Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/81/2025 du 27.01.2025 sur OCL/1828/2024 ( MP ) , IRRECEVABLE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/14614/2020 ACPR/81/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 27 janvier 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocate,
recourant
contre l'ordonnance de classement rendue le 17 décembre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 27 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de C______.
Le recourant conclut, avec suite de dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il poursuivre l'instruction.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. D______ SA, société de droit suisse, a été administrée jusqu'au 30 août 2018 par C______, puis jusqu'au 11 octobre 2018 par E______, jusqu'au 14 juillet 2020 par A______, et enfin par F______, jusqu'à sa radiation d'office, le ______ novembre 2022.
b. Le 16 octobre 2020, le Ministère public a ouvert une instruction à l'encontre de A______ pour notamment infraction à l'art. 23 de l'Ordonnance sur les cautionnements solidaires liés au COVID-19, escroquerie (art. 146 CP), obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a CP) et faux dans les titres (art. 251 CP).
Il lui était notamment reproché d'avoir, entre le 8 octobre 2018 et le 6 juillet 2020, alors qu'il était administrateur unique de D______ SA, obtenu au nom de la société un crédit COVID-19 de CHF 70'000.-, auprès de [la banque] G______, en annonçant un chiffre d'affaires de CHF 920'000.-, afin de couvrir les besoins urgents de l'entreprise, alors qu'il n'avait nullement l'intention d'utiliser les fonds à cette fin; et de s'être approprié, à titre personnel, la "totalité des fonds", retirés en espèces à concurrence de CHF 20'000.-, respectivement d'avoir transféré sur le compte de sa compagne, un montant de CHF 21'500.- (EUR 20'000.-).
c. Au cours de la procédure d'instruction, A______ a été entendu, à plusieurs reprises.
Les 5 mars et 1er avril 2021, il a expliqué que le précédent administrateur de D______ SA, C______, avait ouvert un compte [auprès de la banque] H______ au nom de la société à son insu, afin d'encaisser la TVA sur des factures émises au nom de son entreprise à lui, A______ I______.
En outre, C______ s'était rendu coupable de blanchiment d'argent en achetant, à chaque fois, le même jour et après avoir retiré l'argent ainsi reçu, un billet à la gare routière pour l'étranger.
Enfin, il avait sollicité le prêt COVID-19 pour D______ SA à la demande de C______ et procédé grâce aux explications de ce dernier. Une fois le prêt accordé, il avait effectué un transfert sur un compte de sa compagne, en Italie. Il avait ensuite retiré EUR 20'000.- (soit CHF 21'500.-) dudit compte en plusieurs fois et les avait remis à C______.
En raison de ces faits, il a déposé plainte contre C______ pour "fausses factures au nom de [s]on entreprise A______ I______, adressée à D______ SA", "blanchiment d'argent" et "fraude à la TVA au nom de D______ SA".
d. Le 21 juin 2021, une instruction a été ouverte contre C______ pour
escroquerie (art. 146 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et infractions à l'art. 25 LCaS-COVID-19.
Il lui était reproché d'avoir, en sa qualité d'organe de fait de D______ SA, obtenu de A______, administrateur de paille de ladite société, qu'il sollicite le 27 mars 2020 et obtienne de [la banque] G______ un crédit COVID-19 de CHF 70'000.- en annonçant un chiffre d'affaires de CHF 920'000.-, afin de couvrir les besoins urgent de son entreprise, alors qu'il n'avait nullement l'intention d'utiliser les fonds à cette fin, puis de s'être approprié le montant ainsi obtenu, conjointement avec A______, que ce dernier avait retirés en espèces, respectivement fait transférer sur le compte de sa compagne.
e. Entendu par le Ministère public le 29 septembre 2023, C______ a contesté les faits reprochés. Il n'avait pas demandé à A______ de solliciter de prêt COVID au nom de D______ SA, ni rempli de documents à cet effet, ni même bénéficié dudit prêt. La somme de CHF 21'500.-, transférée sur le compte de la compagne de A______, ne lui était pas destinée. Il n'avait pas non plus établi de fausses factures au nom D______ I______ adressées à D______ SA en vue d'obtenir frauduleusement un remboursement de la TVA.
f. Par avis de prochaine clôture de l'instruction, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait classer la procédure en ce qui concernait C______ et rédiger un acte d'accusation à l'encontre de A______.
g. Par ordonnance du 17 décembre 2024, le Ministère public a refusé l'administration des preuves sollicitées par A______ aux motifs notamment que celles concernant directement C______ étaient purement exploratoires, disproportionnées et non pertinentes à l'établissement des faits.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retenu qu'il n'existait aucun soupçon qui justifierait une mise en accusation de C______.
Les déclarations de A______ avaient considérablement varié et il n'avait mentionné l'implication de C______ que trois mois après son arrestation et la notification des charges retenues contre lui.
Pour ce qui était des infractions de blanchiment d'argent et de "fraude à la TVA", les simples accusations de A______, qui semblaient être de pure circonstance, ne constituaient pas des soupçons suffisants justifiant l'ouverture d'une procédure pénale et des investigations.
S'agissant du prêt COVID sollicité et obtenu par D______ SA, le document avait été signé par A______; qui était le seul signataire autorisé sur le compte bancaire crédité par la suite; et qui paraissait être également le seul, avec sa conjointe, à avoir bénéficié de l'argent ainsi reçu. De plus, l'implication de C______, dans les faits reprochés à A______, était intervenue après plusieurs audiences et mois d'instruction et la notification des charges reprochés à celui-ci.
D. a. Dans son recours, A______ estime que son recours était recevable. En qualité de co-prévenu, il avait qualité de partie dans la présente procédure. S'agissant des faits reprochés à C______, bien que n'ayant pas fait valoir de conclusions civiles, il était, à tout le moins, dénonciateur. En outre, en ces qualités, il avait un intérêt juridique direct à l'annulation de l'ordonnance querellée et la reprise de l'instruction "en maintenant la prévention" de C______. La question de savoir s'il avait agi de son propre chef et pour son propre bénéfice, en qualité d'administrateur de D______ SA, ou en tant qu'"homme de paille", sur ordre et bénéfice de quelqu'un d'autre, avait une influence manifeste sur son niveau d'intention et son éventuelle culpabilité. Le rôle de C______ devait impérativement être éclairci par l'instruction. Or, une ordonnance de classement entrée en force équivalait à un acquittement.
Quant au fond, il n'était pas possible d'apprécier la version de C______ comme plus crédible que la sienne et il apparaissait prématuré d'estimer qu'aucun résultat n'était à escompter par d'autres moyens de preuves.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane d'un des prévenus, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).
2. Encore faut-il que le recourant ait, en sus, un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée.
2.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. L'intérêt doit être actuel et pratique. L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas. Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 = SJ 2018 I 421 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_818/2018 du 4 octobre 2018 consid. 2.1).
2.2. La qualité pour recourir de la partie plaignante, du lésé ou du dénonciateur contre une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière est subordonnée à la condition qu'ils soient directement touchés par l'infraction et puissent faire valoir un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision. En règle générale seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 129 IV 95 consid. 3.1), ce qui exclut les personnes subissant un préjudice indirect ou par ricochet (ATF 92 IV 1 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_9/2015 du 23 juin 2015 consid. 2.3).
2.3. En l'espèce, en tant qu'il recourt contre l'ordonnance classant les faits reprochés à l'endroit de C______, A______ possède, tout au plus, la qualité de dénonciateur.
Conformément aux principes sus-rappelés, pour avoir la qualité pour recourir dans un tel cas de figure, le dénonciateur doit faire valoir un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de ladite décision.
Le recourant estime, à cet égard, qu'en clôturant l'instruction, sans éclaircissement du rôle "d'investigateur" de C______ dans les faits reprochés, sa défense serait rendue plus difficile, dès lors qu'il expose avoir agi sur demande du prénommé, en particulier concernant le prêt COVID.
Tel n'est cependant pas le cas.
L'ordonnance querellée, qui vise un co-prévenu, ne prive pas le recourant de la possibilité de faire valoir devant l'autorité de jugement sa version des faits et tous les arguments qui en découlent. Son intérêt juridiquement protégé consiste à être en mesure de se disculper, et non à faire condamner un autre. Or, nonobstant l'ordonnance litigieuse, il conservera la possibilité d'exposer devant le juge du fond qu'il n'a pas commis les infractions qui lui sont reprochées – absence d'intention –, par exemple parce que celles-ci auraient été commises par un tiers, en l'occurrence C______, même si tel n'est pas l'avis du Ministère public. Que l'autorité de jugement ne puisse pas se saisir des infractions classées à l'égard du précité ne concerne pas le recourant.
3. Il s'ensuit que le recourant ne dispose pas d'un intérêt juridiquement protégé à recourir contre le classement dont a bénéficié C______, ce que la Chambre pénale de recours pouvait constater sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
4. Le recours sera dès lors déclaré irrecevable.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare le recours irrecevable.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/14614/2020 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
Total | CHF | 900.00 |