Décisions | Sommaires
ACJC/287/2023 du 28.02.2023 sur JTPI/1150/2023 ( SFC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/21992/2022 ACJC/287/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 28 FEVRIER 2023 |
Pour
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 janvier 2023, comparant en personne.
A. A______ a déposé le 7 novembre 2022 au Tribunal de première instance une déclaration d'insolvabilité, assortie de diverses pièces relatives à sa situation financière.
Il en résulte qu'il est retraité sans activité lucrative et qu'il perçoit mensuellement, depuis le 1er juin 2021, une rente simple de l’AVS de 1'272 fr., une rente du 2ème pilier de 224 fr. 30, ainsi que des prestations complémentaires cantonales de 540 fr. et fédérales de 699 fr., afin de faire face à des charges annuelles déterminantes de 38'826 fr. Il n’a aucune fortune mobilière ou immobilière. Le relevé des poursuites en cours au 4 novembre 2022 et des actes d’actes de défaut de biens délivrés font état de poursuites en cours pour 5'119 fr. 55 et d’actes de défaut de biens actifs totalisant 178'890 fr.
Dans le formulaire ad hoc, A______ n'a indiqué aucun bien qui serait susceptible de désintéresser ses créanciers.
B. Par jugement JTPI/21992/2022 du 26 janvier 2023, reçu le 28 janvier 2023 par A______, le Tribunal a débouté celui-ci des fins de sa requête d'insolvabilité (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 50 fr., mis à la charge de ce dernier et compensés avec l'avance fournie (ch. 2 et 3) et débouté le précité de toutes autres conclusions (ch. 4).
Le Tribunal a considéré que A______ ne disposait d'aucun actif susceptible de désintéresser, ne fût-ce que très partiellement, ses nombreux créanciers. Ses rentes n’excédaient pas son minimum vital LP et ne pouvaient donc servir à la distribution d’un quelconque dividende dans une faillite, les frais de la liquidation avancés (3'500 fr.) n’étant pas destinés aux créanciers mais à couvrir les frais administratifs de la liquidation.
C. Par acte expédié le 6 février 2023 à la Cour de justice, A______ forme recours contre le jugement précité, dont il requiert l'annulation. Il conclut au prononcé de sa faillite personnelle.
Il a été informé le 14 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 al. 1 par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP).
Le recours a été interjeté dans le délai utile de 10 jours (art. 174 al. 1 LP) et selon la forme prescrite. Il est partant recevable.
1.2 Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC). Le juge établit les faits d'office (maxime inquisitoire, art. 255 let. a CPC). La preuve des faits allégués doit, en principe, être apportée par titres.
2. Le recourant fait grief au Tribunal de privilégier "les personnes qui ont un peu plus d'argent ( ) par rapport à celles qui n'ont rien du tout". Il fait valoir que, s'il avai[t] ( ) quelques économies ( ) il pourrai[t] échapper à la saisie de [s]on 2ème pilier". Il souhaite bénéficier d'"une trêve pour le restant de [s]es jours".
2.1. Aux termes de l'art. 191 LP, le débiteur peut lui-même requérir sa faillite en se déclarant insolvable en justice (al. 1); lorsque toute possibilité de règlement amiable des dettes selon les art. 333 ss est exclue, le juge prononce la faillite (al. 2).
La faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur offre à celui-ci d'importants avantages. En effet, les saisies à son encontre (même les saisies de salaire) tombent. En outre, cette institution lui procure immédiatement la tranquillité nécessaire pour se reprendre financièrement : déjà après l'ouverture de la faillite, il peut disposer librement de son salaire courant (c'est-à-dire les versements devenus exigibles après l'ouverture de la faillite). De plus, il peut à nouveau être poursuivi pour les créances nées avant la faillite uniquement après son retour à meilleure fortune (Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 9ème éd. 2013, § 38 n. 22-23).
La jurisprudence a eu l'occasion de préciser que l'art. 191 LP institue une procédure d'insolvabilité, dont le but est de répartir les biens du débiteur de manière équitable entre tous les créanciers. Celui qui requiert volontairement sa faillite doit donc avoir quelques biens à abandonner à ses créanciers. Certes, le débiteur en tire une certaine protection puisqu'il peut opposer son défaut de retour à meilleure fortune, retrouvant la possibilité de mener un train de vie conforme à sa situation sans être réduit au minimum vital. Mais, par cet art. 191 LP, le législateur n'a pas voulu introduire et n'a pas introduit une procédure de désendettement des particuliers, pour régler le problème du surendettement des débiteurs les plus obérés, qui n'ont plus d'actifs et n'ont même pas les moyens d'avancer les frais de la procédure (ATF 133 III 614 consid. 6 et les références citées). Selon les circonstances, une déclaration d'insolvabilité en justice peut être constitutive d'un abus de droit manifeste et il appartient alors au juge de rejeter une telle requête. Tel est en particulier le cas, lorsqu'un débiteur sollicite sa mise en faillite volontaire, alors qu'il sait que la masse en faillite ne disposerait d'aucun actif (arrêts du Tribunal fédéral 5A_78/2016 du 14 mars 2016 consid. 3.1; 5A_915/2014 du 14 janvier 2015 consid. 5.1; 5A_676/2008 du 15 janvier 2009 consid. 2.1).
Commet également un abus de droit le débiteur qui poursuit le but de faire tomber une saisie sur ses revenus. Si l'on devait agréer la demande de faillite volontaire de chaque débiteur qui poursuit ce but, l'art. 93 LP serait pratiquement vidé de sa substance; il ne saurait y avoir libre choix entre la saisie des revenus et la déclaration d'insolvabilité, car les intérêts des créanciers doivent également être pris en compte; dans ce domaine, il ne peut s'agir de faire triompher uniquement le point de vue du débiteur (ATF 145 III 26 consid. 2.2 et les références citées).
2.2 En l'espèce, il apparaît que le recourant ne critique pas le raisonnement du premier juge, mais les principes exposés ci-dessus.
De jurisprudence fédérale constante et bien établie, la procédure de faillite volontaire n'a pas vocation à régler la problématique du surendettement des particuliers obérés. Les considérations du recourant au sujet de l'"engrenage dont on ne sort[irait] plus" sont dès lors dénuées de pertinence aux fins de la présente cause.
Le recourant admet expressément qu'il ne dispose d'aucun actif susceptible de tomber dans la masse en faillite et ajoute qu'il souhaite échapper à la saisie de son 2ème pilier. C'est ainsi à juste titre que le premier juge a considéré que la requête était abusive et qu'il l'a rejetée.
Le recours se révèle infondé, de sorte qu'il sera rejeté.
3. Les frais du recours, arrêtés à 75 fr., seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 6 février 2023 par A______ contre le jugement JTPI/1150/2023 rendu le 26 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21992/2022-10.
Au fond :
Le rejette.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires du recours à 75 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Laura SESSA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.