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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18021/2012

ACPR/838/2022 du 29.11.2022 sur OCL/397/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;CONFISCATION(DROIT PÉNAL);ENRICHISSEMENT
Normes : CPP.319; CPP.320; CP.70

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18021/2012 ACPR/838/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 29 novembre 2022

 

Entre

A______, dont le siège est sis ______, comparant par Me Miguel OURAL, avocat,
Lenz & Staehelin, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 4 avril 2022 par le Ministère public,

et

B______ CORP, comparant par Me Jean-Marie CRETTAZ, avocat, boulevard des Philosophes 17, 1205 Genève,

C______, comparant par Me Shahram DINI, avocat, place du Port 1, 1204 Genève,

D______, comparant par Me Stéphanie HODARA, avocate, Altenburger LTD legal + tax, rue Rodolphe-Toepffer 11bis, 1206 Genève,

E______, comparant par Me Pierre de PREUX, avocat, Canonica Valticos de Preux & Ass, rue Pierre-Fatio 15, case postale 3782, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 19 avril 2022, la A______ (ci-après: A______ ou la Banque) recourt contre l'ordonnance du 4 avril 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de feu E______ (chiffre 1 du dispositif) et ordonné, à l'échéance du délai de recours, la levée du séquestre portant sur le compte n° 1______ ouvert au nom de B______ CORP auprès de A______ (chiffre 2).

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement à l'octroi de l'effet suspensif, puis, à l'annulation de la levée dudit séquestre, avec renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 2'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

c. La Direction de la procédure a octroyé l'effet suspensif sollicité, par ordonnance du 20 avril 2022 (OCPR/22/2022).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans le cadre de la présente procédure, il était reproché à E______ d'avoir, à Genève, entre 1999 et 2012, alors qu'il travaillait pour A______, puis en qualité de gérant de fortune indépendant, employé sans droit à son profit ou au profit de tiers des fonds confiés en gestion à son employeur, dont il avait la responsabilité au sein du "Département Espagne" de la banque, et créé de faux relevés bancaires, et/ou falsifié des relevés bancaires, dans le dessein de dissimuler les détournements de fonds qu'il avait commis, et ainsi se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite.

Notamment, il avait effectué des retraits "non autorisés" sur plusieurs comptes de ses clients, totalisant EUR 2'339'114.74, CHF 176'200.- et USD 30'000.-.

b. La Banque, ainsi que vingt-huit clients, majoritairement des membres de la famille ou des proches de E______, ont déposé plainte contre ce dernier, parmi lesquels:

- la société F______, société panaméenne, créée en juillet 2006, titulaire d'un compte n° 2______ ouvert auprès de A______ (ci-après; compte F______) dont G______, épouse de E______, est l'ayant droit économique.

Ce compte a notamment fait l'objet de retraits en espèces de E______ d'EUR 1'478'809.54, CHF 176'200.- et USD 30'000.-.

- la société B______ CORP, société panaméenne, créée en octobre 2009, titulaire d'un compte n° 1______ ouvert auprès de A______ (ci-après; compte B______) dont le prévenu apparaît comme étant l'ayant droit économique selon le formulaire A.

Ce compte a initialement été crédité, le 24 décembre 2009, d'EUR 5'990'000.-. Il a par la suite fait l'objet de "versements" sporadiques, de montants variables mais ne dépassant pas EUR 50'000.-, dont l'origine ne peut pas être identifiée par la documentation bancaire. De manière globale, le compte apparaît déficitaire, faisant parfois l'objet de débits en faveur de clients de E______ ou de retraits, si bien que les relevés annuels font état d'une fortune d'EUR 2'481'283.- en 2010; EUR 1'797'216.- en 2011; et EUR 1'403'271.- en 2012.

c. A______ a déposé plainte contre E______ le 21 décembre 2012.

d. Le même jour, le Ministère public a ordonné le séquestre du compte de B______ CORP. Selon le dernier relevé reçu, le compte présentait un solde de EUR 1'596'382 en date du 28 février 2017.

e. Le 25 juin 2013, E______ a été prévenu d'abus de confiance et de faux dans les titres, subsidiairement d'escroquerie.

L'intéressé a admis les faits reprochés, contestant cependant avoir détourné les fonds à son profit.

Il avait, dès 1999-2000, falsifié des relevés de compte de clients pour enjoliver leurs situations financières parce qu'il subissait des pressions de la part de la Banque qui lui demandait de faire du chiffre et d'augmenter sa masse sous gestion, sous menace de perdre son emploi, et des clients qui menaçaient de quitter la Banque au prétexte que les autres établissements étaient plus performants. Il avait commencé à faire des opérations spéculatives en 2007, sur les comptes de tous ses clients, environ une trentaine; les opérations s'étaient soldées par des pertes importantes, en raison des aléas de la Bourse et d'investissements exagérément spéculatifs. Il avait fait des achats d'options et de futures; il avait perdu entre EUR 3 à 4 millions avec tous ses clients. Il avait ensuite falsifié tous les relevés bancaires des comptes. Lorsque les fonds des clients n'étaient pas suffisants pour permettre les retraits auxquels ces derniers souhaitaient procéder, il les avait complétés par des avoirs provenant des comptes d'autres clients ainsi que ceux de B______ CORP et F______.

Les fonds déposés sur le compte B______ ne lui appartenaient pas contrairement à ce que révélait le formulaire A de la Banque; son épouse, G______, en était l'ayant droit économique. En 2002, son beau-père avait donné son patrimoine de EUR 140 millions à ses deux enfants. À la suite du décès de celui-ci, en 2006, les précités avaient, en 2009, passé un accord aux termes duquel le second avait le droit de racheter les parts de sa sœur dans l'entreprise familiale H______ SL. Lorsque I______ avait payé ce droit, fixé à EUR 6 millions en 2009, son épouse et lui avaient décidé de constituer la société B______ CORP. I______ avait versé de l'argent, non déclaré, sur le compte de B______ CORP.

f. Au fil de ses auditions, E______ a soutenu sans cesse que tous les retraits en espèces effectués par ses soins sur les comptes de ses clients avaient soit été remis à ces derniers, parfois au travers d'opérations de compensation, soit utilisés pour rembourser ou combler l'argent qui manquait sur d'autres comptes en raison de ses agissements (cf. procès-verbaux des 25 juin 2013 p. 7 et 14; 8 octobre 2013 p. 10-11; 9 octobre 2013 p. 5; 26 janvier 2016 p. 4).

g. Par courrier du 15 novembre 2013, B______ CORP a requis la levée du séquestre.

E______ n'était pas le réel ayant droit économique des avoirs séquestrés. Les EUR 6 millions qui avaient été versés sur le compte de B______ CORP représentaient le premier acompte à payer immédiatement sur le montant total de EUR 44 millions prévu par l'accord de 2009.

h. Les 29 et 30 janvier et 30 avril 2014, G______ a déclaré qu'elle était l'ayant droit économique du compte F______ ainsi que du compte B______, et non son mari E______, contrairement à ce que mentionnait la formule A de ce dernier compte.

i. Le procès-verbal de l'audience tenue le 19 février 2019 comporte le paragraphe suivant:

"Vous [le Procureur] évoquez désormais le compte 1______ de B______ CORP. Vous indiquez que, pour le Ministère public, il s'agit d'un compte qui détient mes avoirs [à E______], de sorte que le Ministère public n'entend pas de lui-même formuler des reproches s'agissant des opérations qui y ont été effectuées".

j. Par arrêt du 15 août 2019 (ACPR/616/2019), la Chambre de céans a confirmé la décision du Ministère public refusant la levée du séquestre des avoirs déposés sur le compte n° 1______ ouvert par B______ CORP.

En substance, l'état de la procédure ne permettait pas d'exclure que E______ était bien l'ayant droit économique du compte en question. Les fonds litigieux semblaient provenir du frère de G______ mais rien ne permettait de considérer qu'ils étaient une partie des fonds visés par l'accord de 2009, faute de convention écrite produite, voire de déclaration en ce sens du frère. Il appartenait ainsi au juge du fond de trancher définitivement la question de l'ayant droit économique de ces avoirs.

k. Le 29 septembre 2021, le conseil de E______ a informé le Ministère public du décès de son client, survenu le 1er précédent.

m.a. Le 14 octobre 2021, le Ministère public a avisé les parties de son intention de prononcer le classement de la procédure à l'égard de E______.

m.b. À la suite de quoi, A______ a sollicité le prononcé, avec allocation en sa faveur, d'une créance compensatrice à l'encontre de B______ CORP, correspondant à tout le moins à l'entier des avoirs déposés sur le compte n° 1______, montant qui ne couvrait, selon elle, qu'une infime partie du dommage subi par les agissements de E______.

B______ CORP s'est opposée au prononcé de cette créance compensatrice, expliquant qu'une procédure civile (C/3______/2017) avait été initiée par demandes déposées le 23 novembre 2017 par G______, F______ et elle-même contre A______, afin de trancher la question de la propriété des fonds placés sur le compte précité.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que l'instruction n'avait pas permis d'établir que les infractions commises par feu E______ eussent généré des profits pour lui et que des valeurs patrimoniales déterminées eussent été incorporées dans son patrimoine. Les conditions pour une confiscation n'étant ainsi pas réalisées, une créance compensatrice, avec allocation à A______, ne pouvait pas être prononcée. En outre, l'ayant droit économique réel des avoirs déposés sur le compte B______ n'avait pas pu être identifié. Il pouvait s'agir du précité comme de son épouse, G______. Cette dernière affirmait que les fonds déposés sur le compte en question provenaient d'une partie de la vente de sa part de l'entreprise familiale à son frère, soit l'équivalent de EUR 5.99 millions. Il ne pouvait être exclu que ces fonds trouvent effectivement leur origine dans cette vente et qu'en conséquence, G______ soit l'ayant droit économique réel des avoirs déposés sur le compte visé. La procédure civile C/3______/2017 devrait déterminer ce point.

D. a. Dans son recours, A______ soulève comme griefs une constatation inexacte et erronée des faits, ainsi qu'une violation du droit. L'ordonnance querellée retenait à tort que l'instruction n'avait pas pu établir que les infractions reprochées à E______ avaient généré des profits. Ce dernier avait effectué des retraits non autorisés, de EUR 2'339'114.79, CHF 176'200 et USD 30'000.-, pour utiliser sans droit ces sommes, les incorporant de la sorte dans son patrimoine. En outre, la procédure avait permis d'établir le véritable ayant droit économique du compte B______, à savoir E______. Le Ministère public l'avait d'ailleurs reconnu lors de l'audience du 19 février 2019. L'éventualité que les avoirs du compte provenaient de la vente de la part de G______ dans l'entreprise familiale n'était pas nouvelle et ne modifiait pas le constat auquel le Ministère public était parvenu. Les prétextes invoqués par celle-ci pour justifier l'appartenance des fonds du compte B______, à savoir de "couper la trace de l'argent" vis-à-vis de son frère ou pour des raisons fiscales, n'empêchaient pas de considérer qu'elle avait renoncé à sa propriété en déposant le produit de la vente sur ledit compte. Il n'était en outre pas nécessaire d'attendre l'issue de la procédure civile pour confirmer un fait qui était d'ores et déjà établi, soit que E______ était l'ayant droit économique des avoirs en question. Les conditions pour le prononcé d'une créance compensatrice étaient ainsi réalisées, le principe de la transparence permettant en outre d'admettre une identité de personnes entre E______ et B______ CORP, ce que la Chambre de céans avait admis au moment de maintenir le séquestre; et cette créance devait lui être allouée. Subsidiairement, une créance compensatrice devait être prononcée à l'égard des héritiers de E______.

b. Le Ministère public et C______ ont renoncé à formuler des observations.

c. Dans ses observations, B______ CORP soutient que son ayant droit économique était G______. Son compte n° 1______ avait été alimenté par un crédit de EUR 5.99 millions, correspondant à une part du prix payé à celle-ci par son frère. E______ avait par ailleurs admis que les avoirs déposés sur ce compte ne lui appartenaient pas. Des témoins avaient également confirmé que le précité apparaissait comme ayant droit économique pour des raisons pratiques uniquement. Une donation entre époux était enfin exclue en vertu du droit espagnol – applicable selon les règles de droit international privé suisse – dès lors que G______ n'avait aucune intention de donner, ni E______ de volonté de l'accepter. S'agissant des conditions pour la confiscation, il n'avait pas été démontré par la procédure que les infractions reprochées avaient généré des profits pour E______. Par ailleurs, les valeurs patrimoniales transférées "sans droit" par ce dernier étaient toujours disponibles. En effet, les flux financiers consécutifs aux agissements de E______ étaient connus du Ministère public et les valeurs patrimoniales restaient accessibles, au travers des mécanismes d'entraide susceptibles d'être mis en œuvre. Enfin, E______ n'était pas l'ayant droit économique des fonds séquestrés et ceux-ci étaient sans lien avec les infractions.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

1.2. La recourante n'a jamais expressément chiffré son dommage consécutif aux agissements du prévenu ni – a fortiori – justifié ses créances en réparation contre celui-ci, laissant en suspens la question de l'existence et de l'ampleur d'une atteinte à ses droits. Son acte de recours ne contient au demeurant aucun développement à ce sujet, alors qu'il lui appartient pourtant d'établir sa qualité pour recourir (arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2020 du 3 décembre 2020 consid. 2.1 et la référence citée).

Cela étant, sa qualité de lésée n'a jamais été remise en cause au cours de la procédure, si bien qu'un intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP) peut lui être reconnu.

Partant, le recours est recevable.

2.             La recourante s'oppose à la levée du séquestre portant sur les avoirs du compte de B______ CORP.

2.1. Le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (art. 319 al. 1 let. d CPP), tel le décès du prévenu (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1389/2017 du 19 septembre 2018 consid. 1).

2.2. Lorsqu'il classe la poursuite, le ministère public lève dans l'ordonnance de classement les mesures de contrainte en vigueur et peut ordonner la confiscation d'objets et de valeurs patrimoniales (art. 320 al. 2 CPP).

2.3.1. L'art. 70 al. 1 CP autorise le juge à confisquer des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

Inspirée de l'adage selon lequel "le crime ne paie pas", cette confiscation a pour but d'éviter qu'une personne puisse tirer avantage d'une infraction (ATF 139 IV 209 consid. 5.3 p. 212 et les arrêts cités).

2.3.2. Lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, l'art. 71 al. 3 CP permet à l'autorité d'instruction de placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, jusqu'à concurrence du montant présumé du produit de l'infraction, des valeurs patrimoniales appartenant à la personne concernée, sans lien de connexité avec les faits faisant l'objet de l'instruction pénale, et même celles de provenance licite.

En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée : elle est alors soumise aux mêmes conditions que la confiscation. Néanmoins, un lien de connexité entre les valeurs saisies et l'infraction commise n'est pas requis (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 62 ss. et les nombreuses références citées).

2.4. La finalité des art. 70 (confiscation) et 71 (créance compensatrice) CP est d'ôter à l'auteur (ou à un tiers bénéficiaire) toute rentabilité à l'infraction commise, et non de garantir le dommage allégué du lésé, garantie qui ressortit aux seuls droits civil/des poursuites et faillite. C'est donc la suppression de l'avantage financier résultant de l'activité illicite qui est visée, que l'auteur/le tiers dispose toujours de cet avantage – auquel cas une confiscation est envisageable – ou que l'intéressé n'en dispose plus (parce qu'il l'a aliéné, etc.), hypothèse qui justifie alors le prononcé d'une mesure de substitution à la confiscation, i.e. la créance compensatrice (ACPR/303/2020 du 15 mai 2020 consid. 2.3.1; L. MOREILLON/Y. NICOLET, La créance compensatrice, in RPS 135 (2017), p. 417, 419 et p. 426 et les références citées). Par conséquent, en l'absence d'un enrichissement de l'auteur/du tiers, la confiscation ne peut être ordonnée, raison pour laquelle le Tribunal fédéral exclut qu'une créance compensatrice puisse être prononcée solidairement à l'encontre de tous les participants à une infraction, lorsque seuls certains ont reçu un avantage illicite (ATF 119 IV 17 consid. 2.b p. 21).

2.5. En l'espèce, le prévenu est décédé le 1er septembre 2021, ce qui a entrainé le classement de la procédure.

L'instruction menée jusqu'alors a permis de mettre en lumière les malversations – admises – de celui-ci sur plusieurs comptes appartenant à ses clients. À teneur des aveux de l'intéressé, les opérations bancaires réalisées à ce titre visaient, en substance, à prélever indument sur un compte une somme pour combler le déficit d'un autre, qu'il cachait avec de faux relevés.

Au vu de tous les transferts de compte à compte ainsi effectués, rien ne laisse à penser qu'il en aurait tiré un bénéfice personnel, là n'étant vraisemblablement pas – à teneur du dossier – la finalité recherchée par le prévenu. La recourante ne conteste d'ailleurs pas l'ordonnance querellée sur cet aspect lorsque cette décision retient que les infractions n'ont pas été génératrices de profits, mais fait plutôt grief au Ministère public de n'avoir pas tenu compte des espèces retirées en sus par le prévenu.

Il est en effet établi que ce dernier a effectué des retraits sur plusieurs comptes de ses clients, totalisant EUR 2'339'114.74, CHF 176'200.- et USD 30'000.-.

Cela étant, aucun élément concret ni probant ne permet d'affirmer que le prévenu en aurait tiré un quelconque gain. Au contraire, alors que ce dernier a admis avoir détourné les fonds, il a toujours nié avoir agi à son profit, expliquant que l'argent retiré avait soit été remis directement aux clients, soit avait servi la même finalité que les transferts bancaires susmentionnés. La plus grande partie des fonds retirés en espèces provient d'ailleurs du compte appartenant à la société de son épouse, qui a également porté plainte contre lui.

Il n'apparaît pas non plus que le tiers séquestré, soit B______ CORP – nonobstant l'identité de son ayant droit économique – aurait bénéficié, sur son compte, d'un crédit en sa faveur d'origine illicite. Plus globalement, il semble admis par les parties – et par la Chambre de céans dans l'ACPR/617/2019 – que les fonds actuellement bloqués constitueraient un reliquat des EUR 5.9 millions versés par le beau-frère du recourant, même si les motifs de cette transaction demeurent incertains.

Dans ces circonstances, ni le prévenu ni le tiers séquestré n'apparaissent comme ayant tiré avantage des infractions éventuellement commises par le premier, ce que le Ministère public a correctement retenu dans sa décision.

Par conséquent, les conditions pour le prononcé d'une confiscation et, par extension, d'une créance compensatrice, ne sont pas réunies. La réparation du dommage allégué par la recourante devra, cas échéant, être recherchée par les voies civiles, étant rappelé qu'une procédure est d'ores et déjà pendante en lien avec la titularité des avoirs du compte B______.

3. Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

4. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5. B______ CORP, en sa qualité de tiers séquestré, a demandé une indemnité de CHF 5'000.- pour ses frais de défense engendrés par la procédure de recours.

Cela étant, bien qu'assistée d'un avocat, elle n'a produit aucun état de frais permettant de justifier cette somme. Sa requête ne satisfait pas aux réquisits de l'art. 433 al. 2 CPP – applicable par renvoi des art. 436 al. 1 et 434 al. 1 CPP – de sorte qu'il ne lui en sera pas allouée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______, B______ CORP, C______, D______, E______, soit pour eux, leurs conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18021/2012

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

50.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'875.00

-

CHF

     

Total

CHF

2'000.00