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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/64/2024

ACPR/871/2024 du 25.11.2024 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION;MINISTÈRE PUBLIC
Normes : CPP.56.letf; CPP.58.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/64/2024 ACPR/871/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 25 novembre 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Duy-Lam NGUYEN, avocat, Artes Juris, rue de Candolle 34, 1205 Genève,

requérante,

et

B______, Procureur, p.a. Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

C______, Procureur, p.a. Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

cités.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 16 juillet 2024 au Ministère public, puis transmis à la Chambre de céans le 20 août suivant, A______ demande la récusation du Procureur B______ et du Procureur C______ dans le cadre de la procédure P/1______/2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 24 avril 2022 aux environs de 7h40, un accident de la route s'est produit au carrefour de la place Isaac-Mercier, à Genève, entre l'automobiliste D______, inspectrice principale, au volant d'un véhicule de service [banalisé], et A______, infirmière, au guidon d'un cyclomoteur léger [vélo électrique]. A______, qui s'était constituée partie plaignante, avait été blessée à la suite de l'accident.

Ces faits ont donné lieu à la procédure pénale P/2______/2022, conduite par le Procureur B______, et ont fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière le 29 juin 2023, confirmée par la Chambre de céans dans son arrêt du 15 février 2024 (ACPR/115/2024). Le recours formé par A______ au Tribunal fédéral a été déclaré irrecevable le 2 juillet 2024 (7B_350/2024).

b. Par plainte du 4 janvier 2024, A______ a dénoncé les policiers et "les personnes impliquées" à l'origine du rapport de police du 2 août 2022, dans le cadre de la procédure pénale P/2______/2022 précitée, pour entrave à l'action pénale, voire abus d'autorité ou faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques.

Elle exposait que ce rapport mentionnait "faussement" que la voiture du témoin E______ était la première et seule voiture sur la place Isaac-Mercier, alors que les vidéos figurant à la procédure démontraient qu'il était en deuxième position. Il ne contenait, en outre, pas le nom et l'adresse de la personne au volant de la première voiture, dont le témoignage était pourtant essentiel.

c. Cette procédure, référencée P/1______/2024, est conduite par le Procureur B______.

d. Par pli du 27 mai 2024, A______ a sollicité la consultation du dossier, laquelle lui avait été refusée par B______, par mention manuscrite du 30 mai 2024, apposée directement sur cette lettre et transmise par courriel du même jour.

C. a. Dans sa requête, A______ revient sur la procédure P/2______/2022. Tant le rapport de police du 2 août 2022 que l'ordonnance de non-entrée en matière du 29 juin 2023 comportaient des erreurs factuelles. Durant la procédure de recours, le Ministère public avait, dans ses déterminations du 17 novembre 2023 [signées numériquement par C______], maintenu qu'aucune voiture ne se trouvait devant celle de E______, de sorte que cette autorité "ne reconnait aucune faute". La Chambre de céans avait, dans son arrêt susvisé, confirmé que E______ circulait bien en deuxième position.

La récusation de B______ devait s’ensuivre, ainsi que celle de C______, puisque le Ministère public, avait, sous l'égide du premier nommé, confirmé par deux fois les erreurs manifestes du rapport de police du 2 août 2022. Elle leur reproche également de n'avoir pris aucune mesure d'instruction pour enquêter sur les infractions dénoncées.

b. La cause a été gardée à juger à réception, sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1. 1.1. La Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est l'autorité compétente pour statuer sur une requête de récusation visant un magistrat du Ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP).

1.2. En sa qualité de plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP), la requérante dispose de la qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP).

2. La requérante ne s’exprime pas sur le délai dans lequel elle a formé sa requête.

2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance
(ATF 140 I 271 consid. 8.4.3). De jurisprudence constante, les réquisits temporels de l'art. 58 al. 1 CPP sont ainsi satisfaits lorsque la demande de récusation est déposée dans les six et sept jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, tandis qu'ils ne le sont pas lorsqu'elle est formée trois mois, deux mois, deux à trois semaines ou vingt jours après que son auteur a pris connaissance du motif de récusation. Il incombe dès lors à la partie qui se prévaut d'un motif de récusation de rendre vraisemblable qu'elle a agi en temps utile, en particulier eu égard au moment de la découverte de ce motif (arrêt du Tribunal fédéral 7B_143/2024 du 3 juin 2024 consid. 4.1.1 et les arrêts cités).

2.2. En l'espèce, on doit comprendre que c’est le renvoi, par les cités, au rapport de police du 2 août 2022, tant dans l'ordonnance de non-entrée en matière du 29 juin 2023 [par B______] que dans les observations du 17 novembre 2023 devant la Chambre de céans [par C______], qui motive la requête.

À cette aune, on pourrait se demander si la requête n’est pas tardive – et ne devrait pas, comme telle, être déclarée irrecevable en tant qu'elle vise B______ –, car la requérante a agi au-delà des six ou sept jours admissibles, dès réception du courriel du 30 mai 2024 lui refusant l'accès au dossier, date à laquelle elle a su que le précité conduisait la P/1______/2024.

La requête ne paraît pas davantage recevable en tant qu'elle est dirigée contre C______, faute pour la requérante d'indiquer quel acte du magistrat précité trahirait un soupçon de prévention à son égard dans le cadre de la conduite de la procédure P/1______/2024, dont le prénommé n'est d'ailleurs pas chargé, et quand elle en a eu connaissance.

Peu importe, en définitive, car, comme on le verra ci-après, sa demande doit de toute manière être écartée sur le fond.

3. 3.1.1. Selon l'art. 56 CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs que ceux énoncés aux let. a à e, notamment lorsqu'un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention (let. f). La procédure de récusation a pour but d'écarter un magistrat partial, respectivement d'apparence partiale, afin d'assurer un procès équitable à chaque partie (ATF 126 I 68 consid. 3a p. 73; arrêt du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.3.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011;
ATF 136 III 605 consid. 3.2.1).

3.1.2. Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que la personne en cause est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2). Il en résulte aussi que l'autorité saisie d'une requête de récusation n'a pas à examiner les griefs soulevés au fond contre ces prononcés (arrêt du Tribunal fédéral 1B_163/2022 du 27 février 2023 consid. 3.3).

3.2. En l'occurrence, à bien la comprendre, la requérante prétend que, dans la mesure où le Procureur B______ a retenu dans l'ordonnance de non-entrée en matière rendue dans la P/2______/2022, que le témoin E______ était en première file, en se fondant sur le rapport de police, et l'a soutenu par l'entremise du procureur C______, à nouveau devant la Chambre de céans – qui a, elle, admis que ce témoin se trouvait en deuxième file – ce magistrat (B______) n'aurait plus l'objectivité nécessaire pour s'occuper de sa plainte contre les policiers puisqu'elle porte, précisément, sur le rapport de police litigieux.

Or, ce grief de la requérante n'apparait pas fondé en tant qu'il n'est étayé par aucun indice objectif. En effet, que la Chambre de céans ait constaté que le témoin E______ circulait en deuxième position ne constitue pas – en soi – un signe de prévention du Procureur B______ dans le cadre de la conduite de la procédure P/1______/2024. Cet élément n'avait au demeurant pas été déterminant pour l'issue de la P/2______/2022 (cf. ACPR/115/2024 précité consid. 3.3). De plus, la requérante ne formule aucun autre grief en lien avec le traitement par le Procureur B______ de sa plainte pénale du 4 janvier 2024, seul objet de la procédure P/1______/2024.

En toute hypothèse, la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions prises par la direction de la procédure. Il appartient en l'occurrence aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La requérante ne saurait dès lors contester le bien-fondé de l'ordonnance de non-entrée en matière – qui plus est confirmée par arrêt entré en force de la Chambre de céans – ni se plaindre de l'éventuelle inaction du "Ministère public" dans le cadre du traitement de sa plainte du 4 janvier 2024, au moyen de la présente demande de récusation.

Partant, la demande de récusation est mal fondée et doit, par conséquent, être rejetée.

4. Au vu de cette issue, il n'y avait pas à demander aux cités de prendre position avant de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 7B_1/2024 du 28 février 2024 consid. 5.2 ; 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les références).

5. La requérante, qui succombe, supportera les frais de la procédure, qui seront fixés en totalité à CHF 800.- (art. 59 al. 4 CPP; art. 13 al. 1 let. b du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette la requête en récusation dans la mesure de sa recevabilité.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle son conseil, au Procureur B______ et au Procureur C______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/64/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00