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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16214/2020

ACPR/622/2022 du 06.09.2022 sur OTMC/2231/2022 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;RISQUE DE COLLUSION;PROLONGATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16214/2020 ACPR/622/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 6 septembre 2022

 

Entre

A______, domicilié ______[GE], comparant par Mes Yaël HAYAT et Guglielmo PALUMBO, avocats, Hayat & Meier, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3504, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation des mesures de substitution rendue le 12 juillet 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.            Par acte expédié le 25 juillet 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 12 juillet 2022, notifiée le surlendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé, jusqu'au 13 janvier 2023, les mesures de substitution suivantes à son égard (ch. 1) :

a) interdiction de prendre contact avec B______, C______, les responsables des entreprises D______ SA, E______ SA, F______ SA, soit pour elles G______ et H______, I______ SA, J______ SA et K______ Sàrl, soit pour elle L______ et M______, N______, O______, P______, Q______, R______, les plaignants et S______;

b) obligation à A______ et T______ de conférer en présence d'un huissier judiciaire, mis en œuvre par leurs soins et à leurs frais, qui assiste à tout entretien, dont la date et l'ordre du jour (sujet précis abordé) sont préalablement adressés au Ministère public, étant précisé qu'à cette fin, un planning global, comportant les informations requises, peut être adressé au Ministère public, que l'huissier judiciaire adressera au Ministère public un bref rapport à l'issue de chaque entretien, mais au plus tard, le lendemain et que les points dont ils peuvent conférer sont, à l'exclusion de tout autre sujet, les suivants :

·      actes de gestion non courante de l'Agence U______ SA (p. ex: problématiques relatives aux ressources humaines, soit engagement, cahier des charges, taux d'activités et problématiques similaires, stratégie à moyen et long terme) ;

·      promotions non visées par l'enquête (recherches de terrains, acquisition de terrains, financement, plans financiers, relations clientèles, financement de la construction par les clients) ;

·      mandats de courtage non visés par l'enquête et sans lien avec les protagonistes apparaissant dans le dossier de la procédure ;

·      solutions de chantiers non visés par l'enquête.

Le recourant conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de cette décision et à la levée de l'ensemble des mesures ordonnées contre lui; subsidiairement à la levée de la mesure 1.b); plus subsidiairement à la levée de la mesure 1.b) et qu'en lieu et place il lui soit fait "interdiction de prendre contact avec T______ sous quelque forme que ce soit en lien avec la présente procédure"; encore plus subsidiairement, à ce que la prolongation des mesures de substitution 1.a) et 1.b) soit ordonnée pour une durée de 3 mois, soit jusqu'au 13 octobre 2022.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a été arrêté provisoirement le 13 janvier 2022.

Il lui est reproché des infractions de gestion déloyale (art. 158 CP) et de corruption privée passive (art. 322novies CP), voire d'escroquerie (art. 146 CP), pour avoir, à Genève, dès 2016 à tout le moins, en sa qualité d’organe de fait de l’Agence immobilière U______ SA (ci-après : l’Agence U______), de concert avec T______ – également prévenu dans la présente procédure –, notamment dans le cadre des promotions immobilières suivantes :

V______ à W______

X______ à Y______

Z______ (AA_____) à AB_____

AC_____ à AD_____

AE_____ à AF_____

AG_____ à AH_____

AI_____ à W______

AJ_____ à AK_____

AL_____ à AM_____

AN_____ à AD_____

AO_____ à AD_____

AP_____ à W______

AQ_____ à AF_____

AR_____ à AS_____

alors que les projets ont été commercialisés selon la structure "quote-part terrain" :

ainsi obtenu le paiement, par les clients, d’honoraires de mise en valeur, pour le travail de développement et mise en place du projet;

s'être fait promettre et verser, en sus des honoraires de mise en valeurs officiels facturés par l’Agence U______, des rétrocessions considérables, notamment de la part de D______ SA, E______ SA, F______ SA, I______ SA, J______ SA et K______ Sàrl, en espèces, en faveur de l’Agence U______ entre autres, ou en nature en faveur de T______ notamment, comme par exemple la réalisation à titre gratuit, ou presque, d’une villa, en échange de l’adjudication de chantiers, et ce, à l’insu des clients de l’Agence U______;

alors qu’il avait négocié et conclu un pacte d’emption pour un prix déterminé avec le ou les propriétaires d’une parcelle, sur laquelle il a développé une des promotions, de plusieurs logements, mentionnées ci-dessus :

invité les clients de l’Agence U______ à conclure un contrat de vente avec le ou les propriétaires de la parcelle portant sur une part du terrain, pour un prix total supérieur à celui convenu avec les propriétaires de la parcelle, puis d’avoir fait verser à l’Agence U______ la différence entre le prix promis aux propriétaires de la parcelle et le prix total payé par les clients de l’Agence U______;

adjugé des travaux de construction à diverses entreprises générales, dont D______ SA et E______ SA, à un prix insuffisant ne permettant pas à celles-ci de rémunérer l’intégralité des sous-traitants avec les fonds payés au titre de paiement du prix de l’ouvrage, engendrant l’arrêt du chantier.

b. Le 16 janvier 2022, le TMC a refusé la mise en détention de A______ et prononcé à son égard les mesures de substitution suivantes valables jusqu'au 13 juillet 2022 :

a) interdiction de prendre contact avec T______, B______, C______, les responsables des entreprises D______ SA, E______ SA, F______ SA, I______ SA, J______ SA et K______ Sàrl, N______, O______, P______, Q______, R______, les plaignants et S______;

b) obligation de résider au 1______, W______.

c. Le 8 février 2022, le TMC a refusé de lever l'interdiction de contact avec T______, sollicitée par A______.

d. Par ordonnances des 14 et 23 février 2022, le TMC a modifié partiellement les mesures de substitution à la charge de A______, comme suit :

a) interdiction de prendre contact avec B______, C______, les responsables des entreprises D______ SA, E______ SA, F______ SA, soit pour elles G______ et H______, I______ SA, J______ SA et K______ Sàrl, soit pour elle L______ et M______, N______, O______, P______, Q______, R______, les plaignants et S______;

b) obligation à A______ et T______ de conférer en présence d'un huissier judiciaire, mis en œuvre par leurs soins et à leurs frais, qui assiste à tout entretien, dont la date et l'ordre du jour (sujet précis abordé) sont préalablement adressés au Ministère public, étant précisé qu'à cette fin, un planning global, comportant les informations requises, peut être adressé au Ministère public, que l'huissier judiciaire adressera au Ministère public un bref rapport à l'issue de chaque entretien, mais au plus tard, le lendemain et que les points dont ils peuvent conférer sont, à l'exclusion de tout autre sujet, les suivants :

·      actes de gestion non courante de l'Agence U______ SA (p. ex: problématiques relatives aux ressources humaines, soit engagement, cahier des charges, taux d'activités et problématiques similaires, stratégie à moyen et long terme) ;

·      promotions non visées par l'enquête (recherches de terrains, acquisition de terrains, financement, plans financiers, relations clientèles, financement de la construction par les clients) ;

·      mandats de courtage non visés par l'enquête et sans lien avec les protagonistes apparaissant dans le dossier de la procédure ;

·      solutions de chantiers non visés par l'enquête.

e. Le 18 mai 2022, le TMC a rejeté la demande de levée des mesures de substitution de A______. Il a statué à cet égard ceci :

"Que si l'instruction progresse, de nombreux actes d'enquête doivent néanmoins encore être effectués et que l'analyse des nombreuses pièces et données saisies n'est pas terminée, étant rappelé l'ampleur et la complexité de l'enquête;

Que A______ n'a pas encore pu être confronté à ce stade à l'ensemble des éléments de l'enquête de sorte que ledit risque de collusion perdure de fait avec l'ensemble des protagonistes, contrairement à ce qu'il soutient ;

Qu'il convient que le Ministère public entreprenne dès que possible les actes utiles pour écarter ce risque de collusion au vu du temps écoulé, étant précisé qu'au vu des actes d'enquête effectués et encore en cours dans ce dossier on ne saurait retenir une quelconque violation du principe de célérité ;

Qu'il sera encore relevé que A______ a souscrit aux mesures de substitution actuellement en vigueur, comprenant une interdiction de contact avec les responsables de F______ SA et K______ Sàrl, et n'a pas fait état de la nécessité d'être en contact avec G______, H______ et M______, notamment, ce dont le Tribunal a pris acte ;

Qu’il ne fait valoir aucun fait nouveau ;

Que le principe de proportionnalité - déjà examiné par le Tribunal de céans au moment du prononcé des mesures de substitution en lieu et place de la détention provisoire du prévenu - demeure respecté, étant rappelé la gravité des charges pesant contre A______ et considérant que ces mesures sont, en l'état, valables jusqu'au 13 juillet 2022, et n'empêchent pas, comme déjà suggéré dans l'ordonnance OTMC/446/2022 du 14 février 2022, un suivi des chantiers en cours par d'autres collaborateurs au sein des sociétés concernées."

C. Dans sa décision querellée, le TMC a rappelé l'existence de charges suffisantes à l'encontre de A______ à ce stade de l'enquête. L'instruction se poursuivait afin de préciser le rôle des différents protagonistes, étant relevé qu'elle visait un grand nombre d’individus et portait sur différents complexes de faits indissociables. Les auditions se poursuivaient, la dernière ayant eu lieu le 5 juillet 2022 et la prochaine serait fixée à fin août. Le risque de collusion perdurait avec les autres personnes mises en cause, notamment T______, ainsi qu'avec les représentants des entreprises générales, dès lors que le prévenu n'avait pas encore pu être confronté, à ce stade, à l'ensemble des éléments de l'enquête; il se justifiait donc de l'empêcher de prendre contact avec l'un ou l'autre desdits protagonistes pour l'influencer dans ses déclarations, de quelque façon que ce soit, respectivement de délivrer des déclarations adaptées et/ou concertées en sa faveur mais ne correspondant pas à la vérité, au vu des enjeux pour lui. Il avait déjà été spécifié au Ministère public qu'il devait entreprendre dès que possible les actes utiles pour écarter ce risque de collusion. Dans cette optique, il convenait qu'il confronte le(s) prévenu(s) aux éléments du dossier au fur et à mesure de son enquête et au fil des audiences d'instruction, de façon à évacuer progressivement ce risque. Les mesures ordonnées étaient aptes et adéquates encore à ce jour pour diminuer le risque que présentait la personne prévenue. En dépit de leur caractère contraignant, elles respectaient toujours le principe de proportionnalité dès lors que, prononcées le 16 janvier 2022 et assouplies au mois de février 2022, elles n'empêchaient pas la continuation des activités de l'entreprise. La prolongation de six mois des mesures de substitution actuellement en vigueur apparaissait raisonnable au vu de l'état de la procédure, s'agissant d'une procédure complexe et d'une envergure certaine, et des nécessités de prévention du risque de collusion.

D. a. À l'appui de son recours, A______ allègue une violation de son droit d'être entendu, la motivation d'un risque de collusion sérieux et concret étant succincte et ne lui permettant pas de comprendre la décision querellée. Il rappelle avoir reconnu en substance les faits reprochés, mais contester leur qualification pénale, et avoir eu accès à la procédure. Ensuite, un risque de collusion théorique ne suffisait pas. Si l'on suivait le TMC, ce risque perdurerait indéfiniment. Enfin, le principe de la proportionnalité n'était pas respecté, vu le temps écoulé. La mesure portait atteinte à ses intérêts privés, professionnels et financiers, étant relevé que la présence d'un huissier à tout entretien avec T______ générait des coûts certains. Le TMC n'explicitait pas en quoi une nouvelle prolongation de six mois des mesures était encore nécessaire, sauf à énoncer vaguement la conduite de l'instruction par le Ministère public. Dans sa précédente ordonnance du 18 mai 2022, le TMC avait spécifié au Ministère public qu'il devait entreprendre dès que possible les actes utiles pour écarter le risque de collusion. La nouvelle prolongation de deux mois entrait en contradiction avec cette injonction. Le TMC ne s'était enfin pas posé la question d'une interdiction de contact avec T______. Or, rien dans le dossier ne s'opposait à cet aménagement, à titre subsidiaire.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance sans autre remarque.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais. A______ n'avait pas contesté l'ordonnance du 18 mai 2022. Depuis le 23 février 2022, six réunions avaient eu lieu entre les prévenus A______ et T______. L'instruction pénale avait été étendue à N______, G______, H______, L______, M______, AT_____ et AU_____ et portait sur 17 chantiers réalisés par 4 entreprises générales, ainsi que sur la déconfiture de l'entreprise D______ SA. 25 audiences avaient été convoquées, sans compter celles déléguées à la police judiciaire. Des milliers de données avaient été saisies lors des 5 perquisitions exécutées, ce qui représentait plus de 10'000 pages de documentation, à laquelle les prévenus n'avaient pas encore pu être confrontés.

S'agissant du risque de collusion, celui-ci demeurait très concret vis-à-vis de l'ensemble des protagonistes, nonobstant les audiences et auditions qui avaient déjà eu lieu. A______ n'avait pas encore pu être confronté à tous les volumineux éléments versés au dossier. L'interdiction de contact ne le visait pas lui seul mais également – outre T______ – B______, C______, les responsables de l'entreprise D______ SA, E______ SA, F______ SA (soit pour elle G______ et H______), I______ SA, J______ SA, L______, M______, N______, Q______, R______ et S______, ces trois dernières personnes n'ayant pas encore été auditionnées. Tous les éléments n'étaient en outre pas documentés et nécessitaient de nombreuses clarifications et explications des uns et des autres. L'enquête se poursuivait avec la confrontation avec AT_____ et AU_____, fixée fin août-début septembre, à la suite de laquelle les auditions des autres personnes liées au dossier serait agendée. L'analyse de la volumineuse documentation était par ailleurs toujours en cours.

Le recourant avait souscrit à la mesure litigieuse et n'expliquait pas en quoi elle serait disproportionnée. Son recours traduisait son impatience, certes compréhensible, face au rythme judiciaire, mais peu compressible à ce stade de la procédure, eu égard à son ampleur, à sa complexité et au nombre de prévenus concernés (11 en tous). Il était rappelé que la mesure initiale à laquelle le recourant avait consenti afin d'obtenir sa mise en liberté consistait en l'absence de tout contact avec T______. La mesure contestée consistait en un aménagement de cette mesure, qui répondait à la demande de A______, soit de lui permettre d'assurer la continuité de ses affaires. Ainsi, ce dernier avait pu conférer à sa guise au sujet des affaires en cours avec T______, en la présence d'un huissier, et le recourant avait fait usage de cette faculté à six reprises depuis le prononcé de la mesure. Cette dernière n'apparaissait pas violer le principe de la proportionnalité.

d. A______ réplique.

E. a. Par ordonnance du 26 juillet 2022, le TMC a prolongé les mesures de substitution en vigueur contre T______, dont l'interdiction de tout contact avec A______ sauf en présence d'un huissier judiciaire, aux mêmes conditions que celles prévalant dans la décision attaquée.

b. L'audience de confrontation avec AT_____ et AU_____ a été agendée au 21 septembre 2022.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222, 237 al. 4 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu en ne rendant pas une décision suffisamment motivée en lien avec le risque de collusion.

2.1.  Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. L'autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 p. 46 ; 142 I 135 consid. 2.1 p. 145). La motivation peut également être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565).

2.2. En l'occurrence, ce grief tombe à faux. L'ordonnance querellée explicite en quoi consiste le risque de collusion (risque que le prévenu, en contactant les autres protagonistes, ne puisse influencer leurs déclarations ou livrer des déclarations adaptées/concertées) et pourquoi il perdure (le prévenu n'a pas encore pu être confronté à tous les éléments de l'enquête).

Ce risque a en outre déjà été développé par le TMC dans ses précédentes ordonnances, dont celle du 18 mai 2022, de sorte que le recourant ne saurait prétendre ne pas comprendre en quoi il consisterait.

3. Le recourant ne revient pas sur les charges suffisantes. Il n'y a donc pas lieu de les examiner. Il conteste par contre l'existence d'un risque de collusion sérieux et concret.

3.1. Selon l'art. 221 al. 1 let. b CPP, applicable aux mesures de substitution par renvoi de l'art. 237 al. 4 CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves.

Pour retenir l'existence d'un risque de collusion au sens de l'art. 221 al. 1 let. b CPP, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 ; 132 I 21 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_687/2021 du 11 janvier 2022 consid. 4.1).

3.2. En l'espèce, l'existence même d'un risque de collusion n'a jamais été remise en cause par le recourant jusqu'ici, preuve en est qu'il a souscrit aux mesures de substitution lui interdisant de contacter certains protagonistes de la procédure et qu'il propose même à titre subsidiaire que soit prononcée une interdiction de contact avec T______.

Aucun fait nouveau n'est non plus survenu depuis la dernière ordonnance du TMC du 18 mai 2022, rejetant sa demande de levée des mesures de substitution, que l'intéressé n'a au demeurant pas contestée.

4. Le recourant estime que la prolongation des mesures de substitution est disproportionnée.

4.1. En vertu du principe de proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., l'autorité doit tenter autant que possible de substituer à la détention toute autre mesure moins incisive propre à atteindre le même résultat (ATF 133 I 270 consid. 2.2). Le Code de procédure pénale le prévoit expressément à l'art. 237, en énumérant, de manière non exhaustive (cf. ATF 142 IV 367 consid. 2.1), certaines mesures de substitution, notamment l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c) ou l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (let. g). Une interdiction de travailler est également abordée en doctrine, par exemple lorsque l'infraction reprochée est en lien avec la place de travail ou avec la profession du prévenu (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 14c ad art. 237).

Les mesures de substitution ne sauraient sans autre être considérées comme des atteintes bénignes aux droits fondamentaux du prévenu (ATF 141 IV 190 consid. 3.3). À l'instar de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, les mesures de substitution doivent en tout temps demeurer proportionnées au but poursuivi, tant par leur nature que par leur durée (ATF 140 IV 74 consid. 2.2).

Conformément à l'art. 237 al. 5 CPP, le tribunal peut en tout temps révoquer les mesures de substitution, en ordonner d'autres ou prononcer la détention provisoire si des faits nouveaux l'exigent ou si le prévenu ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées. Le tribunal compétent dispose dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, comme cela ressort de la formulation potestative de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1B_485/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3.1).

4.2. En l'occurrence, l'instruction se poursuit sans désemparer – ce que le recourant ne conteste du reste pas – et une nouvelle audience a été fixée au 21 septembre prochain. Comme annoncé par le Ministère public, d'autres suivront encore.

S'agissant de l'atteinte aux intérêts privés, professionnels et financiers du recourant engendrée par les mesures de substitution critiquées, on ne voit pas qu'elle soit plus intense aujourd'hui que lors du prononcé des allègements auxquels le recourant a lui-même souscrit. Certes, la présence d'un huissier à chacun de ses entretiens avec T______ pour gérer leurs affaires représente des coûts mais ceux-ci n'apparaissent pas insurmontables, vu la fréquence de leurs rendez-vous, environ un par mois.

La procédure s'avère particulièrement complexe, eu égard au nombre de chantiers concernés, au nombre de prévenus et protagonistes impliqués ainsi qu'à la masse de documentation saisie. Cela a immanquablement un impact sur la durée de l'instruction.

Si la seule analyse de la documentation saisie ne saurait effectivement justifier une nouvelle prolongation des mesures, tel est par contre le cas des auditions à venir.

À cette aune, une nouvelle prolongation des mesures de substitution d'une durée de 6 mois n'apparait donc pas disproportionnée, celle-ci s'avérant toujours nécessaire au vu du risque concret de collusion qui perdure.

Rien n'indique au demeurant que le Ministère public ne les révoquera pas plus tôt, en fonction de l'avancement de l'enquête, suivant en cela l'injonction faite par le TMC d'exécuter dès que possible les actes utiles qui permettront d'écarter le risque de collusion.

À relever que les mêmes interdictions de contact ont été prise à l'endroit des autres protagonistes, dont T______.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui ses conseils, au Tribunal des mesures de contrainte et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16214/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

985.00