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Décisions | Sommaires

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C/5759/2021

ACJC/1090/2022 du 24.08.2022 sur JTPI/2225/2022 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5759/2021 ACJC/1090/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 24 AOÛT 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France, recourant contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 février 2022, comparant par Me Eve DOLON, avocate, rue Etienne-Dumont 6-8, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

B______ [association], sise ______[GE], intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 22 février 2022, expédié pour notification aux parties le 24 février 2022, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer poursuite, n° 1______
(ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 300 fr., compensés avec l'avance fournie par B______ et mise à la charge de A______, condamné à en rembourser la précitée (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a retenu que A______, domicilié en France, était frontalier de sorte que le commandement de payer notifié à l'adresse de son lieu de travail à Genève était valable, qu'il avait déclaré adhérer à B______ au moyen d'une formule signée mentionnant la cotisation mensuelle, qu'il ne démontrait pas s'être acquitté de celle-ci ni avoir démissionné de l'association, et que la prescription décennale n'était pas atteinte s'agissant de cotisations de 2011 à 2019 déduites en poursuite avant juin 2020.

B.            Par acte du 7 mars 2022, A______ a formé recours contre la décision entreprise. Il a conclu à l'annulation de celle-ci, cela fait à l'irrecevabilité subsidiairement au rejet de la requête de mainlevée, avec suite de frais et dépens.

A titre préalable, il a requis la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement susmentionné, conclusion qui a été rejetée par arrêt de la Cour du 14 mars 2022.

Il a formé des allégués nouveaux et produit des pièces nouvelles.

B______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais et dépens ("condamner le recourant à payer à l'intimée son travail dans la présente cause à concurrence de CHF 800").

Elle a produit une pièce nouvelle.

Par avis du 1er avril 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a. Le 17 novembre 2008, A______, domicilié à C______ (France), a signé une formule intitulée "demande d'adhésion" établie par B______. Aux termes de la formule pré-imprimée, le souscripteur déclarait avoir reçu "les statuts et le règlement des cotisations et [s]'y conformer"; au-dessous de la mention "cotisations à payer (souligner svp le choix qui vous convient): par mois, par trimestre, par semestre, par année" – laquelle est elle-même imprimée en dessous de la rubrique "signature", figurent trois barres manuscrites venant souligner "par mois" ainsi qu'une rature (couvrant vraisemblablement le chiffre 80) et les signes "240 CHF" – ajoutés à l'encre en dessous du terme "trimestre". A encore été apposée la mention manuscrite "NB. A payé l'inscription 50 fr.".

b. B______ allègue que A______ n'a acquitté aucun montant à titre de cotisation à compter de l'exercice 2010, en dépit de rappels expédiés en 2011, 2013, et 2014.

c. Le 22 juin 2020, l'Office cantonal des poursuites a, à la requête de B______, notifié à A______, à son adresse professionnelle "D______ A______ entreprise individuelle c/o E______" à F______, un commandement de payer poursuite n° 1______ portant sur 8'640 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2015 à titre de "cotisations statutaires non payées entre 2010 et 2019".

Ce commandement de payer a été frappé d'opposition.

d. Le 24 mars 2021, B______ a expédié au Tribunal une requête de mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité, avec suite de frais, dirigée contre A______ à l'adresse de D______ à F______.

A l'audience du Tribunal du 28 janvier 2022, A______, représenté par son avocate, a conclu à l'irrecevabilité de la requête, et subsidiairement au rejet de celle-ci. Il a fait valoir que la supposée dette était personnelle, et ne concernait pas la raison individuelle qu'il avait exploitée à Genève, ce qui rendait le Tribunal incompétent à raison du lieu, que B______ ne disposait pas d'un titre de mainlevée, motif pris en particulier de ce qu'il n'avait pas disposé des conditions générales, lesquelles étaient introuvables; il s'est encore prévalu de la prescription et de l'absence de précision des années concernées de la créance telle qu'énoncée dans le commandement de payer.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

A Genève, la Chambre civile de la Cour de justice est l'instance compétente pour connaître d'un recours (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Le recours a été interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (HOHL/DE PORET BORTOLASO/AGUET, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

1.3 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les allégués nouveaux et les pièces nouvelles du recourant ne sont donc pas recevables, pas plus que la pièce nouvelle versée par l'intimée.

2. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir admis sa compétence ratione loci et que l'intimée était au bénéfice d'un titre au sens de l'art. 82 LP, et d'avoir fait application de la prescription décennale plutôt que quinquennale. Il fait encore grief au premier juge d'avoir retenu que les cotisations étaient dues pour les années postérieures à 2008 alors que seul un formulaire d'adhésion avait été produit et non une décision d'adhésion.

2.1 L’art. 50 al. 1 LP prévoit que le débiteur domicilié à l’étranger qui possède un établissement en Suisse peut y être poursuivi pour les dettes de celui-ci.

La notification irrégulière d'un commandement de payer – à supposer que ce soit le cas en l'espèce - n'est pas frappée de nullité absolue, cet acte étant annulable dans le délai de plainte de dix jours (art. 17 al. 1 LP), même lorsque le poursuivi est domicilié à l'étranger (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_487/2018 du 5 juillet 2018 consid. 4).

C'est ainsi par la voie de la plainte, dont il n'a pas allégué devant le premier juge qu'elle aurait été utilisée, que le recourant devrait cas échéant faire valoir ses arguments liés à l'éventuelle informalité du commandement de payer frappé d'opposition, sous l'angle de l'art. 50 LP. Quant à la question du caractère supposément non professionnel de la créance déduite en poursuite, elle relèverait cas échéant de l'action en libération de dette.

Il n'y a ainsi pas lieu de reprocher au juge de la mainlevée de s'être reconnu compétent à raison du lieu, au vu des éléments dont il disposait.

2.2.1 Aux termes de l’art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette contestée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l’acte sous seing privé signé par le poursuivi ou son représentant, d’où ressort sa volonté de payer au poursuivant sans réserve ni condition, une somme d’argent déterminée ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III consid. 2.3.1).

Une déclaration écrite d'adhésion à une association constitue une reconnaissance de dette pour le montant de la cotisation, tel que fixé par les statuts ou une décision de l'assemblée générale au moment de l'adhésion; les statuts ou la décision doivent être produits devant le juge de la mainlevée (ABBET/VEUILLET, La mainlevée de l'opposition, 2017, ad art. 82 n. 52).

2.2.2 Lorsque la poursuite tend au recouvrement de prestations périodiques (contributions d'entretien, salaires, loyers, etc.), la jurisprudence exige que la réquisition de poursuite indique avec précision les périodes pour lesquelles ces prestations sont réclamées; même si elles dérivent d'une même cause juridique ("Rechtsgrund"), elles ne sont pas moins des créances distinctes, soumises à leur propre sort (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2).

Sauf disposition contraire, les créances se prescrivent par dix ans (art. 127 CO). Ce délai court dès que la créance est exigible (art. 130 al. 1 CO). A défaut de terme stipulé ou résultant de la nature de l'affaire, l'obligation est exigible immédiatement (cf. art. 75 ss CO).

Un délai de prescription plus court, soit cinq ans, s'applique aux redevances périodiques (art. 128 ch. 1 CO). Sont visées les prestations dont le débiteur est tenu à époques régulières, en vertu du même rapport d'obligation. Chacune des prestations doit pouvoir être exigée de façon indépendante; il n'est toutefois pas nécessaire que les prestations soient toutes de la même importance et que leur montant soit par avance exactement déterminé (ATF 124 III 370 consid. 3c).

La prescription des cotisations à une association est en principe de cinq ans (FOËX, CR-CC, ad art. 71 n. 5).

2.2.3 En l'espèce, le recourant relève à raison que l'intimée n'a pas déposé au Tribunal ses statuts et le règlement des cotisations. Cependant, le montant de celles-ci a été apposé de façon manuscrite au bas de la formule d'adhésion, ce qui est de nature à libérer l'intimée de son obligation de démontrer la quotité prévue par ses statuts ou son règlement. Le recourant n'a pas allégué que cette mention n'aurait pas figuré dans la formule avant qu'il ne la signe, admettant au demeurant dans son appel que cette pièce prévoyait une cotisation de 240 fr. Il n'allègue pas non plus qu'il aurait présenté sa démission, se limitant à faire valoir pour la première fois dans son recours – ce qui n'est pas recevable comme il l'a été examiné ci-dessus – qu'il n'aurait pas reçu de décision d'acceptation de son adhésion et les courriers de rappel de la part de l'intimée.

Ainsi, comme l'a retenu le premier juge, il convient de retenir que l'intimée était au bénéfice d'un titre au sens de l'art. 82 LP.

Le recourant soutient encore qu'une partie de la créance consisterait en des cotisations prescrites. Ce grief est fondé, le premier juge n'ayant pas pris en considération l'art. 128 ch. 1 CO, alors que la créance déduite en poursuite est composée de cotisations d'association, soit des prestations périodiques.

L'intimée n'a pas allégué ni établi la date à laquelle elle a formé sa réquisition de poursuite; le commandement de payer a été dressé le 22 juin 2020. Il s'en déduit que seules les cotisations afférentes aux trimestres exigibles postérieurement au premier trimestre 2015 ne sont pas frappées de prescription. Le montant de la créance non prescrite est ainsi de 720 fr. (3 trimestres x 240 fr.) + 3'840 fr. (4 ans x 4 trimestres x 240 fr.), soit 4'560 fr.

En définitive, le recours est partiellement fondé.

Dès lors, la décision attaquée sera annulée, et il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC) dans le sens que la requête de mainlevée provisoire sera prononcée à concurrence de 4'560 fr.

3. Le recourant obtient partiellement gain de cause; il se justifie de faire supporter les frais de première instance et de recours par moitié à chacune des parties
(art. 106 al. 2 CPC).

Ceux-ci, fixés à 300 fr. (quotité non contestée et conforme aux dispositions légales) en première instance seront confirmés, et seront complétés des frais de recours arrêtés à 450 fr. (art. 48, 61 OELP), compensés avec les avances opérées, acquises à l'Etat de Genève, soit au total 750 fr., supportés à raison de 375 fr. par chacune des deux parties.

L'intimée remboursera donc 75 fr. au recourant, compte tenu des avances respectives versées.

Elle lui versera en outre 300 fr. à titre de dépens réduits pour les deux instances (art. 85, 88, 89, 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre le jugement JTPI/2225/2022 rendu le 22 février 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5759/2021–8 SML.

Au fond :

Annule ce jugement. Statuant à nouveau:

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ à concurrence de 4'560 fr.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de première instance et de recours :

Arrête les frais judiciaires à 750 fr., compensés avec les avances opérées, acquises à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à rembourser 75 fr. à A______.

Condamne B______ à verser à A______ 300 fr. à titre de dépens réduits.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.