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Décisions | Sommaires

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C/4759/2021

ACJC/764/2022 du 03.06.2022 sur JTPI/16020/2021 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4759/2021 ACJC/764/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 3 JUIN 2022

 

Entre

Hoirie de feu A______, soit B______, ______ [GE], et C______, ______ [GE], comparant en personne,

et

D______, p.a E______, ______ GE, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/16020/2021 du 17 décembre 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 513'210 fr. 25 plus intérêts à 2.12% du 6 mai 2020 au 30 novembre 2020, puis à 5% dès le 1er décembre 2020 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., compensés avec l'avance fournie par [la banque] D______, mis à la charge de la succession de feu A______ (ch. 2), condamné cette dernière à rembourser la somme de 1'000 fr. à D______ (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions.

En substance, et s'agissant des points contestés dans le recours, le Tribunal a considéré que D______ avait valablement dénoncé la créance abstraite, incorporée dans les cédules hypothécaires, laquelle était dès lors exigible, de sorte que celles-ci valaient titre de mainlevée provisoire, pour autant que le nom du débiteur y figure, ce qui était le cas pour deux des trois cédules produites. Le montant pour lequel l'opposition devait être levée était celui figurant dans le courrier du 5 mai 2020; le montant mentionné dans le commandement de payer ne ressortait pas des autres pièces versées à la procédure.

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 25 janvier 2022, C______ et B______ forment recours contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation, concluant au déboutement de tout opposant de tout autre ou contraire conclusion et à la condamnation de D______ aux frais de la procédure.

Ils produisent des pièces nouvelles et allèguent des faits nouveaux.

b. Par réponse du 21 février 2022, D______ conclut, outre à l'irrecevabilité des pièces et faits nouveaux, au rejet du recours sous suite de frais.

Elle allègue des faits nouveaux.

c. D______, B______ et l'Hoirie de feu A______, l'adresse de notification de cette dernière étant celle de C______, no. ______ rue 2______ à Genève, ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 11 mars 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants ressortent du dossier soumis au Tribunal.

a. D______, ayant son siège à Zurich, exploite une banque. En 2015, elle a repris les actifs et passifs des branches Personal & Corporate et Wealth Management de D______, Bâle et Zurich.

b. A______ et B______ étaient copropriétaires pour moitié chacun de la parcelle n° 3______ sise sur la commune de H______ [GE].

En date du 9 octobre 1997, ils ont grevé ce bien immobilier de la cédule hypothécaire n° 4______ (A) au porteur de 1er rang à concurrence de 522'000 fr. et de la cédule hypothécaire n° 5______ (B) au porteur de 2ème rang à hauteur de 60'000 fr. Ils figurent tous deux en qualité de débiteurs sur ces cédules.

Celles-ci stipulent que le capital est remboursable et exigible en tout temps, moyennant un préavis de 6 mois donné par écrit.

Le 27 novembre 2001, A______ et B______ ont grevé leur parcelle d'une troisième cédule hypothécaire n° 6______ au porteur de 3ème rang pour un montant de 120'000 fr., laquelle pouvait également être dénoncée en tout temps moyennant un préavis de 6 mois. Aucun débiteur n'est mentionné sur cette cédule.

Ces trois cédules prévoient un taux d'intérêt maximum de 12%.

c. Le 7 janvier 2013, les époux A______/B______ ont conclu un contrat d'hypothèque fixe avec D______ pour la somme de 531'000 fr., d'une durée de 10 ans prenant fin le 30 décembre 2022, au taux d'intérêts de 2.13% par an sur la période et avec un amortissement trimestriel de 906 fr. 25, les 31 mars, 30 juin, 31 septembre et 31 décembre.

Les époux A______/B______ répondaient solidairement de ce prêt envers D______.

D______ SA pouvait résilier de manière extraordinaire l'hypothèque, moyennant un préavis de 90 jours, lorsque le preneur de crédit était en retard dans le paiement des intérêts ou des amortissements convenus notamment.

La convention de garantie conclue entre D______ et les époux A______/B______ prévoyait à titre de sûretés, le transfert, aux fins de garantie, en faveur de D______, des trois cédules hypothécaires susmentionnées.

Les époux A______/B______ déclaraient en outre reprendre les dettes incorporées dans les gages immobiliers, dans la mesure où ils n'y étaient pas déjà désignés comme débiteurs.

Cette convention stipulait encore que D______ pouvait dénoncer les créances garanties par gage immobilier à tout moment moyennant un préavis de trois mois et, si le débiteur était en demeure pour le paiement des intérêts ou de l'amortissement, en tout temps avec effet immédiat.

Il était aussi prévu que toute communication de D______ était valablement notifiée lorsqu'elle était envoyée à la dernière adresse donnée par le preneur de crédit, le donneur de sûretés et/ou le propriétaire des immeubles grevés.

D______ SA figure expressément au Registre foncier genevois en qualité de porteur de la cédule n° 4______ (A).

d. A______ est décédé à ______ le ______ 2014.

Il a laissé pour héritiers son épouse, B______, et leur fils, C______.

e. Par courrier du 5 mai 2020 adressé à la "Succession de feu A______, chemin 7______ no. ______, [code postal] H______", D______, se référant à un précédent courrier du 15 janvier 2020, a constaté que la somme due n'avait pas été réglée, de même que l'échéance hypothécaire au 31 mars 2020.

En conséquence elle se voyait contrainte de dénoncer au remboursement intégral le prêt hypothécaire pour le 30 novembre 2020. Il était précisé qu'au 5 mai 2020, la somme due s'élevait à 513'210 fr. 25 plus intérêt et, qu'en cas de non remboursement à l'échéance, un taux d'intérêt de 5% l'an serait appliqué.

La banque se réservait le droit d'introduire, sans autre avis, à l'échéance du délai imparti, une procédure en réalisation forcée du bien immobilier.

Elle précisait que la dénonciation du prêt entraînait par ailleurs l'exigibilité au 30 novembre 2020 des trois cédules hypothécaires remises à titre de garantie.

Une copie de ce courrier était également adressée à B______ en sa qualité de copropriétaire et d'héritière de la succession de feu A______ ainsi qu'à C______ en sa qualité d'héritier.

A audience du Tribunal, C______ a exposé qu'il n'avait jamais été informé, ni officiellement ni officieusement, d'un retard dans le paiement de la dette hypothécaire. Il ignorait quel était le montant des retards.

Dans son acte de recours, il a allégué qu'il n'avait pas reçu le courrier du 5 mai 2020, ce que l'intimée a admis dans sa réponse, avec la précision qu'elle n'avait reçu aucune instruction d'envoi de l'hoirie relative à la correspondance bancaire, l'adresse du client défunt en ses livres étant no. ______ chemin 7______, [code postal] H______.

f. Le 11 janvier 2021, la banque a requis la poursuite en réalisation de gage immobilier de la succession de feu A______, prise conjointement et solidairement avec B______, pour un montant de 534'592 fr. 35, avec intérêt à 5% dès le 1er décembre 2021, au titre de "montant dû sur les cédules hypothécaires au porteur de 1er, 2ème et 3ème rang, de respectivement 522'000 fr., 60'000 fr. et 120'000 fr." La notification devait se faire aux héritiers, soit B______, no. ______ chemin 7______, [code postal] H______, et C______, no. ______ rue 2______, [code postal] Genève.

Un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur le montant précité, a été notifié à C______ le 21 janvier 2021. Sous la rubrique "Notification aux personnes suivantes" figure ce qui suit: "Ce commandement de payer est destiné au représentant légal. Un autre commandement de payer est adressé à B______, tiers propriétaire".

Opposition totale y a été formée.

g. Par requête reçue par le Tribunal le 9 mars 2021, dirigée contre la "Succession de feu Monsieur A______, représentée par Monsieur C______, rue 2______ no. ______, [code postal] Genève, citée, prise conjointement et solidairement avec Madame B______, domiciliée chemin 7______ no. ______, [code postal] H______", D______ a conclu au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous suite de dépens.

h. Le 3 juin 2021, le Tribunal a convoqué d'une part D______ et d'autre part "Monsieur [sic] HOIRIE DE FEU M. A______, p.n. à M. C______, Rue 2______ no. ______, [code postal] Genève" à une audience fixée le 2 juillet 2021.

La banque n'était ni présente ni représentée lors de cette audience. Le procès-verbal stipule que "le cité se présente", sans que le nom de C______ n'apparaisse.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée de l'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 251 let. a et 321 al. 1 et 2 CPC). Déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours est recevable.

1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

1.4 Le recours est formé par B______ et C______, en leur qualité d'hoirs de A______. Ils seront désignés comme la recourante, en tant qu'ils forment l'hoirie ce dernier.

2. L'intimée soutient que l'hoirie de A______ allèguerait pour la première fois dans son recours ne pas avoir pris connaissance des courriers envoyés à son adresse et à l'attention des héritiers à titre individuel, et ceci alors même que ces courriers recommandés et prioritaires ont été délivrés. C______ alléguerait également pour la première fois devant la Cour ne pas agir au nom et pour le compte de l'hoirie. Ces allégations nouvelles seraient irrecevables.

2.1 Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions, allégations de faits et preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Une nouvelle motivation juridique doit toutefois être distinguée des faits nouveaux. Elle n'est pas visée par l'art. 326 al. 1 CPC et peut, dès lors, être présentée tant en appel que même devant le Tribunal fédéral, dans le cadre de l'objet du litige (ATF 136 V 362 consid. 4.1 par analogie). Ceci résulte en particulier du principe de l'application du droit d'office (art. 57 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_351/2015 du 1er décembre 2015 consid. 4.3).

2.2 En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'intimée, lors de l'audience du Tribunal du 2 juillet 2021, "le cité", dont on peut présumer qu'il s'agit de C______, à qui la convocation a été envoyée, a déclaré qu'il n'avait jamais été informé d'un retard dans le paiement de la dette hypothécaire. L'allégation selon laquelle il n'avait pas reçu les courriers de l'intimée n'est partant pas nouvelle. En revanche, l'intimée allègue pour la première fois devant la Cour que le courrier du 5 mai 2020 aurait été adressé par plis recommandés et prioritaires aux héritiers individuellement à l'adresse de l'hoirie, et que ceux-ci auraient été retirés. Ces allégations sont irrecevables, sans compter qu'elles ne sont étayées par aucune pièce, qui ne serait au demeurant pas non plus recevable.

La qualité de C______ en tant que représentant de l'hoirie est une question de droit, et non une allégation nouvelle susceptible d'être irrecevable.

3. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir retenu que C______ la représentait, que celui-ci avait reçu copie du courrier du 5 mai 2020 dénonçant le prêt au remboursement, et qu'en conséquence l'intimée avait respecté la procédure de recouvrement. Elle soutient que l'intimée aurait résilié le contrat de prêt sans en respecter les conditions de sorte que celui-ci ne pouvait valoir titre de mainlevée.

3.1.1 Aussi longtemps que le partage n’a pas eu lieu, qu’une indivision contractuelle n’a pas été constituée ou qu’une liquidation officielle n’a pas été ordonnée, la succession est poursuivie au lieu où le défunt pouvait être lui-même poursuivi à l’époque de son décès et selon le mode qui lui était applicable (art. 49 LP).

Lorsque la succession est poursuivie en tant que telle, il n'est pas nécessaire de mentionner le nom de tous les héritiers sur la réquisition de poursuite (ATF
113 III 79).

Si des poursuites sont faites contre une succession non partagée, les actes de poursuite sont notifiés au représentant désigné de la succession ou, s’il n’existe pas de représentant connu, à l’un des héritiers (art. 65 al. 3 LP).

C'est le créancier qui opère ce choix au début de la poursuite, lors de la rédaction de la réquisition de poursuite, étant précisé que l'héritier ainsi désigné doit être considéré comme le représentant de la succession pendant toute la durée de la procédure (jeanneret/lembo, CR-LP, n 20 ad art. 65 LP).

L'héritier auquel a été notifié le commandement de payer représente la succession également dans la procédure de mainlevée, qui fait partie intégrante de la procédure de poursuite (ATF 113 III 79).

3.1.2 Les héritiers acquièrent de plein droit l'universalité de la succession (art. 560 al. 1 CC). Ils sont tenus solidairement des dettes du défunt (art. 603 al. 1 CC).

La structure de la solidarité passive se caractérise par le fait qu’il existe autant d’obligations que de débiteurs, mais toutes ont le même titre, la même cause et le même objet, chacune étant en principe indépendante de l’autre. Le créancier dispose de plusieurs créances autonomes, chacune à l’égard de chaque débiteur pris isolément, créances qui peuvent avoir un sort juridique propre. La validité de chacune doit être examinée séparément. Les obligations étant distinctes, elles peuvent être assorties de modalités différentes (condition, terme, clause pénale, prescription) ou bénéficier de certaines garanties à l’exclusion des autres: l’une peut être affectée d’un terme et l’autre pas; l’une être garantie par gage et l’autre pas.

Chaque débiteur solidaire n’est engagé envers le créancier que dans la mesure où la créance de ce dernier est juridiquement fondée à son endroit. Il est libre d’agir en constatation de l’inexistence de sa dette, s’il y a un intérêt suffisant. Inversement, le créancier peut disposer de chaque créance à sa guise, notamment en n’actionnant qu’un seul des débiteurs responsables (romy, CR CO I, n. 3-4 ad art. 143 CO).

3.1.3 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire de l'opposition (art. 82 al. 1 LP).

Une cédule hypothécaire est une créance personnelle garantie par un gage immobilier (article 842 al. 1 CC) et constitue un titre de mainlevée provisoire (Denys, Cédule hypothécaire et mainlevée, in JT 2008 II 3 ; Veuillet, La mainlevée provisoire, 2017, n°223 ad article 82 LP).

Lorsqu'une créance est garantie par une cédule hypothécaire, deux créances coexistent, celle incorporée dans la cédule (créance abstraite) et celle résultant du rapport contractuel de base (créance de base) (Denys, op. cit., page 4).

Si la cédule hypothécaire est remise au créancier en propriété à titre fiduciaire aux fins de garantie, il n'y a pas novation de la créance garantie, la créance abstraite se juxtaposant à la créance causale résultant du rapport de base, impliquant que seule la créance abstraite peut et doit faire l'objet d'une poursuite en réalisation de gage immobilier (Veuillet, op. cit., n° 228 et 229, ad article 82 LP).

Dès lors, il doit clairement résulter du commandement de payer que c'est la créance abstraite qui est la cause et le titre de la créance (Veuillet, op. cit., n° 229 ad article 82 LP).

Lorsque la cédule hypothécaire ne comporte pas le nom du débiteur, le créancier ne peut obtenir la mainlevée qu'en produisant une reconnaissance du débiteur pour la dette cédulaire, qui peut être la convention de sûretés contresignée dans laquelle le poursuivi reconnaît être débiteur de la cédule à titre de sûretés (Veuillet, op. cit., n° 225 ad article 82 LP).

Le créancier doit établir par pièce que la créance abstraite a été valablement dénoncée et qu'elle était exigible lors de la notification du commandement de payer (Veuillet, op, cit., n° 231, ad article 82 LP).

Lorsque la créance causale et la créance abstraite coexistent, la créance causale doit également être exigible puisque la cédule hypothécaire a une fonction de garantie de la créance causale (Aebi, Poursuite en réalisation de gage et procédure de mainlevée, in JT 2012 II 24, page 39).

La résiliation en tant que déclaration de volonté sujette à réception est en principe valable sans forme (Leemann, Berner Kommentar, art. 844 aCC n. 17, art. 831 n. 9; Geyer, KUKO CC, n. 2; Steinauer, Zurcher Kommentar, n. 19), mais elle est généralement donnée par écrit. Une résiliation écrite par le créancier est nécessaire si la mainlevée doit être prononcée pour la créance cédulaire (Staehelin, PJA 1994, 1265; Steinauer, op. cit., n. 19), dans la mesure où le débiteur objecte l’inexigibilité dans la procédure de mainlevée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_695/2017 du 18 juillet 2018, consid. 3.2) (staehelin, BSK ZGB II, art.847 n. 10).

Quant au destinataire de la dénonciation de la cédule par le créancier, en cas de solidarité passive, le créancier doit dénoncer la créance cédulaire au paiement à tous les débiteurs. A défaut, la dénonciation n’est valable qu’à l’égard du débiteur qui la reçoit. Lorsque les débiteurs ont désigné un représentant commun, voire un fondé de pouvoirs au sens de l’art.850 CC, la dénonciation peut lui être adressée. Elle produit alors ses effets à l’égard de tous les représentés (Steinauer/Fornage, CR CC II, art.847 n. 7).

3.1.4 La procédure de mainlevée n'a un caractère sommaire au sens propre qu'en ce qui concerne les moyens libératoires du débiteur. Par conséquent, s'agissant de l'existence du titre de mainlevée, l'application de la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) n'implique pas en soi un abaissement du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Le degré de preuve requis est donc, à cet égard, celui de la preuve stricte (ATF 144 III 552 consid. 4.1.4).

3.2.1 En l'espèce, contrairement à ce que tente de soutenir la recourante, au vu des principes énoncés ci-dessus, elle a été valablement convoquée à l'audience du Tribunal en la personne de son représentant, à qui le commandement de payer avait été notifié, en application de l'art. 65 al. 3 LP. La réquisition de poursuite était bien dirigée contre l'hoirie, le nom des héritiers n'étant donné qu'aux fins de notification. L'intimée n'avait pas précisé que C______ était le représentant de l'hoirie. L'Office des poursuites en a apparement décidé ainsi.

3.2.2 C'est à tort que le Tribunal a considéré que la créance abstraite de l'intimée était exigible. Au moment de la conclusion du contrat d'hypothèque, les époux A______/B______ en étaient débiteurs solidaires. Ceux-ci étaient également débiteurs solidaires des dettes incorporées dans les cédules hypothécaires. Au décès de A______, ses héritiers sont devenus débiteurs solidaires de la dette à l'égard de l'intimée. Ainsi, pour pouvoir réclamer paiement de la créance incorporée dans les trois cédules hypothécaires remises aux fins de garantie, qu'elle détenait contre chacun des débiteurs solidaires, l'intimée était tenue de les dénoncer à l'égard de chacun d'eux.

Or, il ne ressort pas de manière certaine des pièces produites que C______ avait reçu le courrier du 5 mai 2020, dénonçant le prêt au remboursement et emportant exigibilité au 30 novembre 2020 des trois cédules hypothécaires remises à titre de garantie. Lors de l'audience devant le Tribunal, ce dernier a d'ailleurs contesté avoir eu connaissance de ce document.

De plus dans ses déterminations sur l'acte de recours, l'intimée a admis que C______ n'avait pas reçu le courrier du 5 mai 2020, envoyé à l'adresse de l'hoirie. L'allégation ultérieure selon laquelle ce courrier, envoyé par recommandé à l'hoirie, ainsi qu'aux héritiers à titre individuel, avait été distribué et donc reçu, n'est pas recevable, et, comme déjà relevé, n'est étayée par aucune pièce.

Ainsi, faute d'avoir établi avoir valablement dénoncé à tous les héritiers, débiteurs solidaires, les cédules hypothécaires, fondant la créance abstraite en poursuite contre chacun d'eux, et partant l'exigibilité de celle-ci également à l'encontre de chacun d'eux, l'intimée ne disposait pas d'un titre de mainlevée valable envers l'hoirie, laquelle n'a pas d'existence propre, quand bien même elle peut être poursuivie en tant que telle. Pour obtenir la mainlevée provisoire à l'encontre de l'hoirie, composée des héritiers, débiteurs solidaires, l'intimée aurait dû établir que la créance qu'elle détenait contre chacun de ceux-ci était exigible, et donc qu'elle avait valablement dénoncé le prêt et les cédules auprès de chacun.

Le recours est ainsi fondé. Le jugement sera partant annulé, et l'intimée déboutée de ses conclusions en mainlevée provisoire (art. 327 al. 1 let. c CPC).

4. Les frais de deux instances seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'000 fr. pour la première instance (art. 48 OELP) et à 1'500 fr. pour la procédure de recours (art. 61 OELP). Ils seront compensés avec les avances fournies par les parties (art. 111 al. 1 CPC), qui demeurent acquises à l'Etat de Genève. L'intimée versera ainsi à ce titre 1'500 fr. à la recourante, soit pour elle B______ et C______, solidairement (art. 111 al. 2 CPC).

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens de première instance à la recourante, qui agissait sans le concours d'un conseil, a seulement participé à une audience, n'en a pas sollicité ni n'a fait état de démarches particulières pouvant en justifier l'octroi (art. 95 al. 3 let. c CPC).

Il ne sera pas non plus alloué de dépens de seconde instance à la recourante, soit pour elle B______ et C______, solidairement, dans la mesure où elle comparait en personne et n'a pas justifié de démarches en justifiant l'octroi.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 25 janvier 2022 par B______ et C______, soit l'hoirie de feu A______, contre le jugement JTPI/16020/2021 rendu le 17 décembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4759/2021–17 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau:

Déboute D______ AG de sa requête en mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de première et seconde instance à 2'500 fr. au total, met ces frais à la charge de D______ AG, et dit qu'ils sont compensés avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence D______ AG à verser à l'hoirie de feu A______, soit pour elle B______ et C______, solidairement, la somme de 1'500 fr. à titre de remboursement de l'avance effectuée.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.