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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14674/2022

ACPR/526/2024 du 18.07.2024 sur ONMMP/1879/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : BRUIT;BÂTIMENT D'EXPLOITATION AGRICOLE;NE BIS IN IDEM
Normes : CPP.310; CPP.11; CPP.320

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14674/2022 ACPR/526/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 18 juillet 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 30 avril 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 13 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 avril 2024, notifiée le 3 mai suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pour des nuisances sonores causées par l'entreprise voisine de son domicile, B______ S.A.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour suite d'instruction.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. Le 23 mai 2024, A______ a complété son acte de recours en produisant deux pièces nouvelles.

c. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ souffre depuis plusieurs années du bruit causé par les camions des fournisseurs de l'entreprise B______ S.A., à C______ [GE]. Il a alerté les autorités, déposé des plaintes pénales et agi au civil en cessation de trouble, sans jamais obtenir gain de cause.

b. À sa demande, une enquête a été diligentée en 2018 et 2019 par le Service cantonal de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après, SABRA), lequel a constaté que le niveau de bruit généré par le trafic de livraison et la manutention respectait la législation en vigueur.

c. La Chambre de céans a déjà eu l'occasion de se pencher à plusieurs reprises sur des plaintes déposées par A______ :

- Par arrêt ACPR/716/2020 rendu le 9 octobre 2020, elle a rejeté le recours du précité contre l'ordonnance du Ministère public du 19 mai 2020 par laquelle celui-ci avait refusé d'entrer en matière sur sa plainte pénale du 21 septembre 2019 contre inconnu pour des nuisances sonores émises depuis l'entreprise susmentionnée.

- Par arrêt ACPR/116/2022 rendu le 15 février 2022, elle a rejeté le recours de A______ contre l'ordonnance du 15 décembre 2021, par laquelle le Ministère public avait refusé d'entrer en matière sur ses plaintes des 21 juillet, 20 août et 4 septembre 2021 contre inconnu, en raison de nuisances sonores survenues depuis l'entreprise susmentionnée.

- Par arrêt ACPR/170/2023 rendu le 8 mars 2023, elle a rejeté le recours de l'intéressé contre l'ordonnance du 5 décembre 2022, par laquelle le Ministère public avait refusé d'entrer en matière sur ses plaintes des 14 mai et 18 juin 2022 pour des nuisances sonores émises par des camions stationnés sur l'aire de chargement de B______ S.A.

En substance, ces arrêts ont souligné l'absence d'indice permettant de retenir un dépassement des valeurs de bruit admissible à l'endroit visé.

d. Les 2 juillet 2022 et 31 août 2023, A______ a derechef déposé plainte contre inconnu pour des nuisances sonores émanant de B______ S.A. La plainte du 31 août 2023 est contresignée par plusieurs habitants du quartier. Une nouvelle source de bruit était apparue soit un "bruit continu (sifflement ou bruit ressemblant à une turbine) provenant des locaux de conditionnements de l'entreprise [se faisant] entendre jour et nuit". Le trafic des poids lourds était en augmentation constante. Le 30 juin 2022, A______ était intervenu auprès d'un chauffeur qui s'était excusé et avait éteint le compresseur de son véhicule. Des nuisances particulièrement importantes avaient été constatées le 23 août 2023 : elles semblaient provenir d'un camion à propulsion électrique en charge sur le parking de l'entreprise.

e. Dans son rapport du 28 septembre 2023, la police, se référant notamment aux nuisances dénoncées par A______ et survenues le 23 août précédent, a relaté avoir pu constater sur place, lors d'un déplacement du 26 juillet 2022, qu'il n'y avait aucun bruit excessif. Il en allait de même lors d'un déplacement effectué le 26 août 2023.

f. Le 30 janvier 2024, la police a rédigé un nouveau rapport résumant le contenu des rapports précédents, car A______ avait "inondé" les services de police de plaintes, toujours sur le même sujet et depuis des années.

C. À teneur de la décision querellée, le Ministère public a retenu que les éléments dénoncés ne remplissaient pas les conditions d'une infraction pénale et que des faits similaires, sinon identiques, avaient déjà fait l'objet d'un refus d'entrer en matière, confirmé par la Chambre pénale de recours.

D. a. À l'appui de son recours, A______ résume ses démarches entreprises auprès de divers organes de l'État et se réfère aux mesures effectuées en 2019. Il relate ainsi des décisions prises par les juridictions pénales et civiles, revenant sur les motifs de celles-ci. Il ne consacre aucun développement à la décision querellée.

Il se plaint en outre de l'impossibilité d'obtenir immédiatement copie du dossier au Ministère public contre paiement en espèces et de n'avoir pas été auditionné par cette autorité.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. L'art. 385 al. 1 CPP précise que le mémoire de recours doit indiquer précisément les points de la décision attaquée (let. a), les motifs qui commandent une autre décision (let. b) ainsi que les moyens de preuves invoqués (let. c).

2.2. En l'espèce, le recours a été déposé dans le délai prescrit (396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la partie plaignante qui a qualité pour agir (art. 104 al. 1 let. b et 382 al. 1 CPP ; voir les arrêts précédemment rendus par la Chambre de céans et cités sous attendu c. supra).

Bien que le recourant agisse en personne, il est familier des procédures de recours devant la Chambre de céans qu'il saisit pour la quatrième fois dans le même complexe de faits. Son recours consiste pourtant dans une reprise d'éléments déjà examinés précédemment par d'autres autorités, sans que l'on comprenne ce qu'il reproche concrètement à la décision querellée.

Néanmoins, il soulève un grief de droit d'être entendu qu'il convient de traiter. En outre, l'on comprend qu'il souhaite que des éléments résultant des procédures antérieures soient pris en compte. Son recours sera déclaré recevable, malgré ses carences.

2.3. Les pièces nouvelles produites par le recourant avec son recours sont recevables, la jurisprudence admettant leur production en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

Il n'en va pas de même des deux pièces supplémentaires produites par le recourant après l'échéance du délai de recours, qui sont irrecevables, la motivation d'un recours devant être entièrement contenue dans l'acte lui-même et ne pouvant être complétée ou corrigée après l'échéance du délai de dix jours, lequel n'est pas prolongeable (art. 89 al. 1 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1113/2022 du 12 septembre 2023 consid. 1.5.1).

3.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, dès lors qu'on aurait refusé de lui remettre immédiatement des photocopies du dossier qu'il avait consulté le 6 mai 2024 et qu'il n'aurait pas été entendu par le Ministère public.

Ce grief peut d'emblée être rejeté dans la mesure où le recourant commente les pièces pertinentes du dossier dans son recours, y compris les pièces les plus récentes, ce qui démontre qu'il en a une connaissance suffisante. Il n'expose d'ailleurs pas en quoi il aurait été empêché de faire valoir ses droits par le simple fait de ne pas avoir obtenu des photocopies immédiatement. Enfin, il ressort de sa description des faits qu'on lui aurait non pas refusé une copie du dossier, mais d'exécuter sans délai les copies demandées contre paiement en espèces, en lieu et place de la procédure usuelle.

Il n'en va pas différemment de l'audition que le recourant réclame : celui-ci a déjà eu amplement l'occasion de relater son point de vue et n'expose pas en quoi des éléments pertinents auraient pu être obtenus par sa comparution devant l'autorité précédente.

4.             4.1. La non-entrée en matière peut – et doit – être prononcée lorsque les conditions nécessaires à l'ouverture de l'action publique ne sont pas réunies (empêchement de procéder ; art. 310 al. 1 let. b CPP).

4.2. Selon le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. Ce droit est consacré à l'art. 11 al. 1 CPP et découle en outre implicitement de la Constitution fédérale. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem requièrent qu'il y ait identité de la personne visée et des faits retenus, soit que les deux procédures ont pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes. La qualification juridique des faits ne constitue pas un critère pertinent (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.2 ; 137 I 363 consid. 2.2 p. 366; 125 II 402 consid. 1b p. 404; arrêts du Tribunal fédéral 6B_279/2018 du 27 juillet 2018 consid. 1.1; 6B_1053/2017 du 17 mai 2018 consid. 4.1). L'interdiction de la double poursuite constitue un empêchement de procéder, dont il doit être tenu compte à chaque stade de la procédure (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1100/2020 du 16 décembre 2021 consid. 3.1).

Aux termes de l'art. 320 al. 4 CPP, une ordonnance de classement entrée en force équivaut à un acquittement. Cette équivalence prévaut également pour la non-entrée en matière, par renvoi de l'art. 310 al. 2 CPP, qui est réputé englober l'art. 320 al. 4 CPP. Toutefois, une telle assimilation ne se conçoit pas sans nuance, puisque les décisions en cause n'émanent pas d'un tribunal (cf. art. 13 CPP), mais du ministère public (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.5 et les références citées). Par ailleurs, à teneur de l'art. 323 al. 1 CPP, le ministère public ordonne la reprise après classement, respectivement l'ouverture après non-entrée en matière, d'une procédure préliminaire s'il a connaissance de nouveaux moyens de preuves ou de faits nouveaux, s'ils révèlent une responsabilité pénale du prévenu (let. a) et s'ils ne ressortent pas du dossier antérieur (let. b). Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 141 IV 194 consid. 2.3). Cette disposition permet de revenir sur une non-entrée en matière ou un classement à des conditions moins rigoureuses que celles qui prévalent pour la révision d'un jugement entré en force (art. 410 et suivants CPP). Les conditions d'application de l'art. 323 CPP sont, qui plus est, moins sévères après une non-entrée en matière qu'après un classement. Par conséquent, l'ordonnance de non-entrée en matière bénéficie d'une autorité de chose jugée plus limitée encore que celle, déjà réputée restreinte, de l'ordonnance de classement (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.5 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1100/2020 du 16 décembre 2021 consid. 3.2).  

4.3. En l'espèce, sous couvert de la description de prétendues modifications dans la situation, à savoir la survenance de nouveaux bruits ou l'augmentation du trafic routier, le recourant a déposé un quatrième groupe de plaintes identique à ses plaintes précédentes qui visaient la même entreprise pour les mêmes faits.

Or, ces faits ont déjà été traités à trois reprises, tant par le Ministère public que la Chambre de céans, pour un résultat équivalent, soit qu'aucun élément concret ne justifiait l'ouverture d'une procédure pénale. Il n'est pas admissible que le recourant reprenne, dans son recours, des faits anciens maintes fois invoqués précédemment devant les autorités pénales (valeurs mesurées par le SABRA, transports nocturnes, etc.) ou qui auraient pu l'être, pour s'opposer à la décision entreprise. Le recourant ne peut donc persister à dénoncer des bruits divers provenant de l'entreprise, sans apporter le moindre élément de preuve nouveau tendant à démontrer un dépassement des valeurs limite, et espérer une (ré)ouverture de l'instruction. D'ailleurs, le recourant ne formule aucun grief concret contre cette appréciation formulée par le Ministère public dans l'ordonnance querellée, étant précisé que, contrairement à ce qu'il soutient, les nuisances du 23 août 2023 qu'il a dénoncées ont été investiguées par la police.

En vertu du principe ne bis in idem, même appliqué limitativement dans le cadre d'une procédure close par un refus d'entrer en matière, et en l'absence de tout élément nouveau qui révélerait une responsabilité pénale, il est exclu de reprendre l'instruction de la cause.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14674/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

 

 

Total

CHF

1'000.00