Me Olivier NICOD, avocat, Walder Wyss SA, avenue du Théâtre 1, case postale 6069, 1002 Lausanne, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [France], intimé, comparant par
Me Alec REYMOND et Me Nicolas BEGUIN, avocats, @lex Avocats, rue de Contamines 6, 1206 Genève, en l'Étude desquels il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/13335/2022 du 11 novembre 2022, reçu par A______ le 15 novembre suivant, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête en mainlevée provisoire de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 750 fr., compensés à due concurrence avec l'avance fournie par A______ et laissés à la charge du précité (ch. 2), condamné celui-ci à verser 2'380 fr. TTC à B______ à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 25 novembre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ recourt contre ce jugement, dont il requiert l'annulation. Il conclut, avec suite de frais, au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ à concurrence de 90'000 fr. plus intérêts à 1.164% dès le 13 septembre 2021, de 3'293 fr. 10, de 2'943 fr. 90, de 1'499 fr. 40, de 949 fr. 65 et des frais inhérents à la procédure de poursuite.

b. B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par avis du 14 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. A______ et B______ ont été associés dans le cadre de la création et du développement du groupe de sociétés C______. Depuis le printemps 2018, ils s'opposent dans le cadre de plusieurs procédures pénales et civiles en lien avec les sociétés dudit groupe.

b. En date du 5 juin 2018, A______ et B______ ont conclu un contrat de prêt par lequel le premier a prêté au second la somme de 400'000 USD à verser en une ou plusieurs fois au gré des demandes formulées par l'emprunteur (ch. 1 du contrat).

Le contrat était conclu pour une durée initiale allant jusqu'au 30 juin 2019, renouvelable tacitement pour des périodes subséquentes de trois mois à défaut de résiliation par l'une des parties (ch. 2).

Des intérêts annuels ont été convenus à un taux correspondant au LIBOR majoré de 0.9%, payables pour la première fois au 30 juin 2019 puis à chaque échéance trimestrielle en cas de reconduction du contrat (ch. 3).

Dans les 30 jours au plus tard dès l'expiration du contrat, l'emprunteur devait rembourser les montants dus selon les instructions fournies par le prêteur par écrit et mentionnant les détails du compte bancaire sur lequel le paiement devait être fait (ch. 4).

Le chiffre 5 prévoyait la possibilité pour l'emprunteur de rembourser à tout moment tout ou partie du prêt.

Selon le chiffre 6, le remboursement du prêt et le paiement des intérêts devaient être effectués en dollars américains exclusivement ("the reimbursement of the loan and the payment of interests shall be made in United States dollars exclusively").

Les amendements au contrat devaient être faits par écrit et signés par les deux parties (ch. 7).

Le droit suisse était applicable (ch. 11) et les litiges relatifs à la validité, l'invalidité, la violation ou la résiliation du contrat devaient faire l'objet d'une procédure d'arbitrage devant la Chambre suisse de commerce (ch. 12).

c. Sur la base de ce contrat, A______ a procédé à deux versements en faveur de B______, à savoir 190'000 fr. le 3 juillet 2018 et 90'000 fr. le 13 septembre 2018.

d. Le 9 août 2018, A______ a annoté le contrat de façon manuscrite en indiquant : "Hereby, I confirm to receive from B______ 190,000 (one hundred and ninety thousand Swiss Frank, as reimbursement of first transh of the loan" (sic).

e. Par courrier du 26 juillet 2021, A______ a déclaré résilier le contrat avec effet au 30 septembre 2021 et mis B______ en demeure de lui rembourser 207'100 USD, soit la contrevaleur de 190'000 fr. au cours du jour de CHF/USD 1.0900, plus les intérêts au taux LIBOR +0.9% à partir du 3 juillet 2018, ainsi que 98'100 USD, soit la contrevaleur de 90'000 fr. au cours du jour de CHF/USD 1.0900, plus les intérêts au taux LIBOR +0.9% à partir du 13 septembre 2018.

f. Le 25 août 2021, B______ a répondu que, dans l'hypothèse où A______ disposait d'une créance en remboursement du contrat de prêt, ce qui était contesté, cette dernière était compensée avec la créance en dommages intérêts qu'il avait à son égard dans le cadre du litige qui les opposait en lien avec les sociétés du groupe C______.

g. A______ a requis le séquestre des biens et avoirs de B______, qu'il a obtenu le 9 novembre 2021 à concurrence de 190'000 fr. (correspondant à la contrevaleur de 207'713 USD au cours du jour de CHF/USD 1.09323) avec intérêts, et de 90'000 fr. (correspondant à la contrevaleur de 98'390 USD au cours du jour de CHF/USD 1.09323) avec intérêts.

Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., ainsi que les dépens, arrêtés à 4'100 fr., ont été mis à la charge de B______.

A______ n'a pas été astreint à fournir des sûretés.

h. Le procès-verbal de séquestre adressé à A______ le 30 novembre 2021 et reçu le 1er décembre 2021 a fixé les frais d'exécution du séquestre à 949 fr. 65.

i. En date du 22 novembre 2021, B______ a formé opposition à cette ordonnance.

j. Par jugement du 28 janvier 2022, notifié aux parties le 31 janvier 2022 et reçu le 1er février 2022, le Tribunal a partiellement admis l'opposition à séquestre formée par B______, révoqué l'ordonnance de séquestre en tant qu'elle portait sur la créance de 190'000 fr. et maintenu ladite ordonnance en tant qu'elle portait sur la créance de 90'000 fr., soit la contre-valeur de 98'100 USD, intérêts en sus.

Le Tribunal a également astreint A______ à constituer des sûretés à hauteur de 15'000 fr. Ce dernier point a toutefois été annulé par arrêt de la Cour du 10 mai 2022 (ACJC/625/2022).

k. Le 9 février 2022, A______ a requis la poursuite de B______ en validation du séquestre.

l. Le 18 février 2022, B______ s'est vu notifier un commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 90'000 fr. plus intérêts à 1.164 % dès le 13 septembre 2021 auquel il a formé opposition.

Sous la rubrique "Titre et date de la créance ou cause de l'obligation" était indiqué ce qui suit : "(Contrevaleur de USD 98'390.- au cours du 09.11.2021 de CHF/USD 1.09323) Remboursement de la seconde tranche du prêt versé à M. B______ en vertu du contrat de prêt du 5 juin 2018".

Le commandement de payer portait également sur des montants de 3'293 fr. 10 ("intérêts capitalisés période du 13 septembre 2018 au 12 septembre 2019 sur le montant de 90'000 fr."), 2'943 fr. 90 ("intérêts capitalisés période du 13 septembre 2019 au 12 septembre 2020 sur le montant de 90'000 fr."), 1'499 fr. 40 ("intérêts capitalisés période du 13 septembre 2020 au 12 septembre 2021 sur le montant de 90'000 fr."), 4'100 fr. (dépens selon ordonnance, séquestre n° 2______) et 1'699 fr. 65 (coût du procès-verbal de séquestre n° 2______).

m. Par requête reçue au Tribunal le 8 mars 2022, A______ a requis le prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition précitée à concurrence de 90'000 fr. plus intérêts à 1.164% dès le 13 septembre 2021, de 3'293 fr. 10, de 2'943 fr. 90, de 1'499 fr. 40 et de 949 fr. 65.

n. Dans sa réponse du 1er juillet 2022, B______ a conclu principalement à ce que le Tribunal déclare la poursuite nulle. Il a notamment allégué avoir remboursé les deux tranches du prêt litigieux, la première de 190'000 fr. en date du 9 août 2018 et la seconde de 90'000 fr. environ trois semaines après l'avoir reçue. Ces remboursements étaient intervenus en francs suisses, en espèces, et sans intérêts conformément à la volonté des parties.

o. A______ a répliqué et contesté le remboursement du prêt. Tout en faisant référence à une créance de 90'000 fr., il a persisté à soutenir que les modalités du contrat ne permettaient un remboursement ni en francs suisses, ni en espèces.

p. B______ a dupliqué, concluant notamment à l'irrecevabilité des allégués nouveaux contenus dans la réplique.

EN DROIT

1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

La décision - rendue par voie de procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) - doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification (art. 321 al. 2 CPC), par un recours écrit et motivé (art. 130 et 131 CPC), adressé à la Cour de justice.

Interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, le recours est en l'espèce recevable.

1.2 Il en va de même de la réponse (art. 322 al. 2 CPC) ainsi que des réplique et duplique respectives (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et les arrêts cités).

1.3 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Saisie d'un recours, l'autorité doit examiner s'il y a eu violation du droit ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). En tant que voie de droit extraordinaire, le recours a uniquement pour fonction de vérifier la conformité au droit de la décision, et non de continuer la procédure de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 3 et les références citées). L'autorité de recours contrôle la conformité au droit de la décision attaquée, dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles se trouvait l'autorité de première instance (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2516).

2. 2.1 Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a considéré que, pour les créances en monnaie étrangère, la réquisition de poursuite devait énoncer le montant de la créance en francs suisses (art. 67 al. 1 ch. 3 LP) et que la mainlevée provisoire du commandement de payer en découlant ne pouvait être prononcée que dans cette monnaie. Selon la doctrine, ceci avait pour conséquence que la requête devait être rejetée lorsque l'exécution de la dette exprimée en monnaie étrangère avait été stipulée avec la mention "valeur effective" ou par un complément analogue impliquant qu'elle ne pouvait être acquittée que dans cette monnaie (cf. art. 84 al. 2 CO). Or, en l'espèce, le contrat stipulait clairement que le remboursement du prêt et des intérêts devait intervenir exclusivement en dollars. Aucun amendement ultérieur écrit et signé des deux parties ne mentionnait de possibilité de rembourser en francs suisses, étant rappelé que toute modification du contrat devait intervenir par écrit (cf. ch. 7 du contrat). Le fait que le prêt ait été libéré en francs suisses et que le recourant ait accepté un remboursement à hauteur de 190'000 fr. ne permettait pas de retenir une dérogation au contrat pour tout autre montant prêté. A cela s'ajoutait que le recourant avait affirmé que l'intimé ne pouvait pas rembourser en francs suisses, qu'il avait mis celui-ci en demeure de lui verser 98'100 USD, soit la contrevaleur de 90'000 fr., et qu'il avait libellé la créance dans le commandement de payer en dollars, avant de la convertir en francs suisses. Le fait que l'intimé affirme que les parties étaient ultérieurement convenues d'un paiement en francs suisses n'y changeait rien. Il fallait par conséquent retenir que les parties avaient expressément exclu la faculté de l'intimé de payer en francs suisses au sens de l'art. 84 al. 2 CO et que le recourant ne pouvait par conséquent pas réclamer autre chose dans sa réquisition de poursuite que le paiement de dollars pour le capital et les intérêts. Il avait cependant réclamé des francs suisses de sorte qu'il n'y avait pas d'identité entre la créance mentionnée dans le titre et celle déduite en poursuite. La voie de la poursuite, respectivement de la mainlevée de l'opposition, n'était ainsi pas ouverte au recourant et celui-ci devait agir au fond pour recouvrer sa créance.

2.2 Le recourant fait valoir que la clause de "valeur effective" prévue par l'art. 84 al. 2 CO relève du droit matériel privé et n'empêche pas une créance exprimée en monnaie étrangère de faire l'objet d'une exécution forcée en Suisse, pour autant qu'elle soit préalablement convertie en valeur légale suisse conformément à l'art. 67 al. 1 ch. 3 LP. La LP ne distinguait en effet pas les créances pour lesquelles les parties avaient exclu tout remboursement dans une autre monnaie de celles pour lesquelles rien n'avait été spécifié. Les circonstances postérieures à la conclusion du contrat attestaient en outre de la volonté des parties de déroger à la clause de valeur effective figurant dans le contrat de prêt: quand bien même ce contrat prévoyait un prêt en dollars américains, le recourant avait en effet prêté des francs suisses à l'intimé; il avait souhaité déroger à la règle de valeur effective en écrivant sur le contrat qu'il accepterait un remboursement en francs suisses de la somme de 190'000 fr.; l'intimé avait lui-même prétendu avoir remboursé le prêt en francs suisses. En tout état de cause, le Tribunal avait, par ordonnance du 9 novembre 2021, ordonné le séquestre des avoirs de l'intimé à concurrence de 90'000 fr., reconnaissant ainsi que l'exécution de la créance invoquée était soumise à la LP et non au CPC. Le recourant n'avait au demeurant d'autre voie à disposition que celles prévues par la LP pour valider ce séquestre. Sa requête de mainlevée était dès lors fondée.

2.3.1 Conformément à l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.2.1). Elle peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en résultent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et la référence; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 précité, ibidem).

Le juge de la mainlevée provisoire ne peut procéder qu'à l'interprétation objective du titre fondée sur le principe de la confiance. Il ne peut prendre en compte que les éléments intrinsèques au titre, à l'exclusion des éléments extrinsèques qui échappent à son pouvoir d'examen (ATF 145 III 20 consid. 4.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 précité, ibidem). Si le sens ou l'interprétation du titre de mainlevée invoqué est source de doutes ou si la reconnaissance de dette ne ressort que d'actes concluants, la mainlevée provisoire doit être refusée. La volonté de payer du poursuivi doit ressortir clairement des pièces produites, à défaut de quoi elle ne peut être déterminée que par le juge du fond (arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 précité, ibidem et les arrêts cités).

L'interprétation selon le principe de la confiance consiste à rechercher comment chacune des parties pouvait et devait comprendre de bonne foi les déclarations de l'autre, en fonction du contexte dans lequel elles ont traité. Même s'il est apparemment clair, le sens d'un texte écrit n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée; en effet, lorsque la teneur d'un texte paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres éléments du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Cependant, il n'y a pas lieu de s'écarter du sens littéral d'un texte lorsqu'il n'y a aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne corresponde pas à la volonté ainsi exprimée (ATF 135 III 295 consid. 5.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.2).

Pour l'interprétation selon le principe de la confiance, seules sont déterminantes les circonstances qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 précité, ibidem et consid. 4.2.3).

2.3.2 Le prêt de consommation est un contrat par lequel le prêteur s'oblige à transférer la propriété d'une somme d'argent ou d'autres choses fongibles à l'emprunteur, à charge pour ce dernier de lui en rendre autant de même espèce et qualité (art. 312 CO). Le remboursement de devises étrangères est soumis au principe de la valeur nominale, selon lequel la même somme que celle prêtée selon le contrat doit en principe être remboursée. C'est en effet le prêteur qui supporte le risque de perte de valeur ou bénéficie d'éventuelles augmentations de valeur. Ainsi, l'emprunteur ne respecte correctement son obligation de rembourser que s'il restitue la somme prêtée dans la monnaie convenue par les parties (ATF 134 III 151 consid. 2.1, JdT 2010 I p. 124, SJ 2008 I p. 271).

En principe, le paiement d'une dette qui a pour objet une somme d'argent se fait en moyens de paiement ayant cours légal dans la monnaie due (art. 84 al. 1er CO). Si la dette s'exprime en monnaie étrangère, le débiteur qui ne rembourserait pas dans cette monnaie tombe en demeure (ATF 134 III 151 précité, consid. 2.2).

Selon l'art. 84 al. 2 CO, le débiteur d'une créance exprimée dans une monnaie étrangère et payable en Suisse peut toutefois s'en acquitter en francs suisses, à moins que les parties aient expressément exclu une telle faculté par contrat (clause dite de "valeur effective"; art. 84 al. 2 CO; ATF 134 III 151 précité, ibidem).

Le créancier est quant à lui tenu d'accepter un paiement en francs suisses; la faculté de payer dans la monnaie du pays (art. 84 al. 2 CO) ne vaut en effet que pour le débiteur. La prétention du créancier ne porte que sur le paiement en monnaie étrangère et, selon l'art. 84 al. 1er CO, il ne peut qu'exiger l'exécution dans la monnaie étrangère convenue (ATF 134 III 151 précité, ibidem).

Il convient de distinguer cette question de droit matériel de la monnaie due de celle de savoir comment la créance exprimée en monnaie étrangère doit être traitée en cas d'exécution forcée en Suisse. En principe, une créance exprimée en monnaie étrangère doit aussi être exécutée selon la LP. Le créancier est toutefois tenu d'indiquer dans la réquisition de poursuite la valeur en francs suisses de la créance exprimée en monnaie étrangère (art. 67 al. 1er ch. 3 LP). Cette conversion en francs suisses d'une créance exprimée en monnaie étrangère est une règle d'ordre public répondant à des exigences pratiques (ATF 134 III 151 précité, consid. 2.3 et les arrêts cités). La demande ou le jugement devra viser la condamnation du défendeur au paiement du montant dû en monnaie étrangère et la mainlevée de l'opposition pour la somme en poursuite libellée en francs suisses (ATF 134 III 151 précité, consid. 2.4).

Cette règle de conversion ne modifie toutefois pas la relation juridique existant entre les parties, ni ne nove une dette libellée d'entente entre les parties en monnaie étrangère. C'est la monnaie étrangère contractuellement convenue qui est due (ATF 134 III 151 précité, consid. 2.3).

Ainsi que le Tribunal fédéral a eu l'occasion de l'indiquer, un jugement ordonnant un paiement en monnaie étrangère ne peut en revanche être exécuté par la poursuite pour dettes si la prestation au sens de l'art. 84 al. 2 CO doit "effectivement" intervenir en monnaie étrangère; l'art. 67 al. 1er ch. 3 LP ne s'applique pas dans une telle hypothèse (ATF 145 III 255 consid. 3.2, JdT 2020 II p. 230; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 4P.47/2002 du 4 juin 2002, Pra 2002 Nr. 177 avec remarque de Spühler).

Ce point de vue est partagé par une majorité de la doctrine, qui considère que pour être soumise à la LP, une prétention en argent doit être exprimée en francs suisses, ou en monnaie étrangère avec possibilité de conversion en francs suisses (art. 67 al. 1 ch.3 LP) En revanche, lorsque la prestation est exprimée en monnaie étrangère et qu'une exécution littérale a été stipulée (art.84 al.2 CO; clause de "valeur effective"), la LP n'est pas applicable et le créancier devra suivre la voie préconisée par l'art.335 al.1 CPC (Jeandin, in CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 16a ad art. 335 CPC; dans le même sens: Piotet, in PC-CPC, 2019, n. 12 ad art. 335 CPC; Veuillet, in La mainlevée de l'opposition, Commentaire des articles 79 à 84 LP, 2017, n. 93 ad art. 82 LP; Acocella, in BSK SchKG, 3ème éd. 2021, n. 10 ad art. 38 LP; Droese, in BSK ZPO, 3ème éd. 2017, n. 24 ad art.335 CPC; Staehelin, in KomZPO, 3ème éd. 2016, n. 6 ad art.335 CPC; Kellerhals, in BeKO ZPO, 2012, n. 30 ad art. 335 CPC; Koller, in Schweizerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil, 4ème éd. 2017, n. 41.38; Mercier, in CHK - Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, Obligationenrecht - Allgemeine Bestimmungen, Art. 1-183 OR, 2016, n. 20 ad art. 84 CO; voir également Kofmel Ehrenzeller, in KommSchKG, 1998, n. 40 ad art. 67 LP et Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 9ème éd. 2013, p. 67, selon lesquels une telle créance devait être exécutée selon le droit de procédure cantonal; nuancé: Tappy, D'une loi à l'autre: renvois et réserves entre le CPC et la LP, in JdT 2022 II p. 4, 17 et note de bas de page 45; contra: Marchand/Hari, Précis de droit des poursuites, 3ème éd. 2022, p. 52; Rüetschi/Stauber, Die Durchsetzung von Fremdwährungsforderungen in der Praxis Besonderheiten im Zusammenspiel von Erkenntnis- und Vollstreckungsverfahren, in BlSchK 2006 p. 41, 48).

2.4 En l'espèce, le recourant fait valoir à juste titre que les créances libellées en monnaie étrangère doivent, en principe, être recouvrées par la voie de la poursuite pour dettes, au même titre que les créances en francs suisses, et préalablement converties dans cette monnaie conformément à l'art. 67 al. 1 ch. 3 LP. Le recourant perd toutefois de vue que ce principe souffre une exception admise par le Tribunal fédéral et la majorité de la doctrine: lorsque la créance est stipulée payable uniquement en monnaie étrangère au sens de l'art. 84 al. 2 CO (clause de "valeur effective"), l'obligation ne porte pas sur une somme d'argent mais sur une Sachschuld (cf. Amonn/Walther, loc. cit.), dont l'exécution doit être requise conformément aux art. 335 ss CPC. Aucun des arrêts fédéraux et cantonaux que le recourant cite dans ses écritures ne permet d'infirmer cette exception.

Or, en l'occurrence, les parties ont stipulé, au chiffre 6 du contrat de prêt, que les montants empruntés devaient être remboursés en dollars "exclusivement". Ce faisant, elles sont expressément convenues de déroger à la faculté prévue par l'art. 84 al. 2 CO, permettant au débiteur de se libérer d'une dette contractée en monnaie étrangère par un paiement en francs suisses. Cette clause contractuelle est parfaitement claire et ne souffre aucune ambigüité, ce que le recourant ne conteste d'ailleurs pas. Il ne soutient pas non plus qu'une interprétation de cette clause conformément au principe de confiance, ou en fonction d'autres éléments intrinsèques au contrat, permettrait de lui attribuer une autre signification.

La question de savoir si les parties sont finalement convenues de déroger à ladite clause au motif que les montants prêtés auraient finalement été versés en francs suisses et que le recourant se serait engagé, par une annotation manuscrite sur le contrat, à accepter que la première tranche du prêt lui soit remboursée dans cette monnaie, n'a pas à être examinée dans le cadre de la présente procédure. Cette question relève en effet d'éléments extrinsèques au titre de mainlevée invoqué par le recourant et postérieurs à sa signature par le poursuivi. La prise en compte de ces éléments échappe dès lors au pouvoir d'examen du juge de la mainlevée, lequel doit se borner à interpréter le titre produit sur la base du principe de confiance. L'examen de ces éléments présuppose en outre d'administrer d'autres moyens de preuves, tels que l'interrogatoire des parties. De telles mesures d'instruction ne peuvent intervenir dans le cadre de la présente procédure et relèvent de la compétence du juge ordinaire.

En définitive, il y a lieu de retenir, à ce stade, que la reconnaissance de dette invoquée par le recourant porte sur un montant payable en dollars exclusivement, lequel ne peut être recouvré par la voie de la poursuite pour dettes. Le fait qu'un séquestre ait été obtenu par le recourant n'est pas décisif dans la mesure où la Cour n'est pas liée par la décision du juge du séquestre, qui n'a au demeurant pas spécifiquement examiné cette question.

Le recourant ne saurait pour le surplus être suivi lorsqu'il prétend qu'il n'avait d'autre voie à disposition que celles prévues par la LP pour valider le séquestre obtenu sur les avoirs de l'intimé. Conformément à l'art. 279 al. 1 et 2 LP il avait la possibilité d'introduire une action en reconnaissance de dette. Une telle action étant instruite en procédure ordinaire (art. 219 ss CPC), le recourant pouvait solliciter, dans ce cadre, l'administration des moyens de preuves propres à démontrer que les parties étaient finalement convenues de déroger à la clause de valeur effective figurant dans le contrat de prêt et que la créance litigieuse pouvait être recouvrée par la voie de la poursuite pour dettes, le séquestre préalablement obtenu devant par conséquent être validé.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le Tribunal a retenu à juste titre que la voie de la poursuite, respectivement de la mainlevée de l'opposition, n'était pas ouverte au recourant à ce stade. Le précité sera dès lors débouté des fins de son recours.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais du recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 750 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et compensés avec l'avance versée par le recourant, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les dépens dus à l'intimé seront fixés à 2'400 fr., débours compris (art. 25 al. 1 et 26 al. 1 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ le 25 novembre 2022 contre le jugement JTPI/13335/2022 rendu le 11 novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4446/2022-18 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 750 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance qu'il a versée et qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 2'400 fr. à B______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.