Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/453/2025 du 12.06.2025 sur OPMP/2791/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/11905/2025 (anciennement P/9004/2025) ACPR/453/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 12 juin 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocate,
recourant,
contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 16 avril 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 24 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 avril 2025, notifiée en main propre le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné que soit établi son profil d'ADN.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, ressortissant guinéen né le ______ 1997, est dépourvu de domicile fixe, de document d'identité et de moyens de subsistance légaux en Suisse.
P/5969/2025
b.a. Le 11 mars 2025, il a été interpellé dans le quartier des Pâquis, à Genève, après que la police l'avait vu échanger avec un toxicomane de la drogue contre une somme d'argent. Il était en possession de six boulettes de cocaïne.
Entendu par la police le même jour, il a notamment reconnu avoir vendu trois boulettes de cocaïne, sur les neuf qu'il détenait à la base, et consommer tous les jours environ trois joints de marijuana.
Ces faits ont donné lieu à l'ouverture de la procédure P/5969/2025.
b.b. Le 12 mars 2025, une décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève lui a été notifiée, pour une durée de 12 mois.
b.c. Par ordonnance pénale du même jour (P/5969/2025), le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.-, assortie du sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour infractions aux art. 19 al. 1 let. b et c LStup, 115 al. 1 let. a LEI et 19a ch. 1 LStup, eu égard aux faits sus-cités (supra, let. B.b.a).
b.d. L'intéressé a formé opposition à cette ordonnance pénale.
P/8904/2025
c.a. Le 14 avril 2025, A______ a été interpellé à la rue 3______, à Genève, alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction de pénétrer dans ledit canton. Il s'est opposé à son interpellation.
Ces faits ont donné lieu à l'ouverture de la procédure P/8904/2025.
c.b. Par ordonnance pénale du 15 avril 2025, rendue dans le cadre de ladite procédure, le Ministère public a condamné A______ à une peine privative de liberté de 90 jours et à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à CHF 30.-, tous deux assortis du sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 200.-, pour infractions aux art. 115 al. 1 let. b et 119 LEI et 286 al. 1 CP.
Il y a formé opposition.
c.c. Par ordonnance du même jour, le Ministère public a ordonné l'établissement du profil d'ADN de A______, au motif qu'une ordonnance pénale avait été prononcée à son encontre le 12 mars 2025 pour infractions aux art. 19 al. 1 let. b et c LStup.
c.d. Par courrier du 25 avril 2025, A______ a, sous la plume de son conseil, formé opposition à cette ordonnance (supra, let. B.c.c) et a requis une défense d'office.
c.e. Le 24 avril 2025, A______ a formé recours auprès de la Chambre de céans contre l'ordonnance du 15 avril 2025 ordonnant l'établissement de son profil d'ADN.
c.f. Par arrêt ACPR/452/2025 du 12 juin 2025, la Chambre de céans a rejeté ce recours.
P/9004/2025
d.a. Le 15 avril 2025, A______ a une nouvelle fois été interpellé à la rue 1______, à Genève, après avoir été observé par la police alors qu'il cheminait avec C______ à la rue 3______ et lui aurait vendu des stupéfiants dans les toilettes publiques de la rotonde du Mont-Blanc.
Il était en possession de CHF 470.60 et EUR 1.90.
Ces faits font l'objet de la présente procédure (P/9004/2025).
d.b. C______ a été interpellé dans la foulée et retrouvé en possession de deux gouttes de cocaïne. Lors de son audition, il a expliqué avoir acheté lesdits stupéfiants à A______ – qu'il a identifié sur planche photographique – contre la somme de CHF 110.-.
d.c. Entendu le jour même par la police et le lendemain par le Ministère public, A______ a contesté les faits. Il n'avait jamais vu C______. Il était sans domicile fixe, sans profession et bénéficiait de l'aide sociale française. Il était venu pour la première fois en Suisse "il y a deux mois environ".
d.d. Selon les images de vidéosurveillance, alors que A______ discutait avec C______ à la rue 3______, il avait sorti une boule blanche de sa bouche pour la lui montrer. Tous deux étaient ensuite partis en direction de la rotonde du Mont-Blanc.
d.e. À la suite de l'audience du 16 avril 2025, le Ministère public a condamné A______ à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement, pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup. Il a également rendu une ordonnance de non-entrée en matière s'agissant des faits susceptibles d'être constitutifs d'infraction aux art. 115 al. 1 let. b et 119 LEI, car l'intéressé avait déjà été condamné pour lesdites infractions quelques heures auparavant, dans la procédure P/8904/2025. Lesdites ordonnances lui ont été notifiées à l'audience.
Le 25 avril 2025, A______ a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance pénale.
e. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse (dans sa teneur au 16 avril 2025), A______ fait l'objet, outre de la présente procédure, des P/8904/2025 et P/5969/2025 précitées.
C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, dès lors qu'une ordonnance pénale pour trafic de stupéfiants avait été rendue à son encontre le 12 mars 2025 (art. 255 al. 1bis CPP).
D. a. Dans son recours, A______ fait valoir que, le 15 avril 2025, l'établissement de son profil d'ADN avait déjà été ordonné dans le cadre d'une autre procédure. Dans la mesure où ledit profil pouvait possiblement être conservé jusqu'au 15 avril 2045 (art. 16 et 17 de la Loi sur les profils d'ADN), il n'était pas nécessaire d'établir un autre profil d'ADN pour le garder un jour supplémentaire, ce d'autant plus que ledit profil n'était sujet à aucun changement "au cours de la vie d'un être humain". Le prélèvement et l'analyse d'échantillons d'ADN de manière systématique n'étaient pas autorisés. Cela allait à l'encontre de sa liberté personnelle (art. 13 al. 2 Cst) et de son droit d'être protégé contre l'emploi abusif des données qui le concernaient (art. 13 al. 2 Cst). Le coût relatif à un tel acte "inutile" allait de plus être mis à sa charge, ainsi qu'à celle du contribuable genevois. L'établissement d'un nouveau profil d'ADN ne se justifiait donc guère et était arbitraire.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.
3.1. L'établissement d'un profil d'ADN est de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst féd.) et à la protection contre l'emploi abusif de données privées (art. 13 al. 2 Cst féd. et 8 CEDH).
Cette mesure doit, en conséquence, se fonder sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé (ATF 147 I 372 consid. 2.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 1B_631/2022 du 14 février 2023 consid. 2).
3.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).
3.3. L'art. 255 CPP n'autorise toutefois pas le prélèvement d'échantillons d'ADN et leur analyse de manière systématique (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_409/2021 du 3 janvier 2022 consid. 4.1). L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3). Il convient à cet égard de prendre également en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3).
3.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes contraires à la LStup, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné pour des faits similaires.
À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.
En effet, dans la présente procédure, il est soupçonné d'avoir vendu deux gouttes de cocaïne, faits qui sont corroborés par les images de vidéosurveillance et les dires du toxicomane. Que l'intéressé réfute ces accusations n'est pas suffisant pour annihiler tout soupçon à son égard en l'état. Il est également poursuivi pour des infractions à la LStup dans la procédure P/5969/2025.
À cela, s'ajoute sa situation personnelle – absence de domicile fixe et d'activité professionnelle – qui laisse craindre un ancrage dans la délinquance liée aux stupéfiants. Le recourant allègue d'ailleurs être arrivé en Suisse il y a deux mois, période durant laquelle trois procédures – dont deux en lien avec des infractions à la LStup – ont été ouvertes à son encontre. Les éléments précités constituent ainsi des indices suffisamment concrets permettant de penser que l'intéressé pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leur commission.
Enfin, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité, s'agissant en particulier de cocaïne. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui justifie l'établissement d'un profil d'ADN.
Le recourant ne saurait tirer argument du fait qu'une ordonnance d'établissement de son profil d'ADN a déjà été prononcée dans le cadre de la procédure P/8904/2025. En effet, dès lors que le profil d'ADN est soumis à effacement après un certain délai (cf. art. 16 et 17 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363), il existe un intérêt, quand bien même l'établissement de ce dernier aurait déjà été ordonné à une ou plusieurs reprises et son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, pour autant bien évidemment que les conditions soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas ici.
En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.
Que son coût soit éventuellement mis à sa charge – ce qui n'est pas évident à ce stade, dès lors que cette question ne se posera qu'à l'issue de la procédure et à la condition que l'intéressé soit condamné – n'est donc pas pertinent.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.-, afin de tenir compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
6. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.
La greffière : Séverine CONSTANS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/11905/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 415.00 |
Total | CHF | 500.00 |