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Décisions | Sommaires

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C/15878/2022

ACJC/288/2023 du 28.02.2023 sur JTPI/13937/2022 ( SFC ) , CONFIRME

Normes : aCO.725.al2; LP.293a.al3
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15878/2022 ACJC/288/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 28 FEVRIER 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 novembre 2022, comparant en personne.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/13937/2022 du 22 novembre 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a refusé l'octroi d'un sursis concordataire à A______ SA (chiffre 1 du dispositif), prononcé la faillite de la précitée avec effet au 22 novembre 2022 à 14h00 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3), ordonné la communication du jugement à A______ SA, au Registre du commerce, à l'Office des poursuites, à l'Office des faillites, au Registre foncier et aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., compensés avec l'avance versée par A______ SA (ch. 5) et mis à la charge de celle-ci (ch. 6) et débouté A______ SA de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 1er décembre 2022, A______ SA a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour "déboute le Tribunal ( ) de son jugement du 22 novembre 2022 JTPI/13937/2022", "annule la déclaration de faillite avec effet au 22 novembre 2022", "annule la proposition d'un sursis concordataire à A______" et "renvoie la cause en procédure ordinaire auprès du Tribunal".

Elle a en outre conclu à ce qu'un délai de deux semaines lui soit octroyé pour présenter son bilan audité au 30 septembre 2022.

b. Par arrêt du 2 décembre 2022, statuant sur requête de A______ SA, la Cour a suspendu l'effet exécutoire du jugement entrepris ainsi que les effets juridiques de l'ouverture de la faillite.

Elle a par ailleurs imparti un délai à la recourante pour produire des pièces complémentaires.

c. Selon l'extrait du registre de l'Office des poursuites du 4 janvier 2023, A______ SA fait l'objet d'une quarantaine de poursuites (une vingtaine de ces poursuites ont été initiées par des caisses de compensation et une l'a été par la SUVA en mai 2022 pour un montant en capital de 196'530 fr.), dont cinq au stade de la commination de faillite, et de trois actes de défaut de biens pour un montant total dépassant 1'500'000 fr.

d. Par pli du 12 janvier 2023, Me B______, avocat constitué pour la défense de plusieurs caisses de compensation, a informé la Cour que ses mandantes avaient déposé une requête en faillite à l'encontre de A______ SA dans le cadre de la poursuite pour effet de change n° 1______ (C/3______/2022) (cf. infra let. C.f et C.h). Ayant appris que A______ SA avait déposé une requête de sursis concordataire, les caisses de compensation concernées souhaitaient attirer l'attention de la Cour sur le fait que le découvert de la société s'élevait à plus de 628'000 fr. en novembre 2022 et augmentait chaque mois, étant précisé que toutes leurs créances étaient des créances privilégiées.

e. Le 17 janvier 2023, A______ SA a produit son bilan intermédiaire au 30 septembre 2022, révisé par C______ SA le 27 décembre 2022.

Ce bilan fournit l'estimation des biens de la société à leur valeur d'exploitation, mais pas à leur valeur de liquidation. Il en ressort que les actifs comprennent, pour l'essentiel, les postes suivants : "Liquidités" (18'849 fr. 77), "Créances résultant de prestations" (1'410'200 fr. 26), "Travaux en cours" (549'618 fr. 40) et "Stocks de marchandises" (306'754 fr.). Les dettes à court terme s'élèvent à 1'695'312 fr. 50, dont 472'144 fr. de "Dettes résultant d'achats", 174'058 fr. 60 de "Salaires à payer", 663'339 fr. 35 de "Charges sociales à payer" et 134'437 fr. 68 de "TVA à payer".

f. La cause a été gardée à juger le 19 janvier 2023, ce dont A______ SA a été avisée le même jour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ SA, société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 1989, dotée d'un capital-actions de 100'000 fr., a pour but social la pose de plafonds suspendus et de cloisons légères, la gypserie-peinture et les travaux d'aménagements d'intérieurs.

D______ est l'administrateur président de la société et E______ en est l'administratrice, tous deux avec signature individuelle.

F______ SA a été l'organe de révision de A______ SA du
11 juin 2020 au ______ 2022, date à laquelle elle a été radiée de ses fonctions au Registre du commerce.

b. Le 15 août 2022, A______ SA, représentée par D______, a saisi le Tribunal d'une requête en "procédure de sauvegarde urgente par la mise en place d'une protection judiciaire afin de garantir la continuité de l'activité dans la perspective du redressement de celle-ci". Le Tribunal a traité cette requête comme une requête de sursis concordataire.

En substance A______ SA a exposé être en difficulté depuis l'année 2015, date du décès de "son principal dirigeant M. G______". Suite à ce décès, la société avait été "mise aux mains de dirigeants peu scrupuleux", licenciés depuis lors. Le "chiffrage et le suivi des affaires" n'avaient plus été menés de façon rigoureuse et A______ SA rencontrait des problèmes de trésorerie, les banques ayant "cessé de soutenir l'entreprise eu égard à l'âge de M. H______ et à son manque de leadership". La Fondation d'aide aux entreprises (FAE) avait été sollicitée dans la perspective d'un rachat de la société par deux de ses salariés. Ce projet de rachat ne s'était pas concrétisé, de sorte que la FAE avait mis fin à son intervention.
D______ avait récemment "injecté un montant de 110'000 Frs dans l'entreprise" et mis "toute son énergie" afin de "développer le carnet de commandes". Il n'avait cependant pas été en mesure de maîtriser le suivi des affaires ainsi que les échéanciers de paiement avec les différents créanciers, dont la SUVA et les caisses de compensation. La société, qui faisait l'objet de nombreuses poursuites et employait une trentaine de personnes, se trouvait "dans une situation des plus délicates". Elle était "dans l'attente d'un bilan intermédiaire au 30 juin 2022 qui devrait être bouclé d'ici fin du mois d'août 2022, afin d'étayer [ses] objectifs de redressement".

En annexe à son courrier, A______ SA a produit son bilan au
31 décembre 2021, un carnet de commandes, une liste de débiteurs, une liste de créanciers, une liste du personnel, ainsi qu'un tableau récapitulatif des résultats réalisés depuis dix ans.

A teneur du bilan au 31 décembre 2021, les actifs de la société s'élevaient alors à 1'586'260 fr. 25 et les fonds étrangers à 2'082'390 fr. 61. Les actifs comportaient, pour l'essentiel, les postes suivants : "Liquidités" (106'669 fr.), "Créances résultant de la vente de biens et de services" (1'021'135 fr.) et "Stocks et prestations de services non facturés" (311'425 fr.).

c. Par ordonnance du 27 septembre 2022, le Tribunal a imparti à A______ SA un délai au 21 octobre 2022 pour produire un bilan de la société audité au 30 juin 2022 aux valeurs d'exploitation et de liquidation.

Cette ordonnance, expédiée à A______ SA par pli recommandé du même jour, a été distribuée au guichet postal, en mains de D______, le 5 octobre 2022.

A______ SA n'a pas produit le bilan requis dans le délai fixé.

d. Par pli du 20 octobre 2022, I______ SA a informé le Tribunal qu'elle avait "tout récemment" été mandatée par A______ SA pour se "charger de leur comptabilité ainsi que de leur fiscalité". Elle avait pris connaissance de la situation économique de la société et de ses nombreux retards de paiements. Compte tenu du "peu d'information" dont elle disposait à ce stade, elle n'était pas en mesure de produire un bilan audité aux valeurs de continuation et de liquidation au 30 juin 2022. Elle était néanmoins persuadée que les organes de A______ SA lui feraient parvenir les pièces utiles "dans les meilleurs délais".

e. Dans l'intervalle, par requête formée devant le Tribunal le 5 septembre 2022, la société J______ SA a requis la faillite sans poursuite préalable de A______ SA pour une créance de 17'826 fr. 10, exposant que la précitée avait suspendu ses paiements et faisait l'objet de nombreuses poursuites et actes de défaut de biens en cours.

Cette requête a été enregistrée sous le numéro de cause C/2______/2022. Par décision du 16 novembre 2022, le Tribunal a suspendu ladite cause jusqu'à droit jugé sur la requête de A______ SA tendant à l'octroi d'un sursis concordataire.

f. Par requête du 14 septembre 2022, plusieurs caisses de compensation (Caisse de compensation K______; Caisse de compensation L______, M______, N______; Caisse paritaire de prévoyance O______; P______, Fondation de prévoyance Q______; Caisse de retraite R______; Caisse d'allocations familiales S______; T______ ), comparant par Me B______, avocat, ont également saisi le Tribunal d'une requête en faillite dirigée contre A______ SA, dans la cadre de la poursuite pour effet de change n° 1______, en recouvrement d'un montant en capital de 122'800 fr.

Cette requête a été enregistrée sous le numéro de cause C/3______/2022. Par décision du 7 novembre 2022, le Tribunal a suspendu ladite cause jusqu'à droit jugé sur la requête de A______ SA tendant à l'octroi d'un sursis concordataire.

g. Enfin, par courrier du 7 octobre 2022, F______ SA, en sa qualité de réviseur de A______ SA, a avisé le Tribunal du probable surendettement de la société, au sens de l'art. 725 al. 2 CO.

F______ SA a précisé avoir informé l'assemblée générale de A______ SA - dans son rapport de révision du 21 juin 2022 - que la société présentait des fonds propres négatifs (- 496'130 fr.) au 31 décembre 2021 et que cet état de surendettement persistait même si le prêt Covid octroyé à la société
(375'000 fr.) était comptabilisé avec les fonds propres. Compte tenu des pertes subies en 2020 et 2021, le conseil d'administration s'était engagé à établir un bilan intermédiaire au 30 juin 2022, afin de vérifier si la mise en œuvre de mesures d'assainissement avait permis de "revenir à une situation normale". Depuis le
15 septembre 2022, F______ SA n'avait plus aucune nouvelle du conseil d'administration. En dépit de ses relances, celui-ci ne lui avait toujours pas transmis le bilan intermédiaire de la société au 30 juin 2022. F______ SA souhaitait dès lors informer le Tribunal de "la situation préoccupante en termes de fonds propres et de liquidités de [A______ SA] au sens de l'art. 725 al. 2 CO".

Par pli du 14 novembre 2022, D______ a contesté les explications du réviseur, exposant que A______ SA avait pris du retard dans sa facturation, ce qui expliquait ses retards de paiements. A cela s'ajoutait que la société faisait l'objet de saisies, ce qui avait entraîné le blocage de ses comptes par l'Office des poursuites. Le paiement des salaires avait pris un "retard considérable" et certains employés avaient démissionné. Cela étant, les "factures ouvertes et les perspectives financières établies par le carnet de commande" allaient permettre de "rembourser l'ensemble des créanciers poursuivants à courtes et moyennes échéances".

L'avis de surendettement de F______ SA a été enregistré sous le numéro de cause C/4______/2022. Par décision du 18 novembre 2022, le Tribunal a ordonné la suspension de ladite cause jusqu'à droit jugé dans le cadre de la requête de sursis concordataire formée par A______ SA.

h. Par pli du 4 novembre 2022 adressé au Tribunal dans la présente cause,
Me B______ a précisé qu'à ce jour, les caisses de compensation dont il assurait la défense étaient créancières de A______ SA à hauteur d'un montant de 628'018 fr. 70, le découvert augmentant au fil des mois. Il s'agissait de créances privilégiées qui devraient être intégralement couvertes dans le cadre d'un éventuel concordat. Les caisses de compensation concernées souhaitaient en informer le Tribunal avant qu'il ne se prononce sur le sursis concordataire requis par A______ SA.

i. Lors de l'audience du 10 novembre 2022, le Tribunal a remis une copie du courrier de Me B______ susmentionné à D______. Il a en outre ordonné l'apport des causes C/2______/2022 et C/4______/2022 à la présente procédure.

D______ a persisté à requérir un sursis concordataire en faveur de A______ SA, sans produire de pièces nouvelles. Il a déclaré détenir une créance actionnaire envers la société - d'un montant de 250'000 fr. - qu'il n'avait pas postposée. L'autre actionnaire, "Monsieur H______", avait postposé sa propre créance à hauteur de 300'000 fr. D______ contestait la situation de surendettement décrite par F______ SA. Selon lui, le surendettement était dû à "des manquements dans la facturation". Une fois le retard de facturation rattrapé, le surendettement pourrait être supprimé. Il estimait en outre que les commandes pour les travaux à venir permettraient de résorber le passif et de rétablir la trésorerie. Celle-ci était défaillante en l'état, dans la mesure où la société n'avait plus de ligne de crédit. La FAE avait cessé toute aide depuis juillet 2022, A______ SA n'ayant pas pu lui fournir une attestation selon laquelle les charges sociales étaient régulièrement payées. La trésorerie dépendait exclusivement de l'encaissement vis-à-vis des clients, ce que D______ devait désormais faire lui-même, la comptabilité n'étant plus tenue depuis 2021. Une nouvelle fiduciaire avait été mandatée en octobre 2022.

D______ a déclaré que le prêt Covid avait été entièrement utilisé pour les besoins courants de la société. Certains créanciers faisaient preuve d'acharnement à l'égard de A______ SA, ce qui avait conduit au blocage de ses comptes. Un billet à ordre avait été émis en faveur des caisses de compensation, mais l'accord de paiement conclu avec celles-ci n'avait pas pu être honoré. Le projet de reprise de la société par lui-même et une autre employée ne s'était pas concrétisé, pas plus que le projet de rachat de la société par un groupe tiers. A______ SA n'avait pas les liquidités pour couvrir les frais d'un éventuel commissaire au sursis, mais la société disposait d'un "potentiel d'encaissement" de 1'000'000 fr. auprès de ses clients, ce qui devait lui permettre de rétablir la situation.

S'il n'avait pas fait établir un bilan intermédiaire au 30 juin 2022, comme requis par F______ SA et par le Tribunal, c'était en raison de la "défaillance de la première fiduciaire", d'une part, et parce qu'il n'avait pas trouvé une nouvelle fiduciaire avant le mois d'octobre 2022, d'autre part.

A l'issue de l'audience, le premier juge a gardé la cause à juger.

j. Dans le jugement querellé, le Tribunal a considéré, en substance, que la requête de sursis formée par A______ SA ne satisfaisait pas aux exigences légales. Alors qu'elle était visée par trois autres procédures, soit un avis de surendettement au juge déposé par l'organe de révision et deux requêtes de faillite requises par des créanciers, A______ SA n'avait fourni aucune des pièces utiles pour apprécier de manière circonstanciée les chances de succès d'un éventuel sursis. En particulier, elle n'avait pas produit de bilan audité aux valeurs d'exploitation et de liquidation au 30 juin 2022, ni de plan d'assainissement permettant de comprendre comment et à quelle échéance le passif serait résorbé et la pérennité de l'exploitation assurée.

En tout état, il n'existait manifestement aucune perspective d'assainissement ou d'homologation d'un concordat. Selon F______ SA, le surendettement de la société, qui s'élevait à 496'130 fr. 31 à fin décembre 2021, subsistait même en réintégrant la somme de 375'000 fr. (prêt Covid) dans les fonds propres. Depuis lors, D______ n'avait pas postposé sa propre créance actionnaire, pas plus que l'entité ayant octroyé le prêt Covid, tandis que des arriérés de cotisations sociales (passif à court terme) s'étaient accumulés à hauteur de 628'018 fr. 70 au 3 novembre 2022. S'y ajoutaient de nombreux passifs émanant de créanciers privés et publics, qui ne faisaient que creuser un déficit devenu insurmontable. A______ SA se trouvait par ailleurs en cessation de paiement depuis la fin du premier semestre 2022, comme le démontrait son absence totale de liquidités (plus de ligne de crédit, plus d'aide de la FAE, trésorerie quasi inexistante), ce qui l'avait conduite au blocage de ses comptes, mais aussi à l'impossibilité de payer les salaires de ses employés.

Le surendettement de la société à la valeur d'exploitation était donc avéré au jour du dépôt de la requête. Il ne pouvait qu'être plus grand à la valeur de liquidation, puisqu'a priori, aucun actif n'était de nature à receler de réserves latentes et que le poste "créances résultant de la vente de biens et services" ne pouvait au mieux qu'être déprécié une fois la société en faillite, si tant est que sa valeur ne soit pas nulle, étant rappelé que la comptabilité n'avait pas été tenue durant de nombreux mois. Le surendettement, conjugué avec l'absence de liquidités et l'augmentation régulière du passif démontraient que la société aurait dû depuis longtemps déposer son bilan et sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouvait. A______ SA se bornait à invoquer les commandes de travaux et son poste d'actifs correspondant à des travaux exécutés mais non facturés (voire les commandes en cours), ce qui ne valait pas plan d'assainissement. Il n'appartenait pas au Tribunal de suppléer cette carence. On ne voyait de toute manière pas comment la société pourrait redresser la situation en n'augmentant pas son passif durant le sursis sans disposer de perspectives concrètes de recouvrer une trésorerie.

Les conditions pour l'octroi d'un sursis provisoire n'étant à l'évidence pas remplies, il incombait au Tribunal, conformément à l'art. 293a al. 3 LP, de prononcer la faillite immédiate de la société.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite ou du concordat selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 295c al. 1 LP).

Le recours est recevable pour violation du droit (art. 320 let. a CPC) et/ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC). Il doit être formé par écrit et être motivé (art. 321 al. 1 CPC).

Pour satisfaire à l'exigence de motivation, le recourant doit démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Il ne peut se limiter à renvoyer à ses écritures de première instance ou à se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. La motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5D_65/2014 du 9 septembre 2014 consid. 5.4.1; 5D_190/2014 du
12 mai 2015 consid. 2)

1.2 En l'espèce, le recours a été interjeté par écrit et dans le délai de dix jours prévu par la loi (art. 174 al. 1 LP, art. 142 et 321 al. 2 CPC). Il est recevable dans cette mesure.

1.3 Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC). Le juge établit les faits d'office (maxime inquisitoire limitée; art. 255 let. a CPC).

2. La recourante a produit une pièce nouvelle devant la Cour, soit un bilan audité au 30 septembre 2022. Elle a également conclu nouvellement à ce que la Cour "annule la proposition d'un sursis concordataire à A______".

2.2.1 Selon l'art. 326 CPC, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (al. 1); les dispositions spéciales de la loi sont réservées (al. 2).

L'art. 174 LP - applicable à la faillite sans poursuite préalable par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP - prévoit que les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux, lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance (art. 174 al. 1 LP). Cette disposition spéciale de la loi, au sens de l'art. 326 al. 2 CPC, vise les faits nouveaux improprement dits (faux nova ou pseudo-nova), à savoir ceux qui existaient déjà au moment de l'ouverture de la faillite et dont le premier juge n'a pas eu connaissance pour quelque raison que ce soit; ces faits peuvent être invoqués sans restriction et prouvés par pièces, pour autant qu'ils le soient dans le délai de recours. Aux termes de l'art. 174 al. 2 LP, le failli peut aussi invoquer de vrais nova, à savoir les faits, intervenus après l'ouverture de la faillite en première instance, qui sont énumérés aux chiffres 1 à 3. Selon la jurisprudence, ces vrais nova doivent également être produits avant l'expiration du délai de recours. En vertu de la lettre claire de l'art. 174 al. 2 LP, aucun autre novum n'est admissible. Partant, dans le cadre d'un recours contre un prononcé de faillite sans poursuite préalable, seuls les pseudo-nova sont en principe recevables, les hypothèses énumérées exhaustivement à l'art. 174 al. 2 ch. 1-3 LP étant étrangères à ce type de procédure. Il n'est ainsi pas possible d'invoquer que, dans le délai de recours, l'état de surendettement a été éliminé, qu'un nouvel organe de révision est arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas de surendettement ou encore qu'une postposition de créance nouvellement consentie rend superflu l'avis au juge (arrêts du Tribunal fédéral 5A_252/2020 et 5A_264/2020 du 18 juin 2020 consid. 4.1.2; 5A_243/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1 et les références citées, in SJ 2019 I p. 376).

2.2.2 En l'espèce, conformément à ce qui précède, la pièce nouvelle produite par la recourante est irrecevable, faute d'avoir été produite dans le délai de recours. Quoi qu'il en soit, même si elle avait été recevable, cette pièce n'aurait pas modifié l'issue du litige (cf. infra consid. 3.3).

La conclusion nouvelle de la recourante est quant à elle irrecevable en vertu de l'art. 326 al. 1 CPC.

3. La recourante reproche au Tribunal d'avoir prononcé sa faillite, en dépit de la volonté de son administrateur de "donner à nouveau de la vigueur économique à la société" et de "trouver un plan d'assainissement crédible".

3.1 Conformément à l'art. 1 al. 1 tit. fin. CC, applicable selon l'art. 1 al. 1 des dispositions transitoires de la modification du droit de la société anonyme du
19 juin 2020 (RO 2020 4005), l'ancien droit reste applicable au présent litige, les faits pertinents s'étant produits avant le 1er janvier 2023.

3.2.1 Le débiteur peut lui-même requérir sa faillite en se déclarant insolvable en justice (art. 191 al. 1 LP). Par ailleurs, la faillite est prononcée d'office sans poursuite préalable dans les cas prévus par la loi (art. 192 LP), soit notamment lorsque l'administrateur d'une société anonyme annonce au juge le surendettement de la société (art. 725 al. 2 aCO).

Selon l'art. 725 al. 2 aCO, s'il existe des raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification d'un réviseur agréé. S'il résulte de ce bilan que les dettes sociales ne sont couvertes ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur d'exploitation, ni lorsqu'ils le sont à leur valeur de liquidation, le conseil d'administration en avise le juge, à moins que des créanciers de la société n'acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société dans la mesure de cette insuffisance de l'actif.

Au vu de l'avis de surendettement, le juge déclare la faillite, à moins que les conditions d'un ajournement soient réunies (cf. art. 725a al. 1 aCO; arrêt du Tribunal fédéral 5A_867/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.1.1 et les références citées).

3.2.2 Selon l'art. 173a al. 1 et 2 LP, applicable en matière de faillite sans poursuite préalable en vertu du renvoi de l'art. 194 al. 1 LP, le tribunal peut ajourner le jugement de faillite, sur requête du débiteur sollicitant un sursis concordataire ou même d'office, lorsqu'un concordat paraît possible.

L'art. 173a LP est une mesure d'exécution forcée permettant d'éviter l'ouverture de la faillite quand sont réalisées les conditions d'un assainissement financier, notamment sous la forme d'un sursis concordataire. Le juge de la faillite saisi d'une requête d'ajournement doit examiner si une requête motivée de sursis, accompagnée du projet de concordat et des pièces justificatives (bilan détaillé, compte d'exploitation ou tous autres documents faisant apparaître l'état du patrimoine et des revenus du débiteur) a été déposée et si, sur la base de ces pièces, émerge, selon toute vraisemblance, une certaine probabilité concrète d'homologation du concordat. Sur la base d'un examen sommaire, le juge doit donc poser un pronostic à propos des chances de succès d'un concordat. Cet ajournement de la faillite ne déploie toutefois ses effets que pendant la durée correspondant au temps nécessaire au juge pour rendre sa décision sur le sursis concordataire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2010 du 12 janvier 2011 consid. 2.2 et les références citées).

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'ajourner la faillite lorsqu'il apparaît d'emblée que le sursis concordataire doit être refusé.

3.2.3 Le débiteur qui introduit une procédure concordataire doit joindre à sa requête un bilan à jour, un compte de résultats et un plan de trésorerie ou d'autres documents présentant l'état actuel et futur de son patrimoine, de ses résultats ou de ses revenus ainsi qu'un plan d'assainissement provisoire (art. 293 let. a LP).

Si l'art. 293 LP ne pose pas de conditions plus strictes concernant les documents à joindre à la requête de sursis concordataire, il n'en reste pas moins que l'administrateur d'une société anonyme qui avertit le juge du surendettement de la société doit disposer d'un bilan intermédiaire dressé à sa demande par un réviseur agréé et indiquant les valeurs d'exploitation et de liquidation estimées des biens de la société (cf. art. 725 al. 2 aCO). La production de ces documents permet notamment de mieux appréhender les chances de succès du plan d'assainissement provisoire, respectivement du futur concordat (ACJC/210/2017 du 24 février 2017 consid. 3.2 et les références citées).

En particulier, le requérant doit présenter un plan exposant les mesures propres à assainir la société - telles qu'une postposition par les créanciers de la société
(cf. art. 725 al. 2 in fine aCO), la conversion de créances en actions, des cautionnements ou des garanties bancaires, etc. -, ainsi que le délai dans lequel le surendettement sera éliminé. Sur la base de ces éléments, le juge doit estimer les chances d'un assainissement réussi et durable. L'assainissement paraît possible quand les mesures proposées permettront, selon toute vraisemblance, d'éliminer le surendettement dans le délai prévu et de restaurer à moyen terme la capacité de gain, qui seule laisse entrevoir des perspectives d'avenir. Il est nécessaire, en tout cas, qu'une société aux bases financières saines ressorte, avec une haute probabilité, du processus d'assainissement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_902/2016 du
21 mars 2017 consid. 5.3.2 et les références citées).

Le plan d'assainissement ne peut se contenter de ne proposer que des mesures financières sans engagement. Lorsqu'il implique des concessions de la part des actionnaires ou des créanciers, le juge doit être assuré que leur réalisation est vraisemblable. Il exigera donc des documents tels que des conventions de postposition au sens de l'art. 725 al. 2 aCO, des remises de dette ou des souscriptions fermes d'actionnaires pour une augmentation de capital. Si le juge néglige de le faire, la responsabilité de l'Etat peut être engagée, dès lors qu'une éventuelle révocation de l'ajournement n'effacera pas le dommage qui aurait pu être évité par une ouverture immédiate de la faillite. En revanche, le juge doit se montrer souple lorsque l'assainissement dépend de mesures de différente nature dont les sacrifices des créanciers ne constituent qu'une composante accessoire (Ibid.).

Selon l'art. 293a al. 1 et 2 LP, le juge du concordat accorde sans délai un sursis provisoire, prolongeable mais dont la durée totale ne peut pas dépasser quatre mois, et arrête d'office les mesures propres à préserver le patrimoine du débiteur. Selon l'art. 293a al. 3 LP, il prononce en revanche d'office la faillite s'il n'existe manifestement aucune perspective d'assainissement ou d'homologation d'un concordat. L'absence manifeste de toute perspective d'assainissement ou d'homologation d'un concordat constitue donc à la fois la cause du refus du sursis provisoire et celle de la faillite; mis à part le cas où il estime que la requête de sursis provisoire doit être rejetée parce que prématurée ou abusive, le juge n'a pas d'autre alternative à l'octroi de ce sursis que le prononcé de la faillite et il n'a pas à examiner d'autres conditions à cette fin (arrêt du Tribunal fédéral 5A_950/2015 du
29 septembre 2016 consid. 8.2.1; ATF 142 III 364 cons. 2.3).

3.3 En l'espèce, le Tribunal a considéré, avec raison, que la recourante était surendettée, sans rendre vraisemblable que l'insuffisance de ses actifs serait couverte par d'éventuels abandons et/ou postpositions de créances. La recourante n'a d'ailleurs produit aucun document à cet égard, à l'exemple d'une convention de postposition au sens de l'art. 725 al. 2 aCO ou d'une remise de dette. Elle n'a pas non plus critiqué la motivation du Tribunal sur ce point, se limitant à affirmer qu'une "facturation correcte aurait certainement permis de résorber le surendettement", tout en admettant qu'elle faisait face à des "problèmes de trésorerie" depuis 2015, qu'elle avait accumulé d'importantes dettes (notamment vis-à-vis de caisses de compensation et de la SUVA) et qu'elle ne tenait plus sa comptabilité de façon sérieuse et régulière depuis 2021.

C'est également à juste titre que le Tribunal a retenu qu'il n'existait aucune perspective concrète d'assainissement ou d'homologation d'un concordat, étant relevé que, là encore, la recourante n'a formulé aucun grief motivé contre le jugement attaqué. Outre qu'elle n'a produit aucune pièce permettant d'appréhender sa situation actuelle (le bilan produit devant la Cour indique la valeur d'exploitation de la société, mais pas sa valeur de liquidation) ou de comprendre comment et à quelle échéance son passif serait susceptible d'être résorbé, l'on ne voit pas comment la recourante pourrait améliorer durablement sa situation et reconstituer sa capacité de rendement à moyen terme. A cet égard, la recourante reconnaît elle-même que son déficit ne fait que se creuser au fil des mois (les poursuites et actes de défaut de biens dont elle fait l'objet totalisent plus de 1'500'000 fr.) et qu'elle est dépourvue de liquidités (ce qui ressort de la composition de ses actifs au 31 décembre 2021 et au 30 septembre 2022), ce qui a entraîné le blocage de ses comptes et l'impossibilité de payer ses charges salariales et sociales. Afin d'étayer la "reprise financière possible de [son] exploitation", la recourante se borne à invoquer l'existence de "factures ouvertes" et de "chantiers en cours", sans détailler les prétendues créances ou liquidités dont elle disposerait pour solder son passif et restaurer sa trésorerie. La recourante n'a dès lors pas rendu vraisemblable l'existence de concessions acceptées par ses actionnaires et/ou par certains créanciers afin d'éviter sa mise en faillite, pas plus qu'elle n'a rendu plausible l'assainissement de sa situation à brève échéance. Au contraire, les perspectives qu'elle évoque, fondées sur de vagues espoirs de "reprise", apparaissent irréalistes et vouées à l'échec.

Partant, c'est à bon droit que le Tribunal a refusé l'octroi d'un sursis concordataire et prononcé la faillite immédiate de la recourante.

Le recours sera rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

4. Lorsque l'effet suspensif octroyé par l'autorité de recours porte également sur la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite, et non seulement sur le caractère exécutoire du jugement de faillite, et que l'autorité rejette en fin de compte le recours contre la faillite, le moment de l'ouverture de la faillite est différé à la date du prononcé de l'arrêt de seconde instance. L'autorité doit par conséquent fixer à nouveau ce moment (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).

La faillite de la recourante sera dès lors confirmée, avec effet à la date du prononcé du présent arrêt.

5. Les frais judiciaires du recours, comprenant l'émolument de décision sur effet suspensif, seront arrêtés à 3'000 fr.. (art. 52 et 61 OELP, 26 RTFMC), mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens de recours.

 

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé le 1er décembre 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/13937/2022 rendu le 22 novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15878/2022-10.

Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ SA prenant effet le
28 février 2023 à 12 heures.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Arrête les frais judiciaires du recours à 3'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente (art. 74 al. 2 let. d LTF).