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C/5586/2022

ACJC/1564/2022 du 23.11.2022 sur JTPI/8787/2022 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5586/2022 ACJC/1564/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 23 NOVEMBRE 2022

 

Entre

A______, sise c/o Me B______, ______ [GE], appelante et intimée d'un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 juillet 2022, comparant par Me Pierre DUCRET, avocat, CMS von Erlach Partners SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale 5067, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

C______ SA, sise ______, ______ [GE], intimée et appelante, comparant par Me Daniel TUNIK, avocat, Lenz & Staehelin, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8787/2022 du 21 juillet 2022, notifié aux parties le 25 juillet 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire [recte: sommaire], a ordonné au conseil d'administration de C______ SA de convoquer dans les trente jours à compter de l'entrée en force du jugement, une assemblée générale ayant pour ordre du jour :

"Nomination d'un expert selon l'article 731a al. 3 CO afin de contrôler la gestion de C______ SA.

L'assemblée générale de C______ SA nomme Me D______, de E______ [NE], à G______ [VD], avocat en l'Etude F______ SA, place 1______, ______, G______ [VD], comme expert selon l'article 731a al. 3 CO, selon les modalités suivantes :

a.    L'expert a pour mission d'examiner et d'enquêter sur toutes les démarches entreprises en lien avec la proposition de vente des actions de la [clinique] H______ SA contre 2'317'74 actions de I______ SA (la "Transaction"), y compris la valorisation par J______ SA du 14 avril 2021 de H______ SA et le mémorandum de K______ SA du 16 avril 2021 sur le rapport d'échange des actions de la [clinique] H______ SA contre 2'317'740 actions de I______ SA.

b.    Le mandat de l'expert commence dès l'acceptation de la présente proposition par l'assemblée générale de C______ SA.

c.    L'expert est chargé et habilité à :

i.          Examiner les conditions et les circonstances ayant amené à la Transaction et toutes les démarches entreprises dans ce contexte par les administrateurs de C______ SA ou toute autre personne ayant agi comme organe de fait ou sur délégation d'un organe de C______ SA ou tout employé ou mandataire de C______ SA (les "Parties L______') et, en particulier, examiner :

1.             Les circonstances de l'offre faite par M______ SA à C______ SA ayant abouti à l'approbation de la Transaction;

2.             Les circonstances selon lesquelles J______ SA a été amenée à procéder à une évaluation de H______ SA;

3.             Les circonstances selon lesquelles K______ SA a été amenée à procéder à une vérification du rapport d'échanges des actions de la H______ SA contre 2'317'740 actions de I______ SA.

4.             Les démarches entreprises par les Parties L______ en vue de vérifier :

a.               Le rapport d'échanges des actions de la H______ SA contre 2'317'740 actions de I______ SA;

b.               Les conditions de la transaction intervenue entre M______ SA et N______, Inc. le 25 mars 2021 portant sur la vente de 10% des actions de I______ SA pour une valeur de CHF 1'000'000;

c.                Le fait que ladite transaction serait une opération entre parties indépendantes.

5.             La composition dans laquelle le Conseil d'administration de C______ SA a délibéré et décidé d'accepter l'offre faite par M______ SA à C______ SA de vendre l'intégralité des actions de H______ SA contre 2'317740 actions de I______ SA;

6.             L'éventuel dommage subi par C______ SA du fait de la vente des actions de la H______ SA contre 2'317'740 actions de I______ SA;

7.             Les communications étant intervenues dans le contexte de la Transaction entre d'une part les Parties L______ et d'autre part chacune des parties suivantes (i) K______ SA, ii) J______ SA, (iii) N______, Inc., (iv) M______ SA, (v) I______ SA, (vi) les organes et employés des parties visées aux chiffres (i) à (v) et (vii) les personnes proches des parties visées aux chiffres (i) à (vi).

ii.        Avoir accès à tous les documents, informations et données pertinentes, y compris toute correspondance, de toutes les Parties L______, qui concernent la Transaction.

iii.      Informer régulièrement les actionnaires sur ses activités et les résultats de ses investigations, et soumettre un rapport écrit chaque six mois.

iv.       Faire valoir ses droits pour l'exercice de ses fonctions et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la bonne exécution de son mandat, y compris par la voie judiciaire.

d.    Si l'expert décède, démissionne ou est définitivement empêché d'exercer son mandat pour des raisons de santé, l'assemblée générale de C______ SA doit être convoquée dans les plus brefs délais afin de désigner un remplaçant approprié. L'expert nouvellement nommé a tous les droits et devoirs de l'expert précédent.

e.    L'expert s'organise et nomme les membres de son équipe, ses propres conseillers juridiques, financiers et autres personnes qu'il juge appropriés pour l'exécution du mandat. C______ SA versera à l'expert une avance de CHF 250'000.- pour couvrir les frais et débours à verser selon les références qui seront indiquées par l'expert.

f.      L'expert peut demander des avances complémentaires à C______ SA pour couvrir les frais et débours supplémentaires intervenant dans le cadre de l'exécution du mandat.

g.    L'expert dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son mandat. En cas d'incertitude quant à l'étendue de ses droits et ses pouvoirs, l'expert interprète de manière large son mandat et ses pouvoirs.

h.    Le Conseil d'administration de C______ SA veille à ce que l'expert soit en mesure d'effectuer ses audits et enquêtes. Si un membre du Conseil d'administration ou de la direction, ainsi qu'un employé ou mandataire d'une des Parties L______ ne se conforme pas entièrement à une demande de l'expert, le Président du Conseil d'administration de C______ SA ou s'il en est empêché, tout autre membre du Conseil d'administration de C______ SA, veille immédiatement à ce que la personne concernée se conforme à la demande de l'expert en temps utile.

i.      L'expert a droit à une rémunération calculée sur le temps consacré au mandat. L'expert est en droit d'appliquer personnellement un taux horaire de CHF 500.- par heure et la rémunération des personnes travaillant sous ses instructions dépendra de la séniorité des personnes impliquées, la fourchette du taux horaire se situant entre CHF 100.- par heure et CHF 500.- par heure. Les frais de tiers seront soit directement facturés par le tiers à C______ SA soit remboursés directement au tiers par C______ SA sur présentation de la facture du tiers." (chiffre 1 du dispositif).

Statuant sur les frais judiciaires, le Tribunal les a arrêtés à 600 fr., compensés avec l'avance de frais fournie par A______, mis à charge de C______ SA et condamné en conséquence celle-ci à rembourser à A______ la somme précitée (ch. 2). Il a également condamné C______ SA à payer à A______ la somme de 1'500 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 4).

B. a.a Par acte déposé le 4 août 2022 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ appelle de ce jugement. Elle sollicite, avec suite de frais judiciaires et dépens de première instance et d'appel, que la Cour annule et mette partiellement à néant le jugement JTPI/8787/2022 du 21 juillet 2022 en ce qu'il la déboute de sa conclusion tendant à ce qu'il soit ordonné au notaire O______, de l'Etude P______, rue 2______no.______, ______ [GE], de convoquer une assemblée générale extraordinaire de C______ SA, ordonnant en lieu et place au conseil d'administration de celle-ci de le faire.

Cela fait, elle conclut, principalement, à ce que la Cour ordonne à Me O______, de l'Etude P______, rue 2______no.______, ______ [GE], de convoquer une assemblée générale extraordinaire de C______ SA dans les trente jours suivant l'entrée en force du jugement [recte: arrêt] avec l'ordre du jour tel que retenu dans le jugement querellé. Subsidiairement, elle conclut à ce que la Cour renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt.

a.b Dans sa réponse, C______ SA conclut à ce que la Cour déboute A______ de ses conclusions avec suite de frais judiciaires et dépens de première et deuxième instance.

b.a Par acte déposé le 4 août 2022 au greffe de la Cour, C______ SA appelle également de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation avec suite de frais judiciaires et dépens de première et deuxième instances. Cela fait, elle conclut à ce que la Cour déboute A______ de toutes ses conclusions.

b.b Dans sa réponse, A______ conclut, préalablement, à ce que la Cour ordonne la jonction des procédures relatives à l'appel formé par C______ SA à l'encontre du jugement JTPI/8787/2022 du 21 juillet 2022 et l'appel interjeté par elle-même contre ce même jugement.

Principalement, elle conclut à ce que la Cour rejette l'appel formé par C______ SA, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont chacune répliqué, persistant dans leurs conclusions. C______ SA a également dupliqué dans le cadre de l'appel formé par leur partie adverse.

d. Les parties ont été informées par pli du greffe du 14 octobre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. La A______, inscrite au Registre du commerce de Genève, a pour but social de promouvoir et favoriser des soins médicaux de qualité dans l'intérêt de la santé publique et de ses membres. Elle compte plus de 120 membres, tous médecins pratiquant dans le Canton de Genève en tant que médecins privés ou hospitaliers exerçant aux HUG.

Ses statuts prévoient notamment qu'elle collabore à la bonne marche des établissements médicaux qu'elle détient en vertu de sa participation au capital social de la C______ SA.

Me B______ et Me Q______, avocats, sont directeurs de A______ depuis le 16 avril 2018.

b. C______ SA, dont le siège est à Genève, a pour but la participation à des entreprises industrielles, commerciales, immobilières et financières, notamment dans le domaine des soins hospitaliers. Elle détenait H______ SA, qui exploite la clinique du même nom.

Son capital-actions de 2'500'000 fr. est divisé en 5'800 actions de type "A" d'une valeur de 50 fr. chacune et de 1'700 actions de type "B" d'une valeur de 1'300 fr. chacune. Chaque action donne droit à un droit de vote (une voix), indépendamment de sa valeur nominale.

c. M______ SA, dont le siège est à R______ (FR), et I______ SA, ayant son siège à S______ (VD), ont notamment pour but la prise de participations à toutes entreprises poursuivant une activité commerciale, industrielle ou financière en Suisse ou à l'étranger, ainsi que toutes autres activités de nature à promouvoir ou à développer le but précité ou à en faciliter la réalisation.

d. Actuellement M______ SA est l'actionnaire majoritaire de C______ SA avec 5'209 actions de type A, soit 69,45% des droits de vote et 10,42% du capital-actions. La [société coopérative] A______ est l'actionnaire minoritaire de la précitée dont elle détient la totalité des 1'700 actions de type B, ainsi que 454 actions de type A soit 28,72% des droits de vote et 89,31% du capital-actions. Le solde des actions de type A est détenu par divers petits actionnaires.

e. Des conflits sont apparus entre I______ SA, alors actionnaire majoritaire de C______ SA et détenue entièrement par M______ SA, et la A______, à tout le moins depuis l'assemblée générale ordinaire du 17 avril 2018 de C______ SA.

f. Lors de cette dernière, A______ a choisi comme représentants au conseil d'administration T______, U______, V______ et W______.

L'assemblée générale a élu T______ et V______ et a refusé l'élection de U______ et W______.

L'assemblée générale a en outre approuvé l'institution d'un contrôleur spécial proposé par la A______.

g. Suite à cette décision, la A______ a déposé auprès du Tribunal une requête en désignation d'un contrôleur spécial ayant pour mission d'élucider les faits relatifs aux "Managements fees" et à des situations de conflits d'intérêt (cause C/3______/2018).

h. Par jugement JTPI/19465/2018 du 13 décembre 2018, le Tribunal a notamment nommé X______ SA en qualité de contrôleur spécial de C______ SA, dit que cette dernière aurait pour mission de déterminer comment avaient été fixés les "Managements fees" d'un montant de 810'000 fr. ainsi que leur justification, condamné C______ SA à supporter les frais et honoraires de X______ SA encourus en sa qualité de contrôleur spécial de C______ SA et condamné C______ SA à verser à X______ SA une provision en 20'000 fr. dès le prononcé du jugement.

i. Lors de l'assemblée générale du 13 mai 2019, la A______ a choisi comme représentant Me B______ en remplacement de V______, démissionnaire, ainsi que Y______ et U______.

L'assemblée générale a refusé l'élection des représentants choisis par la A______.

j. Dans ce contexte, A______ a intenté contre C______ SA deux actions judiciaires, l'une en annulation de la décision prise par l'assemblée générale du 17 avril 2018 (cause C/4______/2018), l'autre en annulation de la décision prise lors de l'assemblée générale du 13 mai 2019 (cause C/5______/2019), actions jointes sous n° de cause C/4______/2018.

k. Par jugement JTPI/7941/2022 du 29 juin 2022, le Tribunal a annulé la décision prise le 17 avril 2017 par l'assemblée générale ordinaire de C______ SA en tant qu'elle refusait d'élire au sein de son conseil d'administration U______; il a également annulé la décision prise le 13 mai 2019 par l'assemblée générale ordinaire de C______ SA en tant qu'elle refusait d'élire au sein de son conseil d'administration U______, Me B______ et Y______; il a enfin ordonné à C______ SA de convoquer une assemblée générale extraordinaire dans un délai de 30 jours à compter de la décision portant sur l'élection des administrateurs représentants de la A______ proposés par cette dernière. Le jugement fait l'objet d'un appel pendant à la Chambre civile de la Cour de justice.

l. Dans la perspective de l'assemblée générale qui s'est tenue le 18 juin 2020, le conseil d'administration de C______ SA a notamment proposé de modifier l'article 20 al. 2 des statuts, en ramenant le nombre de représentants de la A______ au conseil d'administration de quatre membres à un membre.

m. La proposition de modifier l'article 20 al. 2 des statuts ayant été acceptée lors de l'assemblée générale de C______ SA du 18 juin 2020 par 5'209 voix, représentant les actions de I______ SA, tandis que les autres actionnaires présents s'y sont opposés par 2'158 voix, dont 2'154 voix appartenant à la A______, celle-ci a intenté une nouvelle action en annulation de cette décision (cause C/6______/2020).

n. Par jugement JTPI/15803/2021 du 14 décembre 2021, le Tribunal a annulé la décision prise le 18 juin 2020 par l'assemblée générale de C______ SA en tant qu'elle modifie l'article 20 al. 2 de ses statuts; ce jugement a été confirmé par la Cour de justice dans son arrêt ACJC/1069/2022 rendu le 23 août 2022. Cet arrêt fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral.

o. Lors de sa séance du 23 avril 2021, malgré l'opposition de la A______ qui considérait que cette décision devait revenir à l'assemblée générale, le conseil d'administration de C______ SA a accepté d'échanger, avec M______ SA, les 70'000 actions que C______ SA détenait dans H______ SA contre 2'317'440 actions de I______ SA.

p. Le 17 mai 2021, en vue de l'assemblée générale ordinaire de C______ SA du 25 juin 2021, la A______ a écrit au conseil d'administration de C______ SA pour requérir l'inscription à l'ordre du jour de la nomination d'un expert selon l'article 731a al. 3 CO afin de contrôler la gestion de la société; les modalités et missions de l'expertise sollicitées sont détaillées et portent sur l'ensemble des circonstances et conditions de la transaction par laquelle les actions de H______ SA détenues par C______ SA ont été vendues en échange d'actions de I______ SA; elles sont identiques aux conclusions déposées dans le cadre de la présente procédure (cf. let. u infra). La A______ a également posé plusieurs questions au conseil d'administration relatives à la vente de H______ SA.

q. Lors de sa séance du 28 mai 2021, le conseil d'administration de C______ SA a décidé de ne pas mettre cette proposition à l'ordre du jour, en se fondant sur un avis de droit commandé par ledit conseil d'administration le 19 mai 2021. Cet avis de droit n'est pas produit dans la présente procédure.

r. L'ordre du jour adressé aux actionnaires le 3 juin 2021 ne contient pas le point concernant la nomination d'un expert.

s. Le 16 juin 2021, la A______ a adressé son bulletin de vote à C______ SA; dans le même courrier, constatant qu'il n'avait pas été donné suite à sa requête d'inscrire à l'ordre du jour la nomination d'un expert selon l'article 731a al. 3 CO, elle a proposé, en application de l'article 700 al. 3 CO à l'assemblée générale l'élection d'un expert et elle s'est prononcée en faveur de cette proposition selon un bulletin ad hoc annexé au courrier.

t. Le procès-verbal de l'assemblée générale du 25 juin 2021 mentionne en préambule le courrier adressé par la A______ le 17 mai 2021 en relation avec la proposition de celle-ci de nommer un expert selon l'article 731a al. 3 CO et sa décision du 28 mai 2021 fondée sur l'avis de droit du 19 mai 2021; il ne cite pas le bulletin ad hoc transmis par la A______ le 16 juin 2021.

Il est ajouté : "cet avis de droit, considérant que la [A______] entend faire un usage détourné de l'institution prévue par l'article 731a al. 3 CO, recommande au conseil d'administration de ne pas porter cet objet à l'ordre du jour de l'Assemblée générale s'il estime qu'une telle mesure est contraire aux intérêts de la société" (sic).

Le procès-verbal contient les réponses aux questions posées par la A______ dans son courrier du 17 mai 2021, qui ont été lues à l'assemblée générale.

u. En date du 24 mars 2022, la A______ a déposé auprès du Tribunal une requête concluant, avec suite de frais et dépens, en ces termes :

"Principalement :

2.        Ordonne au notaire Me O______, de l'Etude P______, rue 2______no.______, ______ [GE], de convoquer une assemblée générale de L______ dans les 30 jours suivant l'entrée en force du jugement avec l'ordre du jour suivant :

« Nomination d'un expert selon l'article 731a al. 3 CO afin de contrôler la gestion de C______ SA.

L'assemblée générale de C______ SA nomme Me D______, de E______, à G______, avocat en l'Etude F______, place 1______, ______, G______ [VD], comme expert selon l'article 731a al. 3 CO, selon les modalités suivantes :

a.         L'expert a pour mission d'examiner et d'enquêter sur toutes les démarches entreprises en lien avec la proposition de vente des actions de la H______ SA contre 2'317'740 actions de I______ SA (la "Transaction"), y compris la valorisation par J______ SA du 14 avril 2021 de H______ SA et le mémorandum de K______ SA du 16 avril 2021 sur le rapport d'échange des actions de la H______ SA contre 2'317'740 actions de I______ SA.

b.         Le mandat de l'expert commence dès l'acceptation de la présente proposition par l'assemblée générale de C______ SA.

c.         L'expert est chargé et habilité à :

i. Examiner les conditions et les circonstances ayant amené à la Transaction et toutes les démarches entreprises dans ce contexte par les administrateurs de C______ SA ou toute autre personne ayant agi comme organe de fait ou sur délégation d'un organe de C______ SA ou tout employé ou mandataire de C______ SA (les "Parties L______') et, en particulier, examiner :

1. Les circonstances de l'offre faite par M______ SA à C______ SA ayant abouti à l'approbation de la Transaction;

2. Les circonstances selon lesquelles J______ SA a été amenée à procéder à une évaluation de H______ SA;

3. Les circonstances selon lesquelles K______ SA a été amenée à procéder à une vérification du rapport d'échanges des actions de la H______ SA contre 2'317'740 actions de I______ SA :

4. Les démarches entreprises par les Parties L______ en vue de vérifier :

a.        Le rapport d'échanges des actions de la H______ SA contre 2'317'740 actions de I______ SA;

b.        Les conditions de la transaction intervenue entre M______ SA et N______, Inc. le 25 mars 2021 portant sur la vente de 10% des actions de I______ SA pour une valeur de CHF 1'000'000;

c.         Le fait que ladite transaction serait une opération entre parties indépendantes.

5. La composition dans laquelle le Conseil d'administration de C______ SA a délibéré et décidé d'accepter l'offre faite par M______ SA à C______ SA de vendre l'intégralité des actions de H______ SA contre 2'317740 actions de I______ SA;

6. L'éventuel dommage subi par C______ SA du fait de la vente des actions de la H______ SA contre 2'317'740 actions de I______ SA;

7. Les communications étant intervenues dans le contexte de la Transaction entre d'une part les Parties L______ et d'autre part chacune des parties suivantes (i) K______ SA, ii) J______ SA, (iii) N______, Inc., (iv) M______ SA, (v) I______ SA, (vi) les organes et employés des parties visées aux chiffres (i) à (v) et (vii) les personnes proches des parties visées aux chiffres (i) à (vi).

ii. Avoir accès à tous les documents, informations et données pertinentes, y compris toute correspondance, de toutes les Parties L______, qui concernent la Transaction.

iii. Informer régulièrement les actionnaires sur ses activités et les résultats de ses investigations, et soumettre un rapport écrit chaque six mois.

iv. Faire valoir ses droits pour l'exercice de ses fonctions et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la bonne exécution de son mandat, y compris par la voie judiciaire.

d. Si l'expert décède, démissionne ou est définitivement empêché d'exercer son mandat pour des raisons de santé, l'assemblée générale de C______ SA doit être convoquée dans les plus brefs délais afin de désigner un remplaçant approprié. L'expert nouvellement nommé à tous les droits et devoirs de l'expert précédent.

e. L'expert s'organise et nomme les membres de son équipe, ses propres conseillers juridiques, financiers et autres personnes qu'il juge appropriés pour l'exécution du mandat. C______ SA versera à l'expert une avance de CHF 250'000.- pour couvrir les frais et débours à verser selon les références qui seront indiquées par l'expert.

f. L'expert peut demander des avances complémentaires à C______ SA pour couvrir les frais et débours supplémentaires intervenant dans le cadre de I 'exécution du mandat.

g. L'expert dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son mandat. En cas d'incertitude quant à l'étendue de ses droits et ses pouvoirs, l'expert interprète de manière large son mandat et ses pouvoirs.

h. Le Conseil d'administration de C______ SA veille à ce que l'expert soit en mesure d'effectuer ses audits et enquêtes. Si un membre du Conseil d'administration ou de la direction, ainsi qu'un employé ou mandataire d'une des Parties L______ ne se conforme pas entièrement à une demande de l'expert, le Président du Conseil d'administration de C______ SA ou s'il en est empêché, tout autre membre du Conseil d'administration de C______ SA, veille immédiatement à ce que la personne concernée se conforme à la demande de l'expert en temps utile.

i. L'expert a droit à une rémunération calculée sur le temps consacré au mandat. L'expert est en droit d'appliquer personnellement un taux horaire de CHF 500.- par heure et la rémunération des personnes travaillant sous ses instructions dépendra de la séniorité des personnes impliquées, la fourchette du taux horaire se situant entre CHF 100.- par heure et CHF 500.- par heure. Les frais de tiers seront soit directement facturés par le tiers à C______ SA soit remboursés directement au tiers par C______ SA sur présentation de la facture du tiers.

A______ propose que l'assemblée générale de C______ SA accepte cette proposition. »

Subsidiairement

3.        Ordonner à C______ SA de convoquer une assemblée générale dans les trente jours suivant l'entrée en force du présent jugement dont l'ordre du jour sera celui visé sous le chiffre 2 des présentes conclusions, sous la menace de la sanction prévue à l'article 292 CPC.

4.        Dire que faute d'exécution dans le délai visé sous le chiffre 3 des présentes conclusions, C______ SA sera condamnée sur requête de la A______ à une amende d'ordre de CHF 1'000.- pour chaque jour d'inexécution."

La A______ a fait valoir que la nomination d'un expert était un moyen à disposition des actionnaires pour surveiller la gestion du conseil d'administration de C______ SA et qu'une telle demande était également un prélude à une éventuelle action en responsabilité à l'encontre des administrateurs en fonction des conclusions de l'expert.

v. Dans sa réponse, C______ SA s'est opposée à la requête. En substance, elle a invoqué, principalement, un abus de droit de la part de sa partie adverse et a relevé subsidiairement le fait que les propositions de cette dernière étaient contraires au principe de l'unité de la matière puisque le conseil d'administration devait scinder le vote en deux objets, soit le premier portant sur la désignation de l'expert, auquel le droit de vote privilégié n'était pas applicable, et le second portant sur le contenu du mandat de l'expert, auquel le privilège de vote devait être appliqué.

w. Dans sa réplique spontanée, A______ a réfuté tout abus de droit, persistant dans ses conclusions.

x. Le Tribunal a ensuite gardé la cause à juger.

D. Dans son jugement, le Tribunal a retenu que les conditions pour solliciter la convocation d'une assemblée générale et inscrire à l'ordre du jour la nomination d'un expert afin de contrôler la gestion de C______ SA étaient remplies et que la A______ n'abusait pas de son droit puisque le fait qu'elle ait, par le passé, choisi de mettre en œuvre un contrôle spécial ne la privait pas de la possibilité de mettre en œuvre un expert. Le seul motif découlant des coûts importants qu'engendrerait une expertise n'était pas suffisant pour retenir que la mesure serait contraire aux intérêts de la société. Il appartenait à l'assemblée générale de choisir ou non de nommer un expert puis de se prononcer sur sa mission et au conseil d'administration de faire voter indépendamment les divers points soumis à l'ordre du jour en fonction des majorités requises par la loi. Dans la mesure où aucun élément du dossier ne permettait de retenir que le conseil d'administration de C______ SA ne se conformerait pas à la décision, il n'y avait pas de motifs pour désigner un notaire.

EN DROIT

1. Par économie de procédure, les deux appels seront traités dans le même arrêt (cf. art. 125 CPC).

1.1 Le droit de requérir du juge la convocation d'une assemblée générale (art. 699 al. 4 CO) tend à protéger les intérêts patrimoniaux de l'actionnaire, de sorte qu'un différend à ce sujet est de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_350/2011 du 13 octobre 2011 consid. 1.1; 4A_36/2010 du 20 avril 2010 consid. 1.1).

En l'espèce, vu le nombre et la valeur des actions de C______ SA détenues par A______, à savoir 1'700 actions de 1'300 fr. et 454 actions de 50 fr., la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjetés selon la forme prescrite par la loi et dans le délai légal de dix jours, dans une cause relevant de la juridiction gracieuse et soumise à la procédure sommaire (art. 130, 131, 142 al. 1, 248 let. e, 250 let. c ch. 9, 311 et 314 al. 1 CPC; Haldy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n° 4 ad art. 19 CPC), les appels sont recevables.

Par souci de simplification, C______ SA sera désignée en qualité d'appelante et la A______ en qualité d'intimée.

1.3 La procédure sommaire atypique s'applique aux actes de la juridiction gracieuse. La cognition du juge n'est pas limitée à la vraisemblance et la décision rendue est définitive, c'est-à-dire qu'elle est revêtue de l'autorité de la chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_143/2013 du 30 septembre 2013 consid. 2.3).

1.4 La cause est soumise à la maxime inquisitoire (art. 255 let. b CPC). La preuve est rapportée par titres et par d'autres moyens de preuve (art. 254 a. 1 et al. 2 let. c CPC).

1.5 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu que la requête de l'intimée était manifestement abusive. Celle-ci détournerait l'expertise de son but et serait contraire aux intérêts de l'appelante.

2.1.1 Selon l'art. 699 al. 1, 1ère phrase, CO, l'assemblée générale est convoquée par le conseil d'administration et, au besoin, par les réviseurs. Des assemblées générales extraordinaires sont convoquées aussi souvent qu'il est nécessaire (art. 699 al. 2, 2ème phrase, CO). Un ou plusieurs actionnaires représentant ensemble 10% au moins du capital-actions peuvent aussi requérir la convocation de l'assemblée générale. Des actionnaires qui représentent des actions totalisant une valeur nominale d'un million de francs peuvent requérir l'inscription d'un objet à l'ordre du jour. La convocation et l'inscription d'un objet à l'ordre du jour doivent être requises par écrit en indiquant les objets de discussion et les propositions (art. 699 al. 3 CO). Si le conseil d'administration ne donne pas suite à cette requête dans un délai convenable, la convocation est ordonnée par le tribunal, à la demande des requérants (art. 699 al. 4 CO).

Le juge saisi d'une action en convocation d'une assemblée générale sur la base de l'art. 699 al. 4 CO ne soumet la requête qu'à un examen formel; sa décision ne reconnaît que la vraisemblance des conditions formelles de l'art. 699 al. 3 CO. Ainsi, dans cette procédure, le requérant peut se limiter à rendre vraisemblable sa qualité d'actionnaire habilité à requérir la convocation et le fait qu'il a déjà sollicité sans succès une telle convocation auprès du conseil d'administration. Le juge n'a, en particulier, pas à se prononcer sur la validité des décisions que l'assemblée générale sera amenée à prendre à la suite de la convocation et inscription à l'ordre du jour; cette question ne doit être examinée que dans le cadre d'une éventuelle action en annulation ou en nullité des décisions prises par l'assemblée générale selon les art. 706 ss CO (ATF 142 III 16 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_558/2021 du 28 février 2022 consid. 5.1; 4A_508/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1 et 4A_184/2019 du 15 juillet 2019 consid. 2.1).

2.1.2 L'exercice du droit à la convocation d'une assemblée et à l'inscription d'un objet à l'ordre du jour est soumis à l'art. 2 al. 2 CC, aux termes duquel l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Le juge ne doit ainsi pas donner suite à une requête en convocation lorsque celle-ci s'avère manifestement abusive ou chicanière. De manière générale, l'art. 2 al. 2 CC permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances de l'espèce, en s'inspirant des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire. L'application de l'art. 2 al. 2 CC doit rester restrictive et se concilier avec la finalité, telle que l'a voulue le législateur, de la norme matérielle applicable au cas concret (arrêt du Tribunal fédéral 4A_529/2017 du 21 février 2018 consid. 3.3).

2.1.3 Selon l'art. 731a al. 3 CO, l'assemblée générale peut nommer des experts pour contrôler l'ensemble ou une partie de la gestion.

L'étendue du contrôle peut dans ce cas concerner tout ou partie de la gestion. Bien qu'elle ne soit pas soumise à des conditions particulières, il s'agit d'une mesure rare. Elle est parfois adoptée pour vérifier l'organisation générale de la société, l'efficacité de certaines décisions de la direction ou pour exercer un contrôle interne. L'objet de l'enquête est ainsi beaucoup plus large que dans le cas du contrôle spécial de l'art. 697a al. 1 CO. L'objet est la gestion de la société, et ce au sens large (Meyer, Der Verwässerungsschutz bei aktienrechtlichen Kapitalerhöhungen, 2021, p. 383, n. 934; Peter/Genequand/Cavadini, in Commentaire romand, Code des obligations II, 2ème éd. 2017, n° 12 ad art. 731a CO).

Ainsi, certains auteurs considèrent que cette disposition s'applique à tout type de contrôle de la gestion puisque la loi instaure à cet égard une faculté non limitée en faveur de l'assemblée générale (Meyer, op. cit., p. 383, n. 934; Walther/Schaffner/Magnin, Der Sachverständige nach Art. 731a Abs. 3 OR, GesKR 2019 p. 37 ss, p. 41; Peter/Genequand/Cavadini, op. cit., n° 12 ad art. 731a CO; Truffer, Die Sachverständigen zur Prüfung der Geschäftsführung (Art. 731a Abs. 3 OR), in Vogt Nedim/Stupp/Dubs (éd.), Unternehmen – Transaktion – Recht: Liber Amicorum für Rolf Watter zum 50. Geburtstag, 2008, p. 415). L'aménagement du mandat d'un expert a été laissé sciemment très ouvert par le législateur et permet à l'assemblée générale d'utiliser l'institution de l'expert en fonction des besoins du cas d'espèce (Walther/Schaffner/Magnin, op. cit., p. 51; Truffer, op. cit., p. 427).

D'autres auteurs considèrent que le recours à la mesure extraordinaire permise par l'art. 731a al. 3 CO devrait être limité à des cas pour lesquels il existe de forts indices d'une confusion totale au niveau du conseil d'administration ou de la direction, d'irrégularités ou d'une négligence grave de l'obligation de surveillance par le conseil d'administration (Homburger, in Zürcher Kommentar, 3ème éd. 2018, n° 570 ad art. 716a CO; Reutter/Rasmussen, in Basler Kommentar Obligationrecht II, 5ème éd. 2016, n° 12 ad art. 731a CO; Böckli, Neue OR-Rechnungslegung, 2014, § 15 n° 754).

2.1.4 A teneur de l'art. 697a al. 1 CO, tout actionnaire peut proposer à l'assemblée générale l'institution d'un contrôle spécial afin d'élucider des faits déterminés, si cela est nécessaire à l'exercice de ses droits et s'il a déjà usé de son droit à être renseigné ou à consulter les pièces au sens de l'art. 697 al. 1 CO, lequel dispose que lors de l'assemblée générale, tout actionnaire peut demander des renseignements au conseil d'administration sur les affaires de la société et à l'organe de révision sur l'exécution et le résultat de sa vérification.

Le contrôle spécial ne peut pas porter sur des faits déjà connus. Il doit avoir pour objet des informations utiles pour permettre à l'actionnaire d'exercer ses droits, en particulier d'intenter une action en responsabilité contre les organes sociaux (ATF 138 III 252 consid. 3.1; 123 III 261 consid. 4a p; arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2010 du 27 juillet 2010 consid. 3.1.2 in SJ 2010 I p. 554). Le contrôle spécial doit tendre à établir des faits déterminés, et non pas à obtenir des appréciations ou des jugements de valeur; il n'est pas admissible de demander un examen à des fins purement exploratoires dans l'espoir de découvrir des irrégularités dont le requérant ne sait rien (ATF 138 III 252 consid. 3.1). Il doit s'agir d'un fait concret, il n'est donc pas possible d'examiner la gestion dans son ensemble, contrairement à l'institution prévue à l'art. 731a al. 3 CO (Meyer, Der Verwässerungsschutz bei aktienrechtlichen Kapitalerhöhungen, 2021, p. 382, n. 932).

2.1.5 Les moyens prévus par l'art. 697a CO et par l'art. 731a CO ne sont pas alternatifs, mais cumulatifs. Ils peuvent donc être mis en œuvre simultanément. Les experts interviennent à côté des contrôleurs spéciaux et non à leur place (Message du Conseil fédéral concernant la révision du droit des sociétés anonymes du 23 février 1983, FF 1983 II 757, p. 961). La nomination d'experts en vertu de l'art. 731a al. 3 CO se distingue en effet du contrôle spécial (art. 697a CO) d'un quadruple point de vue: (i) son application n'est pas subsidiaire à l'épuisement du droit aux renseignements et à la consultation des pièces prévus par l'art. 697 CO, (ii) son objet n'est pas limité au fait d'être nécessaire à l'exercice des droits des actionnaires qui en proposent la désignation (iii) sa mise en œuvre ne dépend pas du juge et (iv) elle ne peut être mise en œuvre par des actionnaires minoritaires, une majorité étant nécessaire (Peter/Genequand/Cavadini, op. cit., n. 15 ad art. 731a CO).

Si la majorité de l'assemblée générale décide de procéder à des éclaircissements supplémentaires sur une affaire, elle devrait choisir en règle générale la voie la moins contraignante et la plus flexible et désignera un expert conformément à l'art. 731a al. 3 CO. La mise en place d'un contrôleur spécial est en revanche intéressante pour les minorités qui ne disposent pas du nombre de voix nécessaire pour pouvoir désigner un expert selon l'art. 731a al. 3 CO (von der Crone, Aktienrecht, 2ème éd. 2020, n. 831-832, p. 396-397; Walther/Schaffner/Magnin, op. cit., p. 51).

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que les conditions formelles posées par la loi pour la convocation judiciaire de l'assemblée générale et l'inscription de la nomination d'un expert au sens de l'art. 731a al. 3 CO à l'ordre du jour sont réalisées.

Est seule litigieuse la question de savoir si l'intimée abuse de son droit en requérant cette convocation et l'inscription à l'ordre du jour de la nomination d'un expert. A cet égard, l'appelante ne conteste pas la possibilité de mettre en œuvre le contrôle spécial et l'expertise simultanément mais prétend que celles-ci poursuivent des buts différents, à savoir que la nomination de l'expert a pour but d'examiner la gestion future de la société et le contrôle spécial la gestion passée. Le caractère abusif de la requête de l'intimée résiderait dans le fait qu'elle chercherait à faire un usage détourné de l'institution prévue à l'art. 731a al. 3 CO puisque l'intimée a, elle-même, admis vouloir requérir la nomination d'un expert concernant des faits passés, et ce en vue d'une éventuelle action en responsabilité à l'encontre des administrateurs en fonction des conclusions de l'expert. En outre, le but de l'intimée serait de confier à la personne de son choix des attributs et pouvoirs s'apparentant à ceux d'un juge pénal, alors même qu'il existerait un conflit d'intérêts. Ceci démontrerait que la mesure requise par l'intimée est contraire aux intérêts de l'appelante, ce d'autant plus vu les coûts qu'elle engendre. L'intimée entendrait en outre empêcher que l'appelante – représentée par son actionnaire majoritaire – puisse intervenir dans la définition de la mission d'expertise de quelque manière que ce soit, une telle démarche découlant de la volonté seule de l'intimée – actionnaire minoritaire.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d'une requête en convocation d'une assemblée générale et en inscription d'un point à l'ordre du jour, il n'appartient pas à l'autorité de se prononcer sur la validité de la décision que l'assemblée générale sera amenée à prendre suite à ladite convocation, cette question ne devant être examinée que dans le cadre d'une éventuelle action en annulation ou en nullité des décisions prises par l'assemblée générale selon les art. 706ss CO. La Cour se limitera dès lors à l'examen de la question de l'abus de droit, sans se prononcer sur la controverse doctrinale s'agissant du champ d'application de la mesure prévue à l'art. 731a al. 3 CO.

Avec le Tribunal et l'intimée, la Cour retient qu'il n'y a aucun abus de droit dans le cas d'espèce à requérir la convocation d'une assemblée générale de l'appelante et l'inscription de la nomination d'un expert selon l'art. 731a al. 3 CO à l'ordre du jour. En effet, contrairement à ce que prétend l'appelante, ni la loi, ni la jurisprudence, ni la doctrine ne prévoient que la mise en œuvre d'une expertise implique la nécessité d'élucider des faits futurs. Le contrôle d'une partie ou de l'ensemble de la gestion d'une société dans le cadre d'une expertise peut s'effectuer tant en amont qu'en aval d'une décision, le but de l'art. 731a al. 3 CO étant de procéder à des éclaircissements supplémentaires sur une affaire. Que celle-ci concerne le passé ou futur de la société importe peu. En outre, le fait que l'intimée ait elle-même allégué vouloir utiliser l'expertise pour éventuellement entreprendre une action en responsabilité des administrateurs et qu'elle ait fait usage préalablement de son droit à l'information, ne s'oppose pas à l'inscription litigieuse puisque tant le contrôle spécial que la mesure prévue à l'art. 731a al. 3 CO sont susceptibles de fournir des précisions sur des affaires de la société, lesquelles peuvent servir par la suite aux actionnaires de preuves dans le cadre d'une éventuelle action en responsabilité des administrateurs. Par ailleurs, on ne voit pas en quoi l'exercice préalable du droit à l'information d'un actionnaire l'empêcherait ensuite de requérir l'inscription de la nomination d'un expert à l'ordre du jour en vue du contrôle de tout ou partie de la gestion de la société par les administrateurs. Au contraire, une telle manière de procéder fait sens puisqu'elle permet de cibler davantage la proposition de mandat à confier à l'expert et réduire ainsi les coûts de celui-ci. A ce propos, bien que l'appelante souligne le coût important qu'engendrera la mesure sollicitée, elle n'allègue pas qu'elle ne serait pas en mesure de s'en acquitter ou que le paiement de ce montant risquerait de lui causer un dommage, de sorte qu'on ne discerne pas en quoi l'inscription de ce point à l'ordre du jour serait contraire aux intérêts de l'appelante. En outre, cette dernière soutient que la mesure constituerait une fishing expedition laquelle serait interdite. Or, l'interdiction de demander un examen à des fins exploratoires s'applique dans le cadre du contrôle spécial et non de la mesure prévue à l'art. 731a al. 3 CO, cette dernière pouvant au contraire être mise en œuvre pour contrôler l'ensemble de la gestion de la société, ce qui implique un accès à une grande partie des documents et informations de la société. Sur ce point encore, l'intimée ne requiert justement pas la mesure à des fins exploratoires puisqu'elle a d'abord utilisé son droit à l'information pour cibler ensuite sa demande d'expertise sur une affaire en particulier, à savoir la vente par l'appelante des actions de la H______ contre les actions de I______ SA. A cela s'ajoute enfin que, contrairement à ce que prétend l'appelante et comme l'a relevé le Tribunal, la mission que l'intimée souhaite confier à l'expert, tout comme l'identité de celui-ci, doit être déterminée par l'assemblée générale, de sorte que, à supposer qu'elle excède le champ d'application de la mesure prévue à l'art. 731a al. 3 CO ou que l'expert se trouve dans un conflit d'intérêts comme le prétend l'appelante, ces questions devront être tranchées dans le cadre d'une éventuelle action en annulation ou en nullité de la décision de l'assemblée générale.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu qu'aucun abus de droit ne peut être reproché à l'intimée.

Le grief de l'appelante est infondé.

3. L'intimée, dans son appel joint, critique le fait que le Tribunal n'ait pas nommé un notaire pour convoquer l'assemblée générale, compte tenu du fait que le conseil d'administration de l'appelante soutiendrait systématiquement les décisions de l'actionnaire majoritaire, au mépris de la loi ou des statuts de l'appelante, et ferait tout son possible pour empêcher la nomination de l'expert ou modifier la mission que l'intimée propose de confier à celui-ci.

3.1 S'il admet la requête présentée par l'actionnaire, le juge va en principe ordonner au conseil d'administration de convoquer (et de tenir) l'assemblée générale (ATF 132 III 555 consid. 3.4.3 in SJ 2006 I 524). Si les administrateurs n'obtempèrent pas, le juge peut ordonner la convocation (et la tenue) par un tiers neutre, par exemple un notaire. S'il résulte d'emblée de l'attitude de l'administrateur qu'il n'assumera pas son obligation de convoquer (et de tenir) l'assemblée générale, le juge peut désigner directement un tiers neutre, qui pourra alors préparer et tenir l'assemblée générale en toute indépendance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_507/2014 du 15 avril 2015 consid. 5.7; Peter/Cavadini, Commentaire romand, Code des obligations II, 2ème éd., 2017, n. 16a ad art. 699 CO; Bettschart, Convocation de l'assemblée générale et abus de droit, GesKR 2015 p. 429 ss, p. 433).

Dans des circonstances particulières, singulièrement s'il y a péril en la demeure, le juge est également habilité à ordonner lui-même la convocation de l'assemblée générale extraordinaire, sans plus passer par le conseil d'administration ou un tiers neutre. Cela sera notamment le cas lorsque le conseil d'administration cherche à s'assurer des avantages financiers ou le simple maintien de ses attributs et qu'il se refuse à donner suite à l'ordre de convoquer une assemblée générale émanant du juge valablement saisi par des actionnaires; dans cette hypothèse, on assiste à un complet blocage des activités sociales pour une période pouvant s'avérer cruciale pour la survie de la société anonyme (ATF 132 III 555 consid. 3.4.3.2 in SJ 2006 I 524). S'il apparaît que le conseil d'administration restera inactif et ne tiendra pas l'assemblée générale alors convoquée par le juge, celui-ci procédera directement à la désignation d'un tiers neutre (arrêt du Tribunal fédéral 4A_507/2014 du 15 avril 2015 consid. 5.7; Peter/Cavadini, Commentaire romand, Code des obligations II, 2ème éd., 2017, n. 16a ad art. 699 CO; Bettschart, Convocation de l'assemblée générale et abus de droit, GesKR 2015 p. 429 ss, p. 433).

3.2 En l'espèce, le fait que les décisions prises lors des dernières assemblées générales (i.e le 17 avril 2018, le 13 mai 2019, 18 juin 2020) aient toutes été annulées, ne signifie pas encore que le conseil d'administration n'obtempèrera pas à l'ordre donné dans la présente procédure. De même, la circonstance qu'un contrôle spécial ait été mis en place en fin d'année 2018 ne permet pas de dire que le conseil d'administration ne s'exécutera pas suite au prononcé du présent arrêt. Au contraire, force est de constater que le conseil d'administration ne s'était pas opposé à la mise en œuvre dudit contrôle spécial lors de l'assemblée générale du 17 avril 2018.

S'agissant du fait que le conseil d'administration entendrait scinder le vote sur la nomination de l'expert de celui sur les attributions à confier à l'expert compte tenu de l'existence de privilèges de votes, cette manière de procéder, si tant est qu'elle sera exercée comme le prétend l'intimée, ne permet pas non plus de constater que le conseil d'administration ne se conformera pas au présent arrêt. Cas échéant, la décision qui sera prise par l'assemblée générale sur ce point pourra être contestée dans le cadre d'une action en annulation ou en nullité d'une décision de l'assemblée générale dans l'hypothèse où la majorité requise ne serait pas respectée.

Enfin, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'il y aurait péril en la demeure nécessitant l'intervention du juge ou d'un tiers neutre pour convoquer et tenir l'assemblée générale ainsi que procéder à l'inscription requise à l'ordre du jour, ce que les parties n'allèguent pas.

Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a ordonné au conseil d'administration de convoquer l'assemblée générale.

Le grief de l'intimée est infondé.

Au vu de ce qui précède, le jugement querellé sera intégralement confirmé.

4. 4.1 Il sera fait masse des frais judiciaires des appels, lesquels seront fixés à 2'500 fr. (art. 95 al. 1, 96, 104 al. 1, 105 al. 1 CPC; art. 26 et 35 RTFMC). Ils sont partiellement couverts par les avances de frais opérées par les parties, lesquelles demeurent entièrement acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les parties ayant chacune succombé dans leurs appels respectifs, les frais judiciaires seront mis à la charge de chacune des parties par moitié (art. 106 al. 1, 1ère phrase CPC). Chacune d'elles sera condamnée à verser 650 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

4.2 Pour les mêmes raisons, chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés le 4 août 2022 par A______ et C______ SA contre le jugement JTPI/8787/2022 rendu le 21 juillet 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5586/2022-5 SGFC.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires des deux appels à 2'500 fr., les met à la charge de chacune des parties pour moitié et les compense à due concurrence avec les avances de frais fournies par les parties.

Condamne A______ et C______ SA à verser chacune 650 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.