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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19387/2020

ACPR/605/2022 du 30.08.2022 sur OMP/2236/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;VIOLATION DE DOMICILE;SOUPÇON;COMPLICITÉ
Normes : CPP.319; CP.139; CP.186; CP.25

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19387/2020 ACPR/605/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 30 août 2022

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Isabelle PONCET, avocate, rue des Maraîchers 36, 1205 Genève,

recourant,

contre l’ordonnance de classement partiel et refus de réquisitions de preuves rendue le 8 février 2022 par le Ministère public,

et

B______, domicilié ______, France, comparant en personne,

C______, domiciliée ______, France, comparant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 février 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 février 2022, notifiée le 10 suivant, par laquelle le Ministère public a, notamment, classé la procédure à l’égard de B______ « et des tiers non identifiés évoqués par le plaignant » (ch. 3 du dispositif).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de cette décision, le Procureur devant être invité à compléter l’instruction afin d’identifier les autres personnes (majeures) apparaissant sur les images de vidéosurveillance, respectivement à condamner B______ pour vol et violation de domicile.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est propriétaire de l’atelier sis à la route 1______, à D______ [GE], dont l’activité principale consiste en la réalisation ______.

b. Le 1er octobre 2015, C______ a été engagée pour y travailler en qualité d’apprentie ______.

c. B______ est le frère de la précitée, respectivement le père de E______, né en 2005.

d. Le 7 octobre 2020, A______ a déposé plainte pénale contre C______ et inconnu(s) pour vol, abus de confiance, appropriation illégitime, recel, violation de domicile et toute autre disposition applicable.

Après visionnage des enregistrements des images des caméras de surveillance installées dans son atelier, il avait constaté que C______ avait dérobé – durant deux mois – du matériel sur son lieu de travail, avec l’aide de deux ou trois tiers non identifiés. Ils avaient pris de nombreux cadres – dont des pièces uniques et artisanales –, du verre, du bois, des panneaux en plexiglas ainsi que des outils et du matériel, tels que de la colle et du papier de verre. Il était « possible » que des tableaux et d’autres œuvres d’art confiés par des clients pour des travaux de restauration aient également été volés. Il allait visionner l’intégralité des enregistrements et procéder ultérieurement à un inventaire. Le préjudice s’élevait à plusieurs milliers de francs. À l’appui de sa plainte, il a produit une clé USB contenant des extraits des images de vidéosurveillance.

e. Entendue par la police en qualité de prévenue, C______ a admis avoir pris, sur son lieu de travail, divers matériaux et emprunté une perceuse. Le 6 août 2020, elle était accompagnée de son frère, B______, et avait emporté du plexiglas provenant d’un stock de rebus. Son frère lui en avait demandé pour fabriquer une ouverture dans une chambre de son logement. Le 17 août 2020, elle était avec lui et le propre fils de celui-ci. B______ avait pris des chutes de bois, qu'elle avait coupées pour en faire des étagères. Elle savait qu’elle était filmée et n’avait à aucun moment eu l’intention d’appauvrir son patron ni de voler des pièces qui pouvaient encore être vendues. Elle estimait avoir pris du matériel pour un montant total entre CHF 1'000.- et CHF 3'000.- depuis la fin du mois d’août 2020. Elle a précisé avoir agi seule.

f. Entendu par la police en qualité de prévenu, B______ a expliqué être l'individu visible sur les clichés issus des images de vidéosurveillance datées des 6 et 17 août 2020. Le second individu était son fils, E______, lequel était âgé de 15 ans au moment des faits. Le 6 août 2020, sa sœur, C______, l’avait appelé pour lui expliquer qu’il y avait « des chutes de bois », notamment des plaques pouvant servir à faire des étagères. Elle lui avait demandé si cela l’intéressait. Il s'était donc rendu à l'atelier avec son fils. Sur place, sa sœur lui avait aussi proposé de prendre des chutes de plexiglass. Il avait pris trois ou quatre planches de bois ainsi qu'une ou deux plaques de plexiglas, lesquelles présentaient des défauts. Le 17 août 2020, il avait pris d’autres planches – en bois et en plexiglass – et emprunté deux serre-joints, remis par sa sœur. Il n’avait pas pu restituer ces deux outils car il n’avait pas revu sa sœur avant le départ de celle-ci de l’entreprise. Il avait fabriqué deux étagères et une table de chevet avec le bois ainsi que deux ouvertures dans un mur avec le plexiglas. Il n'était pas conscient d'avoir commis une violation de domicile, dès lors que sa sœur, qui travaillait dans l’atelier, l’avait invité à entrer dans les lieux. Il ne pensait pas non plus commettre de vol dès lors que sa sœur – responsable de l'atelier, à ses yeux – lui avait proposé le matériel en question, qu’il pensait au demeurant être destiné à la déchetterie. Enfin, il s'était rendu dans les locaux uniquement les 6 et 17 août 2020 et n’avait pas idée du coût de ce matériel.

g. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 26 octobre 2021, le Ministère public a informé les parties qu’il entendait rendre une ordonnance pénale pour vol à l’égard de C______ et une ordonnance de classement partiel à l’égard de B______. Il leur a imparti un délai pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuves et solliciter une éventuelle indemnisation.

h. A______ a, le 8 novembre 2021, transmis un disque dur externe contenant l'intégralité des images de vidéosurveillance de l'atelier, du 6 août au 8 octobre 2020. Il a aussi remis deux tableaux Excel, faisant état, pour chacun des jours concernés, de l'heure d'arrivée et de départ de C______, du matériel dérobé ainsi que de l’estimation du préjudice total, soit CHF 10'720.00.-. Il a remis plusieurs captures écran sur lesquelles il a désigné C______ en train d’emporter du matériel « seule ou avec l'aide de complices ». Il a également sollicité divers actes d'instruction, tels que sa propre audition par la police ou le Ministère public, l'audition par la police de toutes les personnes apparaissant sur les images de vidéosurveillance et leur confrontation.

i. Par mandat d’actes d’enquête du 17 novembre 2021, le Ministère public a chargé la police d’examiner le courrier précité – en particulier les images de vidéosurveillance – et de rédiger un rapport. Il a également requis que C______ soit confrontée à ces images, pour identifier les individus y figurant, ainsi qu’au tableau listant le matériel annoncé volé.

j. Par courriel du 23 novembre 2021, la police a informé le Ministère public qu’au vu du nombre considérable de données sur le disque dur sus-évoqué – lequel contenait 1,6 To de données, soit 1'673 vidéos équivalant à 8 smartphones d’une capacité de 128 Go –, et sans aucune information relative à l’horodatage – même en tenant compte du tableau Excel produit –, elle n’avait pas la possibilité de les exploiter. Elle a notamment relevé que la première séquence de la caméra 1 datée du 30 août 2020 – dont la durée était d’environ deux heures –, avait été vue en accéléré sans qu’aucune personne n’y apparût. Il lui semblait opportun que le plaignant fournisse l’intégralité des extraits sur lesquels apparaissaient les personnes incriminées et la transmission – uniquement – des vidéos impliquées avec une indication de l’horodatage.

k. Le 8 février 2022, le Ministère public a rendu une ordonnance pénale contre C______ (OPMP/1099/2022), la déclarant coupable de vol. En substance, il était établi que C______ avait dérobé, au sein de l’atelier dans lequel elle travaillait, à tout le moins entre le 6 août et le 8 octobre 2020, à réitérées reprises, divers objets d’une valeur indéterminée, mais supérieure à CHF 300.-. Cette ordonnance n’a pas été frappée d’opposition.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retenu que si B______ était présent les 6 et 7 août 2020 dans l’atelier, c’est parce qu’il pensait récupérer du matériel destiné à la déchetterie. Aucun élément au dossier ne permettait d’établir qu’il avait connaissance des vols commis par sa sœur – laquelle travaillait dans l’atelier et en qui il avait confiance –, de sorte qu’il n’avait pas participé activement à la réalisation de ces infractions. Ainsi, faute d’intention, les éléments constitutifs de l’infraction de vol n’étaient pas remplis. Il en allait de même pour l’infraction de recel. D’ailleurs, même si tel avait été le cas, l’art. 52 CP aurait trouvé application, sa culpabilité et les conséquences de ses actes pouvant être considérées comme peu importantes. Ces mêmes conclusions s’appliquaient aux autres prétendus complices évoqués par le plaignant, rien ne permettant de contester le fait qu’ils aient pensé récupérer du matériel destiné à la déchetterie.

En ayant bénéficié de l’autorisation de C______ – employée de l’atelier au moment des faits –, B______ avait obtenu l’accord d’un ayant droit pour pénétrer les locaux, de sorte que les éléments constitutifs de l’infraction de violation de domicile n’étaient pas remplis. Cette conclusion s’appliquait également aux autres prétendus complices.

Le Ministère public a refusé les réquisitions de preuve formulées par A______ (la confrontation avec B______, l’audition du fils de celui-ci et la perquisition du domicile), au motif qu’elles n’auraient pas été susceptibles de modifier sa conviction. L'audition de toutes les personnes présentes sur les images de vidéosurveillance était par ailleurs un acte d’instruction déraisonnable et disproportionné au regard des intérêts en jeu.

D. a. À l’appui de son recours, A______ invoque la violation des art. 319 al. 1 CPP cum 139 et 186 CP. Il existait une prévention suffisante, à l’égard de B______ et des autres comparses, de participation aux vols commis par C______, voire de vol. Les inconnus devaient être identifiés par C______, puis confrontés, ainsi que son frère, à celle-ci.

La version de B______, selon laquelle il pensait venir récupérer du matériel destiné à la déchetterie n’était pas crédible. Les planches de bois et les panneaux en plexiglass étaient suffisamment en bon état pour lui permettre de fabriquer deux meubles et deux fenêtres. Il n’était pas non plus crédible lorsqu’il affirmait avoir « emprunté » des outils qu’il n’avait pas pu rendre. De surcroît, il n’était pas dans le cours ordinaire des choses qu’une employée invite des personnes sur son lieu de travail pour s’y promener librement et se servir « comme dans un magasin », ou encore qu’elle puisse emprunter des outils sans autorisation. Le prévenu avait donc parfaitement conscience qu’il n’avait ni le droit de pénétrer dans l’atelier ni celui d’emporter du matériel ou des outils, et le Ministère public ne pouvait classer la procédure à son encontre.

Le Ministère public ne pouvait pas non plus classer la procédure à l’égard des autres personnes apparaissant sur les images de vidéosurveillance, au motif que l’exploitation de celles-ci nécessiterait un travail excessif. Les tableaux Excel permettaient aisément d’interroger C______ afin de connaître l’identité des comparses, les convoquer et les interroger. De plus, le préjudice causé par ces autres participants – estimé à CHF 6'300.- – étant important, cet acte d’instruction n’était pas disproportionné. Les vols commis par ces inconnus avaient eu lieu les 20, 25 et 26 août ainsi que le 28 septembre et le 8 octobre 2020. En particulier, on apercevait sur les captures d’écran qu’un verre neuf, emballé et avec des protections aux angles avait été emporté le 28 septembre 2020 (capture d’écran n°5) et que d’autres grands panneaux « MDF » et un verre de qualité musée avaient été emportés le 20 septembre 2020 (capture d’écran n°3).

Au surplus, le recourant précise que le recours ne porte pas sur le rejet des trois actes d’instruction, désormais inutiles. Il n’attaque pas non plus le classement de la procédure s’agissant des tableaux et œuvres d’art appartenant à ses clients (ch. 2 du dispositif), cette hypothèse ne s’étant « heureusement » pas réalisée.

b. Dans ces observations du 3 mai 2022, le Ministère public se réfère à sa décision et conclut au rejet du recours. Il ressortait des images de vidéosurveillance transmises par le recourant que C______ avait emporté des objets dans l’atelier du recourant, parfois avec l’aide de tiers. Or, les déclarations de B______ selon lesquelles il pensait le faire légitimement étaient crédibles, dès lors que sa sœur – qui était employée du magasin – était, à ses yeux, responsable de l’atelier. Il en allait de même des complices évoqués par le recourant, rien ne permettant d’établir ni même de soupçonner qu’ils étaient au courant du fait que C______ prenait du matériel sans l’accord de son employeur.

Si C______ aurait certes pu être interrogée afin de connaitre l’identité des prétendus complices, l’art. 139 al. 2 CPP dispensait les autorités pénales d’administrer certaines preuves si leur conviction ne pourrait en être modifiée. Tel était le cas en espèce, puisque, d’une part, C______ n’avait jamais impliqué de tiers dans les actes commis et, d’autre part, une telle recherche aurait été déraisonnable et disproportionnée au regard des intérêts en jeu. L’infraction de violation de domicile n’était pas réalisée. Les probabilités d’acquittement apparaissaient ainsi plus vraisemblables qu’une condamnation.

c. Dans sa réplique, le recourant persiste intégralement dans les conclusions de son recours. Il ajoute qu’au vu de la qualité et de la quantité du matériel volé (cadres neufs, grandes plaques de plexiglas, etc.), de la répétition des actes, de la valeur totale de la marchandise dérobée (plus de CHF 10'000.-) et du mode opératoire (en fin de journée et alors qu’aucun employé n’était présent), tout un chacun ne pouvait que se rendre compte que C______ n’était pas autorisée par son employeur, à se servir du stock de son employeur, ce qui était un acte insolite. De plus, B______ et ses comparses ne pouvaient décemment prétendre qu’il aurait été d’accord que l’on vienne voler des outils et du matériel de construction.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Le recourant ne conteste plus, au stade du recours, le classement de la procédure s’agissant des tableaux ou œuvres d’art appartenant à ses clients. Il ne conteste pas non plus le rejet des réquisitions de preuves consistant en sa confrontation avec le prévenu, l’audition du fils de celui-ci et la perquisition du domicile. Ces points n’apparaissant plus litigieux, ils ne seront pas examinés plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 let. a CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d’avoir classé les plaintes pour vol et violation de domicile à l’égard du frère de son employée.

2.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis.

Ces conditions doivent être interprétées à la lumière de la maxime "in dubio pro duriore", qui s'impose tant à l'autorité de poursuite qu'à l'autorité de recours durant l'instruction. Cette maxime exige qu'en cas de doute quant aux faits pertinents ou au droit applicable, le prévenu soit mis en accusation (ATF 138 IV 86 consid 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_874/2017 du 18 avril 2018 consid. 5.1).

Un classement n'est possible que lorsque l'impunité des actes du prévenu paraît claire ou lorsque les conditions à l'action pénale font manifestement défaut. Si un acquittement apparaît aussi probable qu’une condamnation, il s’impose, en principe, en particulier pour les infractions graves, de soutenir l’accusation. S'il appartient au juge du fond de procéder à des constatations de fait, le ministère public et l'instance de recours peuvent également être amenés à constater des faits, pour autant qu'ils paraissent clairs et établis au point qu'en cas de renvoi en jugement le juge du fond ne s'en écarterait pas. Cela vaut également en cas de classement. En vertu de la maxime "in dubio pro duriore", ce n'est que lorsque la situation probatoire n'est pas claire qu'il est interdit au ministère public d'anticiper l'administration des preuves que ferait le juge du fond (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, 2.2.2 et 2.3 = JdT 2017 IV 357).

2.2. L'art. 139 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

2.3. Agit comme complice celui qui prête intentionnellement assistance à l'auteur pour commettre un crime ou un délit (art. 25 CP).

Objectivement, la complicité, qui est une forme de participation accessoire à l'infraction, suppose que le complice ait apporté à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation. La contribution du complice est subordonnée : il facilite et encourage l'infraction. Il n'est pas nécessaire que l'assistance du complice ait été une condition sine qua non de la réalisation de l'infraction. Il suffit qu'elle l'ait favorisée. L'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention ; elle est notamment intellectuelle lorsque celui-ci encourage l'auteur, entretient ou fortifie sa décision de commettre l'infraction (ATF 132 IV 49 consid. 1.1; 128 IV 53 consid. 5f/cc; ATF 121 IV 109 consid. 3a).

Le dol éventuel suffit (ATF 121 IV 109 consid. 3a p. 119 s.). Il suffit que le complice connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit avoir pris la décision de l'acte (ATF 132 IV 49 consid. 1.1 p. 51-52 ; 121 IV 109 consid. 3a p. 119-120).

2.4. Aux termes de l'art. 186 CP, se rend coupable de violation de domicile celui qui, notamment, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, aura pénétré dans une habitation.

La violation de domicile, classée dans les infractions contre la liberté, protège la liberté du domicile en tant que bien juridique. Cette liberté comprend la faculté de régner sur des lieux déterminés sans être troublé et d'y manifester librement sa propre volonté. Seul l'ayant droit a qualité pour agir, soit celui qui a le pouvoir de disposer des lieux que ce soit en vertu d'un droit réel ou personnel ou encore d'un rapport de droit public. Il ne faut donc pas considérer que l'ayant droit est nécessairement le propriétaire; l'ayant droit est la personne qui a la maîtrise des lieux (ATF 118 IV 167 consid. 1c p. 172;112 IV 31 consid. 3 p. 33). À l'inverse, l'extinction du rapport juridique lui conférant la maîtrise effective ne le prive pas de cette protection tant qu'il exerce son pouvoir (ATF 112 IV 31 consid. 3a p. 33).

2.5. En l’espèce, C______ a été condamnée par ordonnance pénale pour les vols commis, à tout le moins, entre les 6 août et 8 octobre 2020.

Il ressort des images de vidéosurveillance que la précitée était accompagnée par son frère B______, les 6 et 17 août 2020. Or, rien ne permet de soupçonner que celui-ci avait conscience – au moment des faits – qu’elle commettait des vols. Contrairement à sa sœur, il n’était pas un professionnel du domaine ______ et n’était a priori pas en mesure d’estimer la valeur exacte du matériel dérobé.

C______ n’a jamais mis en cause son frère et a déclaré avoir agi « seule ». Le prévenu a déjà été entendu par la police et confronté aux clichés issus de la vidéosurveillance, de sorte qu’on ne voit pas quel autre acte d’instruction serait à même d’étayer les soupçons du recourant, étant précisé qu’il a renoncé à ceux précédemment requis et que tout porte à croire que B______ maintiendrait ses déclarations lors d’une audition ultérieure.

S’agissant des outils mentionnés dans l’un des tableaux Excel, pour une valeur estimée à CHF 200.-, si l’on peut douter de l’affirmation de B______ selon laquelle il n’avait pas pu les rendre à sa sœur, il n’y a pas d’intérêt à poursuivre cette éventuelle infraction (art. 137 CP), compte tenu de la valeur des biens.

Au surplus, C______ était une employée – depuis cinq ans – au moment des faits et disposait des clés de l’atelier, ce qui n’est pas contesté par le recourant. Il apparaît ainsi difficile de soutenir que le mis en cause n’aurait pas obtenu l’accord d’un ayant droit avant de pénétrer les locaux.

Il s’ensuit que le Ministère public pouvait valablement considérer que les chances d’un acquittement de B______ pour les faits du 6 et 17 août 2020 étaient bien plus grandes que celles d’une condamnation, ce qui justifiait de renoncer à sa mise en accusation.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas avoir procédé à l’identification des personnes apparaissant sur les images de vidéosurveillance, en particulier celles visibles sur les captures d’écran versées au dossier.

S’agissant de tiers non identifiés ayant participé aux vols commis par C______, on aperçoit sur les captures d’écran produites par le recourant, qu’un homme quitte l’atelier avec un verre emballé avec des protections sur deux angles (le 28 septembre 2020) et un autre homme fait de même avec des panneaux et une boite emballés (le 20 août 2020). En produisant un tableau Excel indiquant l’estimation du prix de chaque objet dont il allègue le vol et l’heure des actes incriminés, le recourant a rendu vraisemblable son préjudice, qui s’élève, s’agissant des actes commis par C______ avec des inconnus, à quelque CHF 6'000.-.

Si on peut déplorer, avec le recourant, que C______ n’ait pas été confrontée aux captures d’écran sus-évoquées, sur lesquelles apparaissent effectivement des tiers non identifiés emportant certains objets emballés (dont on pourrait penser qu’ils ont une certaine valeur), on ne voit pas que l’administration de ces preuves conduirait à une autre conclusion que celle à laquelle parvient l’ordonnance querellée. En effet, C______ a déjà été condamnée pour les vols commis du 6 août au 8 octobre 2020. De plus, il a été retenu supra que les chances d’un acquittement de B______ pour complicité de vol et violation de domicile seraient plus grandes que celles d’une condamnation. Ainsi, même si ces tiers étaient identifiés, les chances d’une condamnation paraissent très faibles, voire improbables. Il n’existe en effet aucun indice permettant de penser qu’ils auraient tenu un rôle principal et ils invoqueraient vraisemblablement, comme B______, avoir ignoré que C______ ne pouvait pas disposer du matériel dérobé, étant précisé qu’ils pourraient aussi être mis au bénéfice de l’erreur sur les faits (art. 13 CP) tant sur la valeur du matériel litigieux que sur le consentement dont ils croyaient, à tort, que C______ disposait.

Le recourant oppose à cette conclusion les principes tirés du bon sens et du cours ordinaire des choses, mais en l’absence de tout indice objectif, l’identification des tiers pour un renvoi en jugement – dont l’issue semble d’emblée, de manière plus probable, conduire à leur acquittement – paraît inutile. C’est ainsi à bon droit que le Ministère public a classé la procédure à l’égard des tiers également.

4.             L’ordonnance querellée sera donc confirmée, par substitution de motifs.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), fixés en totalité à CHF 1’000.-, émolument de décision compris.

6.             Pour le même motif, il ne saurait se voir allouer d'indemnité au sens de l'art. 433 al. 1 CPP, applicable en instance de recours selon l'art. 436 al. 1 CPP.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1’000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil), à B______, à C______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19387/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

895.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00