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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11642/2024

ACPR/595/2024 du 14.08.2024 sur ONMMP/2288/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE
Normes : CP.186; CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11642/2024 ACPR/595/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 14 août 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat, KÖNEMANN & VON FLÜE, rue de la Terrassière 9, 1207 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 27 mai 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 10 juin 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 mai 2024, notifiée le 29 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi du dossier au Ministère public pour suite d'instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1961, a déposé plainte pénale le 20 avril 2024 à l'encontre de B______, née le ______ 1944, lui reprochant, le 26 mars 2024 vers 11h15, d'être entrée sans droit dans son domicile sis chemin 1______ no. ______, à C______ [GE], ainsi que de l'avoir poussé et injurié à plusieurs reprises.

b. Entendue par la police les 12 et 28 avril 2024, B______, qui a déposé plainte pénale contre A______, a expliqué s'être rendue le 26 mars 2024 au domicile de celui-ci dans le but de récupérer le dossier qu'elle lui avait remis aux fins de l'établissement de sa déclaration fiscale. Il lui avait refusé de le lui rendre et avait tenté de lui "fermer la porte au nez". Elle avait placé son pied pour l'en empêcher. Il avait alors claqué violemment la porte sur elle, qui l’avait heurtée au niveau du flanc droit de sa cage thoracique. Elle avait réagi en lui donnant une "baffe" sur la joue. En réaction, il l'avait poussée violemment en arrière avec ses mains, causant sa chute. Sa tête avait heurté le mur. Elle avait eu très mal et pensait que sa colonne vertébrale était cassée. Elle voyait trouble et avait remarqué, en portant la main à son crâne, qu'elle saignait. Tous deux avaient appelé la police.

Une ambulance l'avait acheminée aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après, HUG).

Selon constat médical établi le 26 mars 2024 par le Service des urgences des HUG, accompagné d'une photo, B______ a souffert d'une plaie occipitale sans saignement actif et d'une douleur au thorax postérieur à droite.

c. Entendu par la police en qualité de prévenu le 20 avril 2024, A______ a déclaré que B______ l'avait poussé dans son appartement au niveau de son dos et qu'il s'était retourné et avait mis son avant-bras à la hauteur de ses épaules en la repoussant. Elle avait forcé le passage et l'avait poussé encore plus fort. Comme elle avait placé un pied à l'intérieur de son appartement, il l'avait repoussée avec son avant-bras, "avec une force mesurée", dans le seul but de fermer la porte. B______ avait alors chuté et s’était cogné la tête sur le mur. Constatant qu’elle saignait, il avait immédiatement appelé la police. Elle avait commencé à crier et à l'insulter.

Alors qu'il avait le dos tourné, elle s'était relevée, avait couru puis pénétré dans son appartement. Il avait alors jeté son dossier sur le palier pour qu'elle en sorte et renoncé à lui demander les CHF 50.- dus pour pouvoir récupérer ses documents. Elle avait tambouriné contre sa porte jusqu'à l'arrivée de la police.

d. Le Ministère public a, par ordonnance pénale du 27 mai 2024, reconnu A______ coupable de lésions corporelles simples en lien avec les blessures causées à B______, telles qu'attestées par le certificat médical précité.

Le recourant a formé opposition à cette ordonnance pénale.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que les versions des parties étaient contradictoires, B______ ayant nié avoir injurié A______, pénétré sans droit dans son domicile et l'avoir poussé à plusieurs reprises. En l'absence d'éléments de preuve objectifs, il n'était guère possible de privilégier l'une ou l'autre des versions, ni d'établir le déroulement des faits avec certitude.

S'agissant d'un autre comportement susceptible d'être qualifié de voies de fait, B______ avait reconnu avoir mis une "baffe" à A______, après qu’il eut claqué la porte de son appartement sur elle, la heurtant par ce geste dans la cage thoracique. Ce geste s’expliquait par le comportement violent de A______ à son encontre, étant rappelé que la prévenue était âgée de 79 ans au moment des faits. Aucune lésion n’avait par ailleurs été constatée sur A______ et les conséquences de l’acte de B______ pouvaient ainsi être considérées comme peu importantes (art. 310 al. 1 let. c cum 8 al. 1 CPP et 52 CP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que l'ordonnance querellée était insatisfaisante en droit et se plaint d'une instruction "sommaire".

Il pourrait, à l'occasion de l'audience à venir devant le Ministère public, à la suite de l'opposition formée à l'ordonnance pénale, exposer plus en détail sa version des faits. Il pourrait notamment expliquer le comportement inadéquat et très agressif de B______, qui avait violemment forcé la porte de son appartement.

Celle-ci avait admis avoir placé un pied "dans [son] domicile" et lui avoir asséné une gifle. Les infractions de violation de domicile [et de voies de fait] étaient donc réalisées. L'âge avancé de B______ ne saurait l'exempter d'adopter un comportement respectueux envers autrui et conforme au droit. Sa réaction au contraire, surtout à son âge, démontrait un tempérament mal maîtrisé qu'il convenait de sanctionner.

Vu l'opposition qu'il avait formée à l'ordonnance pénale, "on" ne saurait considérer comme établi un "comportement violent" de sa part. L'entier du dossier devait être renvoyé au Ministère public pour suite d'instruction et le cas échéant une audience devant le Tribunal de police.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant ne conteste pas expressément la non-entrée en matière en raison d'injures qu'aurait proférées la prévenue à son encontre, insultes qu'il n'a au demeurant jamais détaillées, ni le fait que celle-ci l'aurait poussé à plusieurs reprises. Il n'y sera pas revenu.

4. Il reproche en revanche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte pour violation de domicile et voies de fait, puisque la prévenue avait admis avoir placé un pied dans son appartement et lui avoir asséné une gifle.

4.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

4.2. Une non-entrée en matière doit également être prononcée lorsqu'il peut être renoncé à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (art. 310 al. 1 let. c cum 8 al. 1 CPP). Tel est notamment le cas si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes (art. 52 CP).

L'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification; il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi (Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 21 septembre 1998, FF 1999 p. 1871). Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur, tels que les antécédents, la situation personnelle ou le comportement de l'auteur après l'infraction (ATF 135 IV 130 consid. 5.4).

4.3. L'art. 186 CP, qui réprime la violation de domicile, vise celui qui, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, pénètre dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d'une maison, dans un espace, cour ou jardin clos attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y demeure au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.

4.4. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, punissables d'une amende, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé; il s'agit généralement de contusions, de meurtrissures, d'écorchures ou de griffures (ATF 134 IV 189 consid. 1.2).

4.5. En l'espèce, s'agissant des faits potentiellement constitutifs de violation de domicile, le Ministère public considère que les déclarations des parties sont contradictoires et qu'aucun élément objectif ne permettrait de privilégier une version plutôt qu'une autre. À teneur des éléments du dossier, cette appréciation ne peut être suivie, puisque comme justement relevé par le recourant, la prévenue a reconnu à la police avoir mis son pied pour bloquer la porte de l'appartement du recourant.

La question de savoir si ce comportement tendant à empêcher de fermer une porte en ayant uniquement un pied dans un appartement serait constitutif d'une violation de domicile souffrira de demeurer ouverte.

En effet, les faits reprochés à la prévenue se sont inscrits dans un épisode lors duquel le recourant, le 26 mars 2024, soit quelques jours avant la fin du délai pour rendre la déclaration aux autorités fiscales, a refusé de lui restituer le dossier qu'elle lui avait confié pour remplir cette déclaration. Il a exigé de sa part CHF 50.- en contrepartie de cette restitution, alors qu'il ne prétend pas avoir accompli de quelconque démarche pour la prévenue. Ainsi, au lieu de s'exécuter immédiatement, le recourant a attisé le mécontentement de la prévenue qui insistait pour récupérer ses documents.

C'est dans ce contexte, où le recourant reconnait qu'il entendait fermer sa porte et que la prévenue quitte les lieux, que celle-ci a placé son pied dans l'entrebâillement pour l'en empêcher et a fini par lui asséner une gifle.

Il a reconnu l'avoir poussée, sans force toutefois, ni intention de la faire tomber. Cette question doit effectivement être examinée dans le cadre de sa mise en prévention pour lésions corporelles simples, mais n'empêche pas que la Chambre de céans retienne, quelle qu'ait été l'intention du recourant, que la mise en cause, âgée de 79 ans au moment des faits, a chuté au sol et été blessée notamment au crâne. Elle a dû être amenée en ambulance aux HUG.

Ces circonstances amènent à confirmer l'ordonnance du Ministère public, en ce sens que la gravité des infractions reprochées à la mise en cause – pour autant que réalisée s'agissant de la violation de domicile alléguée –, est très relative, et qu'en tout état l'intéressée en a d'ores et déjà subi les conséquences. Il se justifiait ainsi de ne pas entrer en matière sur la plainte du recourant.

5.             Infondé, le recours sera rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

 

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et
Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11642/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00